lundi 30 avril 2012

Anne Paceo - Carte blanche (Péniche Anako - 21 Avril 2012)

C'est par un tweet que j'apprends l'existence de ce concert, qui continue sa résidence à peu près mensuelle sur la péniche Anako, où je l'avais vue dans son nouveau Quintet (qui en ce moment enregistre pour Laborie).

anne paceo invite à anakoanne paceo invite à anakoanne paceo invite à anako

Des musiciens qu'elle a réuni ce soir, je n'en connais aucun ! A la contrebasse, Matteo Bortone ressemble à un ours pas tout à fait sorti de son hibernation, sobre mais puissant, avec de la réserve. Le tromboniste Fidel Fourneyron sert les thèmes, enchaîne souvent avec un solo qui ne sort pas trop du chemin, puis s'accroupit pour laisser jouer les autres. La part principale d'improvisation revient au guitariste Tam De Villiers, qui sans jamais forcer sur l'agressivité, et restant dans ses sonorités élégantes, nous embarque dans de magnifiques voyages. Quant à Anne Paceo, elle reste toujours aussi expressive, rayonnante et généreuse, ne se donnant qu'un seul solo alors qu'elle dirige la soirée, pour ne pas tirer la couverture, et présentant les morceaux avec enthousiasme et naturel.

Mais ce soir, c'est son rôle de compositrice qui m'enchante le plus. Ils ont chacun amené des morceaux à eux : la fanfare de Fourneyron ne me convainc pas vraiment, les subtilités rythmiques de "Alba Lux" me plaisent plus, mais à chaque fois que j'ai eu l'oreille vraiment accrochée, c'est sur des morceaux de Paceo, qu'elle écrit lors de ses pérégrinations internationales, évoquant ici les pays nordiques lors des journées sans soleil, là des esprits japonais, ou rendant hommage aux rythmes africains. Cet hommage, c'est "Toutes les fées étaient là", qu'elle commence par un solo bien trépidant et varié (elle gère avec dextérité le changement de baguettes, et assimilées, puisque certaines lui servent pour des effets sonores particuliers), et que le public applaudit quand retentit le thème (il y a des habitués dans la salle !), avant que Tam de Villiers ne l'accompagne en syncopant son jeu lui aussi façon africaine. Très beau morceau. Un autre point fort sera Yôkaï, un nouveau morceau, que j'ai enregistré :


Anne Pacéo invite à Anako - Yôkaï par Laurent_Gautier_7

dimanche 22 avril 2012

Trio Marguet / Laurent / Codjia - Autour de Charlie Parker (L'Improviste - 11 Avril 2012)

Le début de ce concert me ravit. A la batterie, Christophe Marguet balance un flux d'énergie rapide en jet continu de frappes et de rebonds, tandis que devant, le guitariste Manu Codjia et la saxophoniste Géraldine Laurent échangent de courtes phrases dans un ping-pong tendu. Ca joue à la volée. Les morceaux courts, compositions de Charlie Parker ou thèmes qu'il a souvent joués, s'enchaînent à grande vitesse. Ca tient du feu d'artifice. Aucun des trois musiciens ne semble vraiment à l'aise pour s'adresser au public, mais c'est pas bien grave, la musique s'en passe. Au bout d'un moment, les morceaux se rallongent, les solos sont plus longs, peut-être plus intenses, mais par un curieux phénomène ils ont tendance à m'endormir : je crois que c'est les thèmes de départ, toujours assez courts, qui quand ils sont répétés en boucle par celui qui ne prend pas le solo, m'hypnotisent en quelque sorte. codjia marguet laurent

mardi 17 avril 2012

Johann Sebastian Bach - Matthäus Passion (Salle Pleyel - 8 Avril 2012)

