lundi 17 juin 2013

Maria Muñoz - Bach (Théâtre des Abbesses - 4 Juin 2013)

Je n'aime pas me retrouver à l'étage au Théâtre des Abbesses. On y perd fortement en terme de proximité et du coup en intimité, ce qui est pourtant généralement l'un des charmes des spectacles programmés dans cette plus petite salle. C'est le cas ici : une danseuse seule sur une scène vide, avec à peine un peu de musique (des extraits du "Clavier bien tempéré" de Bach joué par Glenn Gould), et pourtant une forte présence, mais la distance est trop grande, impossible de discerner les expressions de son visage, par exemple. La danse non plus n'est pas spectaculaire ; souvent, elle démarre avant la musique, qui la rejoint au bout d'un temps ; la première séquence évoque certaines poses de flamenco ; il doit y avoir d'autres sources que je ne connais pas. Par moments, Maria Muñoz, qui est la danseuse et la chorégraphe, s'arrête, sort de la piste, boit un peu. Puis redémarre. Se dégage une impression de sincérité qui force le respect, et j'y vois un message radical dans sa simplicité : "je suis vivante, et je suis là".

maria muñoz



dimanche 9 juin 2013

Concerts Gais 11 (Temple des Batignolles - 2 Juin 2013)

Nikolaï Rimski-Korsakov - Ouverture de la Fiancée du Tsar

Ca commence par une marche militaire bien relevée, et après un court passage aux cordes, les cuivres se mettent en marche pour tout écraser sur leur passage - dans ce temple, leur donner trop de volume sonore ne pardonne pas. Le précédent chef y faisait bien attention, mais Julien Vanhoutte pas. Ce n'est pas ma musique de prédilection au départ, mais là du coup, on ne l'entend guère.

Gabriel Fauré - Pelléas et Mélisande

Le livret, plus cheap que d'habitude puisqu'en noir et blanc et sans aucune publicité, mais toujours instructif et amusant grâce aux textes de Klari von MachinTrucChose, indique que Debussy considérait cette musique digne d'un "casino de station balnéaire". De fait, ça roule gentiment, c'est tendre et c'est moelleux, la Sicilienne (la seule pièce que je connais) pourrait être (a été ?) utilisée comme générique d'émission de vulgarisation culturelle, mais tout ça est surtout gentiment fadasse, limite sans intérêt.

les concerts gais

Claude Debussy - Prélude à l'après-midi d'un faune

Après l'entracte, changement de braquet. Ce chef d'oeuvre, je l'ai entendu parfois magnifié, parfois massacré. On est ici dans la première catégorie : des tempi d'une souplesse parfaite, qui suivent les mélodies aux détours de leurs éclosions ; un flûtiste humble et sans faute, à sa place ; une avancée à tâtons, comme au travers d'un rêve ; les montées orchestrales, et les soudaines retenues, parfaitement négociées, sans forcer ; l'émotion ô combien présente. C'est beau. J'étais venu essentiellement pour cette pièce, et l'interprétation valait largement le déplacement. Bravo au manager artistique pour cette suggestion de programme, au chef Julien Vanhoutte et aux musiciens des Concerts Gais pour l'avoir si brillamment menée à bien !

Camille Saint-Saëns - Concerto pour violoncelle n°1

Encore un concerto pour violoncelle, genre que j'adore, mais si prolifique depuis 150 ans ! Je ne connaissais pas celui-ci, et pensait ne pas être vraiment intéressé (trop romantique, disons). Et puis rapidement, le jeu de la soliste Marlène Rivière me capte, et finalement, ce concerto me séduit tout à fait. Quelle histoire raconte ce violoncelle, je ne sais pas, il y a de l'intime, et de l'humour, beaucoup d'allant, des coups de force et de petites douceurs. Autour du soliste, l'orchestre, essentiellement, accompagne : pas vraiment de confrontation, ou de lutte. En fait, je ne l'ai pas vraiment écouté, tout concentré que j'étais sur Rivière.
En bis, elle nous joue la sarabande de la 4ème suite de Bach, et comme le public continue à manifester son grand enthousiasme, c'est l'orchestre qui vient achever la soirée par un "Finlandia" de Sibelius particulièrement lourd et bruyant.

