lundi 29 mars 2010

Ives Barber Stravinski Adams (Cité de la Musique - 26 Mars 2010)

Charles Ives - The Fourth of July (from Holidays Symphony)

John Adams a choisi pour ce concert, dans le cadre de son "domaine privé", quelques compositeurs américains majeurs. On commence par Ives, et une partition plus rare que par exemple la "Unanswered Question". Il faut dire que l'effectif requis est plus impressionnant, ici l'Orchestre Philarmonique de Radio France, et la mise en place bien plus complexe. Cela commence par un frémissement de cordes typique de Ives, mais les choses se compliquent rapidement, vers un tohu-bohu bien proche du chaos, où se mêlent les couches, les citations, les pastiches, les superpositions. J'ignore s'il est possible de faire vraiment mieux, mais ce soir, l'ensemble devient rapidement pâteux et assez indigeste. Pas sur que la salle permette non plus d'absorber tant de sons, elle sature, et moi aussi.

Samuel Barber - Knoxville, Summer of 1915

Enfin du Barber qui n'est pas son adagio pour cordes ! La soprano Sally Matthews entame l'étrange texte de James Agee, souvenirs d'enfance où pointent des angoisses opaques, et le premier écho évoqué en moi est le "Socrate" de Satie. Même fond sonore comme une berceuse, même rythme de chant qui doit épouser une prose, même tristesse poignante. Cela ne dure que la première partie. L'orchestration ensuite s'enrichit, et c'est une fort belle découverte. La voix de Sally Matthews est assez bizarre, qui change de couleur à maintes reprises ; mais son intensité, tant au niveau du volume que de l'engagement émotionnel, emporte le morceau, et le public l'acclame.

Igor Stravinski - Prélude et air d'Anne Trulove (from Rake's Progress)

Là aussi, c'est un choix original. Le néoclassique dans un de ses joyaux, une simplicité de mise en forme où tout gras est exclus. La fin est un peu trop mozartienne à mon gout, mais bon ...

John Adams - Harmonielehre

J'ai du mal avec la musique de John Adams en général, qui m'a valu l'une de mes pires expériences de concert (l'honnis "Eldorado"), mais où brillent quelques inattendues pépites (j'aime beaucoup sa "Chamber Symphony", jouée le lendemain et visible sur AteLiveWeb). La puissance orchestrale de la première partie de cet Harmonieleher me sidère. On est vraiment emporté, et les variations dans le tissu orchestral et dans l'allure rythmique générale sont suffisamment importantes pour ne pas écraser. La deuxième partie "The Anfortas Wound" est tout aussi majestueuse, dans un registre plus sombre, plus aride, voire désespéré. Le chef d'orchestre Lawrence Renes obtient des couleurs tranchantes, jusqu'à un cri strident bien douloureux. Malheureusement, la troisième partie "Meister Eckhardt and Quackie" repart dans ce que je déteste dans ce genre de musique, une sorte de chevauchée imperturbable, dans une couleur tonale unique et inlassablement tonitruée, et un développement orchestral qui consiste à empiler les couches encore et encore ; rapidement, cela me fatigue.
Bon, triomphe, standing ovation, tout ça.

Ailleurs : ConcertoNet
Spotify : Charles Ives - Holidays Symphony, Samuel Barber - Knoxville Summer of 1915, Igor Stravinski - Air de Anne Trulove, John Adams - Harmonielehre.

samedi 27 mars 2010

Anne Paceo invite Henri Texier (Mairie du 4ème - 25 mars 2010)

Retour à la mairie du 4ème, pour la session mensuelle de J4zz. Julien Caumer explique que le projet de ce soir est une vraie "soirée laboratoire", genre ces musiciens n'ont encore jamais joué ensemble. A l'écoute, ça ne se voit pas !

Anne Paceo invite Henri Texier

L'invité d'honneur, c'est donc "notre maitre à tous" Henri Texier, comme le présente Paceo. Il prend de fait de plus en plus figure de parrain de la jeune scène Jazz française. La plupart des compositions jouées ce soir sont de lui, mais c'est elle qui les a choisies, précise-t-il. Il s'offre aussi quelques solos, s'aventurant gaillardement dans les extrémités du manche.

Et l'hôtesse, c'est la batteuse Anne Paceo, habituée des résidences et des concerts premières rencontres. Elle est peut-être moins tout feu tout flamme qu'à ses débuts (cela d'ailleurs s'entendait déjà dans son album), et si son jeu crépite et flamboie toujours, elle sait en diversifier les allures de chauffe, ronronnant, mijotant, ou brulant. La première composition personnelle jouée ce soir s'intitule "Sérénité", c'est peut-être un objectif, elle s'en approche. Elle laisse aussi toujours beaucoup d'espace à ces partenaires, et ne prendra que quelques solos vers la fin du set, dont un dense et massif, en accélération, impressionnant.

