dimanche 28 septembre 2008

Mathieu Donarier Trio (Les Disquaires - 27 Septembre 2008)

Dans la toujours très sympathique salle des Disquaires, pleine d'une bonne trentaine de spectateurs, une fort agréable prestation de ce trio mené aux saxophones par Mathieu Donarier (envolées sages et savantes, guidées par l'intelligence du discours plus que par les flamboyances de la passion), accompagné du guitariste Manu Codjia (jouant le rôle du bassiste, avant de se lancer dans des improvisations aériennes, parfois un brin languides, toujours aussi magnifiques), et du batteur Joe Quitzke (au jeu très percussionniste, léger, alerte, utilisant le plus de force dans des moments surprenants). Le répertoire majoritairement composé par Donarier est ponctué de reprises, plusieurs Brassens (dont les rythmiques sont amenées vers le Reggae !), du Satie, un hommage peu reconnaissable à Trenet. Les morceaux s'arrêtent souvent brutalement.
Les courts discours du meneur ne sont pas toujours compréhensibles, mais l'humeur est à l'humour tranquille, à la connivence distanciée, au plaisir partagé.
matthieu donarier trio matthieu donarier trio

mercredi 24 septembre 2008

Diptyque 4.2b : Dîner

(photo par alibaba0)


Sur la nappe à carreaux
la fourchette a les crocs.
Son voisin le couteau
trouve qu'elle en fait trop :

Ils prennent l'apéro
au comptoir du bistrot -
c'est pour bientôt !

(participation au diptyque 4.2 d'Akynou)

jeudi 18 septembre 2008

Diptyque 4.1b : Ecume

(Photo par akynou)


Une bulle de chair
sur le bitume noir
est apparue précaire
dans le désert du soir

Il dort encore un peu
Il est peut-être heureux
Laissons-le ...

(participation au Diptyque 4.1 d'Akynou)

Joshua Redman - La Villette Quartet (Grande Halle de la Villette - 14 Septembre 2008)

Pour clore ce festival 2008 consacré aux formes métissées du Jazz, le saxophoniste Joshua Redman nous propose un concert très retour aux fondamentaux. Du Jazz classique, virtuose, très bien exécuté. S'imposant sur scène comme le chef incontesté des événements, il brille, souvent incandescent, dans des solos puissants et lyriques, remplis d'idées, souvent structurés en phrases rapides séparées par des silences. Ce qui m'épate, c'est l'assurance presque crâneuse qu'il dégage, comme si le doute, le risque, la possibilité d'une erreur était absolument niés ; il fonce, et de fait ne flanche jamais. Impressionnant, à défaut d'être révolutionnaire. A ses cotés, le pianiste Sam Yahel explore moins la vitesse et la mélodie que l'harmonie, qu'il tord légèrement, de manière souvent fort intéressante. Les dialogues entre Yahel et Redman, où chacun reprend et triture à sa sauce la phrase de l'autre, sont savoureux. Derrière eux, je retrouve Larry Grenadier à la basse et Jeff Ballard à la batterie, déjà vus chez Brad Meldhau. J'apprécie toujours autant Grenadier, et toujours aussi peu Ballard, que je trouve terne, comme un brin démodé.
joshua redman quartet + 1
En bis, Mark Turner vient les rejoindre, ce qui oblige Redman à ralentir le flux, pour lui donner un peu d'espace, lors d'un excellent Coltrane, suivi d'une enfin tranquille ballade. Un concert tout confort, très plaisant, mais guère émouvant. On ne peut pas tout avoir.

lundi 15 septembre 2008

Tortoise - Chicago Night (Cité de la Musique - 12 Septembre 2008)

Je connais fort peu la musique de Tortoise - du rock purement instrumental, plutôt instrospectif et atmosphérique. Pas évident de chroniquer ce concert, du coup.

Sur scène, ils sont cinq, plus deux invités. Deux batteries se font face au premier plan, un synthé dans le fond au centre, basse et guitare l'encadrant. Des vibraphones et xylophones sur les bords. Les invités, trompette et électronique, rejetés sur la gauche. Au-dessus, un écran diffuse des vidéos, abstractions winampesques, paysages pixellisés, qui comme bien souvent ne m'intéressent qu'un moment avant de me lasser.

Certains morceaux me laissent totalement indifférent - ballades aux mélodies pas vraiment accrocheuses, rythmes fades, pas de solos distinguables ; ou interludes tranquillement noisy, une "musique blanche" comme il existe un bruit blanc. Il suffit cependant que les deux batteurs se fassent face et alourdissent leur jeu, que les autres s'additionnent en décalage, ou que sonnent les vibraphones en boucles insidieuses et souvent peu prévisibles, pour que la magie fonctionne mieux. Mais ce n'est pas une musique foncièrement destinée au concert, et sans l'apprivoisement du disque qui aurait permis d'en mieux connaître et apprécier la mécanique et les ressorts, difficile de goûter pleinement cette musique volontairement "low-profile" et subtilement anti-spectaculaire.

