lundi 18 décembre 2006

Planning Janvier - Février 2007

Etrange mois de Janvier ... Mois de Février plus conforme !

Suite au retour de l'agenda d'Allegro, je fouille dans le programme de Présences (en espérant qu'on puisse désormais entrer dans la salle, j'ai le souvenir d'affluences telles que sans complices pour faire la queue deux heures avant, j'avais renoncé à ce festival), et de Sons D'Hiver (si j'arrive à me motiver pour réserver des places, et franchir le périphérique ...).

dimanche 17 décembre 2006

Emio Greco - Hell (Théâtre de la Ville - 16 Décembre 2006)

J'arrive juste à l'heure mais le spectacle a déjà commencé : lumières allumées et public en train de s'installer, les haut-parleurs braillent des tubes divers, du Midnight Oil, du disco, du Marylin Manson, et 8 danseurs et danseuses se donnent à fond dans des chorégraphies inspirées des pistes de discothèques et des clips musicaux, mais avec la maestria technique et l'engagement physique d'artistes professionnels. C'est un entre-deux parfait, et qui me scotche.
Malheureusement, la lumière bientôt s'éteint, et les choses sérieuses commencent.
Scène sobre, un portail lumineux d'un coté, un arbre sec de l'autre. Les danseurs reviennent s'installer derrière des pupitres, et entament une longue séquence où des gestes rapides et amples sont séparés par des plages d'immobilité et de quasi-silence. Lent, et long. Mais beau : l'éclairage est particulièrement sublime, en noir et blanc très travaillé, avec des reflets magiques, une "photographie de plateau" sensationnelle. Beau, mais lent et long. Et quand ça s'agite, c'est d'abord pour des sauts qui ressemblent à des démonstrations techniques, puis pour des épisodes qui zappent brutalement, et entre lesquels je ne vois guère de rapports. Ce ne sont pas les danseurs qui sont à blamer, qui rivalisent de personnalité et d'intensité dans l'expression corporelle. C'est plutôt l'ambiance, une mise en scène qui se prend irrémédiablement au sérieux, qui convoque "Zarathoustra" (mais en fond sonore, avec des bébés en pleurs par-dessus ...) et la Cinquième de Beethoven, qui demande aux interprètes de se déshabiller partiellement ou totalement, qui utilise dans le titre et le sous-texte Dante, et tout cela pour seulement proposer un très beau spectacle. Très beau, mais finalement prétentieux, et encombré de scories (les faisceaux de lumière qui aveuglent le public, la nudité injustifiée (surtout qu'esthétiquement, tous ces machins qui balottent, bof), ou le faux-spectateur qui monte sur scène pour devisser les ampoules).

mardi 12 décembre 2006

Hommage à Henri Dutilleux (Salle Pleyel - 11 Décembre 2006)

Hall encombré de panneaux dressant la vie et l'oeuvre de Dutilleux, public découvrant la salle et confondant le programme de l'année et celui du concert, curieuse atmosphère.

Les Citations

Un très beau solo de hautbois (Maurice Bourgue) entame ce court dyptique, où le rejoignent le clavecin de Mathieu Dupouy et la percussion de Emmanuel Curt, mais qui resteront plus dans des rôles d'accompagnateurs. Le second volet voit la contrebasse d'Axel Salles prendre plus de place, dont un excellent solo très jazz, et un équilibre plus équitable du temps de parole. Il n'empèche que cet instrumentarium semble un peu réuni au hasard, et le clavecin en particulier peine à trouver une position intéressante.

Trois préludes pour piano

Interprétées par Vanessa Wagner, ces trois pièces flottent dans un manque de définition, un son trop réverbéré, une atmosphère pateaugeante et molle. Défauts liés à la partition, je crains. Le troisième prélude échappe mieux à cet ennui, mais sans vraiment briller exagérément.

Ainsi la nuit

Un chef d'oeuvre, oui, de Dutilleux, et du quatuor à cordes (que le XXème siècle a bien choyé). Le quatuor Sine Nomine l'habille d'habits chatoyants, de crissements magnifiques et déchirants. J'aurais aimé être moins fatigué pour mieux en profiter ...