marlène rivière aux concerts gais

Ailleurs : Joël, Klari

Alexandra Grimal - Benjamin Duboc (Ackenbush - 31 Mai 2013)

L'agenda d'Alexandra Grimal m'envoie parfois à la recherche de lieux inédits. Cette fois, C'est Ackenbush, une salle à Malakoff, un grand carré parqueté avec quelques rangées de chaises, qui donne régulièrement des concerts d'improvisation (et tiens, du Morton Feldman la semaine prochaine ...). Ambiance particulièrement conviviale, la plupart des spectateurs sont des habitués, sans que je me sente du tout exclu ! Beau travail des hôtes, qui après le concert ouvrent leur cuisine où s'installent les spectateurs et les artistes, pour quelques verres de vin ou de jus de fruits accompagnés d'amuse-gueule, dans une tranquille et décontractée discussion agrémentée d'anecdotes de musiciens itinérants ! Le tout pour une somme si particulièrement modique que cela doit compter pour du mécénat ...

alexandra grimal / benjamin duboc

Et la musique, entre-temps ? Dans ce genre de contexte de pure improvisation, Alexandra Grimal est devenue moins attentiste qu'il y a quelques années, elle est plus volontaire, et propose plus facilement des idées de départ, que ce soit une sonorité un peu caverneuse, un rythme, une mélodie ... Quant à Benjamin Duboc, c'est de manière surprenante vue sa grande activité, la première fois que je croise son chemin. il faudra d'autres concerts pour apprécier l'étendue de ses possibilités, puisqu'ici il ne fait que frôler le bruitisme (coups et caresses de la caisse de son instrument ; Grimal répond par le cliquetis des clés du saxophone) par exemple. En fait, les meilleures parties sont pour moi les plus simples et directes : un rythme vif et allègre à la contrebasse, un flux de notes tourbillonnantes et fraîches au saxophone (soprano, du coup, la plupart du temps : Alexandra Grimal utilise plus facilement le saxophone ténor pour des recherches de sonorité). Deux sets, pour une bonne heure et quart de musique, où les passages à vide (où on sent pointer des formules en pilote automatique) sont rares.

alexandra grimal benjamin duboc

Ailleurs : Le dernier disque d'Alexandra Grimal est disponible en vente uniquement sur Internet : Héliopolis - Dragons

samedi 1 juin 2013

Heinz Holliger - Scardanelli-Zyklus (Cité de la Musique - 30 Mai 2013)

C'est un vaste cycle de près de 2h30, contenant des pièces vocales, orchestrales, et pour flûte soliste. La plupart d'entre elles sont basées sur des idées plutôt abstraites de forme, genre "trois présentations d'un canon pour sept voix de femmes : staccato en demi-ton, non-staccato en quarts de ton, tenuto en huitièmes de ton. Chaque chanteuse chante dans le tempo donné par son pouls" (ça, c'est pour "Sommer III"). Ou bien on se plonge dans les descriptifs et on tente de suivre les canons, les quarts de ton, les rythmiques plus ou moins libres, ou bien on se laisse flotter, au gré des épisodes qui recréent des cycles de saison.
Le Choeur de la Radio lettone m'impressionne guère, l'Ensemble Intercontemporain est égal à lui-même, Heinz Holliger dirige tranquillement tout ce beau monde, et de temps en temps déclame d'une voix de stentor les dates et signatures farfelues qui ornent les poèmes de Hölderlin qui servent de base d'inspiration. Mais la star de la soirée est la flûtiste Sophie Cherrier, en particulier dans "(t)air(e)", qu'elle transcende en une prodigieuse quête quasi-mystique d'une beauté baignée de mystère.

holliger et eic

Les Dissonances - Britten, Barber, Bernstein (Cité de la Musique - 23 Mai 2013)

Henri Dutilleux - Trois strophes sur le nom de Sacher

Le compositeur Henri Dutilleux ayant décédé la veille, le concert débute par un hommage : Xavier Phillips nous offre des Trois Strophes une intense version, qui débute très abstraite et comme improvisée, dans le bruitisme et la plus grande modernité, et finit dans la frénésie hallucinée. 