Rob Mazurek à la trompette a parfois du mal à trouver sa place dans cette musique, les cinq de Tortoise, passant quasiment tous d'un instrument à l'autre, formant une sorte de cercle, assez fermé, même dans leur disposition sur scène. Il semble parfois ne pas jouer sur les mêmes accords, en tous cas pas dans le même esprit, ce qui pour une musique aussi atmosphérique fonctionne mal.
L'autre invité est Kevin Drumm, qui, ce me semble, n'a pas joué du tout de guitare, est resté aux manipulations electroniques, particulièrement manifestes sur la trompette de Mazurek. Leurs passages en duo sont assez froidement accueillis par le public.

Ailleurs : Native Dancer

mercredi 10 septembre 2008

Pierre Henry - Erik Truffaz (Cité de la Musique - 9 Septembre 2008)

Sur la scène encombrée de hauts-parleurs mais aux éclairages peu travaillés arrive Erik Truffaz, ses quelques trompettes, sourdines, et boitiers. Au milieu de la salle, Pierre Henry s'asseoit derrière ses consoles.

L'essentiel du concert consiste en "Variations pour une porte et un soupir". Magnifique partition des temps initiaux de la musique concrète, tour à tout apre et séductrice, langoureusement liquide ou agressivement grondante, épurée aux limites du silence puis envahie de saturations cacophoniques, où plane des échos de percussions tibétaines, de chants féminins, de cloches de vache, de sirènes ... Tout un univers passionnant. Sur cette bande son mythique, aux sonorités d'une clarté magnifique, Erik Truffaz colle des improvisations comme il peut, et la plupart du temps tombe à plat. Ses notes posées sonnent tristement contraintes et pauvres, face à la liberté sauvage du bruit de Henry. Seule la mise en boucles superposées de bribes de mélodies réussit à créer un halo harmonique qui rend sa trompette compatible avec son partenaire. Peut-être un trompettiste beaucoup plus "Free", plus bruitistement expérimental, aurait pu réussir le challenge. Ici, c'est globalement un gros échec. Mais il suffit de filtrer sa trompette et se concentrer sur la porte et le soupir pour éprouver un grand plaisir.

En sorte de bis, une page plus courte de Pierre Henry, "La divinité invisible", plus stable harmoniquement, ce qui permet à la trompette de Truffaz de trouver une place plus naturelle. Mais la pauvreté de ses interventions reste manifeste. Et ses bricolages sonores fait vraiment pale figure face au vieux maitre.

Ailleurs : In the mood for Jazz

L'oeil de l'éléphant (Cité de la Musique - 7 Septembre 2008)

En première partie, quatre élèves du Conservatoire de Paris présentent leur groupe "Rétro-viseur". Yoann Durant, saxophoniste, en fait juste un peu trop, en tentatives peu convaincantes de spatialiser ses sonorités, et en copié/collé visuel et auditif de divers maitres proches du Free, mais sa fougue et son inventivité l'emporte. La contrebassiste Fanny Lasfargues amplifie amplement son instrument, la transformant en machine à produire des sons variés, ou à balancer de l'énergie rageuse proche d'une guitare électrique. Le batteur Yann Joussein commence par la mise en place d'un faux chaos polyrythmique, mais saura aussi installer des boucles bien structurées et assez élégantes. Le vibraphoniste Stephan Caracci semble plus classique que ses collègues. Tous montrent une excellente technique. Les morceaux qu'ils enchaînent sans laisser le public applaudir (mais l'ovation finale rattrapera) tentent de trouver des façons actuelles de prolonger les aventures du Jazz Free, mais sans tomber dans la folie délirante. Un peu plus de maturation, qui permettra aux personnalités et au charisme de se développer davantage, et le groupe pourra devenir fort intéressant.

