lundi 19 décembre 2005

Esprit de Noël

Thé , Mythe ou Réalité ?
L'occasion, avant de partir en vacances (retour en Janvier), de mettre un peu de musique joyeuse dans le Pot-Pourri.

Maj : ouais, Mariage Frères produisent les meilleurs thés, mais leur boutique en Flash s'encombre d'identifiants de session qui empèchent bêtement le référencement direct des produits. Donc, "Esprit de Noël", c'est leur thé T921, à la cannelle et "aux épices festives de Noêl", comme ils disent sur le paquet, et c'est ce que nous buvons cette semaine-là dans notre grand rassemblement familial. J'ai changé le lien.

samedi 17 décembre 2005

Tremplin Ensemble InterContemporain (Centre Pompidou - 16 Décembre 2005)

De jeunes compositeurs, nés en 1976, 1975 ou 1973, et un ainé pour terminer la soirée.

Hèctor Parra - Chamber Symphony - Quasikristall

Après un début plutôt varésien (musique en éclats, aigus et graves, faux chaos), une structure complexe se met en place, où chaque instrument navigue à son propre rythme, en un agencement de couches de temps qui se répondent, et parfois se synchronisent, dans des points d'unisson ou de silence. L'accompagnement électronique est admirable, qui agit en prolongement, et sonne véritablement naturel, et non artificiellement apposé comme souvent. Mais parvenir à cette virtuosité d'écriture a peut-être amené à abandonner en cours de route l'étincelle de beauté ou la part d'âme qui aurait donné vie à cet exercice splendide mais un peu vide.

Raphaël Cendo - Masse-Métal

Le projet consiste à s'approcher d'un son électronique saturé, mais uniquement par des solutions instrumentales. De fait, ça fait du bruit ; héritage Scelci Xenakis disons. Chaque interprète doit par moments frapper une mini-cymbale, ou souffler dans un chalumeau, en plus de son instrument normal ; le piano est joué dans la caisse, avec des mailloches ; etc. Mais ce bruit "gris", Cendo le varie en textures, densités et couleurs, et crée des tensions, des énergies, génère des émotions, presque des histoires. C'est brutal, primitif, pas raffiné, mais ça parle et ça gicle. La fin, où la clarinette basse hurle à l'agonie, terrassée par la meute orchestrale qui martèle sa mise à mort, est terrible.

Eivind Buene - Possible Cities

Quatre parties, jouées sans interruption, proposent des climats variés. Des mélodies post-sérielles, des process bien bâtis mais un rien trop évidents, des rythmes compréhensibles mais manquant de mystère, tout ça est très propre, trop. L'instrumentation surtout manque de fantaisie, d'imagination. Les neuf instruments sont cantonnés à leurs domaines habituels et banals. Du coup, pas de surprises, et du coup, pas de charme.

Magnus Lindberg - UR

C'est un classique, maintenant. En concert, la dépense d'énergie est bien sur plus visible que sur CD. Le trio à cordes se déchaîne, survolté et frénétique. Le clarinettiste Jérôme Comte s'agite et ondoie comme un joueur de Jazz Free. Dimitri Vassilakis, par contre, impérial et imperturbable, lance discrètement sur un clavier midi les séquences électroniques (qui, comme beaucoup, ont vieilli ...), puis se lance dans des cavalcades pianistiques avant de remettre en place les poignets de sa chemise.

Mise à jour : J'ajoute dans le Pot-Pourri un peu de musique contemporaine "de jeunes"... Difficile de trouver des compositeurs pas encore trentenaires déjà publiés en CD, du coup je me rattrape avec des quadras, quasi ou pas (respectivement, 1966, 1967, 1964, 1971 et 1961) ; parce que c'est très bien, les quadras.
Et je termine par "UR".

jeudi 15 décembre 2005

Orgie Bach sur BBC3

Certainement inspirée par les multiples radios Bach de Philippe[s], la radio BBC3 entame pour Noël et dès demain un marathon Bach, qu'on peut écouter en flux.

Via Alex Ross, qui nous rappelle les origines et les précédents.

dimanche 11 décembre 2005

Rainbow Symphony Orchestra - Fauré Schumann Borodine (Espace des Blancs-Manteaux - 11 Décembre 2005)

Entre les discussions avec le violoniste annonciateur, et les pauses au buffet "tout à un euro" (même prix que l'an dernier donc, sauf pour, nouveauté, le champaaagne), il y eut de la musique.

Robert Schumann - Symphonie n°4

Premier mouvement dense et énergétique comme du Beethoven (le livret, didactique et bien écrit, me souffle : sa quatrième symphonie ; sans doute, sans doute ...), deuxième qui me traverse sans que je n'en entende rien, troisième dont le scherzo m'est bien connu (j'aime ces concerts du RSO aussi pour ça : la découverte de connaissances ignorées ("unknown knowns" aurait dit le poète), de thèmes classiques qui vivent dans ma mémoire sans que j'en ai conscience), quatrième pris un peu vite, mais gonflé d'énergie et de majesté. Légères impressions de flottements dans les deux derniers mouvements, mais il faut aussi s'habituer à l'accoustique disons spartiate de la salle.

Gabriel Fauré - Pavane

Pizzicati puis nappes des violons, interventions délicates des cuivres et des bois, dans un style qui rappelle la pavane de Ravel, une restriction des effets et une exigence de tenue qui bride à bon escient toute tentative de sentimentalisme trop dégoulinant : l'orchestre s'en tire très bien ! C'est aussi l'occasion de me rendre compte qu'il faudrait que j'achète un peu de Fauré pour ma discothèque, c'est de la belle musique !

Alexandre Borodine - Danses Polovtsiennes

Encore des tubes ! C'est très agréable à écouter, plein d'entrain et de refrains entraînants, même si quelques heures à peine après, j'ai déjà tout oublié. Il faut dire qu'en bis, le chef John Dawkins propose "L'arlésienne" de Bizet, qui est très efficace pour laver le cerveau.

samedi 10 décembre 2005

Odile Duboc - Rien ne laisse présager de l'état de l'eau (Théâtre de la Ville - 9 Décembre 2005)

Comme seul élément de décor, une vaste plaque légèrement relevée dans un coin ; la lumière (de Françoise Michel, également associée, on peut deviner étroitement, à la scénographie) sera le moyen essentiel de varier l'aspect de la scène, ambiante ou concentrée, et essentiellement rouge.
Une dizaine de danseurs et danseuses commenceront par traverser aux pas de course cette zone, dans des arcs plus ou moins directs. Mais où est l'eau du titre ? Une citation de Francis Ponge dans le livret éclaire le projet : "Elle est blanche et brillante, informe et fraîche, passive et obstinée dans son seul vice : la pesanteur...". De fait, des chutes, il y en aura, multiples, molles, élastiques. Les corps sont comme en caoutchouc, s'abandonnant à la pesanteur, mais non vaincus par elle, rebondissants, se relevant toujours par vagues, et opposant une soudaine paradoxale résistance à la pression.
Par moments, tout s'arrête, les corps se figent dans des postures complexes et dignes ; parfois, les courants les dispersent violemment de tous cotés ; on notera aussi le passage répété d'animaux de fonds marins, marchant flottant dans des équilibres peu stables. Pas de spectaculaire, pas de provocation, une ouverture de l'imaginaire à partir des sensations.
Un spectacle qui semblait donc fort intéressant, mais dont je n'ai en fait profité qu'en petite partie ; la fatigue de la fin de semaine, conjuguée à la musique bruitiste et enveloppante de Thomas Jeker, me plonge dans un demi-sommeil, où les mouvements sur scène me semblent parvenir d'un rêve inhabituel.

vendredi 9 décembre 2005

Paris-Carnet 29 (La Passerelle - 7 Décembre 2005)

La liberté de circuler entre les tables me permit de papilloner de groupe en groupe. Ainsi discutai-je un brin avec Ron et Oli, Eolas et Versac, Pascal et Phersu, Guillermito, LeChapô et Bertrand Lemaire, Labosonic et Laurent Gloaguen ; souhaitai-je un bon anniversaire à la Dangereuse, fis-je une bise à Tarquine, échangeai-je quelques mots avec Kozlika, Mel'O'Dye et Lisbeï, saluai-je Sok, Palpatine et Tatou de loin. Qui d'autre ?
On me parla plus de mes radios que de mes billets, ce qui est cohérent avec les statistiques de fréquentations (rapport : 1 à 6 !), et cela me fît bien plaisir.
Aussi rentrai-je l'estomac lesté de deux bières et le coeur léger.

dimanche 4 décembre 2005

Dans la nuit - Louis Sclavis (Cité de la Musique - 3 Décembre 2005)

Dans le cycle "Musique/Cinéma", voici un film muet de 1929, unique long métrage de Charles Vanel, accompagné par la musique composée par Louis Sclavis et jouée en directe par lui et ses compagnons.

Le film "Dans la nuit" raconte un drame social et onirique : un ouvrier, quelques mois après s'être marié, subit un terrible accident de travail qui le défigure ; malgré le masque qui cache ses cicatrices, il révulse désormais sa femme, qui se jette dans les bras d'un autre ; entre mari et amant, qui se retrouvent tous deux portant le masque, l'un tuera l'autre, mais lequel ?
Ce film est étonnant, par son mélange de genres, entre l'évocation réaliste de l'usine, le lyrisme fiévreux du mariage et de la fête, puis le cauchemar de ce couple qui se fait horreur, les atmosphères de plus en plus nocturnes (le mari a du prendre un travail de nuit), et la fin (tout cela n'était qu'un rêve, qu'ils sont bêtes, les rêves !), qui serait un insupportable cliché aujourd'hui, mais en 1929 sans doute pas ; par ses détails insolites, une vieille à la fenêtre, une poule dans la cour, les enfants instigateurs de l'accident, puis dangereux témoins potentiels de la fuite ; par ses inventions formelles, le jeu thématique des masques (portés par des collègues farceurs lors de la nuit de noces, puis elle couvrant par jeu son visage d'une serviette), les positions des caméras parfois acrobatiques dans le manège ou la balançoire, les ombres et les lumières...

Pour accompagner le film, cinq musiciens :
- le plus discret, Vincent Courtois, au violoncelle joué à l'archet ;
- pour tenir le rythme, tout repose donc sur François Merville, aux percussions (pour les épisodes dans l'usine) et marimba (beaux interludes poétiques quand le film s'enfonce dans la nuit) ;
- à l'accordéon, Jean-Louis Matinier propose des plages presque abstraites, atones, statiques, mais plonge aussi dans les flonflons populaires quand il le faut ;
- au violon, Dominique Pifarély ose le tragique virtuose, le sentimental exacerbé, dans des envolées magnifiquement émouvantes ;
- enfin, Louis Sclavis, aux clarinettes et saxophone, navigue entre les divers climats, mélodies populaires, airs de fêtes, ou abstractions plus froides.

Film oblige, ils jouent dos au public, regardant l'écran, et sur partition, très écrite, pour coller aux épisodes. Musique très belle, à l'instrumentarium original, permettant de subtiles variations de couleurs. Musique intelligente aussi, qui met en valeur certains aspects du film, des coupures fines (entre aller à contre-courant d'une foule puis se laisser entraîner par elle ; entre s'étourdir de la fête puis s'y sentir mal), des rappels et des prévisions par le biais de leitmotievs (le masque, par exemple).

Mise à jour : Dans le Pot-Pourri, j'ajoute d'autres exemples de musiques réalisées récemment pour des films muets, le groupe "In The Nursery" qui y consacre sa collection "Optical Music Series", et le groupe "Cinematic Orchestra" pour un autre chef d'oeuvre de 1929, "L'homme à la caméra".

vendredi 2 décembre 2005

Win Vandekeybus - Puur (Théâtre de la Ville - 1 Décembre 2005)

Le décor est d'emblée plus simple que l'an dernier : une forêt de tiges entoure le plateau, un beau mur lépreux le clôt, un gros magnétophone à bandes et un banc l'ornent, et c'est tout. Cela laisse bien de la place aux danseurs ! Une première séquence mystérieuse donne le ton : les danseurs figés sur le pourtour de la piste s'effondrent soudain tous, rampent vers le centre constituer un tas de cadavres, puis se relèvent et se précipitent aux positions de départ ; le cycle répété de mort et de résurrection donne l'idée d'un défilement du temps anormal, inversé même ; la pièce sera morbide et spectaculaire. Mais parmi les autres pièces flamandes qui ont tant fait couler d'encre au dernier festival d'Avignon, Vandekeybus au moins sait manier la mesure, et s'arrêter quand il devient inutile d'aller plus loin.

