samedi 19 juin 2010

Sizero Tabla Experience (Cité de la Musique - 18 Juin 2010)

Ce concert est le dernier de mes abonnements 2009-2010. J'aurais pu mieux tomber. Ce groupe, que la Cité avait d'abord appelé "Size Zero Tabla Experience" sur ces billets, propose une sorte de fusion entre différentes formes artistiques indiennes et d'autres plus occidentales. Il y a des moments intéressants, mais beaucoup plus nombreux sont les éléments médiocres, plus ou moins ratés, ou même lamentables.

Commençons par le pire, à savoir la danse. Deux danseuses sont censées interpréter du Kathak. Quelle pathétique caricature ! Comment oser réduire un tel art ancestral à moins d'une dizaine de gestes rudimentaires répétés ad nauseam, sans même respecter les essences rythmiques ou symboliques de cette danse, et en l'interrompant périodiquement par des piétinements pour faire résonner les grelots des chevilles comme dans une démonstration pour touristes. Prestation d'un niveau amateur, et encore.

Le groupe des musiciens est à géométrie variable, ils ne sont jamais tous sur scène en même temps. Le plus constant est Vijay Ghate au tabla, belle dextérité, mais ses solos sont le plus souvent interminables, une pluie de frappes bien denses mais qui ne se renouvelle guère d'un morceau à l'autre. A ses cotés, Niladri Kumar joue du sitar, et plus original, du sitar électrique, avec lequel il se lance dans des chevauchées sauvages très rock'n'roll, qu'il habille périodiquement de décorations plus typiquement indiennes, comme des épices lâchées par soudaines poignées. La vidéo, puisque vidéo il y a, aussi inutile que d'habitude, entre visualisations screensavers et montage stroboscopiques de visuels indiens, la vidéo donc incorpore des images de ses mains sur le manche du sitar qui font songer au jeu "Guitar Hero" (images pré-enregistrées, donc encore plus artificielles et inutiles).
Il y a aussi un chanteur, un clavier, et un batteur assez orienté "Electronic Body Music" qui donne une bonne énergie dans ses interventions.

Au bout d'un moment arrive Talvin Singh, qui joue aussi des tablas, mais avec plus d'inventivité que son collègue, entre autre parce qu'il y mêle des instruments de percussions électroniques, ce qui donne un attirail plus riche et varié.

Cela ne fait pas beaucoup de bonne musique, pour un concert de deux heures, qui est en plus trop fortement sonorisé, et qui par moments englue le sitar dans une mélasse sonore, et à d'autres frôle le larsen.

Cela dit, mauvaise sono mise à part, je savais à peu près à quoi m'attendre, puisque ArteLiveWeb diffusait depuis quelques jours le concert de cette formation à Fès.

Spotify: cette façon d'assaisonner de tablas tout et n'importe quoi est en général datée, et a donné beaucoup de musique médiocre (dans le genre pire, mais du coup involontairement hilarant, on a les Buddha Lounge Renditions Of AC/DC). Il y a pourtant des expériences plus réussies. Je propose "Asana 2 Moving Meditation" avec Tabla Beat Science ou Pressure Drop, ou Anokha - Soundz Of The Asian Underground, qui a contribué à rendre célèbre Talvin Singh.

mardi 15 juin 2010

Murail Feldman Momi (Cité de la Musique - 13 Juin 2010)

Après les oeuvres orchestrales, voici quelques oeuvres de chambre, dans l'amphithéâtre, toujours par l'EIC, en solistes sans chef. Ce concert est lui aussi très plein ; Tristan Murail aura attiré beaucoup de monde !
Je suis arrivé à ce concert assez fatigué, et une énorme envie de sieste a quelque peu perturbé mon écoute ...

Tristan Murail - Vues aériennes

Prenons un "objet musical", et éclairons-le de différentes manières, façon matin, sous la pluie, à midi, ou le soir. Pour cela, Murail utilise un cor, qui sera la plupart du temps masqué, en coulisse, assourdi, et est de toute façon ce qui m'a le moins plu. Et il l'éclaire d'un piano qui tombe des notes en une pluie légère, et d'un couple violon violoncelle presque romantique. Intéressant à suivre, mais finalement plus théorique que vraiment émotionnellement prenant.

Tristan Mirail - Garrigue

Flûte basse, alto, violoncelle, percussion. Il me semble avoir aimé, mais je n'ai plus grand souvenir.

