samedi 29 mai 2004

Bartok - Eötvös (Cité de la Musique - 28 Mai 2004)

Béla Bartok - Deux images pour orchestre


La première, "En pleine fleur", est une sorte de méditation nocturne, empreinte de Debussysme, mais qui a du mal à dépasser l'exercice scolaire. La seconde, "Danse au village", se nourrit de mélodies et rythmes paysans, mais les plonge dans une orchestration convenue, limite pataude, qui les affaiblit totalement.
Du Bartok tiédasse, en fait ! Une oeuvre de jeunesse, écrite à 29 ans ? Mais l'opus suivant, c'est Barbe-Bleue !

Peter Eötvös - Replica


Concerto pour alto et orchestre, en prolongement de son opéra "Les trois soeurs". On est dans un certain conformisme de musique contemporaine, pour la durée (petit quart d'heure), pour la mise en scène (un orchestre assez classique, mais disposé originalement, ce qui permet de dire quelque-chose sur la plaquette mais ne change rien à la musique), pour l'orchestration (post-machin ou néo-truc, très "Schnittkienne", genre "j'ai digéré trois siècles de musique", mais du coup ne propose rien de vraiment neuf), pour le soliste (partition virtuose, surement, mais dans des limites qui permettenr à un non spécialiste de musique contemporaine de la jouer). Bref, pas grand-chose à dire...

Béla Bartok - Le Château de Barbe-Bleue


Enfin les choses sérieuses ! Ce récit simple (un homme dévoile chambre après chambre son âme à une femme...) et mystérieux (... et du coup l'emprisonne à son tour ; l'amour est-il donc impossible, ou est-il incompatible avec la connaissance de l'autre ?) est un de mes opéras préférés. Classicisme du déroulement du récit, mais variété et précision des climats, émotion de la musique et des voix...
L'Orchestre Philarmonique de Radio France est excellent, avec de splendides solos aux cuivres et aux bois. Ildiko Komlosi interprète Judith avec une puissance extraordinaire, une diction remarquable (non, je ne comprends pas le Hongrois ... Mais on "sent" la poésie des rythmes et des sonorités, qui ne peuvent découler que d'une parfaite maitrise de la langue, et ça tombe bien, elle est d'origine Hongroise...), bref elle est formidable. Peter Fried, par contre, ou du coup, est quelque peu écrasé par sa partenaire, son timbre sonne sec, et son interprétation semble sans direction précise, il est un peu perdu dans les limbes...
Une belle représentation, mais pas le sommet d'émotion que j'espérais...

mercredi 26 mai 2004

Varèse - Eötvös (Cité de la Musique - 25 Mai 2004)

Edgard Varèse - Ecuatorial


L'architecture de l'oeuvre est directement visible sur la scène. Au fond, une martiale rangée de percussionnistes. A gauche, une phalange de cuivres tranchants. A droite, un choeur d'hommes bien massif (le Choeur de l'Armée française, impeccables en uniformes). Et devant tout ça, deux joueuses d'ondes Martenot.
Inspirée de monuments précolombiens, la musique évoque de façon relativement convaincante des rituels barbares, grandioses, austères et sanglants.
Malheureusement, sans doute suis-je trop près de la scène pour bénéficier du mixage approprié ; du coup, les cuivres escamotent le choeur, peu audible, et les ondes se superposent en lézardes rapidement exaspérantes. La version initiale, pour Theremin, aurait eu l'avantage d'un impact visuel plus amusant.

Edgard Varèse - Déserts (avec vidéo de Bill Viola)


Un des chef-d'oeuvre emblématiques de Varèse. Une ascèse, avec ces accords de cuivres construits par étages, ces percussions hantées par le vide, ce statisme paradoxal... Et ces interpolations électroniques, concassages de sons bruts industriels, aujourd'hui filtrés par le temps et par la technique de l'époque, recouverts d'une irrésistible patine Vintage.

Depuis la vidéo de Bill Viola, ces interpolations sont réhabilitées, même si leur fonction n'est sans doute plus du tout celle que leur avait assignée Varèse ! Ce n'est plus un agrandissement de la furie orchestrale dans le monde concret, mais au contraire une prolongation purement mentale de la solitude affolante.