On a donc une douzaine de danseurs, dans cet espace refuge, rescapés d'une catastrophe indéfinie. Ils courront en cercle souvent, on se croirait chez De Keersmaeker, mais dès que les corps se rapprochent, la violence athlétique de Vandekeybus reprend le dessus : hommes et femmes s'agrippent et se rejettent, se lancent comme des pantins, se balancent les uns les autres des lances (ça renoue avec les briques les oeufs ou les vêtements de spectacles précédents) dont quelques atterriront dans le public (dangereux, au Théâtre de la Ville, les premiers rangs...), joueront à des jeux cruels où les femmes ne seront pas les plus faibles.

Trois séquences vidéo permettent aux danseurs de se reposer un peu (quoique l'action continue pendant la projection), qui dans un défilement temporel heurté, créant une efficace impression de malaise, proche du cauchemar, évoque une assemblée de réfugiés dans un batîment, plein de bébés, d'enfants, d'adultes, de quelques cheffaillons et d'un ou deux illuminés ; le drame couve puis explose, suggestion de viol, de crimes, d'enfants massacrés ou abandonnés dans un désert glacé.

Quelques scènes particulièrement réussies :
- deux hommes dans l'incertitude finissent par tirer au sort qui est le père de l'autre ; mais c'est pour aussitôt se lancer les pires insultes que père et fils puissent s'échanger ;
- des séances de torture, où les victimes secouent les bourreaux, et tous confondus commencent à danser ensemble, danses primitives, appel aux énergies telluriques, aux rituels d'exorcisme, pour tenter de retrouver peut-être un peu d'humanité commune ;
- une femme à la cheville reliée aux autres par des cordes agitées follement, vibrionnante et mouvante figure ;
- le final, où tous de nouveau se frappent sauvagement, et se tuent les uns les autres, jusqu'au vieillard, père de tous, qui tue le dernier de ses fils, et se couvre le visage de poussière de pierre.

Musique adaptée, maîtrise du pathos, le spectacle est une réussite, même s'il est trop long ; deux heures, cela aurait mérité d'être élagué.

Xav de Panopticon a un autre avis. Autres articles (merci Technorati) : par Images de Danse, par Reverso.

mardi 29 novembre 2005

Sur un air d'opéra (spécial dédicace Kozlika)

"Par contre, Saariaho, tu crois ?" m'interroge Kozlika. En fouillant un peu, j'ai trouvé moyen de ripper l'audio d'un DVD. Du coup, je mets dans le Pot-Pourri trois extraits de son opéra "L'Amour de loin".
Comme "Adriana Mater" réunit la même équipe, c'est la meilleure indication que je puisse fournir.

lundi 28 novembre 2005

Ensemble Umkulu (Cité de la Musique - 27 Novembre 2005)

Je n'aime pas dire du mal des gens, mais c'est vrai que Umkulu est un groupe sympathique. Deux blancs en vadrouille se rencontrent en Australie autour de leur fascination pour le didgeridoo, une saxophoniste les accompagne, et un batteur camerounais vient compléter le groupe (avec plus tard un bassiste).
Sympathique, donc. Ils distribuent des feuilles de papier pour qu'en les froissant, le public imite la pluie amazonienne. Ils incitent (sans grand succés jusqu'au rappel, comme souvent dans ce genre de concert où les sièges sont trop confortables) le public à danser, à chanter, à répondre, tout ça. Ils racontent des histoires, veulent nous amener dans un grand voyage dans le pays merveilleux de la musique, tout ça tout ça. Ils remercient l'équipe technique de la Cité, remercient le public si chaleureux, remercient des listes de prénoms à n'en plus finir, tout ça tout ça tout ça.
Bref, et la musique ? La base est bonne : Foé Nkolo Ayida est un batteur aux rythmes rebondissants et dynamiques, excellent percussioniste aussi, et Seb et Yo2 aux didgeridoos savent varier les effets, rythmes et sonorités. Bertrand Foi, à la basse, reste quasiment inaudible, noyé dans les vibrations profondes des didgeridoos ; ses interventions aux tambours sont plus réussies. Enfin, le gros point faible, c'est qu'il manque par-dessus cette base un élément qui permettrait à la musique de vraiment fonctionner : Steph Mibel est sans doute supposée apporter cette touche finale, mais la sonorité anémique de son saxophone, où elle égrène en boucle de pauvres mélodies, ne fait que révéler le manque. Du rap, du Free, il faudrait que ça brule ! (écoutez le "Fire theme" de Coleman sur la radio de Samizdjazz pour comprendre ce qui manque ici).
Globalement, malgré une pointe de frustration énervée, le concert se passe gentiment. Mais un léger remaniement de l'équipe permettrait un tout autre impact. S'ils ne peuvent se passer de la miss, faire intervenir des invités pourrait être une solution.

Mise à jour : Je mets dans le Pot-Pourri un air de didejeridoo ; ou presque.

samedi 26 novembre 2005

Sur un air de danse (quizz musical)

Pour passer le temps ce week-end enneigé, je vous propose dans le Pot-Pourri quelques extraits de musiques chorégraphiques, c'est-à dire écrites spécialement pour accompagner des spectacles de danse contemporaine.
Saurez-vous trouver le noms des compositeurs, et/ou le nom des chorégraphes correspondants ?

Solution

Tentons d'endiguer le déluge de commentaires, et de calmer la fièvre passionnée qui s'est emparée de la blogosphère à l'écoute de ce quizz si stimulant, en donnant les réponses tant attendues.
1) Henry Torgue et Serge Houppin, "Ulysse", pour un spectacle de Jean-Claude Gallotta
2) X-Legged Sally, "Turkish Bath", pour un spectacle de Wim Vandekeybus, que j'avais déjà mis dans cette radioblog à ses débuts, personne ne l'a retenu, je suis déçu déçu déçu
3) Thierry de Mey, "Chaine", également pour un spectacle de Wim Vandekeybus, plus ancien
4) Mikko L. Mikkola, "Syyskuu", pour un spectacle de Carolyn Carlson

Dès demain, reprise du programme habituel.

vendredi 25 novembre 2005

William Forsythe par le Ballet Mariinski (Théâtre du Châtelet - 23 Novembre 2005)

Steptext

Une femme, trois hommes. Beaucoup de possibilités de couples, et toutes seront sans doute essayées. Les corps s'attirent, s'accrochent de multiples manières, tournoient lentement, dans une élégance drastique, et le collant rouge de Diana Vichneva irradie de beauté et de sidération technique.
Mais pourquoi ces scories d'avant-garde ? les lumières de la salle longuement allumées en début et en fin de pièce ; la chaconne de Bach tronçonnée aléatoirement, d'abord en bribes puis en extraits plus longs ; symétriquement, la scène plongée un moment dans le noir ; ne manquait que le recours à du texte !
Du coup, partagé entre émerveillement et exaspération.

The Vertiginous Thrill of Exactitude

Après Bach, Schubert ; le finale de la 9ème symphonie, et donné sans chichi. Là-dessus, deux hommes et trois femmes. Mais aucun contact. Tout le vocabulaire classique est là : tutu stylisé, pointes, entrechats, petits pas, fouettés, positions des pieds et des jambes. Mais avec le zeste d'impertinence qui donne toute sa saveur au plat (soudaines et courtes ruptures de parallélisme ; clins d'oeil à des préoccupations beaucoup plus contemporaines d'occupation de l'espace). Et le tout à toute vitesse, donnant une sensation de tressautement frénétique.
Magnifique machine, néoclassique splendide, même si cela tourne quand même franchement à vide.

In the Middle, Somewhat Elevated

Ils ne sont que neuf, mais par sans doute un subtil gradient de lumière qui laisse l'arrière-plan dans une sorte de flou, ils forment un décor de leur corps, forêt qui bouge, poteaux, idée de labyrinthe. C'est presque tétanisant de beauté, la danse dans son essence même, reconciliant l'âme avec le corps, ses mystères, ses infinis. Stupéfaction devant l'émotion que dégage un dos qui ploie, une épaule qui roule, un bras qui fouille l'espace, les jambes qui jaillissent en compas démesurés.
On sent que William Forsythe, pour ses débuts avec la troupe de ballet du Théâtre Mariinski de Saint-Petersbourg, se nourrit de leur athlétisme sans faille, de leur profonde connaissance de toute la culture classique de la danse, pour commencer à les amener ailleurs. J'ai vu des pièces avec le Frankfurter Ballet où les mouvements étaient encore plus irréels et incroyables de virtuosité, surgissant de n'importe quel point du corps. Mais cette pièce est pile à la frontière des deux mondes, et conjugue magiquement les beautés des deux.
Même si les applaudissements sont presque artificiellement soutenus par le délai mis à rallumer la salle, le triomphe pour ces danseurs (où je salue principalement Irina Golub, hypnotisante de sensualité sublimée) est amplement mérité.

dimanche 20 novembre 2005

Récital Dezsö Ranki (Théâtre de la Ville - 19 Novembre 2005)

Suite à une suggestion de Zvezdo, j'assiste à mon premier concert de musique classique dans cette salle bien connue en danse et théâtre. De grands panneaux de bois coupent la scène et offrent un excellent son, même perché tout en haut, et l'horaire de Samedi 17h est fort agréable. Certains spectacles sont déjà complets, mais je vais surveiller de plus près cette partie de leur programmation !

Franz Josef Haydn - Sonate en ut majeur, H XVI/48

Ecrite en 1789 pour figurer dans le "Musikalisches Pot-Pourri" (!) de l'éditeur Breitkopf, cette oeuvre commence par un andante à la fois largement ouvert et intime, comme un homme se promenant près de l'océan, mais plongé dans ses pensées ; large respiration, mélodie douce, quelques coups de butoir. Le second mouvement presto fait rebondir un court thème dans tous les sens.
Dezsö Ranki utilise à merveille les différentiations d'intensité pour structurer son discours, et le ponctue de soudains silences impressionnants.

Robert Schumann - Davidsbündlertänze

C'est une suite de 18 moments, certains dansants, d'autres moins, aux allures et climats fort divers, joyeux mais graves dans le bonheur, tristes mais courageux dans le malheur, dit dans le texte la préface. J'ai du mal avec le zapping, et à rester attentif. Certains numéros me plaisent (2, 13, 14 il me semble), mais ce n'est pas exactement ma tasse de thé...

Maurice Ravel - Valses nobles et sentimentales

Je ne connaissais que la version orchestrale. En piano solo, elles sonnent moins gras, mais gardent toute leur tenue et leur dignité. Un mets de roi.

Bela Bartok - Mikrokosmos, extraits

Quel incroyable réservoir de musique potentielle ! Si certaines plages ont déjà servi (rythmiques typiques), d'autres semblent n'attendre que l'occasion d'éclore. En l'état, ce sont des miniatures bricolées avec deux ou trois idées, délicieuses de fraicheur et de spontanéité.

Bela Bartok - Sonate

Du Bartok typique, si ce n'est archétypal. Premier mouvement rapide et en force, deuxième lent et verglaçant, et troisième comme un train fou.
Ranki, tout d'élégance distanciée chez Haydn et Schumann, a laissé s'engouffrer dans son jeu une énergie effrénée, qui envahit aussi le Debussy offert en bis.

Pendant la rédaction de ce billet, celui de Zvezdo tombe en ligne ; étrangement, il a plus de détails sur la première partie... Et celui de Simon Corley suit de peu.

