dimanche 24 avril 2016

Arnold Schönberg - Gurre-Lieder (Philharmonie de Paris - 19 Avril 2016)

La simple vue du dispositif orchestral est déjà impressionnante. Et quand tout ce beau monde décide de monter en puissance, ça donne un charivari peu facile à maîtriser. A la tête de l'Orchestre de l'Opéra national de Paris, Philippe Jordan y parvient la plupart du temps, et si je me retrouve parfois un peu perdu dans cette masse sonore, ce doit être aussi le caractère même de cette partition. 

Cette fois, c'est dès le prélude orchestral que je trouve des échos wagnériens, plus précisément avec le fameux début de l'Or du Rhin. mais tout le duo d'amour a ensuite du mal à me passionner, malgré les efforts méritoires d'Andreas Schager et Iréne Theorin. Même le chant du ramier, par Sarah Connolly, ne m'emporte guère. Il faut attendre la seconde partie pour vraiment décoller, et ce grâce aux rôles secondaires, Jochen Schmeckenbecher en paysan et surtout Andreas Conrad en bouffon, tout en cynisme élégant et ornementations décadentes, alors que la musique grince, ricane, s'enfièvre et se déchire, et que le chœur gronde ou menace. Le "parlé-chanté" final du vétéran Franz Mazura est quant à lui plus proche d'une simple récitation.

gurre-lieder


Solistes EIC - Vents Nouveaux (Cité de la Musique - 16 Avril 2016)

Pour tout dire, je n'ai pas retenu grand-chose de ce concert ; à la fin de l'audition de la plupart des pièces, j'étais incapable de décrire ce que je venais d'entendre, ou de définir une quelconque émotion particulière. Une certaine déception, sans doute, à l'écoute des Dix Pièces pour quintette à vent de György Ligeti, dont la fin, citant Lewis Carroll, s'interroge en un "C'est tout ? C'est tout. Au revoir" qui résume assez bien cette suite alternant ensembles et solistes, mais qui ne m'a vraiment pas accroché. Du Dialodia De Bruno Maderna ou du Contour de Vito Zuraj, je n'ai aucun souvenir. Le Time and Motion Study 1 de Brian Ferneyhough est bien sur impressionnant, comme la plupart des pièces solistes de Ferneyhough, mais au-delà de l'admiration pour la performance, pas grand-chose. Et enfin, des Five Distances de Harrison Birtwistle, là non plus, aucun souvenir.
Un concert oublié sitôt consommé ...

Orchestre de Paris - Turangalîlâ-Symphonie (Philharmonie de Paris - 10 Avril 2016)

Charles Ives - The Unanswered Question

Cette fois, la trompette était dans les étages, joli effet. Mais l'ambiance est gâchée par d'incessantes quintes de toux particulièrement sonores et gênantes dans une telle oeuvre, qui me font twitter que ce soir, la question sans réponse aura été "dis, public, pourquoi tu tousses ?".

Olivier Messiaen - Turangalîlâ-Symphinie

Comme la dernière fois, le pianiste soliste est Roger Muraro, et il vole la soirée. Extraordinaires parties de piano, les chants d'oiseaux, le souffle mystique, les rythmes et les couleurs, tout y est. Les ondes Martenot, menées par Cynthia Millar, sont elles totalement intégrées dans la masse orchestrale, un ingrédient parmi les autres de l'Orchestre de Paris, mené par Paavo Järvi, qui fait admirablement respirer l'oeuvre, entre les tutti monumentaux, les rythmiques incandescentes, et les glacis luminescents.

turangalîla

Ailleurs : La souris, Palpatine, Didier van Moere

Sylvaine Hélary Spring Roll / Joëlle Léandre Tentet (Dynamo Banlieues Bleues - 7 Avril 2016)

Spring Roll - Big Apple's favor

Cette musique m'est restée en grande part inaccessible. Sylvaine Hélary mène à la flûte un quartet, accompagnée de Hugues Mayot au saxophone et clarinette, et des fidèles Antonin Rayon au piano et synthé, et Sylvain Lemêtre au vibraphone et percussion. C'est une musique très écrite, certains morceaux venant de compositeurs new-yorkais (Kris Davis, Dan Weiss, Dan Blake). Complexité des compositions, virtuosité des arrangements, avec quelques éléments d'impro tout de même, mais je reste externe à tout cela, tant pis pour moi.

Joëlle Léandre Tentet - Can You Hear Me ?

Là aussi, la musique est écrite, le disque découpe cette suite "Can You Hear Me" en 9 plages mais on pourrait sans doute distinguer de plus fines sections et sous-sections. C'est éblouissant et réjouissant d'un bout à l'autre de la performance. Je retiens en particulier le début en brouhaha de voix sur des sujets triviaux ; les moments en presque quatuor à cordes (Joëlle Léandre contrebasse ; Valentin Ceccaldi violoncelle ; Séverine Morfin alto ; Théo Ceccaldi violon) ; des solos où l'instrument débute dans des sonorités et rendus proches de la voix humaine (Christiane Bopp trombone ; Jean-Luc Cappozzo trompette) ; le solo en deux parties (des points puis des lignes) de la saxophoniste Alexandra Grimal ; les interventions imprévisibles et comme détachées de tout du guitariste Guillaume Aknine. Restent à citer Jean-Brice Godet à la clarinette et Florian Satche à la batterie et percussions.
Un ensemble exceptionnel, mené par une Joëlle Léandre impériale, qu'on sent entourée sur scène d'amour d'admiration et de respect par tous ces musiciens, certains l'accompagnant depuis longtemps et d'autres trop jeunes pour ça, Du bonheur, tout simplement.

joëlle léandre tentet

Ailleurs : dans le grand dossier Joëlle Léandre préparé par CitizenJazz, on peut déguster le portrait de chacun des musiciens de ce tentet.

