vendredi 31 décembre 2004

Radios

Pour un blog consacré pour une bonne part à la musique, la tentation de se mettre aux radios-blog était trop forte. Vous pouvez donc en trouver 3, à droite, en milieu de colonne.

Pot-Pourri

C'est celle qui bougera le plus, selon l'humeur du moment, et le billet en cours. Pour l'instant, en l'honneur du réveillon, j'ai mis quelques valses...

Jazz

La liste est divisée en trois parties:
- la première heure rend hommage au label Blue Note, avec quelques exceptions, mais toujours dans l'esprit Bop (années 1956-1967); même les néophytes reconnaîtront certains tubes, connus parfois sous des vêtements plus récents.
- la seconde heure explore des chemins plus modernes et plus aventureux, où le rythme tient une place importante.
- la troisième heure enfin n'utilise que des disques que j'ai achetés cet automne 2004.

Dark Side

Le magazine bimensuel D-Side édite pour chaque numéro un CD sampler. J'ai fait ma propre sélection pour les années 2002, 2003 et 2004, ce qui donne 6 heures de techno, coldwave, gothique, electronica ou autre revival eighties... Cette radio est progammée en "shuffle", la liste est donc générée au hasard à chaque lancement.

Pour toute demande de précision sur tel ou tel morceau, n'hésitez pas à poster des commentaires !

mercredi 15 décembre 2004

... Ce qui arrive ... (Cité de la Musique - 14 Décembre 2004)

"Un Léviathan énigmatique" annonce la compositrice Olga Neuwirth, dans le riche livret, production "Festival d'Automne à Paris" oblige. Espace mis en scène de façon inédite (les musiciens de l'Ensemble Modern sont alignés sur la gauche et la droite de la scène, encadrant l'écran central où sera projetée la vidéo de Dominique Gonzalez-Foerster), éclairage novateur (de petites rampes de lampes multicolores surplombent les musiciens vétus de blanc, les baignant dans des ambiances colorées codées en fonction de la vidéo, en une sorte de prolongement, et qui aide à structurer l'ensemble), titre tiré d'une exposition de Paul Virilio, textes écrits et récités par Paul Auster, l'appreillage autour de cette oeuvre est impressionnant. Un peu trop, peut-être, quand on considère le résultat.

La musique de Olga Neuwirth se divise en trois grandes parties : des étendues étales lentement fluctuantes (qui évoquent plus Rihm que Ligeti); des moments plus vifs, qui empruntent à un peu tous les styles, par exemple une clarinette Klezmer, ou une petite fanfare de bastringue ; enfin, quand l'héroine de la vidéo, Georgette Dee, se met à chanter, on est dans la pure copie directe de Brecht, sans caricature ni hommage.
Sur la vidéo, Georgette Dee, sur une plage, s'agite, s'amuse avec quelques accessoires, pousse quelques chansons. Des trucages vidéos variés modifient continuellement la couleur du ciel, des vagues, donnant une impression de flottement temporel, puisque jour et nuit, beau temps et orage, semble se télescoper calmement.
Par-dessus tout ça flotte la voix quasiment ininterrompue de Paul Auster, qui lit des extraits du "Carnet rouge" et du "Diable par la queue" (en anglais of course, et sans traduction). Il a une belle voix assez basse, que Neuwirth parfois modifie un peu électroniquement, et ballade par spatialisation, ou, cliché plus énervant, coupe en boucle sur un mot ou un morceau de phrase.

Ca dure une heure. Certains peuvent trouver ça relaxant (les lumières douces, la vidéo tranquille, la voix berçante, la musique étale). Je trouve ça surtout fade, sans originalité, sans talent, et en plus sans modestie. Le texte du livret, le sérieux de la mise en scène, indiquent une volonté des auteurs de s'attaquer à des thèmes profonds. Mais quels sont-ils ? Quel est leur point de vue sur le hasard ? Quels sont les rapports entre la vidéo, la musique , et les textes récités ? Isolées, la vidéo comme la musique me semblent très faibles ; ensemble, elles permettent au temps de passer sans ennui, mais ne s'enrichissent pas l'une l'autre. Les textes, peu souvent compréhensibles, à cause de la langue et des manipulations électroniques, n'apportent pas grand-chose non plus. Du coup, on a bien un "Léviathan énigmatique" : un gros machin dont on se demande à quoi ça peut bien servir.
Le public applaudit sans enthousiasme. L'année prochaine sera présenté "Lost Highway", opéra de Neuwirth tiré du film de Lynch. Hummm.

Sur ce, trève des confiseurs. Prochain spectacle prévu : "Le Nez", le 25 Janvier.

samedi 11 décembre 2004

Wagner par l'Orchestre de l'Opéra de Rouen (Cité de la Musique - 10 Décembre 2004)

Tristan und Isolde - Prélude

Peut-on apprécier la musique de Richard Wagner, quand on ne sait pas reconnaitre le thème du Regard ou du Philtre, et quand on ne connait pas les mystères insondables de "l'accord de Tristan" ? Oui. Les thèmes servent ici à charpenter un discours symphonique assez classique, qui rapidement se déploie majestueusement sur les cordes, dans un crescendo impressionnant, mais empli de gravité. L'orchestre de l'Opéra de Rouen/Haute-Normandie, dirigé par Oswald Sallaberger, est impeccable, qui alimente cette musique avec toute la passion et toute la douleur contenue qui lui est nécessaire. La clarinettiste Naoko Yoshimura brille particulièrement.