Mise à jour: Dans mon "Musikalisches Pot-Pourri" à moi, je mets encore du Bartok, cette fois-ci le premier mouvement du premier concerto pour piano, avec Pollini au clavier ; des études de Ligeti, en héritage de Mikrokosmos ; les 12 notations de Boulez, en reflet des 18 moments de Schumann (comment ça, analogies tirées par les cheveux ? on fait avec ce qu'on a en stock ...) ; et enfin, une "Pavane pour une infante défunte" de Ravel, pour des raisons diverses.

samedi 19 novembre 2005

Marcia Hesse (Théâtre des Abbesses - 18 Novembre 2005)

Pièce de Fabrice Melquiot, mise en scène par Emmanuel Demarcy-Mota. Dans une baraque assaillie par la tempête se réunissent trois générations d'une grande famille, pour fêter le réveillon. Mais dès les formules de bienvenues, les petites piques lancées par habitude, les retrouvailles plus ou moins enjouées, on sent une tension, une fausseté : c'est que Marcia, une des enfants, est morte il y a exactement un an, et que tous essaient de vivre comme avant. C'est de loin la meilleure partie du spectacle. Les non-dits, les dénis, les lapsus, sont occasions de bons mots cruels. Si certaines scènes sont un peu trop poussées (le fils chargé de s'occuper de la vieille mère, qui revient de la tempête, en bottes et caleçon, trempé, christique, pour faire un double coming-out : non seulement il est homosexuel, ce que tous savaient sans le savoir, mais en plus il vient de tomber amoureux d'une femme ; confession entrecoupée d'exquise manière par les grands cris de la dite mère "Je n'entends rien !"), d'autres sonnent justes (colère du beau-frère, secrets échangés et regrettés entre cousins). Les acteurs jouent avec les limites de la caricature, mais cela convient parfaitement pour décrire le jeu de rôle familial où chacun s'accroche à sa place, pour conjurer la crise niée de la mort de Marcia : Michelle Marquais en Tatie Danielle vacharde et meneuse de famille, ses filles Laurence Roy et Evelyne Istria, et leur mari Alain Libolt et Charles Roger Bour, en famille se la jouant aimante et cordiale en niant toute possibilité de problème, le fils gardien Philippe Demarle qui se saoule tranquillement pour supporter sa mère. La jeune génération est moins intéressante, spécialement les filles, moins à l'aise avec le texte, limite récitation.
Le décor est sobre, fonctionnel, et efficace, dans sa division en salles et chambres, dans son plancher en plaques qui glissent et se séparent, creusant "des trous grands comme des tombeaux". Le jeu de lumière permet au fantôme de Marcia d'apparaître et de disparaître derrière des voiles.
Ca se gate lors de la découverte d'un carnet intime de Marcia. Même si cela permet à quelques masques de tomber (la mère de Marcia plonge dans la douleur, sa soeur se blinde dans la volonté de vivre), l'étalage de cette poésie adolescente sans intérêt, de ses récits vaguement morbides de "naufrages", devient vite fastidieux.
Toute la famille finit par s'envelopper de manteaux noirs pour affronter la tempête et le deuil, en procession mortuaire un peu trop évidente. Et la scène finale, un flash-back sur Marcia vivante, retombe dans le banal décevant.

jeudi 17 novembre 2005

Béla Bartok, Budapest Festival orchestra (Cité de la Musique - 15 Novembre 2005)

D'autres compte-rendus sont déjà disponibles chez le Vrai Parisien, chez guillaume, et sur ConcertoNet (qui lui indique bien la présence de deux ensembles de 27 cordes ; content ?).

Musique pour cordes, percussion et célesta

Cela commence mal... Le premier mouvement, tout en tension lentement exacerbée, doit, in fine, loin de s'effondrer tel un soufflet, sublimer dans le mystère. Ce soir, la pâte ne lève pas, le tableau reste morne. Heureusement, l'orchestre se réveille peu à peu, brille particulièrement dans les pizzicati qui couvrent presque le piano, et Ivan Fischer les force à respecter les accents rythmiques avec une précision remarquable. Ca claque joliment sec !
Si la nuit manque aussi de glaciation, voire d'effroi, le dernier mouvement emporte avec entrain. Mais tout cela manque de cohérence ; l'attention est mise sur les détails, agréablement réalisés, au détriment de la ligne générale.

Le prince de bois

Difficile d'oublier que c'est de la musique pour ballet, même s'il s'agit de la suite orchestrale de 1932. Le surtitrage qui explique l'action scène après scène menace de réduire la musique à de la pure illustration, et l'orchestre abonde dans ce sens : caractérisation forte des personnages (flûte ironique, violons désespérés), piquant des décors (forêt frissonante, rivière menaçante), pittoresque des situations (princesse indifférente à son rouet, claudication du pantin), tout est rendu dans un luxe de détails impressionnant, mais trop hollywoodien à mon goût. La matière est riche, noble, opulente, et l'orchestre s'en donne à coeur joie, naviguant visiblement dans son élément, avec des tutti puissants et des soli ciselés, le tout impeccablement mis en place. Il n'empèche qu'on frôle par moments l'indigestion, et qu'on n'échappe pas vraiment à l'anecdotique.

Mise à jour : J'ajoute au Pot-Pourri le premier et le dernier mouvement de la "Musique pour cordes, percussions et célesta", version 1958 par Reiner à Chicago, extraordinairement enregistré par Lewis Layton pour RCA ; plutôt que le "Prince de bois", un extrait du ballet suivant, le "Mandarin Merveilleux", par Boulez à New York ; et enfin, pour revenir à Budapest, une rencontre entre David Murray et le "Gipsy Cimbalom Band" de BALOGH Kalman.

samedi 12 novembre 2005

Emio Greco, Hanspeter Kyburz (Centre Pompidou - 11 Novembre 2005)

Hanspeter Kyburz - Danse aveugle

Autant j'avais aimé cette pièce à la première audition, autant cette seconde me déçoit. L'oeuvre oscille entre le presque silence, marqué de cordes pincées au piano et carressées au viloncelle, et des agitations frénétiques. Rapidement, cela me lasse. Peut-être l'interprétation (Hae-Sun Kang au violon me semble peu concernée, alors que Pierre Strauch au violoncelle excelle ; un nouveau clarinettiste, Jérôme Comte ; une pianiste "supplémentaire") ; sans doute la fatigue.

Hanspeter Kyburz, Emio Greco, Pieter C. Scholten - Double Points: +

En préambule de "Danse aveugle", Emio Greco était venu faire quelques pas, étirements et ronds de jambe, avant de s'éclipser comme en s'excusant. Le voilà de retour sur un plateau bien occupé, avec les musiciens sur les bords et le chef d'orchestre Jean Deroyer dans un coin, et deux gros assemblages de projecteurs suspendus au milieu. Le danseur, armé de capteurs, commande par ses mouvements une partition électronique, qui se superpose aux instruments. Il agite les bras avec maestria, plie et déplie les jambes avec inventivité, se contorsionne impeccablement. Mais la chaleur de la salle, la semi-obscurité de la scène, me plongent dans un demi-sommeil qui ne me permet sans doute pas d'apprécier tous ces efforts à leur juste mesure. La musique me semble répétitive, complexe mais sans charme particulier, concentrée sur tout cet appareillage technologique (musique commandée par le mouvement ; interaction électronique / intrumentale ; jeux de lumière qui doivent eux aussi interagir). Toute cette interactivité finit par sentir le bazar, sans hiérarchisation, et sans transcendance. 45 minutes sans discours suffisament structuré, ça tue. Le reste du public fait un quasi-triomphe.

lundi 7 novembre 2005

Quatuor Arditti (Cité de la Musique - 6 Novembre 2005)

Alban Berg - Suite Lyrique

Grand classique du XXème siècle, cette oeuvre raconte la descente aux enfers d'un amour impossible. La douceur du début ("allegretto gioviale" et "andante amoroso") vole en éclat dès le "allegro misterioso - trio estatico" que les Arditti rendent d'une modernité tranchante, dans un climat fantomatique à couper au couteau. Le deuxième pic émotionnel sera, après le "adagio appassionato", le fiévreux, fou, douloureux "presto delirando - tenebroso", avant le "largo desolato" plus mental et reposé. Voyage psychiatrique, plongée dans les tourments d'une âme qui se brise, l'interprétation des Arditti se situe dans une veine très post-post-romantique (penser "Nuit transfigurée"), tout en se délectant (et nous régalant) des difficultés techniques.

Brian Ferneyhough - Adagissimo

Mise en bouche de même pas deux minutes, cette pièce est constituée d'une couche aigüe insectoïde vrombissante, sur un substrat médian de "vent dans les herbes". Bref mais intense. Mais bref.

Pascal Dusapin - Quatuor à cordes n°2 "Time Zones"

Celui-ci est beaucoup plus difficile d'accès que le dernier en date, entendu hier. Ce sont 24 séquences, certaines partageant des caractéristiques, pour une fuite labyrinthique entre les 24 fuseaux horaires de la planète. L'absence de linéarité, l'aspect éclaté, empèchent de pouvoir pleinement apprécier ce type d'oeuvre à la première écoute.

Mise à jour : J'ajoute quelques quatuors dans le Pot-Pourri (Dutilleux, Ligeti, Ferneyhough, Saariaho). Dans ce dernier, un poème est chuchoté, écrit par Arseniy Tarkovski (père de), et qui dit : "Summer is gone / And might have never been. / In the sunshine it's warm. / But there has to be more."

dimanche 6 novembre 2005

Quatuors Arditti et Prazak (Cité de la Musique - 5 Novembre 2005)

Béla Bartok - Quatuor à cordes n°3 Sz. 85

Ce n'est pas, parmi les 6, le quatuor le plus simple à aimer chez Bartok, et de manière plus générale, je préfère son oeuvre orchestrale à ses pièces de musique de chambre. Néanmoins, il me semble que l'interprétation du quatuor Arditti était spécialement dénuée d'émotion, lecture théorique et sèche ; le fait qu'Irvine Arditti, sans doute enrhumé, sifflait du nez à chaque inspiration, n'aidait pas à la concentration.

Pascal Duspain - Quatuor à cordes n°5

Pascal Dusapin sait parler de ses oeuvres (exercice pourtant fort délicat). Je lui laisse donc la parole, via le livret :
Le quatuor va suivre une ligne (s'il est possible de le dire...), toujours en pente, avec un "quelque-chose" qui incline la musique vers sa propre extinction, sans cesse repris par de nouvelles chicanes rhétoriques elles-mêmes transformées et retransformées par une idée contraire.
Et "ça" avance comme ça...

Placée sous le parrainage évident de Beckett, et plus précisément de "Mercier et Camier" que je ne connais pas, l'oeuvre lutte avec un acharnement désespéré contre le silence qui pourrait menacer, et enchaîne toutes sortes de dispositifs musicaux, pizzicati chaotiques, mélodies déchirantes, homophonies presque statiques ; verbiage accumulé en une lutte bien sur vaine et perdue d'avance, mais que l'art (de Beckett, et de Dusapin) transcende en quelque-chose d'essentiel.
Il faudrait réécouter. Mais il se pourrait bien que ce soit un chef-d'oeuvre.

Alexandre Borodine - Quatuor à cordes n°2

Et maintenant, quelque-chose de totalement différent... Après l'entracte, c'est le quatuor Prazak qui prend place, et pour jouer de la grande musique russe et romantique. L'allegro raconte un amour naissant, plein de promesses et de quelques doutes, sous le regard bienveillant des parents qui se souviennent. Le scherzo ressemble à une rivière rapide à coté de laquelle des gens pique-niquent. Le notturno est une ballade dans la nuit exaltée, ivre d'étoiles inaccessibles et d'amours à réinventer. Le finale est plus complexe, avec des éléments dramatiques, mais se conclut en envol joyeux.
Le quatuor Prazac joue physiquement la partition, particulièrement le premier violon Vaclav Remes, inclinant le buste et le cou, souriant au public, limite faisant des clins d'oeil, on croirait un violoniste de restaurant ; la musicalité en plus, heureusement.
En rappel, ils jouent un quatuor de Haydn, le numéro 20 (mais j'ignore selon quelle nomenclature), de très élégante facture, à la fois majestueuse et enjouée.

samedi 5 novembre 2005

Nothing takes the past away like the future

Suite à la vidéo passablement hot disponible via Ron, j'ai eu envie de mettre mon mix préféré de Madonna dans le Pot-Pourri.

vendredi 4 novembre 2005

Concerti français (Théâtre du Châtelet - 3 Novembre 2005)

Ce concert, que le méchant microbe ne m'aura finalement point fait louper, débute d'originale manière : par un discours de présentation. La dame au micro rappelle que nous fêtons le centenaire de la naissance de Jolivet (ce qui avait déjà motivé cet autre concert) ; que le compositeur, face au rejet scandalisé de son concerto pour piano, avait du faire preuve de pédagogie et en expliquer les tenants et les ressorts lors d'une séance des Jeunesses Musicales de France, qui par vote avait finalement plébiscité l'oeuvre ; que du coup, des jeunes assisteront lors du présent concert à la création d'une oeuvre, dont ils devront rédiger une critique ; et que ces critiques feront l'objet d'un concours, dont les premiers prix seront des CD et des places de concert.
De fait, la salle, fort peu pleine, est d'une moyenne d'âge bien plus basse que d'ordinaire, et même si certains d'entre eux ne savent pas ce que le mot silence signifie, les chuchotis juvéniles ne sont guère plus désagréables que les habituels toussotements trachéiteux et autres ronflements nasaux.