Passion selon Saint Matthieu / Sir John Eliot Gardiner (Philharmonie de Paris - 25 Mars 2016)

Dans cette Matthaus Passion, j'ai été moins ému ou ébloui que dans d'autres performances du Monteverdi Choir et des English Baroque Soloists. Pourtant, Mark Padmore en évangéliste est parfait, conservant tout du long exposé un allant et une fraîcheur qui permet de rester captivé par le récit ; et Reginald Mobley, au physique de basse, est un alto très agréable. Et l'ajout du chœur d'enfants des "Pages du Centre de musique baroque de Versailles" est un vrai plus. D'autres voix, par contre, me sont à peine perceptibles, depuis ma place (assez habituelle cette année) de coté. Pareil pour l'orchestre, flûtes et hautbois sont splendides, mais le violoncelle soliste m'est dans certains chants inaudible. Cela donne une soirée en demi-teintes, où je découvre certaines nouvelles façons d'entendre cette musique de Bach, par exemple en me concentrant sur les alliages, fréquents en deuxième partie, entre une voix et un instrument soliste, mais où je ne suis pas vraiment embarqué dans l'émotion.

la saint matthieu

Ailleurs ; Zvezdo

dimanche 10 avril 2016

Les Liaisons Dangereuses / Christine Letailleur (Théâtre de la Ville - 17 Mars 2016)

Pas grand-chose à dire de ce ratage. Dominique Blanc en Mme de Merteuil et Vincent Perez en Valmont mènent la danse, mais sans jamais vraiment convaincre de leur pouvoir de séduction. Les scènes clé déçoivent. Cécile de Volanges est jouée comme une idiote, et Danceny ne vaut guère mieux. L'humour est lourd, voire déplacé, avec l'homme de main de Valmont. Quand la tension s’accroît, après que Merteuil ait demandé à Valmont de rompre avec Tourvel, le mieux qu'ait trouvé la mise en scène est de baisser la lumière ; oui, ok, ça s'assombrit. Une telle platitude est affligeante;
En fait, les deux seuls intérêts de cette pièce sont de rappeler la chronologie des événements, et de donner envie de revoir le film de Stephen Frears.

Marie Chouinard / Le Sacre du printemps, Henri Michaux : Mouvements (Maison des Arts de Créteil - 11 Mars 2016)

Le Sacre du Printemps

Cette pièce de 1993, la première que Marie Chouinard ait créée à partir d'une oeuvre musicale, est emblématique de son art chorégraphique. La première image est une sorte de signature : dans un cercle de lumière apparaît une figure, qui, plus qu'androgyne, est ambiguë. Est-ce un homme, une femme, une ou deux personnes ? Cet entre-deux se généralisera encore plus au long de la pièce, entre humain et animal, entre réel et fantasme. Les créatures, torse nus, certaines ornées d'appendices, cornes, griffes, épines, sont d'abord isolées, chacune dans son rond, et s'agite selon un pattern répété, dans une juxtaposition qui suit la partition musicale. Puis des rencontres ont lieu, confrontation, séduction, ou simplement cohabitation. L'énergie qui se dégage n'est pas que sexuelle, elle est vitale ; et se dessine ce mélange si particulier de Chouinard, où l'abstraction se heurte à l'humour pour tracer des lignes de vie.

Henri Michaux : Mouvements

Cette pièce de 2011 se base sur le livre "Mouvements" de Henri Michaux, qui consiste en 64 pages de dessins à l'encre de chine, et un poème. Les dessins, qui sont projetés sur grand écran en fond de scène, agrègent des petites formes les unes à coté des autres, que Chouinard interprète comme des silhouettes humaines, et traduit en poses chorégraphiques. C'est vif, drôle, surprenant, puis vient rapidement la question : comment tenir pendant 64 pages sans lasser ? Pour cela, elle prend de l'ampleur, après une seule danseuse interviennent plusieurs, puis toute la troupe, qui au lieu de transcrire chaque gribouillis successif se charge d'une page entière, Au milieu de la pièce, la danseuse principale Carol Prieur se glisse sous le tapis de sol, et recite, avec force conviction et emportement, le poème de Michaux. Puis continue de réciter, tout en dansant ! Extraordinaire performance. C'est ensuite une longue montée en puissance, vers une explosion finale en stroboscopie.
Comme toujours avec Marie Chouinard, je ressors de la salle gonflé d'énergie positive !

mouvements

Ailleurs : Danseaveclaplume