Pour ma première Passion selon Saint Matthieu, je bénéficie d'un bel équipage dont la Saint Jean d'il y a deux ans avait laissé chez certains de brillants souvenirs. Marc Minkowski continue de ne pas vouloir de choeur, remplacé par 12 solistes. Mais si la Johannes était intime, cette Matthaüs est beaucoup plus expressionniste, dramatique, et même massive. Quel barouf, comparé à la transparence de la veille ! Cela devient à la longue excessif, surtout de la part de l'évangéliste Markus Brutscher, qui s'enfonce dans un registre furibard en perdant peu à peu les nuances. Et lorsque le texte s'éloigne de l'essentiel, ce ton me donne des visions étranges : les saints qui sortent de leurs tombeaux devient une invasion de zombies divins, et la problématique des 30 deniers qui servent finalement à acheter "le champ du sang", une malédiction de cimetière indien...
Avoir côtoyé les cantates me permet de mieux goûter la structure en arias, récitatifs et chorales. Certains m'enchantent, comme "Ich will dir mein Herz schenken", "Ich will bei meinem Jesu wachen", ou le duo (j'adore les duos dans les chants religieux de Bach) "So ist mein Jesus nun gefangen". Mais pour que l'émotion me saisisse, il lui faut un élément de surprise. Ce sera le soudain envol de "Aus Liebe will mein Heiland sterben", instrumentation minimale, sans aucune basse, deux flûtes, et la soprano Marita Solberg, qui me jette au bord du sanglot.
Curieusement, je n'ai guère été sensible aux effets de la stéréo (les Musiciens du Louvre Grenoble sont séparés en deux petits orchestres qui se répondent). J'avais sans doute trop à découvrir. En tous cas, ce fut un week-end remarquable, par les choix si différents d'interprétation d'une Passion à l'autre.

la passion selon saint matthieu

Ailleurs: Joël, guillaume, Palpatine.

jeudi 12 avril 2012

Johann Sebastian Bach - Johannes Passion (Cité de la Musique - 7 Avril 2012)

Comme c'est la quatrième fois que je vois la Passion selon Saint Jean, je commence à mieux m'y repérer.
Il y a des passages incontournables, à commencer par l'introduction "Herr, unser Herrscher", et son architecture en trois couches, comme l'indique le livret, battement du coeur en bas, le temps qui s'écoule au milieu, les notes qui dessinent des croix en haut, et le résultat qui dépasse infiniment en émotion et en efficacité dramatique et musicale cette analyse quelque peu simpliste. L'ensemble orchestral du Concert Lorrain me sied parfaitement, même si j'eus apprécié un peu plus de puissance dans les contrebasses. Le choeur du Nederlands Kamerkoor offre une belle unité. Christoph Prégardien, qui dirige, laisse la musique plusieurs fois mourir et ressusciter, en allongeant les pauses et les silences.
L'autre passage primordial est le "Es ist vollbrach" et toute la progression qui s'ensuit, jusqu'aux choeurs finaux. L'émotion est bien là, mais retenue, gardée à hauteur d'humanité : Prégardien continue de privilégier une certaine lenteur, une insistance sur les silences, et de manière générale une belle transparence orchestrale, sans jamais forcer les effets, et en gardant le tout dans un faible volume sonore.
Entre temps, quelques moments choisis. Le Jésus de Yorck Felix Speer surprend, par son timbre presque rocailleux, et son phrasés presque violent, quand il s'interpose entre les soldats et les disciples dans le Jardin des Oliviers. Il garde cette véhémence jusqu'à la croix, où soudain il mue, pour un final en agonie plus conforme. Etonnant parti-pris, soit du chanteur, soit du chef !
J'avais oublié le traitement de la foule, quand elle hurle "Barabas", en voltige contrapuntique éblouissante, comme si Bach ne pouvait donner une vision du chaos qui ne soit aussi ordonnée qu'une fugue...
Et puis, cette pause inattendue, après "Von den Stricken meiner Sünden", et un récitatif d'à peine 20 secondes, lorsque surgit cet allègre et si charmant "Ich folge dir gleichfalls", qu'il me semble reconnaître comme s'il s'agissait d'un air de cantate souvent écoutée, alors que non.

la passion selon saint jean

Ailleurs: guillaume

samedi 7 avril 2012

Big and Small (Théâtre de la Ville - 4 Avril 2012)