Olivier Messiaen - Les Offrandes oubliées

Cette oeuvre de jeunesse (Messiaen a 22 ans) enchaîne trois mouvements, le déploiement debussyste d'une étole de soie grège légèrement duveteuse, une cavalcade stravinskienne comme il se doit âpre et sauvage, et un retour au calme en des notes longues tendues douloureusement, comme une ébauche de certaines plages de "La Fin du Temps".

Thierry Lancino - Concerto pour violon

Voici l'oeuvre que les jeunes présents devront critiquer. Je les plains. Elle n'est pas spectaculairement inoubliable.
Dès les premières notes, le violon de Isabelle Faust revendique et assume son rôle de supersoliste, dans un équilibre qui rappelle fortement le concerto "A la mémoire d'un ange". Mais si Alban Berg plongeait dans une douleur de plus en plus profonde, la partition ici reste au niveau d'une virtuosité purement athlétique, dans un langage qui, faute de définition et de projet, se permet tout et n'ose rien, bref, qui flotte au milieu de références qui n'aident pas à donner un sens ; à part celui d'être un "concerto pour violon", mais sans situer l'enjeu qu'il y a aujourd'hui à écrire une telle oeuvre. En plus, c'est trop long pour servir de pièce à concours...
Derrière la violoniste, l'Orchestre Philarmonique du Luxembourg, dirigé par Aruturo Tamayo (on leur doit l'intégrale en cours des pièces orchestrales de Xenakis, quatre indispensables volumes chez Timpani), propose des configurations très diverses, certaines originales (par exemple une alliance flûte - basson presque bruitiste - contrebasse heurtée), mais où l'invention rythmique manque de respiration, ce qui donne un aspect monotone au discours.

André Jolivet - Concerto pour piano et orchestre

Voilà une belle pièce de musique ! Jolivet l'avait initialement nommée "Equatoriales", parce qu'il s'inspirait, dixit le livret, respectivement des musiques d'Afrique noire, de celles d'Extrême-orient, et enfin des improvisations chorégraphiques de Polynésie. Du coup, les trois mouvements fourmillent de couleurs et de rythmes, d'inventions et de surprises, d'énergie exubérante et de panache roboratif. Marie-Josèphe Jude survole les difficultés avec une agressivité bartokienne, et l'orchestre brille tout du long.

Arthur Honegger - Symphonie n°1

Aïe. Dès l'intro, ça sent le boursoufflé. L'allegro du premier mouvement est une locomotive qui fonce sans rien regarder autour d'elle, ça roule vite, ça fait beaucoup de bruit, mais pas grand-chose de plus. Le second mouvement joue la carte du mystère et du nocturne, mais en accumulant les poncifs jusqu'à l'ennui. Le troisième mouvement, presto, s'en sort mieux, enfin une machinerie rythmique intéressante, mais l'accumulation de strates empilées méthodiquement et consciensieusement confine rapidement de nouveau à l'étouffement. J'ai déjà entendu plus pompier, mais on n'en est pas loin.

Autre critique disponible sur ConcertoNet.

jeudi 3 novembre 2005

Paris Carnet 28 (Hall’s Beer - 2 Novembre 2005)

Après deux Paris Carnets estivaux passés à la Passerelle, puis deux loupés, j'arrive bien à l'avance au fond du pub d'abord presque vide (seul Lunar est là), mais qui devient beaucoup trop rapidement absolument invivable. Fumée, bruit, chaleur, impossible de se déplacer, impossible de discuter sans quasiment hurler, impossible de fuir, l'horreur (pas de name-dropping ; la blogosphère se regarde suffisament le nombril).
La seconde mi-temps fut heureusement un régal incomparablement plus agréable, pleine de souvenirs télévisuels autour d'un repas d'une admirable honnêteté. Ce qui ne m'empêchât pas de prendre froid. J'espère être suffisament rétabli ce soir pour assister au concert de musique française au Châtelet, avec Marie-Josèphe Jude, sinon ce sera officiellement mon premier concert non vu depuis la création de ce blog !
En tous cas, une chose est claire : mon envie de Paris-Carnet ne résistera pas à ma haine des pubs. Vous pouvez me ranger dans la liste des vrais vieux cons.

lundi 31 octobre 2005

Richard Wagner - Die Walküre (Théâtre du Châtelet - 30 Octobre 2005)

Comme précédemment (ceci est la première journée, mais l'épisode 2 ; les ambiguïtés de numérotation ne datent pas de Star Wars !), j'arrive après tout le monde. Que cela ne m'empêche pas d'en dire juste un mot !

Acte I (cet acte, je l'avais vu l'an dernier en version de concert, et cela avait validé mon envie de voir l'intégrale dès que possible, sans que je puisse me douter que ce serait si tôt).
Ca commence par un orage, que l'on devrait deviner glacé, trempant jusqu'aux os le malheureux Siegmund blessé et en fuite. Malheureusement, les choix orchestraux de Christoph Eschenbach touchent ici leur limite, et le déluge devient presque un orage d'été, passager et bienvenu, rien de bien méchant. Et lors de la rencontre avec Sieglinde, c'est Wilson qui joue trop petit bras. Le sommet de la passion amoureuse représenté par des mains échangeant un peu de vide au ralenti (non, pas de corne remplie de boisson, omniprésente dans le texte ; cela serait trivial), ça n'aide pas à se sentir vraiment concerné ! Heureusement, survient Hunding, qui fait son grand numéro de monstre verdâtre. Ca aide temporairement à rester éveillé, surtout que la voix de Stephen Milling est plus impressionnante que celles des tourtereaux, Peter Seiffert et Petra-Maria Schnitzer.
Ah, Sieglinde, elle a connu bien des malheurs ! Chez les Hunding, on est plutôt du genre à se bourrer la gueule à la bière tiède sur des airs d'accordéon rance avant de rentrer baiser bobonne, alors ce bel inconnu blessé, quel émoi ! Ils se racontent un peu leur vie, puis il s'excite sur le printemps qui arrive, sur les oiseaux les papillons tout ça tout ça, et finit quand même par dégainer son glaive avant de sauter sur sa soeur (dire que j'ai, à une époque, apprécié le thème de Nothung ; le ridicule ne tue pas, ouf !).

Acte II. Beau décor de haute montagne, nu, désolé, entre mont Olympe et plateau du Népal, à mi-chemin entre terre et ciel, entre humains et dieux, avec un grand cadre d'horizon, où passent toutes les couleurs du spectre, argenté, doré, bronzé, cuivré, bleus intenses, noir profond. D'abord, la scène de ménage. Ah, le grand retour de Fricka ! J'aime toujours autant la voix de Mihoko Fujimura ! Elle tourne autour de sa proie de mari, qui essaie de justifier l'injustifiable avec de bien piètres arguments ("Ils sont frère et soeur, mais puisqu'ils s'aiment, y a pas de mal à ça !", ou "OK, c'est pas bien, mais j'en ai besoin !"), qu'elle déchiquette d'une belle rhétorique contractuelle. Cerné, transformé en ombre de lui-même, en fantôme à peine bleuté, Wotan, sa bonne humeur initiale définitivement enterrée, se rend dans de lugubres lamentations aux évidences de sa femme (le désespoir de Wotan, mon leitmotive préféré). Comme quoi on peut avoir l'air redoutable d'un pirate des Mers du Sud croisé haut potentat mandarin, et posséder une volonté faite du même métal que la plasticine de Wallace et Gromit. Excellente mise en scène, grand moment.
Mais sur la distance, la voix de Jukka Rasilainen accuse un manque d'émotion dommageable. Ce qui alourdit quelque peu son grand monologue explicatif adressé à sa fille Brünnhilde, à moitié allongés cote à cote sur des dalles de pierre : gisants sur des tombes ? ou divans d'analyse ?
Après quelques péripéties annexes, le grand duel : Siegmund vs Hunding ; avec Brünnhilde protégeant, la traîtresse, son demi-frère, et Wotan obligé de se salir dans les basses besognes. Mise en scène rigoureusement incompréhensible pour qui ne sait pas ce qui se passe. Pour une fois qu'il y a de l'action ! Bref, Siegmund est tué, l'épée magique est brisée, Sieglinde et Brünnhilde s'enfuient avec.

Acte III. Ca y est, les Walkyries débarquent ! Dans leur tenue triple épaisseur, elles sont un tantinet moins sexy que les amazones de Barbarella, et leur ballet aléatoire entre promontoires escamotables est un peu déconcertant. Mais la grande scène, c'est la défense invraisemblable de Brünnhilde : non non, elle n'a pas désobéi aux ordres, elle a simplement suivi ceux qu'il n'avait pas osé, pas pu, pas voulu donner ! Et ça marche, il y croit ! Un grand moment de Plasticine-Wotan ! La walkyrie célèbre sa victoire en imitant le jeu de mains de sa belle-mère, se mirant tête renversée dans sa paire de gants. Comme j'ai du mal à suivre la voix de Linda Watson, qui m'indiffère, je déguste les métamorphoses de l'orchestre, et attend l'arrivée du feu. Musicalement splendide, mais un peu décevant, scéniquement : ils préparent un barbecue ou quoi ?

Et voilà, épisode suivant en Février. J'avais dit : juste un mot, en fait, j'en ai mis dix.

Bill Frisell transcrit John Lennon (Cité de la Musique - 29 Octobre 2005)

Je n'aime pas les Beatles, je ne connais pas grand-chose à l'oeuvre solo de John Lennon, la guitare est loin d'être mon instrument préféré, et le format "chanson" en général m'ennuie. Que fais-je donc à ce concert, où un guitariste transcrit des chansons de John Lennon ? Parce que Bill Frisell. Guitariste éclectique dans ses projets, accompagnant un trio à cordes ici, un bidouilleur électronique là, éclectique dans son style, gorgé de blues traditionnel ici, frolant le contemporain répétitif là, et pourtant toujours très reconnaissable, un son un peu liquide, muté par le biais de multiples pédales d'effet.
Ce soir, il est accompagné de la violoniste Jenny Scheinman, et de Greg Leisz, qui alterne entre guitare accoustique "normale" et dobro (appelée aussi guitare hawaïenne). Le son d'un tel trio sonne irrémédiablement Bluegrass Folk Country, et la première heure ressemble à une paisible randonnée dans les collines vallonnées d'une Amérique verdoyante. Très regroupés au centre de la scène, les trois musiciens jouent avec partition, dans une chaleureuse intimité, se confinent dans des tempi moyens et des orchestrations tranquilles. Les thèmes originaux de Lennon disparaissent quelque peu dans ce traitement, même "Please Please Me", post-annoncé par Frisell lors d'une intervention au micro touchante de timidité embarrassée, devient peu reconnaissable !
Au bout d'une heure, ça s'épice un peu. Les premiers vrais soli apparaissent, enchevêtrant le lyrisme de Jenny Scheinman (qui transcrit principalement les lignes vocales) et le bruitisme de Bill Frisell (Greg Leisz restera tout le concert en arrière-plan, d'une discrétion rarement mise en défaut). Et quelques chansons font de la résistance, se laissent moins facilement plier :
- "Come Together" est une des belles réussites du concert (ça tombe bien, c'est une de mes chansons préférées des Beatles !), où l'alternance des climats et le sentiment d'oppression angoissante sont bien rendus
- à l'inverse, "Lucy in the Sky with Diamonds" est franchement raté...
Nombreux sont les spectateurs qui quittent peu à peu la salle, déçus ou déroutés... Mais de nombreux vivas poussent à trois courts rappels, le second terminé par un "Give Peace a Chance" saturé, presque aussi sale (mais moins flamboyant...) qu'un "Star Splangled Banner" Hendricksien, qui aurait pu avantageusement finir le concert. Ils reviendront, alors que beaucoup rassemblent leurs affaires pour partir, jouer un "Revolution", qui flottera dans les oreilles lors du retour at home !