Siegfried-Idyll

Wagner composa cette pièce pour sa femme et pour orchestre de chambre, d'après quelques thèmes de "Siegfried". 8 vents, 6 cordes (tiens la notice n'en donne que 5 ?), cela ne permet pas les mêmes atours orchestraux. Et le résultat me plait moins, j'ai en fait du mal à ne pas révasser et perd rapidement le fil. Passons.

Tannhaüser - Ouverture

D'abord le thème des pèlerins, presque austère, solennel, énoncé par les cuivres sous la scansion glacée et métronimique des cordes, puis le thème de Venusberg, luxuriant, foisonnant, et pour conclure le retour des pèlerins, mais comme adouci, humanisé par le passage de Venus. Finalement, je connais assez bien toute cette musique, et reconnais les thèmes, non dans leur signification, mais au moins dans leurs mélodies !

Die Walküre (Acte I)

Dans l'hypothèse où le Ring serait donné à Paris dans des conditions me permettant d'y assister, il est intéressant de savoir si je suis prêt à me lancer dans cette aventure. Un acte intégral, donné en version de concert, permet de tester, non la musique (j'ai les DVD Boulez-Chéreau), mais mon aptitude à m'y intéresser en conditions réelles. Et le test est plutôt concluant.
Après une courte et sombre cavalcade où les chiens chassent le loup à travers bois, l'orchestre semble aussi épuisé que le pourchassé Siegmund. Presque silencieux, il se permet même des solos, comme celui magnifique de Florent Audibert au violoncelle ; et les premiers échanges entre le frère et la soeur (Cheryl Struder, harpie brune drapée dans une très laide robe brodée de rouge façon kimono, et Alan Woodrow, en pingouin classique), sont retenus eux aussi.
Même en version de concert, ils ne peuvent s'empècher de se lancer des regards signifiants, et Jyrki Korkhonen, en Hunding, fait une vraie entrée de théâtre, imposant sa stature et son accent nordique (il roule les "r" !). A prime abord, c'est lui qui m'impressionne le plus, qui campe le mieux son personnage, et lui donne une densité formidable (je lis dans la notice qu'il a joué "Hagen", j'aimerais voir ça, il est fait pour ce role !).
Comme la musique monte peu à peu en puissance (ah, le thème du Walhalla, et celui si viril de l'Epee, ici je les connais - et cette connaissance permet quand même de mieux apprécier le déroulement de la musique), les voix aussi. Avec l'arrivée miraculeuse du Printemps, puis Siegmund qui brandit son épée au moment de sauter sur sa soeur, je me pose toujours la question de l'humour dans le Ring. Wagner pouvait difficilement être conscient des clichés freudiens qu'il utilisait, mais n'avait-il pas un sens du ridicule, parfois ?
Enfin, ça permet d'alléger un peu le texte, ce qui n'est pas inutile... Avec l'orchestre sur scène, qui permet de mieux voir comment la musique s'articule, l'acte passe rapidement, et très agréablement. Me voilà donc prêt pour une étape suivante.
Après les applaudissments d'usage (mais on évite le salut séparé des chanteurs, cette séance d'applaudimètre vaguement méprisable ne semble plus être à la mode, il n'y en avait pas non plus pour "Angels in America"), Oswald Sallabert nous offre un bis de circonstance, lançant l'orchestre dans la démesure de la Chevauchée des Walkyries, où les cuivres (trombones en tête) démontrent leur puissance et leur superbe, et où les flutes rivalisent avec le triangle pour créer un mur d'aigus redoutable. Impressionnant, ce sera le mot de la soirée.

dimanche 5 décembre 2004

Wim Vandekeybus - Sonic Boom (Théâtre de la Ville - 3 Décembre 2004)

Mélanger danse et théâtre, excercice habituel, rabaché même, de chorégraphe. Mais ici, s'agit-il vraiment de théâtre ? Peter Verhelst a écrit un texte, ici récité, qui raconte une histoire d'amour, ou peut-être deux, récit morcelé, raconté dans le désordre, à plusieurs voix ; à charge au spectateur de collecter les pièces du puzzle pour reconstituer le tout, s'il s'en sent l'envie. Le fait que ce soit dit en hollandais, surtitré dans le décor, n'arrange pas l'affaire. Autant dire que tout ce fatras de rencontre dans un port, de départ, d'abandon, d'éternel retour, ce ressassement de clichés et de lieux communs (au sens premier : une place avec deux platanes, revient comme une antienne) me gonfle rapidement.
Autre élément de ce spectacle : un DJ, dans une cabine d'enregistrement, qui anime une radio "rebelle", interrompt le récit de remarques en anglais (non surtitrées elles...), lance quelques disques intéressants, et passe le temps comme il peut.
Malheureusement, il, ou son double, se lance de temps à autre dans des sessions de "Simon Says" ("Jacques a dit") particulièrement désagréables. Le public frémit quand certains ordres, auxquels tous les protagonistes obéissent, frolent des clichés bien pénibles, comme "strip - stop" (tiens, seule la plus jolie fille se retrouve seins à l'air...), ou "scream - in silence". Ces démonstrations de manipulations mentales, livrées sans contexte, sans lien avec l'intrigue principale, n'ont aucune justification, et du coup aucun intérêt.