Anne Paceo invite Henri Texier

A leur coté, le pianiste Bruno Ruder ne sonne guère original pour l'instant. Il est jeune, il lui faut sans doute encore trouver sa voie et affirmer sa personnalité. Ce n'est pas le souci de l'accordéoniste Vincent Peirani, présence de géant sur scène, et qui nous emporte magiquement de ses solos voyageurs. Il semble un complément naturel à l'univers sonore de Texier, animé du même souffle des steppes européennes, et son accordéon trouve des échos nomades qui font merveille.

Parfois, je ressens le désir d'entendre une reprise par Sébastien Texier ou par Manu Codjia, qui ont fortement marqué de leur empreinte les albums du Strada Sextet. Mais la plupart du temps, la réappropriation par Paceo et Peirani fonctionne parfaitement, et le concert offre de nombreux moments de grand bonheur.

Spotify : Anne Paceo - Triphase ; Peirani joue sur quelques plages de Laurent Korcia - Cinéma.

dimanche 21 mars 2010

Swing in Spring : "Springtime Dancing" par Manu Katché

A l'occasion de l'arrivée du printemps, les blogueurs du "Z Band" se sont donné comme mission d'écrire un billet sur un morceau de Jazz dont le titre contient le mot "Spring".
Nous avons donc :
“Springtime” d’Eric Dolphy, version Eberhard chez Jazz à Berlin
“Spring Is Here” / John Coltrane chez Maïtre Chronique
“Springtime for H. & Correction“ chez Jazz à Paris
Blossom Dearie et sa “The Ballad Of The Spring” chez Jazz Frisson à Montréal
“You must believe in spring” de Michel Legrand à Bill Evans chez La Pie/JazzOcentre
Clifford Brown avec “Joy Spring” sur Ptilou’s blog
“Springtime again” par Sun Ra chez Bill Vesée
“Spring” par Kenny Dorham chez Belette
"Every Time We Say Goodbye" de Jeanne Lee et Mal Waldron pour Jazzques ...

J'ai choisi un disque récent, "Third Round" de Manu Katché, et la plage "Springtime Dancing".

Cela commence par une ritournelle que Jason Rebello boucle au piano, embrouillée par quelques notes de guitares de Jacob Young, et ponctuée de discrètes cymbales. Manu Katché n'est pas un batteur de Jazz, ou du moins pas seulement. Cela m'avait particulièrement frappé sur "Saga" de l'album "Ragas and Saga", où pour accompagner Jan Garbarek et Ustad Fateh Ali Khan, il proposait une boucle rythmique bondissante et régulière, quasiment imperturbable, qui aurait aussi bien pu être utilisée sur un titre de Peter Gabriel. Sur cet album "Third Round", ce qui me frappe le plus dans son jeu, c'est l'utilisation des cymbales, qui colorent toutes les plages d'un chaud jaune orange, avec diverses nuances, longues résonances bruitées, charleston feutrée, ou épices plus violentes et aigües d'un percussionniste.

Alors que peu à peu s'intensifie la batterie en-dessous et au-dessus de la ligne de piano, surgit le saxophone de Tore Brunborg, un son qui n'est pas sans rappeler celui de Jan Garbarek, d'ailleurs, comme d'un jouet ; il hésite, timide, puis s'impose un peu plus, mais pas longtemps. Restent alors le piano toujours tournant, la guitare presque cachée, la batterie en architecture légère et lumineuse, et la basse de Pino Palladino. Là aussi, cette basse électrique offre une couleur qui n'est pas celle typiquement Jazz qu'aurait donnée une contrebasse, ni du tout "fusion", ce qui aurait nécessité un jeu plus rock ou plus funky. C'est moelleux, presque doux, il y a la profondeur des fréquences basses, mais sans les attaques claquantes de la corde.

La répétition du piano crée quelque-chose de doucement lancinant, d'un peu triste. Et puis, au bout de deux minutes, le tempo ralentit, du silence s'infiltre, une clairière, qui débouche ... sur de la bossa-nova ! L'étoffe sonore est très délicatement ouvragée, chaque musicien reste assez ténu, c'est dans l'assemblage des bribes de chacun que se tient la richesse et la beauté.

Et puis, le système initial se réinstalle pour la dernière minute.

A la fin, je ne sais pas pourquoi ce titre "Springtime Dancing", cette musique ne m'évoque guère ni le printemps, ni la danse. J'y vois plutôt quelqu'un plongé dans la tristesse douce-amère d'un souvenir heureux mais révolu, peut-être le souvenir d'une rencontre, le temps d'une danse ou un peu plus, lors d'un voyage au Brésil, un printemps passé ...