Concert assez atypique, donc, pas vraiment passionnant, ni désagréable, plutôt tranquille et confortable, qui aura mis bien du temps à s'échauffer ! Peut-être n'est-ce que le début d'une tournée, ou une rencontre uniquement pour cette soirée, l'empathie entre les musiciens ne s'installant que lentement !

vendredi 28 octobre 2005

Radio Pot-Pourri : Hommage à Rosa Lee Parks

Suite à ce billet de Samizdjazz, j'ai eu envie de mettre quelques morceaux libertaires dans le Pot-Pourri :
- Albert Ayler célèbre la Vérité en marche
- Charles Mingus conspue le gouverneur Faubus, dans une version concert un peu plus longue que la version studio proposée par Samizdjazz
- l'Art Ensemble of Chicago expérimente la Liberté

Trois morceaux, une heure de chaos plus ou moins maîtrisé, pour un combat qui continue.

lundi 24 octobre 2005

Richard Wagner - Das Rheingold (Théâtre du Châtelet - 23 Octobre 2005)

Certains en ont déjà parlé. Qu'ajouter ? De l'anecdotique personnalisé !

Etrange emplacement dans la salle : à l'extrême bout de la corbeille gauche, quasiment au-dessus de l'orchestre, ce qui particularise le cheminement du son de chaque pupitre : les cuivres attaquent en pleine ligne droite, les cordes flottent dans tout l'espace, la harpe par quelque étrange phénomène semble parvenir des rangs juste supérieurs ; une fois la surprise passée, ce n'est pas désagréable, l'orchestre passe par un prisme qui permet d'analyser le son plus simplement. Vue correctement dégagée sur la scène (léger angle mort), et luxe à peine croyable, beaucoup de place pour les jambes !

Formidable orchestration, alliages sonores en constantes évolutions, couleurs splendides. Je ne connais le cycle que par le DVD Boulez/Chéreau et par des émissions de radio. Entrer soudain dans cette pâte sonore, y repérer ça et là des leitmotives, et se laisser aller au fil de l'eau, est un bonheur. Christoph Eschenbach prouve haut la main la validité de son parti-pris de sobriété, transparences et luminosités ; et l'Orchestre de Paris tient le choc, sans férir.

Les voix, peu mon domaine. Divers articles froncent le nez sur Wotan/Jukka Rasilainen, qui ne m'a pas géné (peut-être des problèmes particuliers lors de la première ?). Alberich/Sergei Leiferkus rate sa première imprécation ("je renonce à l'amour"), mais réussit brillament la seconde (la malédiction à tiroirs de l'anneau). Loge/David Kuebler possède une présence scénique extraordinaire (je le verrais bien en Aaron). Coté féminin, j'aime beaucoup la voix de Fricka/Mihoko Fujimura, claire et naturelle, et celle de Erda/Qui Lin Zhang, profonde et vibrante.

La mise en scène est finalement beaucoup plus vivante que ce que je craignais. Les filles du Rhin ondulent, vont et viennent, frétillent presque, de jolie manière. En fait, à chaque personnage sont associées quelques gestuelles, une sorte de reflet des leitmotives. Les jeux de lance de Wotan sont attendus, les ondoiements des ondines coulent de source ; les jeux de miroir entre Fricka et Freia mettent sans doute l'accent sur leur lien de sang. La scène n'est jamais vraiment nue, ne serait-ce que par la lumière, très travaillée (à elle seule de représenter l'Or). Certains artifices se revendiquent tels, comme la grenouille. Et les moments ridicules sont peu nombreux (principalement les enfants Nibelungen, Ewoks en tenue de Playmobil Moyen-âge).

Devant cet orchestre peu ronflant, les chanteurs peuvent presque chuchoter, ce qui leur permet d'explicites apartés. Dans une atmosphère soudain pleine de brume, un géant glisse à l'oreille de l'autre que ce n'est pas Freia qui l'intéresse, c'est les pommes qui comptent ; et le choix "Freia ou l'Or" n'est plus un choix entre amour et argent, mais un calcul pour déterminer l'ennemi le plus à craindre entre dieux et nains. Une histoire de pouvoir, avant tout. Ca, je l'avais oublié !

Suite dimanche prochain.

vendredi 21 octobre 2005

Radio-Jazz : dixième heure

Comme annoncé, cette dixième heure de la Radio Jazz tourne autour de la figure tutélaire de John Coltrane. D'abord ses années de compagnonnage, avec des maîtres formateurs comme Thelonious Monk ou Miles Davis, ou des rencontres plus circonstancielles comme Cecil Taylor ou Duke Ellington. Puis quelques bribes d'héritage, le thème "My Favorite Things" qu'il a tant marqué de son empreinte, et ses propres standards, repris par quelques souffleurs illustres.
Bonne écoute !

lundi 17 octobre 2005

Akram Khan, Sidi Larbi Cherkaoui - Zero degrees (Théâtre de la Ville - 16 Octobre 2005)

Dans un décor quasi nu (des toiles closent l'espace, le fond par moment transparent laissera voir les musiciens) et presque vide (des mannequins créés par Antony Gormley, clones des deux danseurs, serviront de refuges, de golems, de punching-balls), Khan et Cherkaoui s'avancent, s'assoient, parlent en duo au synchronisme stupéfiant. Ils racontent une histoire survenue à Kahn lors du passage d'une frontière, entre Bangladesh et Inde, une confrontation avec des gardes aux yeux morts et porteurs de mort, puis avec un vrai mort dans un wagon de train. Incompréhension, impuissance, l'expérience fut traumatisante. Le récit, livré par salves, sert de séparateur aux parties dansées.
Les deux danseurs ont mis dans un pot commun leurs vocabulaires, sans souci de hiérarchisation ou d'opposition. Pas de dualité tradtion/modernité, ou orient/occident, etc. Les gestes issus du kathak, du théâtre dansé, des arts martiaux, sont mélangés remixés et redistribués, à chaque corps de réinterpréter sa donne. Voir les deux virtuoses lancer les mêmes gestes, chacun à sa manière, dans un parallélisme sans cesse faussé, est fascinant : ils n'ont pas la même conception du rythme, du mouvement, de la façon de créer de l'énergie ou d'y répondre. A Khan la vitesse d'exécution effarante, l'espace déchiré par la main ou la jambe, le tempo suivi à la milliseconde. A Cherkaoui les équilibres improbables, les contorsions invraissemblables, le tempo souple et fluctuant.
Entre les deux corps, toute une gamme d'attitudes, subordonnées au récit : soumission subie ou acceptée, passages entre violence et jeu, indifférence, plus de refus que de désir.
La musique, jouée en direct par un chanteur, une violoniste, un contrebassiste très amplifié et un percussionniste, a été composée pour l'occasion par Nitin Sawhney, et fonctionne particulièrement bien pour la danse.
La salle, complètement pleine, voire un peu plus, réserve un beau tonnerre d'applaudissements pour cette oeuvre qui refuse de n'être que spectaculaire (les tableaux finaux sont vraiment post-climax, douloureux et un peu tristes, là où ils auraient pu bluffer par de nouvelles pirouettes étonnantes).

dimanche 16 octobre 2005

Posadas / Murail / Grisey (Cité de la Musique - 15 Octobre 2005)

Alberto Posadas - Oscuro abismo de llanto y de ternura

Ce jeune compositeur espagnol (il a mon age !) parle beaucoup de fractals, mais cela ne s'entend pas vraiment, car ils servent essentiellement à fabriquer les textures orchestrales, et ne semblent pas commander les mélodies ou les structures de l'oeuvre. Le livret indique trois matériaux principaux : un "son noir", tellurique et grave ; un choral de vent, aigu et liquide ; des cordes en mouvement brownien, gazeux et médian. Echange, passage de l'un à l'autre, etc. Pour l'instant, je trouve de fortes similitudes avec certaines pièces de Scelsi, dans la manière de travailler des blocs sonores de l'intérieur, en y fondant les instruments jusqu'à ce qu'on ne puisse les reconnaître, et créant des sonorités comme des forces primaires, élémentales (la terre, l'eau, le vent). Le langage reste à décanter ("Abîme obscur de pleurs et de tendresse" programme un brin trop ambitieux), mais certains passages sont déjà très réussis. Compositeur à suivre.

Tristan Murail - Désintégrations

C'est une oeuvre emblématique de la musique spectrale. Le travail sur bande magnétique est admirable : bien des oeuvres fusionnant bande et instruments réels vieillissent mal, le son électronique étalant sa technique sans émotion ajoutée ; ici, cela reste discret, souvent peu détectable, sauf parfois où sa mise en avant est vraiment justifiée par la structure musicale (surpassement et prolongation du piano vers l'aigu, par exemple). Mais la pièce reste théorique. Ecrite il y a plus de 20 ans, on continue d'y sentir la volonté d'établir un langage, de marquer un territoire stylistique, de prouver la validité de la démarche. Parfois, de l'émotion surgie, mais comme par inadvertance, pas comme but. L'écoute est agréable, mais il y manque quelque-chose ...

Gérard Grisey - Quatre Chants pour franchir le Seuil

15 ans plus tard, Grisey écrit cette oeuvre en méditation sur la mort, avant de disparaître à son tour. L'aspect "spectral" est totalement digéré, il s'agit de musique, simplement. Les chants sont très différents les uns des autres. "La mort de l'ange", le ressassement névrotique d'une mélodie ressérrée, ponctuée des cris de la soprano. "La mort de la civilisation", mon préféré sur le CD, une scansion minimaliste à la harpe, à la contrebasse et au violoncelle, à peine habillée de percussions ; mais Pierre-André Valade ralentit trop le tempo, et la soprano Sylvia Nopper n'articule pas suffisament, ce qui amoindrit l'impact émotionnel. "La mort de la voix", une charge d'énergie qui retombe peu à peu dans un marécage. Enfin, le plus impressionnant ce soir, "La mort de l'humanité", où surgit un monstre, d'abord seule ossature rythmique proliférante, qui récupère sa chair dans un chaos de trompes et de cris, puis se fige dans des vrombissements ; remplacé in extremis par une berceuse post-apocalypse, qui reprend le premier chant, mais avec une vraie ligne mélodique.
Sinon, c'était mon premier concert de l'année avec l'Ensemble InterContemporain, content de les revoir ; j'ai cru à l'arrivée d'une nouvelle pianiste, Tamaki Niga (belles interventions dans "Désintégrations"), mais elle était juste en "musicenne supplémentaire".

Mise à jour : Dans le Pot-Pourri, j'ajoute le premier mouvement de "Aion" de Scelsi que ma mémoire évoquait pour Posadas, "l'esprit des dunes" de Murail plus ouvertement poétique que "Désintégrations", et l'énumération ô combien funèbre de sarcophages égyptens du moyen empire, par Grisey.

vendredi 14 octobre 2005

Richard Wagner / Gustav Mahler (Cité de la Musique - 12 Octobre 2005)

Richard Wagner - Prélude et Mort d'Isolde

Dès l'accord fondateur, l'orchestre national de Lille installe sa très belle sonorité. Ce qui frappe surtout, c'est sa limpidité, la transparence même lorsque la texture s'épaissit, la lisibilité parfaite et constante. Le prélude est splendide, gorgé d'émotions ; certaine montée vers l'apex, soutenue de roulement de timbale, me met au bord des larmes. La mort d'Isolde est juste un peu moins exaltante : les cordes trop en avant ici, quelques instruments pas tout à fait en place là. Défauts mineurs, moment de grand bonheur.