Je me souvenais avoir pris ce billet à cause du nom de Martin Crimp, même s'il n'est ici que le traducteur. A voir les nombreux "cherche 1 place" aux portes du théâtre, je me suis dit que j'avais du oublier un détail. En effet : ce détail s'appelle Cate Blanchett. Mais les fans désireux de la voir sur scène avaient peut-être oublié un autre détail : la pièce est de Botho Strauss.
On a donc une star sur scène, et qui de fait rayonne, et impressionne par la qualité, la variété, l'intensité de son jeu. Elle incarne Lotte, une femme qui erre de place en place, après une séparation amoureuse douloureuse, essaie de se reconstruire, à travers diverses rencontres souvent peu fructueuses. Il y a dix scènes, assez séparées les unes des autres, sans que le lien soit évident de l'une à l'autre. La mise en scène est de Benedict Andrews, qui a remplacé Luc Bondy indisponible pour raison de santé. Il opte pour un décor minimaliste, fonctionnel, mais trop souvent trivial, sans magie.
Aux cotés de Cate Blanchett presque omniprésente, les acteurs de la Sydney Theatre Company (que Blanchett co-dirige depuis plusieurs années) jouent eux aussi de manière beaucoup plus minimaliste, fonctionnelle, et trop souvent sans magie. C'est vraiment elle, toute extravertie, remuante, débordante d'émotions, et les autres. Du coup, la scène que j'ai préféré est la première, au Maroc, où elle soliloque en expliquant au public la discussion que tiennent deux hommes dans la rue et dont elle admire le timbre grave, si "amazing", comme elle ponctue régulièrement son discours, tout en fumant, buvant, et laissant exsuder un désespoir camouflé par une agitation fébrile.
Mais peu à peu, de scène en scène, mon attention se délite, parce que je ne saisis pas la trajectoire du personnage, que je ne comprends pas tout du texte (dit en anglais, avec des sur-titres que ma place dans les premiers rangs m'empêche de lire confortablement), et que le spectacle est long (près de 2h30). Et c'est un cercle vicieux, puisque moins je comprends, plus je somnole, et moins je comprends... Du coup, je loupe complètement les derniers moments forts.

Ailleurs : Armelle Heliot, Odile Quirot, Christophe Candoni, Olivier Pansieri, Jean-Pierre Bourcier ...

Mauro Gargano Mo' Avast Band (L'improviste - 31 Mars 2012)

J'avais déjà vu Mauro Gargano comme contrebassiste du quartet "Résistance Poétique", quant à Francesco Bearzatti et Fabrice Moreau, ce sont des habituels de mes concerts de Jazz. Les voici réunis, avec un second saxophoniste, Stéphane Mercier. Revoir des musiciens qu'on connait au sein d'une nouvelle formation est toujours intéressant, pour voir comment les rôles se distribuent, et pour éclairer différemment les talents.
Mauro Gargano assume pleinement sa position de leader, partant dans de savoureux discours pour expliquer la genèse du nom du groupe ou de certains morceaux, relatant ainsi comment il a été attaqué par un sanglier dans une forêt suédoise, ou comment ses collègues ont tenté de l'empêcher de porter une chemise rouge délavé (qu'il arborera néanmoins fièrement pour le second set). A ses solos un peu trop bruyants et brouillons, je préfère son jeu d'accompagnement, emplie d'une belle allégresse dansante, préférant le rebondissant au métronomique.
A ses cotés, Fabrice Moreau se lance dans un jeu beaucoup plus énergique que ce que je lui connais d'habitude. Ca ne l'empêche pas d'opter pour les subtiles techniques coloristes, roulements de caisse claire en apesanteur, cymbales flottantes, mais il assure aussi la propulsion du groupe. Une facette inattendue de son talent, qui s'avère fort étendu.
Et devant, deux saxophonistes. Stéphane Mercier démarre souvent sur des notes isolées, ou répétées, avant de s'envoler peu à peu, mais reste proche du thème de départ, un lyrisme proche d'une ligne claire (il est belge !). Francesco Bearzatti lui dérape beaucoup plus facilement dans la fièvre, les sonorités un peu saturées ou bruitées. Cela fait de fort beaux échanges entre leurs jeux complémentaires.
Quelques ballades viennent adoucir un concert basé sur des morceaux plutôt rapides et pêchus. Le public pour une fois bien présent (où je crois repérer de nombreux italiens) se régale !

maura gargano mo avast quartet