Tristan Murail - Les Ruines circulaires III

Enchainé sans pause ni applaudissement, cette pièce pour clarinette et violon figure les échanges entre rêve et réalité et d'un rêveur à l'autre de la nouvelle de Borges.

Morton Feldman - Durations III

Une pièce de Feldman quand on a envie de dormir, c'est assez fatal. Pourtant, celle-ci, pour tuba, violon et piano, offre plusieurs mouvements distants, dont le dernier est indiqué "rapide" ! Rien de très féroce, rassurons-nous. C'est toujours contemplatif, répétitif, et plutôt ténu.

Marco Momi - Iconica IV

C'est le "gros morceau" de ce concert d'après-midi, avec six musiciens et de l'électronique. Il y a de l'effet. Comme pour la première pièce, il y a un "sujet principal" qui n'est que momentanément laissé à découvert, ici c'est le piano qui conclut la pièce par une belle cadence.

lundi 14 juin 2010

Murail Scelsi Pintscher (Cité de la Musique - 11 Juin 2010)

Giacinto Scelsi - Yamaon

L'instrumentarium donne une bonne idée de la couleur musicale : saxophone alto, saxophone baryton, contrebasson, percussion et contrebasse. Tout cela accompagnant une voix de basse. Ca gronde, vrombit, et déclame. Vers la fin ça s'enflamme en une petite chevauchée rythmique bien colorée. Mais si le but est d'évoquer un personnage qui "prophétise au peuple la conquête et la destruction de la ville d'Ur", je ne suis que moyennement convaincu, et la comparaison avec "Ecuatorial" de Varèse (même principe d'un texte de pures voyelles et consonnes sans mots signifiants) ou avec des prières védiques pré-hindouistes ne jouent pas non plus en sa faveur : c'est un peu trop léger, tout ça.

Giacinto Scelsi - Okanagon

De 10 ans postérieure, cette oeuvre est beaucoup plus intéressante. Harpe, contrebasse, tam-tam, amplification. Mais l'emploi de méthodes originales, particulièrement pour la harpe que Cambreling, assise non derrière mais à coté des cordes, frappe de tiges ou de plectres, transforme tous ses instruments en percussion, et l'ambiance générale ressemble beaucoup à un dialogue d'improvisateurs Jazz tels qu'aurait pu inviter Anne Montaron, si ce n'est que tout est écrit, ce qui permet une lente pulsation bruitiste, à la fois statique et muable. Une partie où tous tapotent à qui mieux-mieux sonne un peu vide, mais les résonances initiales reviennent régulièrement imposer leurs étranges couleurs mordorées.

Tristan Murail - L'Esprit des dunes

J'avais présenté ce morceau dans une chronique de disque, où j'indiquais adorer cette pièce, qui "m'embarque comme rarement". Bon ben là, c'est un peu raté. Au lieu d'être transporté dans un voyage mystique, j'ai la sensation de regarder un paysage au microscope, et de perdre la vue d'ensemble. En même temps, cela prouve qu'il y a diverses options d'interprétation, et c'est sans doute la vision qu'a le chef d'orchestre Ludovic Morlot qui ne me convient pas, insistant sans doute trop sur nombre de détails au lieu de privilégier le mouvement général. Une déception, donc.

Matthias Pintscher - Verzeichnete Spur

Si "Towards Osiris" était brillant et prometteur, et si "Hérodiade-Fragmente" révélait un compositeur à suivre, cette fois on peut parler de chef d'oeuvre. 20 minutes où les sonorités apparaissent parfois abruptement, puis disparaissent comme dans de la brume, où les signes ne surgissent que pour rapidement s'évanouir, dans un constant suspense, une tension formidable. L'effectif s'épanouit autour d'une contrebasse solo, entourée de trois violoncelles (Alexis Descharmes venant compléter l'EIC), de deux clarinettes bien graves elles aussi (clarinette basse, clarinette contrebasse), plus quelques autres pour un peu éclaircir et ponctuer (percussions, piano, harpe). Le tout est enveloppé discrètement d'électronique. Quelques mots sont susurrés. La contrebasse frémit comme un coeur qu'on afflige. Les instruments s'unissent dans des halos harmoniques translucides et tremblants. On est souvent proche d'un silence de neige. Des ombres fantomatiques glissent à la limite de la vision. Une mélodie incertaine flotte quelques instants au-dessus du piano. L'électronique nous enfonce dans un inconnu qui creuse. Les violoncelles soudain se déchainent, jusqu'à ce que la contrebasse les surplombe de sa véhémence lyrique. Les percussions prennent le relais. Et ainsi de suite, dans un constant renouvellement de formes, tout en gardant une grande unité d'atmosphère. Vers la fin, Frédéric Stochl prend un solo aigu admirable, une sorte de plainte d'outre-tombe. Vraiment splendide.