Gustav Mahler - Le Chant de la Terre

Sans entracte, viennent encadrer Jean-Claude Casadesus le ténor Donald Litaker, et la mezzo-soprano Birgit Remmert. Saisissant contrastes entre les deux chanteurs : lui, tel un torrent rempli de rocailles, surjoue l'exaltation désespérée, ponctue son texte d'articulations proéminentes, change soudain de densité ou de volume, hallucine la moitié du temps ; elle, brise au-dessus du lac, intériorise la douleur pour mieux la polir, fragilité qui impose le respect, dame de verre au regard perdu dans sa mélancolie, voix posée pas si loin de l'abîme.
L'orchestre dirigé par un Casadesus nerveux et impératif, brille principalement dans les moments "musique de chambre", avec de merveilleuses interventions à la flûte ou à la clarinette, des alliages sonores surprenant mais réussis dans les tintements aigus, dans les harpes, dans les coups de butoir des contrebasses. Dans le début du "Solitaire en automne", c'est la ritournelle des violons qui me bouleverse. L'épanouissement sonore à la fin de "L'adieu" arrive comme une surprise : quoi, déjà fini ?
Lecture moins impressionnante que l'an dernier, plus impressioniste. Retour en bus près du chauffeur, Paris la nuit nimbé de mélodies mordorées. Autre avis chez Patrick Antoine.

Mise à jour : J'ajoute dans le Pot-Pourri un Rückert-Lied, et un Wesendonck-Lied (que de voix ! que de voix !).

jeudi 6 octobre 2005

Claude Vivier (Cité de la Musique - 5 Octobre 2005)

Préambule historique

Il y a presque 10 ans, le Festival d'Automne programmait un concert Claude Vivier à la Cité de la Musique. La scène s'étalait sur tout un des grands cotés de la salle, le public regroupé en quelques larges rangées, les spectateurs moins noyés dans l'habituelle masse rassurante, affrontant quasi seul à seul la musique. Les pièces, aux effectifs divers, s'enchaînaient presque sans interruption, chaque groupe de musicien prenant place à son tour dans un coin de cette scène étirée. Concert qui me bouleversa, pour tout dire m'ébranla comme rarement, l'impression d'être aspiré par la musique vers un autre moi-même que je n'avais pas forcément envie de connaître, et sensation de lutte pour ne pas glisser le long de cette dangereuse ligne de fuite (oserais-je dire : au sens deleuzien du terme ?).
Musique puissante, donc, et rare, d'un auteur qui avait tout pour devenir une légende (québecquois homosexuel, expulsé de ses études de prêtre, seconde naissance dans la musique, assassiné à Paris à l'age de 35 ans), peu de disques, rapidement épuisés. A part pour l'instant un dique vocal, par l'ensemble "Les Jeunes Solistes", qui est justement la vedette du concert de ce soir.

Chants

En front de scène, trois chanteuses, représentant des veuves. Derrière le public, invisibles, trois autres, leurs ombres. En fond de scène, une septième, ponctuant la pièce de grands coups de percussions, et prenant soudain la parole en vociférant, qui représente le compositeur. La musique me semble proche de celle de Berio : rhythmiques superposées, techniques vocales diversifiées, de la psalmodie figée à la récitation précipitée, du parler bébé au cri. Mais contrairement au concert passé, cela me laisse quasiment de marbre. Les petites percussions que tapotent les trois chanteuses principales, certains éléments du texte, l'utilisation très peu convaincante de la spatialisation, le disparate trop travaillé des effets vocaux, beaucoup de cela me semble artificiel. Le fait est que la voix me parle rarement. Les sept chanteuses sont excellentes, mais l'émotion est absente.

Journal

C'est un peu la même chose, mais en plus grand. Le choeur est au complet, avec quatre solistes devant, et un percussioniste derrière. Celui-ci reste discret, et régulièrement frappe une cloche, qui provoque une inclinaison du buste des choristes et/ou de certains solistes, théâtralisme un peu vain. La pièce est divisée en quatre parties, "Enfance, "Amour", "Mort", "Après la mort", dont les plus intéressantes sont les 2 et 4. Mais de nombreuses longueurs et des répétitions me font perdre le fil, et je m'ennuie un peu, tranquillement, mais quand même.
Ce ne sera donc pas par ce disque que j'attaquerai la discographie de ce compositeur.

Mise à jour : J'ajoute dans le Pot-Pourri un peu de voix, un extrait de la Sinfonia de Berio consacré à Martin Luther King, un passage de Coro où se succèdent maints traitements vocaux, et juste pour le plaisir un morceau purement instrumental de Pierre Boulez, "Dérive 1".

mardi 4 octobre 2005

Vingt-trois - Cinq

Finalement, j'y ai (presque) droit.

Mais comme je ne vois vraiment pas l'intérêt de cette chaîne (les archives des blogues sont libres d'accès, et chacun peut y fouiller à son gré pour y trouver ça et y lire "Malheureusement, Mathilde Monnier ne sait pas être suffisament radicale pour abandonner toute radicalité" ; à tout prendre, la phrase suivante était mieux),

je vous propose plutôt de trouver d'où viennent ces extraits intimement liés à du 23-5 :

A) Poissons enfilés par les ouïes / Faveurs par les dames du palais / Rien qui ne soit profitable

B) Tu dresses devant moi une table en face de mes ennemis ; tu répands l'huile sur ma tête ; ma coupe est débordante.

C) La langoureuse Asie et la brûlante Afrique

D) Quelle aberration - pardonner à son ennemi, tendre à ses gifles et à ses crachats toutes les joues inventées par une pudeur ridicule, alors que nos instincts nous incitent à l'écraser comme une bête puante !

E) Le choeur arbitre : "Immondices ! Immondices ! Séance tenante il fallait se décider à décoller. Au cocon, la nuit de la rédemption a paru odieuse et bouffonne !"

Y a rien à gagner. Vous avez donc intérêt à répondre vite.

Je vous propose d'utiliser Google-fr pour chercher "Poissons enfilés par les ouïes". Sa suggestion de correction orthographique est intéressante...

Solutions :

A) "Yi Jing, le livre des changements" Cyrille J.-D. Javary, Pierre Faure
Hexagramme 23 "Usure", trait 5

B) "La Sainte Bible" L'abbé A. Crampon
Psaume 23, verset 5

C) "Les Fleurs du Mal" Baudelaire
Poème XXIII "La Chevelure", vers 5

D) "Le Bréviaire des Vaincus" Cioran
Chapitre 23, phrase 5

E) "Moulin Premier" René Char (recueil "Le Marteau sans Maître")
Texte 23, paragraphe 5

Dès demain, retour au programme musical habituel.

lundi 3 octobre 2005

Liszt - Messiaen (Cité de la Musique - 2 Octobre 2005)

Franz Liszt - Dante-Symphonie

Après leur pitoyable prestation de l'an dernier, revoir l'Orchestre National de Lyon me faisait un peu peur. Heureusement, ce concert fut bien meilleur. Même si le choix de cette symphonie un brin poussive ne s'avéra pas exaltant...
Au-dessus d'un épais tapis de cordes, les bois font flotter de mignonnes mélodies, accompagnés d'une harpe joliment vivace. Tout ceci est assez agréable, très bien tenu par le chef d'orchestre Jun Märkl, mais 45 minutes, franchement, c'est long. L'arrivée du choeur de femmes de Radio France est un soulagement, une arrivée d'air frais qui offre enfin un vrai beau moment de musique ("enfer", "purgatoire", une certaine lourdeur est certainement assumée par l'auteur ; mais en matière de "musique terrible", le XXème siècle saura faire plus efficace ; le "ricanement blasphématoire" de la fin du premier mouvement m'a peu touché, disons...).

Olivier Messiaen - Et expecto resurrectionem mortuorum

Les bois et les cuivres alignés en quelques rangées rigoureusement rectilignes me masquent en partie les percussions métalliques, qui débordent quand même de part et d'autre. Cette partition, que je connais par un disque dirigé par Boulez, perd ici en hiératisme monumental et gagne en détails hédonistes. Mini-séquences assemblées en mouvements sans "grand plan" unificateur, déploiement somptueux des couleurs d'accord, avec les sonorités mystérieuses des percussions, rhythmes simples, lents, ponctués des surgissements proprement étourdissants des gongs (les musiciens voisins sont heureusement munis de protège-tympans...), cette lecture de l'oeuvre me semble plus orientée vers les caractéristiques générales de la musique de Messiaen, que vers les particularités propres à cette pièce-ci. La gravité du thème (nous sommes dans le cycle des "Requiems", tout de même !) se perd quelque peu dans les réminiscences des chants d'oiseaux ! Ce qui n'empèche pas le plaisir...

Mise à jour : Dans le Pot-Pourri, j'ajoute un extrait de "Et Exspecto", suivi d'un de la "Turangalila-Symphonie", qui n'est finalement pas si éloignée, et je termine par du Ferneyhough, qui aurait bien convenu à la thématique "Requiems" ; et laisser ma radio sans Ferneyhough, ça ne pouvait pas durer...

vendredi 30 septembre 2005

Coucous radioblogués

Double constat :
- il commence à y avoir un peu trop de Jazz dans la radio Pot-Pourri, un rééquilibrage serait le bienvenu
- comme souvent, des billets de blogues voisins me parlent de musique, et me donnent envie de ressortir quelques disques.

Donc, en réponse ou en complément, voici :
- un morceau très automnal de Hindemith, qui peut ou ne peut pas être siffloté sous la douche (mais plus agréable à écouter plongé dans une baignoire)
- des offertes ondes sereines, mais où la compression radioblog ne permet pas vraiment de distinguer les échos des cloches vénitiennes
- un Graal Théâtre dont le titre vient, si si, du livre homonyme, en hommage direct (concerto vu comme un théâtre dont le soliste est le héros ; analogie du compositeur osant s'attaquer à un concerto pour violon, et de l'écrivain s'aventurant sur les terres arthuriennes)!
- une pièce de Kagaku, le plus ancien genre musical harmonique existant dans le monde actuel (un ami marié à une Japonaise l'appelait "la musique de mariage", car elle est encore aujourd'hui jouée en cette occasion !), qui aurait certainement beaucoup plu à Hector.

Par contre, je n'ai trouvé aucune musique pour évoquer Iznogoud(et il faut vraiment une bonne raison pour que le nom de Nicolas Sarkozy apparaisse dans ce billet !).

dimanche 25 septembre 2005

Radio Jazz : Neuvième heure

J'ai ajouté une nouvelle heure dans la Radio Jazz. Elle est entièrement composée de standards et d'hommages, respectivement un standard de Mills et Ellington, un hommage à Sidney Bechet, Don Byas et Fats Waller, un standard de Rodgers et Hammerstein, un hommage à Charlie Parker, un standard de Dave Brubeck, un standard de Tadd Cameron, un autre hommage à Charlie Parker, et enfin un hommage à John Coltrane. Autour duquel tournera la dixième heure, en préparation actuellement (quelques disques en attente de livraison ...).