Benjamin Britten - Variations on a Theme of Frank Bridge

Une introduction, une dizaine de variations, et un finale, en moins d'une demi-heure : chaque séquence est courte, fortement typée (marche, bourrée, valse, marche funèbre ...) ; comme je n'y distingue pas le thème, ce sont pour moi des pages disparates qui se succèdent, et qui ne me passionnent guère.

Benjamin Britten - Lachrymae

C'est surtout pour cette pièce que j'avais choisi ce concert : j'ai beaucoup écouté ce disque de Kim Kashkashian qui en a emprunté le titre. Mais hors contexte, je ne reconnais rien ! Là encore, catalogues de variations successives. David Gaillard est techniquement excellent, mais je regarde passer la musique sans être emporté. C'était pas le bon soir pour moi, il semblerait.

Samuel Barber - Adagio pour cordes

Très belle interprétation de cette musique parfois facilement rabâchée ; David Grimal et ses Dissonances y mettent une impressionnante tension, qui happe l'attention le long des 10 petites minutes de l'oeuvre.

Leonard Bernstein - Sérénade pour violon, cordes, harpe et percussion

Les cinq mouvements prennent les noms des convives du Banquet de Platon. Les ambiances ont plus le temps de s'installer que pendant les pièces de Britten, et du coup j'apprécie beaucoup plus, surtout le début et la fin, énergiques et colorés (les passages émotion sont un peu trop conventionnels).
De plus, entre la nonchalance élégante de David Grimal, et les sourires et regards que s'échangent tous les musiciens, il y a du bonheur qui flotte sur toute la scène, ce qui rend cet ensemble très agréable à regarder en concert !

Spotify Gidon Kremer & Wiener Philharmoniker & New York Philharmonic Orchestra & Israel Philharmonic Orchestra & Christoph von Dohnanyi & Leonard Bernstein – Glass: Violin Concerto / Rorem: Violin Concerto (1984) / Bernstein: Serenade After Plato's "Symposium" (1954) For Solo Violin, String Orchestra, Harp And Percussion ; Marc Coppey – Dutilleux: Tout Un Monde Lointain, Trois Strophes - Caplet: Epiphanie

Anne Teresa De Keersmaeker - Elena's Aria (Théâtre de la Ville - 19 Mai 2013)

ATDK n'aime pas répéter trop longtemps les mêmes formules, et régulièrement, essaie un autre style, une autre approche, dans des ruptures qui font d'elle cette créatrice passionnante à suivre, toujours dans la recherche et le doute. On voit par cette pièce, qui a été créée juste après "Rosas danst Rosas", et qu'elle reprend cette année pour la première fois, que c'était vrai dès le début de sa carrière. Musique rare et à l'arrière-plan, mouvements qui tardent à se mettre en place, pénombre persistante, une sorte de souffrance contrainte à la place de la jubilation énergique, c'est comme une inversion des premières pièces.
A trente ans de distance, on peut repérer des points de rapprochements avec les pièces les plus récentes, dans le traitement de la lumière, de l'attente, de la tension douloureuse. Mais là où j'étais captivé, voire subjugué, ici je me suis essentiellement ennuyé.
Sur la scène, plein de chaises, et quelques danseuses ; cinq, en fait, mais au départ on n'en voit que trois. Elles se chassent d'une chaise à l'autre de quelques mouvement coordonnées. Se lèvent, font quelques chaises, retombent. Actions diffuses, ambiances confuses.
Des textes sont lus, mais avec des accents qui les rendent très peu compréhensibles, des vidéos d'immeubles qui s'effondrent sont projetées, tic moderne de l'époque, devenu obsolète depuis.
Il y a évolution. Au départ séparées ou opposées, les danseuses finissent par établir des séquences qui les unissent toutes, et synchronisées. Et il y a une sorte d'épilogue : les danseuses assises en front de scène répètent quelques gestes fatigués. Certains y trouvent une grande émotion, j'y reste hermétique. Globalement, je respecte, mais j'accroche pas, tout simplement.

Ailleurs : La souris, Native Dancer, Théâtre du blog ...