l'oeil de l'éléphant

Pour la seconde partie, place à une génération quelque peu plus âgée ! Sous l'écran descendu, et donc dos au public, s'assoient les quatre musiciens. Henri Texier apporte sa couleur inimitable, entre invitation au voyage et mélodies nostalgiques, tranquillité rêveuse et colère rentrée. Michel Portal et Louis Sclavis croisent leurs clarinettes et saxophones, où Portal ajoute son bandonéon. Jean-Pierre Drouet parfois se contente de jouer à la batterie, parfois la complète de quelques percussions incongrues (c'est même parfois raté), ou se lance dans les expérimentations sonores où je le préfère, ambiances nocturnes magnifiques.
L'ensemble sonne proche du trio africain, avec cependant les apports spécifiques de Portal (surtout quand il passe au bandonéon) et de Drouet (surtout quand il joue avec ses percussions).
Sur l'écran passent des photos de Guy Le Querrec, en flux rapide, divisé en chapitres thématiques (l'ombre ; les cercles ; le vent ; le sommeil ...) mais où se croisent d'autres thèmes récurrents (les voyages en Afrique, ou en Russie ; les concerts de Jazz ; les foules qui dansent ou qui manifestent ...). Si certains clichés sont connus (pochettes d'albums entre autres), la plupart ne font que passer trop rapidement pour être analysés en terme de cadrage, lumière, etc. Ce qui compte, c'est le mouvement général, la vie qui passe et qui déborde, les émotions simples et directes, l'humour, les petits et grands bonheurs. La musique illustre chaque chapitre par un ou deux morceaux, aux ambiances variées, flonflons ironiques, mélanges nomades, douleurs rageuses tempérées par la soif de vivre, douceurs poignantes, virtuosités de bonne compagnie.
La dernière séquence est une apothéose, sur les photos du "Big Foot Memorial Ride" où des Indiens rendent hommage cent ans après à l'ultime fuite du chef Indien Big Foot, fin de la "Ghost Dance" : les chevaux, la neige, les danses rituelles, à la fois pathétique et essentiel. La musique alterne entre rythmiques guerrières et ambiances élégiaques. Superbe.

Ailleurs : Jazz à Paris

lundi 8 septembre 2008

Charles Lloyd - Sangam (Grande Halle de la Villette - 4 Septembre 2008)

C'est à l'occasion d'un hommage à Billy Higgins que Charles Lloyd créa ce trio, où priment le rythme et l'échange.

Lorsque les musiciens prennent place sur scène, Lloyd s'asseoit, comme un vieillard un peu fatigué ; Eric Harland derrière sa batterie, et Zakir Hussain derrière ses tablas, s'accordent le temps de réveiller leurs instruments, échangent quelques phrases rythmiques, qui peu à peu se densifient ; quand Lloyd se lève pour les rejoindre, et démend par ses balancements et sa rapidité l'impression initiale, la texture est bien établie, et le voyage commence.

Trois musiciens, mais de multiples possibilités. Lloyd varie entre saxophone, flûte (où prédomine la partie basse, plus onirique et flottante que champètre et brillante), et tarogato ; sans oublier piano, voix, ou batterie même, quand Harland l'abandonne pour à son tour se mettre au piano. Hussain lui reste sur son estrade, mais mèle à ses tablas diverses percussions, certaines mélodiques. Et il chante, également. Harland aussi, d'ailleurs. Cela donne des moments d'échange, de passages, assez extraordinaires. Lloyd au piano, rejoint puis remplacé par Harland. Une sorte de trio vocal, Lloyd récitant, Hussain lyrique et mystique, Harland fournissant une basse aux résonnances diatoniques. Harland nous offrant un icroyable solo de batterie inspiré par les techniques indiennes (alternance des vitesses "moyenne", "rapide", "très rapide" ; répétitions avec variations et complexifications ; construction de lignes rythmiques à la manière d'un discours ...), où il joue avec les attentes du public, et avec Hussain, qui tentera de lui répondre pareillement (solo de tablas avec des techniques de batterie, malheureusement bien moins passionnant).

Le point faible sera sans doute le jeu de Charles Lloyd, qui me semble toujours rester dans la même densité de notes, où les lignes mélodiques sont fondues en une masse fluide mais un peu trop semblable d'un morceau à l'autre. Le solo final, en dernier bis, seul sur scène, après près de deux heures, y faisant exception, mélodies plus épurées, moins étouffées par les ornementations proliférantes, mais sans me transporter non plus.
Le point fort, c'est l'échange entre les musicens, particulièrement Hussain et Harland, constamment à se surprendre l'un l'autre, à s'amuser, tout en prenant très au sérieux la musique produite : elle possède sa dose de sacré, le jeu n'est jamais futile. Et entre les doigts magiques de Hussain, qui fait vibrer les peaux de telle manière qu'on a peine à croire parfois qu'il n'y a là que le résultat de ses deux mains, tant est riche la polyphonie, et les baguettes de Harland, capable de me laisser béat d'admiration juste par la manière d'exploiter une cymbale pour piloter un groove majestueux, les moments de communion et de transcendence seront nombreux et féconds.

Ailleurs : Blogculturel, Klariscope

Planning Septembre - Octobre 2008

Avec retard - toujours pas d'Internet à la maison !