Bonne écoute !

vendredi 23 septembre 2005

Yves Robert - Orphée (Cité de la Musique - 22 Septembre 2005)

Lire sur le livret une description qui commence par "Si chacun s'accorde à voir en Yves Robert l'un des musiciens les plus iventifs de ces vingt dernières années" m'aurait fait grimacer d'entrée de jeu, si un RER B en rade ne m'avait pas obligé à entrer dans l'amphithéâtre avec 10 bonnes minutes de retard, ce que je déteste.
J'ai donc loupé le début de l'oeuvre phare de la soirée, Orphée, longue pièce articulée en mouvements enchaînés, qui brode autour du couple mythique (un de plus ...). Problème : la voix de Charlène Martin m'indiffère, et ses lignes vocales inutilement contournées ne m'éveillent aucune émotion. Le fond sonore est assuré par le batteur Cyril Atef, au jeu très Conservatoire de Musique, techniquement impeccable et solide dans des transitions pas évidentes à négocier, mais sans groove, et par deux claviers, Xavier Garcia à l'échantillonneur, plein de gazouillis et tintinabilages sympathiques, et Emmanuel Bex, à l'orgue Hammond, qui ne saura résister à l'appel de l'orgue qui placarde l'amphi, pour y messiaeniser pendant cinq à dix plutôt longues minutes.
Reste les souffleurs : Yves Robert au trombone, et Christophe Monniot aux saxophones. Fameuse paire, qui quand ils peuvent se lancer dans des solos, s'y donnent à coeur joie, et de belle manière. Solos inventifs, puissants, entrainants, où Monniot passe d'un sax à l'autre et souffle parfois dans deux à la fois, bref, excellents. C'est la couche d'enrobage qui passe moins bien, un peu trop concept pour laisser le feu prendre, et pas assez complexe ou profond pour que cela puisse se consommer comme de la musique contemporaine. Un entre-deux peu satisfaisant, en fait.
En deuxième partie, ils interprèteront quelques chansons, cloturées par du Gainsbourg en rappel, mais la voix de Charlène Martin continuant à ne pas m'intéresser, j'ai du mal à accrocher.

Conclusion : il faut vraiment que je m'intéresse au Daniel Humair Baby Boom Quintet, parce que cela fait un musicien en plus dans cet ensemble dont j'admire la qualité de jeu !

jeudi 22 septembre 2005

Blogroll Automne 2005

Changer la blogroll, exercice insatisfaisant par nature, où règne l'arbitraire et l'injustifiable. Pourquoi celui-ci et pas celui-là ?
Je n'aime pas les listes de 150 noms en ordre alphabétique, qui découragent toute exploration, et donc sont parfaitement inutiles. Je préfère quelques poignées de sites, rangées en rubrique, même si cela ajoute une seconde couche de choix bancals et douloureux : pourquoi dans telle case et pas dans une autre ?
Voici ma sélection, dans la colonne à droite, et ici quelques explications sur les catégories.

Les arts : Ceux qui parlent de musique, de littérature, de photographie ou de peinture. Je cherche des blogs sur la danse et le théâtre, contemporain of course, d'ailleurs, peut-être pour la prochaine liste ...

Les âmes : Ceux qui s'exposent et me passionnent, par le design de leur site, par le ton de leurs billets, par la communauté des commentateurs qu'ils ont su rassembler.

Les politiques : Ceux qui, dans l'analyse économique et politique, dessinent des chemins entre le cynisme poujadiste et les utopies crétines. Tiens, tous sont de l'aventure Publius...

Les métiers : Ceux qui, passionnés par leur métier, en livre des clés et des échos. Rubrique un peu fourre-tout, cela dit...

Les voyages : Ceux qui nous amènent en ballade, pour découvrir les Etats-Unis, la Chine, ou Paris.

Les curiosités : Ceux qui surprennent continuellement par le sujet de leurs billets, aussi imprévisibles que les mathématiques ou les mythologies africaines, les tests culinaires ou les parodies littéraires. L'intitulé est à prendre dans le sens des cabinets de curiosité.

Les anglophones : Quelques blogs en anglais, donc, plutôt politique US, sauf le dernier.

Voili voilà. Tout ça peut disparaître dans une semaine, ou rester figé pendant un an, je n'en sais rien. J'espère que cela permettra à certains visiteurs de découvrir quelques autres sites de qualité, c'est là l'unique intérêt de l'exercice...

dimanche 18 septembre 2005

Coup de soleil en Septembre

Jamais à court d'initiatives surprenantes, Kozlika a écrit un compte-rendu anticipé de ce Paris Picnic 3. Vous pouvez vous y reporter pour le name-dropping, même si certains, attendus, ne sont pas venus, tandis que d'autres, imprévus, nous ont rejoints.
Nous avons parlé de tout et parfois de rien, nous avons poursuivi le soleil de place en place pour bénéficier de sa chaleur, nous avons bu du thé en thermos et du champagne, nous avons partagé diverses tartes aux pommes dont certaines étaient aux poires et dégusté l'excellent clafoutis de Kozlika, nous avons regardé courir les enfants en tous sens, nous avons écouté l'harmonie interpréter StarWars et "Another One Bytes The Dust" (ainsi que du Verdi, et parait-il du Wagner...), certains ont pris des tonnes de photos, et puis chacun est reparti, esseulé ou en groupe.
Un début de mal de tête dans le métro et une impression de chaleur assez désagréable me l'annoncent, puis un coup d'oeil étonné dans le miroir me le confirme : je vais avoir un beau coup de soleil sur tout le visage ! Traitre soleil de Septembre, déguisant ses rayons dans la fraîcheur...

Mise à jour : TarValanion, que je m'excuse d'avoir involontairement snobé dans le Métro, a rédigé un superbe compte-rendu illustré en photos et en anecdotes, et tient une scrupuleuse liste de ceux mis peu à peu en ligne.

mardi 13 septembre 2005

Annonce : Paris Pique-Nique 3, c'est Dimanche Prochain

Quelque fumeuse que me semblât l'hypothèse même de l'existence d'une tranche de mon lectorat qui serait susceptible d'être intéressée par ce genre d'événements, mais qui ne serait pas assez fidèle lecteur des billets et commentaires de Kozlika pour arriver à suivre, je me permets de vous rappeler donc que c'est le 18 Septembre qu'aura lieu le troisième et sans doute dernier de la saison déjeuner sur l'herbe du Parc Floral, sous l'arbre habituel, dont vous pouvez trouver la localisation ici ou .
Ce qu'il ne faut pas faire pour ne pas être privé de dessert, quand même...

dimanche 11 septembre 2005

Gonzales / Laurent Garnier (Cité de la Musique - 10 Septembre 2005)

Gonzales Solo Piano

Du coup, j'arrive dans la salle de la Cité au beau milieu de ce concert. Sur la scène, un piano droit partiellement désossé, au-dessus duquel est fixée une caméra qui relaie sur grand écran l'image du clavier où virevoltent les doigts de Gonzales, grand escogriffe dandy, et clown poète à ses heures. La salle, visiblement charmée par le personnage, lui obéit joyeusement, chantonnant ici, sifflant les airs requis là, riant beaucoup. Mais de quoi s'agit-t-il ? De détournements musicaux, principalement. Gonzales se saisit d'airs connus, ou de ritournelles personnelles, et les expose au piano de mille manières successives, empruntant à tous les genres, grands arpèges classiques, clusters dévastateurs, minimalisme mono-doigt, le tout pimenté de gags, de petites surprises, de jeux avec les attentes du public. C'est parfaitement ludique, rigoureusement léger, assurément superficiel, mais cela fonctionne, comme une gourmandise délicieusement sucrée.

Laurent Garnier

Le concert est bien présenté ainsi : Laurent Garnier, featuring Bugge Wesseltoft et Philippe Nadaud. Et c'est bien le DJ compositeur techno qui est aux manettes, qui sélectionne ses propres compositions et quelques autres, qui lance ses comparses, et qui impose son climat. De la techno, donc ; je ne suis plus ces courants d'assez près pour savoir à quelles sous-branches cela appartient. Mais dans les moments les plus réussis, cela donne de la musique qui déchire en même temps les tympans (la densité sonore est parfois volontairement poussée au-delà des capacités de digestion de la salle), les tripes (la musique de Garnier est souvent pleine de solitude urbaine, de paysages déshumanisés, d'une violence rageuse sans cause), et les pieds (impossible de résister aux montées de transe hypnotique, aux envolées rythmiques qui commandent la danse).
Il est peu possible de savoir qui fait quoi exactement entre Garnier et Wesseltoft, qui lancent des boucles de sample, des éléments rythmiques, diverses sources de bruit. Wesseltoft complète par de vrais solos au clavier (même si la sonorité choisie, habituelle chez lui, est un peu trop liquide dans cet environnement ; j'aurais préféré un son plus tranchant), et Philippe Nadaud vient compléter par des interventions musclées aux saxophones. Les deux rencontrent d'ailleurs le même problème : leurs solos ont du mal à trouver leurs marques, entre les couches électroniques, et doivent du coup passer en force. Par contre, une fois lancés, ils arrachent, principalement Nadaud, avec un son énorme, qui enflamme le son et la salle. A l'heure des derniers métros, la salle se vide un peu, cela laisse plus de place pour danser (de la bonne musique comme ça, sans fumée de cigarettes, sans cohue et avec une vraie belle sonorisation, faut en profiter !).
Du coup, fin à 2h30, rentrée à pied, jambes cassées, repos mérité, après cette énivrante (eh eh) soirée marathon.

Mise à jour : Toujours dans le Pot-Pourri, un morceau de l'album Live de Bugge Wesseltoft, même si cela n'exprime pas vraiment l'esprit de cette soirée ; il faudrait du Laurent Garnier Live, mais pas en DJ ... et j'ai pas ça en stock.

Aka Moon / Magic Malick (Trabendo - 10 Septembre 2005)

Aka Moon

Démarrage d'une soirée bien chargée, par ce groupe que j'apprécie toujours autant. Ce soir, Stéphane Galland est particulièrement explosif à la batterie, multipliant les dérapages et les subtiles dérives, les faux-pas, les fausses pistes et les chausse-trappes, un volcan en activité à peine sous contrôle. Pas de quoi alarmer le bassiste Michel Hatzigeorgiou, qui rigole, plutôt en retrait, ne se mettant en avant que pour "The Last Call From Jaco", un déjà classique moment de leurs concerts, où il s'auto-sample en boucle, et pare sa basse des multiples couleurs de guitares électriques. Enfin, au-dessus de ce paysage, virevolte et cabriole en dragon heureux de faire admirer ses écailles rutilantes, Fabrizio Cassol, au saxophone toujours aussi Colemanien. Ambiance presque débonnaire, ils sont si tranquillement installés sur scène et heureux de jouer qu'il faut qu'un des organisateurs leur rappelle l'horaire à respecter ! Du coup, set unique de 90 minutes.

Magic Malick Orchestra

Le temps que la scène soit changée, la seconde partie ne débute qu'à 22h, en même temps que "Gonzales Solo Piano", à la Cité de la musique ... Mauvaise idée de ma part que de vouloir trop en faire ! Orchestre de 10 personnes, c'est un peu encombrant, et peu évident à équilibrer au niveau sonore. Le premier morceau est lent, lourd, avec une batterie qui pateauge, et certains musiciens qu'on entend à peine, comme la contrebasse (doublée par une basse électrique !), ou le piano, renvoyé dans une sorte de soupe sonore. Le deuxième morceau est une sorte de folk enfiévré plus jouissif, mais le rythme se ralentit dès le troisième. Le son est trop dense à mon goût, épais, et l'excellence de Malik Mezzadri, splendides solos mélant flûte et voix, relance de son groupe par des interjections et par des gestes, ne suffit pas à compenser. C'est le premier concert pour cet orchestre étendu, tout ne semble pas encore vraiment en place. Et comme ma nuit ne s'achève pas là, je m'éclipse.
Pour un compte-rendu plus complet, argumenté et illustré d'extraits sonores, vous savez j'espère où il faut aller !