Aux passages instrumentaux, la vidéo accole des représentations de transformations d'énergie, dans une gradation de l'antédiluvien (courants marins, conquète de l'air, éclairs...), vers la civilisation, avec des rappels et des parallèles (incendies, lampadaires, arbres...). Et lors des passages électroniques, elle montre un homme qui s'asseoit, mange une soupe, fait tomber un verre d'eau. Le bruit semble très clairement venir de sa tête, remplie du tumulte énorme du mental.
Vers la fin, l'homme se fracasse dans l'énergie du monde. Une lampe allumée au fond de l'océan conclut par une note d'humour étrange.

Vidéo magique, profonde et pourtant si immédiatement lisible ; Varèse/Viola, une rencontre de ... génies ? (mot galvaudé, mais là...)

Peter Eötvös - Chinese Opera


Eötvös rend hommage à quatre metteurs en scène :
- Peter Brook, dans une intro trop rapide pour que je remarque quoi que ce soit
- Luc Bondy, dans un tableau aux raffinements fort travaillés, un souci des textures diaprées et des couleurs acidulées, un charme un peu stérile
- Klaus Michael Grüber, dans un développement plus lourd, une continuation mais dans un ton plus emphatique et un résultat plus ... théâtral (!)
- Patrice Chéreau, dans une conclusion qui se rapproche finalement de Varèse, par l'utilisation hiératique des percussions, le dégraissage des jeux instrumentaux, les scansions affirmées, puis adoucies.
Par cette dernière partie, l'oeuvre échappe au seul exercise de décoration, pour trouver une force plus authentique. Mais il reste quand même trop de sucre, et pas assez d'os.

samedi 22 mai 2004

Aka Moon (Sunset - 21 Mai 2004)

La soirée au Sunset commence vers 21:30, par un passage au SunSide (la salle au rez-de-chaussée), avec un quatuor italien, mené par Rosario Guiliani. Batteur et bassiste sont aussi enjoyés que des gardiens de prison, le pianiste réussit à ne pas faire applaudir ses solos, tant ils sont péniblement plats, et le saxo lui-même joue un hard-bop légèrement encombré de clichés et de formules, et de toute façon sans originalité ni grâce particulière.

Heureusement, rapidement, on descend dans la cave (le SunSet proprement dit), où Aka Moon s'installe vers 22h30.
Finalement, Magic Malick n'est pas venu, il est en vacances au Mexique... Pas de guests, reste le trio magique :
- Stéphane Galland à la batterie. La vision de Monk, la puissance d'Elvin Jones (rip). Le rythme hocquette, dérape, se divise, se multiplie, explose en tous sens. Un flux d'énergie mutante, un chaos bouillonnant. Tout ça avec un set de batterie presque minimal, mais une technique fabuleuse (roulements avec une seule main, rythmes indépendants entre les deux mains, frappes iconoclastes des symbales...) !
- Michel Hatzigeorgiou à la basse. A lui de contrôler le flux. Il le dompte avec rondeur, et s'envole de temps en temps dans des explorations plus guitaristiques.
- Fabrizio Cassol au saxophone. A lui de tournoyer, en galipettes et voltiges. Un débit impressionnant, mais une certaine aridité dans l'expressivité.

Généralement, on est plus dans le régime de l'énergie que de l'émotion. Exception notable, un solo extraordinaire de Hatzigeorgiou, sur une boucle de basse qu'il enregistre "au pied", puis sur laquelle il improvise sur un mode guitaristique, s'autorisant des pédales whawha (une ombre lointaine de Hendriks passe...), complétant et déformant la boucle, saturant le champ...

Sinon, donc, on est plutôt dans le registre jazz-punk, mais avec élégance, par exemple celle de ne jamais hurler dans le sax, alors même que l'accumulation d'énergie semblerait réclamer ce genre de paroxisme exultatoire. L'énergie va alors plutôt être fondue dans une débauche de cymbales, ou dans la répétition férocement virtuose d'une phrase synchrone pour une fois par les trois compères.

Le spectacle est en trois sets, 22:30-23:30, 00:00-01:00, 01:30-02:00, plus un bref rappel. Le public, dense au début, se clarsifie de set en set. Pour le troisième, on est enfin à notre aise, et on peut se rapprocher de la scène. Dans ce dernier set, Galland donne tout ce qu'il a en réserve pour piéger ces camarades, dont la communication et l'interaction fait plaisir à voir et à entendre.

On sort rassasié, et pour ma part gonflé à bloc. Suffisament pour commencer ce blog !