Tristan Murail - Serendib

Après tant d'émotions, il est un peu difficile de se concentrer sur cette pièce où le passage d'une configuration à l'autre se fait comme au hasard des courants et des désirs de l'instant, dans un flux continu qui revient souvent sur ses traces.

Ce concert est en écoute pendant 30 jours sur France Musique.

Ailleurs : ConcertoNet
Spotify : Tristan Murail - Winter Fragments, Giacinto Scelsi - Orchestral Works 2, Mathias Pintscher - Hérodiade Fragments

mercredi 9 juin 2010

Susanne Linke - 5 solos (Théâtre des Abbesses - 8 Juin 2010)

Orient-Okzident

En fond de scène, une étroite bande de lumière dorée forme le territoire que Armelle van Eecloo parcourt d'abord en rampant, genoux et front au sol, se relevant temporairement, ou secouant les cheveux qui lui masquent le visage. La musique électro-acoustique de Yannis Xenakis est impressionnante, dans le genre vent mugissant entre les étoiles.

Im Bade wannen

Le livret indique "Susanne Linke parle d'elle-même, de ses émotions et de ses désirs". Le désir d'avoir une salle de bains très propre, peut-être ? Elle s'active autour d'une baignoire, y passant et repassant un chiffon, et prenant des pauses où elle tient des poses très physiques sur le rebord, avant de jouer à la déséquilibrer et à en affronter la gravité, puis de la renverser et de s'y réfugier. La musique est du Satie en version orchestrée par Debussy, je crois que je préfère les versions pour piano.

Wandlung

"La mort n'est pas la fin de la vie mais un chemin plein d'espoir qui mène d'une vie à l'autre." Mareike Franz allongée sur le sol semble flotter entre deux eaux, entre deux songes, entre la vie et la mort, et c'est très beau. Debout, le langage est imprégné d'échos de danse classique, et ne me parle pas. La musique, c'est le deuxième mouvement de "La jeune fille et la mort" de Schubert, et ça aussi, c'est très beau.

Flut

"Flut décrit une situation contraignante qui semble être sans issue." Urs Dietrich pousse sur scène un rouleau de tissu bleu qu'il déroule comme un tapis rouge. Vers la fin, il le secoue plus énergiquement, et cela fait comme un grand drap plein de plis. La musique est la plus étrange de la soirée : il s'agit de Pablo Casals faisant répéter du Gabriel Fauré par un orchestre, et il n'a l'air ni très content, ni bien clair sur ce qu'il veut.

Kaikou-Yin

"Kaikou-Yin renvoit à la partie animale de l'être humain et à la partie humaine de l'animal." Sur l'adagietto de la 5ème symphonie de Mahler, Susanne Linke s'avance à quatre pattes, et évolue effectivement entre humanité et animalité.

Bref, je ne suis pas du tout entré dans le langage de cette chorégraphe. J'ai eu bien du mal à m'intéresser à ce qui se passait sur scène, qui me semblait la plupart du temps assez banal et répétitif, et les choix musicaux ont plus capté mon attention. Plus en conséquence qu'en raison, j'ai somnolé la moitié du temps. Une rencontre ratée avec une chorégraphe qui semble pourtant importante, tant pis.

Ailleurs : Dansomanie

dimanche 6 juin 2010

Beethoven - Bartok (Salle Pleyel - 4 Juin 2010)

Ludwig van Beethoven - Concerto pour piano n° 2, opus 19

François-Frédéric Guy au piano, Philippe Jordan à la tête d'un Orchestre philharmonique de Radio France peu plantureux, du Beethoven de jeunesse, dont je connais j'ignore pourquoi le troisième mouvement. Pas désagréable, en apéritif.