Les heureux clients de Spotify peuvent y écouter cette chanson, les autres devront se contenter de la moins bonne qualité de Youtube.

Tant qu'à parler de vidéos, vous pouvez profiter de Manu katché à Marciac (avec une formation un peu différente), ou présentant son album pour One Shot Not.

samedi 20 mars 2010

SF Jazz Collective - The music of Horace Silver (New Morning - 15 Mars 2010)

Le SF Jazz Collective est un rassemblement de musiciens de Jazz de premier plan, qui en quelques semaines créent des arrangements et des morceaux autour d'un auteur ancien de Jazz, avant de partir en tournée les présenter. D'année en année, quelques-uns restent, d'autres sont remplacés.
Cette année se consacrèrent à la musique enjouée et chaleureuse de Horace Silver un octuor : les saxophonistes Miguel Zenon et Mark Turner, le trompettiste Avishai Cohen, le tromboniste Robin Eubanks, le vibraphoniste Stefon Harris, le pianiste Edward Simon, le contrebassiste Matt Penman, et le batteur Eric Harland.

sf jazz collective au new morning sf jazz collective au new morning sf jazz collective au new morning sf jazz collective au new morning

C'est de l'excellent boulot, tant dans les arrangements que dans les interprétations, avec des solos impeccables, des reprises impeccablement synchronisées, même les petits discours entre les morceaux sont impeccables de "c'est formidable d'être ici, merci beaucoup d'être là".
Il y a quelques tubes de Horace Silver ("Baghdad Blues", "Song For My Father", "Sister Sadie" ...), d'autres morceaux moins connus, et des compositions venant des musiciens eux-même, et le tout donne une soirée de musique très professionnelle. Mais sans que ne surgisse l'étincelle rare qui aurait soudain propulsé musiciens et public dans un autre espace. Ils font le boulot, mais ils n'emportent pas. C'est toujours un peu le danger des "super-groupes" composés de joueurs éminents mais sans "esprit de groupe" particulier.
Parmi les musiciens, celui qui m'a le plus plu a été Miguel Zenon, capable de fragile douceur autant que de volubile dextérité, et celui qui m'a le plus déçu a été le pianiste, mais la sono ne l'aidait pas.

Spotify: Le disque du SF Jazz Collective consacré à John Coltrane, le dernier disque - très ensoleillé - de Miguel Zenon, et The Process où jouent Edward Simon et Eric Harland.

mardi 16 mars 2010

Salle Pleyel Saison 2010-2011

12 concerts l'an dernier, 6 sans doute cette année (j'attends le programme de la Cité pour fixer). A la maintenant habituelle lassitude de voir des concertos pour piano de Beethoven et des symphonies de Mahler à longueur de pages, s'ajoute une grande déception par rapport à leur série "Création contemporaine", qui vient remplacer celle intitulée l'an dernier "Musiques du XXème et XXIème siècles".
Il y a deux façons de programmer des concerts de musique contemporaine. Soit en les regroupant dans des soirées spécifiques ; optique "clivante", où ne se rend que le public acquis d'avance. Soit en les insérant au milieu de pièces du répertoire ; optique "mi-chèvre mi-chou", où le public se bouche les oreilles le temps que passent les oeuvres modernes. Mais intituler "Création contemporaine" des concerts qui proposent ainsi une grosse chèvre de répertoire et un petit chou de création, j'appelle ça du foutage de gueule. Qu'avons-nous en effet comme création ?
- du Schumann / un hommage à Schumann écrit par Monnet / du Strauss
- un prélude à Beethoven écrit par Pauset / du Beethoven / du Berg
- une création de Dalbavie / du Beethoven / du Schubert
- du Escaich / du Dvorak / du Saint-Saens
- une création de Widmann / du Dvorak / du Bartok
- du Petitgirard /du Tabakov / du Prokofiev
etc.
Donc, non seulement il n'y a qu'une seule oeuvre nouvelle dans la soirée, mais en plus elle est souvent liée fortement avec une oeuvre du répertoire, ou dans un langage d'inspiration tonale. C'est vraiment de la création faite pour ne pas effrayer le bourgeois !
Le pire est que plusieurs de ces soirées ridicules sont sous le patronage du "Festival d'Automne à Paris". Ce n'est guère rassurant quant à ce phare de l'avant-garde, jusqu'ici plutôt parfois même excessif dans son radicalisme.

