Tristan und Isolde - Prélude
Peut-on apprécier la musique de Richard Wagner, quand on ne sait pas reconnaitre le thème du Regard ou du Philtre, et quand on ne connait pas les mystères insondables de "l'accord de Tristan" ? Oui. Les thèmes servent ici à charpenter un discours symphonique assez classique, qui rapidement se déploie majestueusement sur les cordes, dans un crescendo impressionnant, mais empli de gravité. L'orchestre de l'Opéra de Rouen/Haute-Normandie, dirigé par Oswald Sallaberger, est impeccable, qui alimente cette musique avec toute la passion et toute la douleur contenue qui lui est nécessaire. La clarinettiste Naoko Yoshimura brille particulièrement.
Siegfried-Idyll
Wagner composa cette pièce pour sa femme et pour orchestre de chambre, d'après quelques thèmes de "Siegfried". 8 vents, 6 cordes (tiens la notice n'en donne que 5 ?), cela ne permet pas les mêmes atours orchestraux. Et le résultat me plait moins, j'ai en fait du mal à ne pas révasser et perd rapidement le fil. Passons.
Tannhaüser - Ouverture
D'abord le thème des pèlerins, presque austère, solennel, énoncé par les cuivres sous la scansion glacée et métronimique des cordes, puis le thème de Venusberg, luxuriant, foisonnant, et pour conclure le retour des pèlerins, mais comme adouci, humanisé par le passage de Venus. Finalement, je connais assez bien toute cette musique, et reconnais les thèmes, non dans leur signification, mais au moins dans leurs mélodies !
Die Walküre (Acte I)
Dans l'hypothèse où le Ring serait donné à Paris dans des conditions me permettant d'y assister, il est intéressant de savoir si je suis prêt à me lancer dans cette aventure. Un acte intégral, donné en version de concert, permet de tester, non la musique (j'ai les DVD Boulez-Chéreau), mais mon aptitude à m'y intéresser en conditions réelles. Et le test est plutôt concluant.
Après une courte et sombre cavalcade où les chiens chassent le loup à travers bois, l'orchestre semble aussi épuisé que le pourchassé Siegmund. Presque silencieux, il se permet même des solos, comme celui magnifique de Florent Audibert au violoncelle ; et les premiers échanges entre le frère et la soeur (Cheryl Struder, harpie brune drapée dans une très laide robe brodée de rouge façon kimono, et Alan Woodrow, en pingouin classique), sont retenus eux aussi.
Même en version de concert, ils ne peuvent s'empècher de se lancer des regards signifiants, et Jyrki Korkhonen, en Hunding, fait une vraie entrée de théâtre, imposant sa stature et son accent nordique (il roule les "r" !). A prime abord, c'est lui qui m'impressionne le plus, qui campe le mieux son personnage, et lui donne une densité formidable (je lis dans la notice qu'il a joué "Hagen", j'aimerais voir ça, il est fait pour ce role !).
Comme la musique monte peu à peu en puissance (ah, le thème du Walhalla, et celui si viril de l'Epee, ici je les connais - et cette connaissance permet quand même de mieux apprécier le déroulement de la musique), les voix aussi. Avec l'arrivée miraculeuse du Printemps, puis Siegmund qui brandit son épée au moment de sauter sur sa soeur, je me pose toujours la question de l'humour dans le Ring. Wagner pouvait difficilement être conscient des clichés freudiens qu'il utilisait, mais n'avait-il pas un sens du ridicule, parfois ?
Enfin, ça permet d'alléger un peu le texte, ce qui n'est pas inutile... Avec l'orchestre sur scène, qui permet de mieux voir comment la musique s'articule, l'acte passe rapidement, et très agréablement. Me voilà donc prêt pour une étape suivante.
Après les applaudissments d'usage (mais on évite le salut séparé des chanteurs, cette séance d'applaudimètre vaguement méprisable ne semble plus être à la mode, il n'y en avait pas non plus pour "Angels in America"), Oswald Sallabert nous offre un bis de circonstance, lançant l'orchestre dans la démesure de la Chevauchée des Walkyries, où les cuivres (trombones en tête) démontrent leur puissance et leur superbe, et où les flutes rivalisent avec le triangle pour créer un mur d'aigus redoutable. Impressionnant, ce sera le mot de la soirée.