Béla Bartók : A Kékszakallu herceg vara, opus 11, sz. 48

Le Château de Barbe-bleue, donc. Je n'aime guère la direction d'orchestre, qui en aseptise le son, ça manque d'aspérité, d'acidité, d'âpreté. A force d'être peaufiné, cela en devient lisse. Pour corser comme il peut cette ligne générale qui ne génère pas de tension, Jordan met ça et là de violentes épices, parfois bienvenues, comme cette ouverture de porte d'une magnifique couleur dorée par les percussions, et d'autres dont je me demande si elles sont bien dans la partition, comme ces cuivres placés dans les hauteurs pour spatialiser.
Petra Lang forme une bonne Judith, même si la langue hongroise ne coulait pas très naturelle. Celui qui m'a le plus plu ce soir est finalement Peter Fried, qui m'avait peu satisfait les deux fois précédentes, et qui ici me séduit tout à fait.

Ailleurs : Palpatine, ConcertoNet
Spotify : Les concertos pour piano de Beethoven par Jordan / Guy : 1 et 5 - 2 et 3 - 4, par Aimard / Harnoncourt, par Gould / Bernstein (2 - 3 - 4).

Diptyque 5.5.a : Des inconvénients de l'inculture chez les paparazzzi


Ce jour-là
Originally uploaded by akynou.

La commande m'avait semblé un peu bizarre
mais ils avaient versé de confortables arrhes.
J'ai épié et shooté, et livré mon ouvrage.
Mais ils n'ont pas aimé. Même, ils avaient la rage !

Comment aurais-je su qu'il fallait le visage
dans le "portrait en pied" dont ils avaient l'usage ?
Je ne suis pas élève des Beaux-Arts !

Ceci est ma participation à la session 5.5 du diptyque d'Akynou.

samedi 5 juin 2010

Diptyque 5.5.b : Bord de mer 1956

Un pique-nique de campagne, une couverture écossaise sur laquelle les grandes font semblant de dormir, rient des galipettes de la plus petite qui refuse de s’allonger, suce son pouce et rit aux éclats dans le cou de sa maman, ravie d’être rebelle. Derrière la caméra 8 millimètres, mon père, fantôme des films, omniprésent et invisible.
Traou


bord de mer (1956)

Ma mère tient une de mes soeurs dans ses bras, mon père est derrière l'appareil photo. Archive 1956, pas de retouche.

Ceci est ma participation à la session 5.5 du diptyque d'Akynou.

Hadouk Trio - Air Hadouk (Le Triton - 3 Juin 2010)

Dans le vaste espace où Jazz et World cohabitent en proportions variables, Hadouk Trio est une institution. Avant même leur arrivée, leur univers se révèle sur la scène en multiples instruments, qu'ils se répartissent : à Loy Ehrlich les cordes qui se pincent (ainsi que les claviers), à Steve Shehan les peaux et futs qui se frappent, à Didier Malherbe les tuyaux où on souffle.

hadouk trio au triton hadouk trio au triton hadouk trio au triton

Une longue complicité les unit, mais qui confine à l'habitude routinière. Les anecdotes sur l'origine des instruments sonnent usées à force d'avoir été répétées, et ils alignent les morceaux un peu en pilote automatique, pour continuer l'analogie voyageuse de leur denier album "Air Hadouk", qui fournit l'essentiel des morceaux de ce soir, complétés par quelques anciens tubes.
C'est beau et très agréable, mais un peu trop confortablement exotique. Les musiciens prennent la main à tour de rôle, et accompagnent placidement celui qui improvise. C'est très mis en place, et laisse du coup peu de possibilité à de l'inédit plus sauvage : ils ne se défient pas, ne se dérangent jamais l'un l'autre. Tout ça est très propre, mais un peu trop.

hadouk trio au tritonhadouk trio au tritonhadouk trio au triton

Je préfère quand Loy Ehrlich joue les instruments en vrai plutôt qu'en les imitant au clavier, mais ça peut se comprendre, la scène est déjà assez pleine ! A la batterie, Steve Shehan utilise des cymbales rivetées d'une extraordinaire longueur de résonance ; je le préfère cependant dans les parties les plus percussionnistes.
Les rejoint sur scène à deux reprises le guitariste Eric Löhrer, pour un "Friday The 13th" fort peu Monkien et peu palpitant, puis pour un autre morceau beaucoup plus réussi.

Ailleurs : une petite vidéo résumant un concert de la même tournée

LE VIGAN 2010 Hadouk trio
envoyé par zimprod. - Regardez plus de clips, en HD !

Spotify : Air Hadouk, Baldamore (live), Utopies (+ live).