Heureusement, il reste Pierre Boulez. Trois créations en une seule soirée, dont deux de compositeurs inconnus, et du Schoenberg pour conclure. Voilà. Le seul concert de l'année à Pleyel qui mérite cette dénomination "création contemporaine". Ca fait peu.
Je prends aussi le concert Lachenmann / Bruckner, mais il faudrait qu'ils m'indiquent où est la "création" ...

Regardons donc dans les autres catégories. Le Jazz, par exemple. Des concerts intéressants, mais à quel prix ! Henri Texier à 45 euros, alors qu'on peut le voir gratuitement dans quelques jours à la mairie du 4ème ... McCoy Tyner à 60 euros ... Quant à ranger dans le "Jazz" la rencontre Lang Lang / Herbie Hancock où ils joueront du Williams et du Gershwin, je la range moi dans la catégorie "désastre annoncé".

Je prends quand même le concert de Michel Portal, et celui de Dave Holland, l'un et l'autre fort bien accompagnés.

Quoi d'autre ? Le Ballet Royal du Cambodge pour débuter l'année, et les Gurre-Lieder de Schoenberg, oeuvre monumentale donnée si rarement, pour la terminer.

J'attends nerveusement le programme de la Cité pour sauver un peu les meubles ...

Laurent Garnier (Salle Pleyel - 13 Mars 2010)

Laurent Garnier à Pleyel

Ce n'est pas le public habituel, ce soir, et tant mieux. Pour que ce genre de concert fonctionne, il faut que l'artiste amène son propre public. Du coup, je ne suis pas vraiment non plus dans mes rangs habituels, mais au premier du balcon, presque au centre, entouré visiblement de quelques autres abonnés, venus qui en cravate, qui avec un mystérieux carnet de notes. Le concert commence en douceur, avec un morceau secoué de convulsions rythmiques, comme un gros animal qui se redresse, sortant peut-être d'hibernation. Puis vient un presque solo de piano, qui ne servira plus de toute la soirée. Puis débarquent les cuivres, pour une sorte de marche reggae pleine de couleurs, et dont l'air entêtant continue de m'habiter ("Food for Thought"). Ca commence à en faire, du monde, sur le plateau ! Un percussionniste, Xavier Desandre ; quatre cuivres : les habituels saxophoniste Philippe Nadaud et trompettiste Philippe Nicaux, et les invités saxophoniste Thibault Paillier et tromboniste Sébastien Delaconne ; au piano puis à la guitare, Benjamin Rippert ; le DJ Crazy B, et Scan X à l'électronique ; et de temps en temps, le chanteur Anthony Joseph. On est loin du DJ isolé derrière ses platines en "invisible people". D'ailleurs, Laurent Garnier bouge beaucoup, danse, dirige, discute, avec les musiciens et avec le public, répète encore et encore son plaisir d'être dans cette salle.

Laurent Garnier à Pleyel

Maintenant que tout est en place, il peut lancer la grosse machine, et le premier tube, "Acid eiffel", mais ce sera avec "Gnanmankoudji" gorgé de cuivres chaleureux qu'il réussit à faire se lever toute la salle. Pas pour longtemps cela dit, puisqu'il enchaine avec un "Freeverse" aux sonorités agressives et rythmes concassés ("Let the music speak"). Le concert ne cherche pas la transe de la boite de nuit, mais au contraire varie les ambiances, de la drum and bass mais avec de vrais bons solos aux cuivres et au synthé, du bluesy avec la belle voix d'Anthony Joseph ("Dealing With the man"), ou du violent et désespéré avec "Pay TV", etc. Le tout s'achèvera sur un très puissant "Man with the red face", et un bonus presque pas prévu, "Back to my roots", qui effectivement clot bien la boucle.

J'avais vu il y a quelques années Garnier inviter Wesseltoft, et déjà Nadaud. La recette s'est depuis enrichie, équilibrée, et diversifiée. Cela donne un excellent concert, où on profite de l'excellence du son Pleyel (saturé comme il faut dans les aigus, mais où les basses manquent un peu, elles auraient pu un brin plus cogner dans l'estomac).

Mais le plus simple est de profiter de la transmission vidéo, impeccable tant au visuel qu'au sonore. Et les commentaires m'ont permis de retrouver les titres !
http://liveweb.arte.tv/fr/video/Laurent_Garnier_a_la_Salle_Pleyel/

Ailleurs: Palpatine, Labosonic, et ici du débat.
Spotify : Le concert avec Wesseltoft, et son dernier en studio (qui après le concert sonne un peu plat, signe d'un vrai bon concert !)

jeudi 4 mars 2010

Planning Mars - Avril 2010

J'ai du retard dans les annonces, mais c'est que ce mois de Mars sera particulièrement calme ...