Mise à jour : On ne va pas se priver du plaisir d'ajouter un peu d'Aka Moon dans la radio Pot-Pourri ! Donc, successivement, un morceau "live" où Galland démontre sa volubilité, le morceau qui sert de terrain d'expérimentations à Hatzigeorgiou, et un morceau atypique pour faire la liaison avec la suite de la programmation.

samedi 10 septembre 2005

David Murray & The Gwo Ka Masters (Cité de la Musique - 9 Septembre 2005)

Aux portes de la salle, une déception sous forme d'affichette : la contrebasse de Jaribu Shahid est remplacé par la basse électrique de Jamaaladeen Tacuma (ce qui n'est pas forcément génant), et surtout le légendaire Hamid Drake est remplacé par le musicien de studio JT Lewis.
Entrée de la salle, surprise : places assises uniquement à l'étage, plafond noyé dans quelque fumée (qui permettra de jolis effets de lumière, plutôt inhabituels dans cette salle), ambiance de concert Rock sans le public correspondant.
Mais dès que les musiciens s'installent et lancent la machine, tous les doutes fondent : il va s'agir d'un concert de fusion World/Funk/Jazz de haute volée, sous forte dose d'adrénaline. Les deux maitres Gwo Ka, percussionistes et chanteurs, François Ladrezeau et Claude Kiavue, maintiendront tout au long du concert un feu roulant que JT Lewis renforcera discrètement. Tacuma à la basse et Hervé Sambe à la guitare apporteront la part Funk, en rythmiques bondissantes et dansantes (et le guitariste fera montre d'un spectaculaire spectre dans son jeu, de la ballade un peu fade, au Funk débridé, pour finir par un solo Hendricksien absolument extraordinaire). Au-dessus, trois souffleurs : Rasul Siddik à la trompette, un peu décevant sauf lors d'un beau solo de trompette bouchée ; Pharoah Sanders, pas au mieux de sa forme, imperturbable et marmoréen, puis se déridant peu à peu, pour finir par faire le clown en dansant et en utilisant son sax en trompe d'éléphant ; mais ses solos seront pour la plupart éclipsés par ceux de David Murray, maître de cérémonie, aux solos confondants de virtuosités et de force, intenses, variés, changeants, d'un son ample pour les acrobaties mélodiques à une saturation métallique pour les stridences Free.
La musique est basée sur les rythmiques Gwo Ka, résurgences créoles des racines africaines de la musique noire ; mais la formule est suffisament souple pour qu'ils la conjuguent en blues torride, ou en Reggae puissamment pulsant.
Le public suit le mouvement, heureusement, ondule, claque des mains, manifeste son plaisir, qui semble bien se communiquer à la scène. Après deux heures de cette forte musique et un petit rappel, nous repartons dans la nuit, un peu groggys.

Mise à jour : J'ajoute dans le Pot-Pourri du Pharaoh Sanders et du David Murray, interprétant l'un et l'autre du John Coltrane, dans des ambiances fort différentes.

McCoy Tyner (Cité de la Musique - 7 Septembre 2005)

Le Monde de Kota

Cette formation d'anciens élèves du Conservatoire est originale par les instruments réunis : guitare, contrebasse, harmonica et trombone. Les compositions évoquent fortement Henri Texier, ce qui est plutôt une bonne idée car ce grand homme avait encore peu de descendance musicale, et le climat créé ressemble à du ECM : un voyage agréable et tranquille, un peu trop tranquille, sans prises de risques, et du coup sans réelle excitation (cela dit, il se peut que leurs prestations habituelles dans des cadres plus restreints soient plus aventureuses, jouer devant la salle de la Cité très pleine peut refroidir).
Ils possèdent un site web, qui propose quelques MP3.

McCoy Tyner solo

Sa démarche jusqu'au piano est peut-être un peu hésitante, mais une fois installé aux commandes, le mot qui s'impose est : solide. Solide le jeu d'accords et d'arpèges, baigné de musique classique, solide le jeu mélodique qui ne cherche pas à réinventer la chanson, mais à la présenter dans sa beauté naturelle, solide le rythme, qui ne cherche plus à pulvériser des records.
Loin des années 70 où il tentait de poursuivre la fulgurance coltranienne dans des albums Free extravertis à tout rompre, comme "Sahara" ou "Enlightment", l'héritage assumé aujourd'hui comprend aussi Oscar Peterson. Et fait nouveau il me semble, il ose aujourd'hui réduire parfois le flot de notes, pour s'approcher du silence.
Le concert s'achèvera sur un magnifique "Naima", sobre et pudiquement émouvant, conclusion de rappels qui semblent surprendre Tyner !
Mise à jour : je mets dans le Pot-Pourri deux morceaux solos, un des années folles, et un plus sage, ainsi qu'une interprétation en trio de "'Round Midnight", que le livret de 1963 présente comme un ballade injustement peu connue du grand public !

mardi 6 septembre 2005

Marc Ducret / Jean-Pierre Drouet (Atelier du Plateau - 5 Septembre 2005)

Près des Buttes Chaumont, au fond d'une courte et étroite allée, une salle atypique, petite, sans doute associative, sans estrade, où quelques rangées de chaises définissent l'espace de circulation des musiciens. Intimité maximale avec les artistes, distants de quelques dizaines de centimètres. A ma gauche, Marc Ducret, pantalon orange et crane rasé, armé de trois guitares, une acoustique qui servira à peine, et deux électriques, avec ou sans frettes, ainsi que d'une série de boîtes à effets, qu'il commandera de ses pieds nus. A ma droite, Jean-Pierre Drouet, micro scotché aux lunettes, derrière deux tréteaux de percussions diverses, cloches, appeaux, cymbales, ustensiles de cuisine...
Le départ est lancé par Drouet, qui soufflant dans une cloche puis saisissant ce qui lui tombe sous la main, commence une montée en charge caractéristique de sa manière, gérant le temps sur une vaste échelle, en flux et reflux d'énergie. Ducret accompagne de pizzicati plus ou moins saturés, d'ébauches de mélodies fondues à la pédale, de sonorités diversement bruitistes (peu de notes, en fait, de toute la soirée ; à la place, une exploration des utilisations parfois peu orthodoxes d'une guitare, comme jouer du morse avec le connecteur jack). Un système se met peu à peu en place, où chacun prend la main puis l'offre, passage parfois accepté parfois pas ; mais il me semble que Drouet est plus "structurant", et Ducret "décorateur" : en particulier, le changement de tréteau du percussionniste, passant de debout à assis devant une table mise sur écoute, qu'il frotte, frappe ou claque avec des cuillères à spaghettis, des moules à glace où des couteaux tout vibrants, marque une vraie rupture de climat, et le début de ma partie préférée, remplie d'images splendides, port nocturne hanté par le ressac où passent des oiseaux égarés, petit garçon sifflotant dans une forêt peuplée de bêtes grognantes, ou ce final, trop beau pour ne pas être préparé, où Ducret tapote un rythme sur les interrupteurs de sa guitare, tandis que Drouet, tout en maintenant un fond de wood-blocks aigus, se met à chantonner à la façon d'un chaman soufi.
Sur ce magnifique moment de poésie s'achève leur heure ininterrompue d'improvisation, qu'ils complètent en rappel de dix petites minutes. Une belle rencontre !

Mise à jour: J'ajoute dans le Pot-Pourri le seul morceau de ma discothèque où joue Jean-Pierre Drouet, qui est emblématique de la tendance "composition ouverte", un peu l'équivalent du Free en musique contemporaine ; puis un extrait de "Qui Parle ?", que je viens d'acheter à la Fnac, où le passage central ressemble un peu à ce concert ; et enfin, un extrait du Live de "Big Satan", dont il y a un autre morceau dans la Radio-Jazz.

vendredi 2 septembre 2005

Anthony Braxton Trio (Trabendo - 1 Septembre 2005)

Arrivé manifestement plus tard que Samizdjazz, je n'ai pu bénéficier de la vue des écrans et pupitres, sablier ou dessins minimalistes. Il s'agit je suppose de ces partitions graphiques, que le site référence liste, par exemple celles-ci ou celles-là.
L'oeuvre de ce soir s'appelle "Diamond Curtain / Wall Music", pour un inhabituel trio Saxophone / Trompette / Guitare. Sans oublier l'électronique, mais qui restera très discrète, une présence en fond sonore, quelques interventions bruitistes... Et en mettant tous les instruments au pluriel : Anthony Braxton alternant de l'alto au sopranino (merci Fabsax pour la correction), Taylor Ho Bynum utilisant différents modèles de trompettes et de sourdines, Tom Crean passant temporairement de la guitare à une sorte de mandoline électrique ...
Pièce unique, donc, mais pas monobloc, bien au contraire. Chaque musicien joue des séquences plus ou moins synchronisées, qui parfois se superposent, parfois pas, ce qui donne toute une série de climats différents, solos, duos, trios. Mais sans les connotations habituelles, puisque ces dispositions interviennent incidemment : les solos ne sont pas des démonstrations de virtuosité, les duos ne sont pas des dialogues. Et pourtant, il y a échange et communication, chaleur et partage, et même humour !
Par des techniques virtuoses à la stupéfiante diversité, Braxton nous offre une galerie de personnages, quelques sortes d'animaux, ou une vieille dame qui ronchonne. Taylor Ho Bynum, révélation du concert et à suivre de près, l'égale dans la joie d'explorer l'infini sonore de son instrument. Tom Crean reste plus en retrait, et calme parfois le jeu.
L'ambiance créée est paradoxalement sereine, comme des personnes qui échangeraient des anecdotes, sans vraiment s'écouter, et sans être jamais pressées par le temps. Chaque histoire est remplie de détails piquants, mais ce qui domine, c'est le plaisir simple d'être ensemble. Bien sur, c'est pas du Marsalis, et certains de mes voisins, après s'être bruyamment plaints de l'abscence de thèmes, finissent pas craquer et sortir.
Bref, un formidable concert, à la hauteur de l'attente.

Mise à jour : J'ajoute dans le Pot-Pourri quelques morceaux pour évoquer les deux concerts de cette semaine. D'abord, mieux qu'un trio de saxophones : un quatuor de saxophones ! Puis deux morceaux où joue l'absent Michael Brecker. Enfin, trois morceaux d'Anthony Braxton, qui donnent une petite idée de sa versatilité, puisque le concert du jour sonnait encore totalement différemment.

Eric Watson Quartet / The Saxophone Summit (Cité de la Musique - 31 Août 2005)

Eric Watson Quartet

L'édition 2005 de ce festival "Jazz à la Villette" s'articule autour de deux axes : "Coltrane's Sound" et "Jazz New Sounds". Après un concert inaugural particulièrement hype (le seul seul à être bondé depuis des semaines) de Coltrane Alice et Ravi et Orin (décrit ici), cette deuxième soirée se place aussi dans l'héritage de John le Père. Mais concernant ce quartet, je ne vois pas bien pourquoi (sans doute parce que l'autre thème convenait encore moins...). Les musiciens ne reprennent que des morceaux de leur album "Road Movies", et en présentent des versions allongées. Ce qui ne fonctionne pas vraiment. Leur disque me plait beaucoup, mais en gonfler ainsi les architectures complexes et très écrites donne vite dans le monumental ; la vie circule mal entre les solos d'Eric Watson et de Christoph Lauer, plus impressionnants que passionnants, et le discours sonne sec, aride, rigide. Beaucoup d'énergie et de technique, mais ça manque de ferveur. Le batteur Christophe Marguet est beaucoup plus à son aise chez Henri Texier ; quant au bassiste Sébastien Boisseau, il bénéficie d'un extraordianire solo, qui me donne envie de le découvrir dans des formations plus libertaires.

The saxophone Summit

La formation aligne les noms prestigieux : paire rythmique de vétérans (Billy Hart à la batterie, excellent ; Cecil McBee à la contrebasse, bon sideman mais son grand solo sera le point faible du concert), un pianiste que je ne connais pas (Phil Markowitz), et enfin des souffleurs fabuleux, Joe Lovano et Dave Liebman. Les accompagne normalement Michael Brecker, qui depuis plusieurs mois lutte entre la vie et la mort. C'est Ravi Coltrane qui complètera l'équipe au bout de quelques morceaux.
Quel groupe ! Je connaissais le lyrisme tranquille et assuré de Joe Lovano ; par contre, Dave Liebman, pas du tout. Du coup, la grande claque ! Des petites phrases jetées entre les silences, des densifications progressives, pour des solos à couper le souffle, entre Wayne Shorter et Eric Dolphy ! Le dialogue entre Lovano et Liebman est intense et passionnant, chacun restant dans son style, et nourrissant l'autre. L'arrivée de Ravi Coltrane n'apportera pas grand-chose, son jeu est sans faute, mais ne possède pas une personnalité à la mesure des deux autres compères. Grand concert, donc, autour de leur album "The Gathering of Spirits", et de reprises Coltraniennes, dont un final "Impressions" flamboyant.

Si les amateurs pouvaient me suggérer quelques albums de Dave Liebman, je suis partant, il y a là un manque à ma discographie à combler d'urgence !