Marcia Hesse (Théâtre des Abbesses - 18 Novembre 2005)
Pièce de Fabrice Melquiot, mise en scène par Emmanuel Demarcy-Mota. Dans une baraque assaillie par la tempête se réunissent trois générations d'une grande famille, pour fêter le réveillon. Mais dès les formules de bienvenues, les petites piques lancées par habitude, les retrouvailles plus ou moins enjouées, on sent une tension, une fausseté : c'est que Marcia, une des enfants, est morte il y a exactement un an, et que tous essaient de vivre comme avant. C'est de loin la meilleure partie du spectacle. Les non-dits, les dénis, les lapsus, sont occasions de bons mots cruels. Si certaines scènes sont un peu trop poussées (le fils chargé de s'occuper de la vieille mère, qui revient de la tempête, en bottes et caleçon, trempé, christique, pour faire un double coming-out : non seulement il est homosexuel, ce que tous savaient sans le savoir, mais en plus il vient de tomber amoureux d'une femme ; confession entrecoupée d'exquise manière par les grands cris de la dite mère "Je n'entends rien !"), d'autres sonnent justes (colère du beau-frère, secrets échangés et regrettés entre cousins). Les acteurs jouent avec les limites de la caricature, mais cela convient parfaitement pour décrire le jeu de rôle familial où chacun s'accroche à sa place, pour conjurer la crise niée de la mort de Marcia : Michelle Marquais en Tatie Danielle vacharde et meneuse de famille, ses filles Laurence Roy et Evelyne Istria, et leur mari Alain Libolt et Charles Roger Bour, en famille se la jouant aimante et cordiale en niant toute possibilité de problème, le fils gardien Philippe Demarle qui se saoule tranquillement pour supporter sa mère. La jeune génération est moins intéressante, spécialement les filles, moins à l'aise avec le texte, limite récitation.
Le décor est sobre, fonctionnel, et efficace, dans sa division en salles et chambres, dans son plancher en plaques qui glissent et se séparent, creusant "des trous grands comme des tombeaux". Le jeu de lumière permet au fantôme de Marcia d'apparaître et de disparaître derrière des voiles.
Ca se gate lors de la découverte d'un carnet intime de Marcia. Même si cela permet à quelques masques de tomber (la mère de Marcia plonge dans la douleur, sa soeur se blinde dans la volonté de vivre), l'étalage de cette poésie adolescente sans intérêt, de ses récits vaguement morbides de "naufrages", devient vite fastidieux.
Toute la famille finit par s'envelopper de manteaux noirs pour affronter la tempête et le deuil, en procession mortuaire un peu trop évidente. Et la scène finale, un flash-back sur Marcia vivante, retombe dans le banal décevant.
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