Tout est-il alors raté ? Presque ! Mais comme Vandekeybus est un immense chorégraphe et un excellent scénographe, créateur d'images fortes et parfois dérangeantes, il réussit, j'ai l'impression malgré lui, à sauver quelques moments dans ce spectacle assez court.
La danse, d'abord. Elle est rare, mais précieuse. Un passage inspiré par la marche, avec un croisement complexe de figures groupées d'enjambées, de sauts, de piétinements, de suspensions. Un autre sur l'effondrement des corps, et les mille et unes manières de rattrapper ou d'accompagner un partenaire qui tombe.
La scénographie, aussi. De la farine est répandue sur un corps allongé, qui se levant laisse une empreinte, dans laquelle il se couchera de nouveau, plus tard. Toujours avec de la farine, des marcheurs créent des pistes entrecroisées sur le sol. Des critiques saluent aussi la fin, en chutes répétées, mais la séquence me semble trop longue et un peu faible.

Voilà. c'est tout. C'est peu. J'espère que Vandekeybus reviendra vite à plus de danse...

samedi 4 décembre 2004

John Scofield et Bugge Wesseltoft (Cité de la Musique - 30 Novembre 2004)

D'abord il y a le rythme. Un DJ, un batteur, un percussionniste, plus Bugge Wesseltoft qui lance des séquences de boite à rythme, cela fait une belle densité. Mais ce n'est pas la démonstration de puissance de feu qui est visée, plutot une certaine qualité d'environnement sonore, fait de multiples couches qui se croisent et s'emboitent. Cette musique est une couverture chaude dans laquelle on s'emmitouffle jusqu'au risque d'étouffer, un bain agité mais accueillant dans lequel on s'enfonce au risque de perdre pied. C'est la jungle, la rivière qui entraine, le feu qui couve mais ne brule pas.
La première heure est un petit miracle pour moi. Cette musique m'aspire et me recueille, je la sens comme totalement naturelle et instinctive, je devine quand, à force de se densifier, il lui faut s'éclaircir, quand, à force d'accélerer, il lui faut ralentir. Mains agitant sur mes genoux une couche rythmique supplémentaire, corps balancé dans le flux, insoucieux du ridicule aux yeux de mes voisins, je me laisse aller, glisser, plonger dans cette moiteur profonde comme le bercement de l'océan.

Les grands bonheurs ne sont pas éternels. Un morceau au rythme plus monolitique, une ambiance moins captivante, et me voilà rejeté sur la rive, à regarder passer les notes.
La troupe réunie par Wesseltoft ne brille pas par la virtuosité technique. Les solos, de basse, de batterie, de percussion, n'ont qu'un intérêt limité, et Bugge lui-même, bien que capable de jolis moments au piano, préfère, bondissant comme un lutin monté en graines entre ses machines et claviers, se concentrer sur des travaux plus ingrats, comme de sampler live ses camarades, et de réinjecter en les triturant ces boucles, brouillant les limites, aidé par le DJ, empéchant en définitive de pouvoir distinguer entre éléments pré-enregistrés et notes jouées réellement sous nos yeux.
Et John Scofield ? Planant au-dessus de ce marécage de rythmes enchevétrés, de morceaux de mélodies, d'ambiances denses, il se contente parfois de gratter sa guitare, mais se lance souvent dans de larges traits gorgés de blues, plongeant parfois dans des sonorités plus aigues, saturées, aigres, qui complètent bien le son Wesseltoft. Il y a de part et d'autre un plaisir évident de la rencontre d'univers, peu évidente à bien gérer, les musiciens de ce groupe n'étant pas très compétents dans les questions/réponses virtuoses habituelles dans les dialogues entre jazzmen.
Pour nous accompagner dans le voyage, un vidéaste projette sur grand écran derrière la scène des animations plutot réussies et en phase avec la musique, oiseaux électroniques démultipliés, silhouette ralentie ou décalée de Scofield dansant sur sa guitare, ou formes géométriques parfois trop proches de Winamp.

Les morceaux de plus d'un quart d'heure se succèdent, avant une courte pause, puis un intermède où Scofield joue "Crying Time" de Ray Charles, berceuse sypathique mais un peu anecdotique, accompagné par Bugge à l'orgue d'église minimaliste. Après quoi la troupe entière revient. Replonger dans le fleuve n'est pas évident, et certains ont pu rester au bord tout du long. Dommage pour eux ! La chaleur douce mais irradiante de ce concert m'a nourri d'un grand bonheur. Merci, les gars.