L'arbre des songes

Plus loin de la scène qu'il y a deux jours, je trouve Raphaël Oleg moins intense et recueilli, et l'Orchestre du Conservatoire plus présent. Pas d'émotion particulière dans le fait de revoir les mêmes interprètes jouer la même oeuvre dans un cadre différent, je ne retenterais pas volontairement l'expérience.

dimanche 10 décembre 2006

Betsy Jolas - CNSMDP (Cité de la Musique - 9 Décembre 2006)

Betsy Jolas - Just a Minute

Cette pièce, aussi courte que l'indique le titre, évoque un tic-tac tendu, un suspense de musique de film. Le livret conclut étrangement "page d'orchestre qui, nous l'espérons, sera bissée", mais Dominique My refuse ce jeu : elle laisse le public applaudir, mais sans se retourner ni saluer, et enchaîne rapidement.

Claude Debussy - Rondes de printemps

Les musiciens du Conservatoire s'engouffrent avec fougue dans cette danse, peut-être un peu trop, même. L'énergie y est du coup plus spectaculaire que la poésie intime.

Betsy Jolas - Tales of a Summer Sea

Musique composée pour une production télévisée de "La Tempête" de Shakespeare, puis réécrite pour orchestre 15 ans plus tard, c'est une suite de vagues sonores puissantes mais calmes, avec plein de remous sous une surface faussement uniforme. Difficile à bien apprécier en une seule écoute.

Henri Dutilleux - L'Arbre des songes

Le concert redonne sa grandeur à cette pièce qui, en CD, ne m'a jamais vraiment captivé - contrairement à "Tout un monde lointain..." par exemple. Raphaël Oleg donne une lecture très concentrée, intense, par moments douloureuse, qui m'évoque à plusieurs reprises le "Concerto à la mémoire d'un ange". L'Orchestre du Conservatoire sait lui laisser le champ libre quand il faut, puis dialoguer (hautbois, cymbalum ... beaux solos), et iriser les feuillages qui à leur tout frémissent comme un coeur qu'on afflige.

Leonard Bernstein - Three Dance Episodes from "On the Town"

Changement radical d'atmosphère, au point de se demander quelle logique a placé ici ces trois épisodes, le premier brutal et court, le deuxième tendre et langoureux, le troisième enfin méchamment jazzy et fichtrement syncopé, où les trompettes, les clarinettes et les hautbois se lancent dans des jeux de big band avec un plaisir énorme. Les dernières pages sont bissées, dans une version débraillée presque limite.

mercredi 6 décembre 2006

Diptyque 3.3 : Lune rouge


Sensation
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Jeune femme brune
en gilet amande

Trotte sous la lune
à travers la lande

Vers quelle fortune
quelle sarabande

Quand flambe la lune
dans le ciel lavande


Participation au diptyque 3.3 d'Akynou.

mardi 5 décembre 2006

Louise Lecavalier (Théâtre des Abbesses - 4 Décembre 2006)

Suite de cette saison de danse pleine de flash-backs, avec le retour sur scène de l'égérie de la troupe La La La Human Steps, la muse du chorégraphe Edouard Lock, la flamboyante et volcanique walkyrie Louise Lecavalier, dans deux pièces courtes suivies d'une plus longue.

Lone Epic

En apéritif, cette pièce de Crystal Pite propose un décor de pupitres, dont les partitions retournées formeront des phrases (assez Forsythe-light like), et qui finiront vite par être renversées (cliché attendu). Mais la danse reprend alors de l'intérêt, avec de beaux mouvements de bras (puissamment musclés : la dame a fait de la boxe entretemps). Malgré le coté daté d'une volonté de "dire" quelque-chose, ou de faire à tout prix comme si, la présence intense de Lecavalier emporte le morceau.

Lula and the Sailor

Les pupitres sont dégagés, un large carré de toile est scotché au sol. Elle au centre, et Eric Beauchesne sur les cotés, interprètent un extrait de "Cobalt Rouge", de Tedd Robinson. Les déplacements constants, les piétinements et fragments de course, composent une chorégraphie presque abstraite, mais athlétique. Simple et efficace. C'est la musique, saxophone sur rythmes techno, qui cette fois a mal vieilli.

"I" Is Memory

Le morceau de bravoure : solo de 40 minutes, écrit par Benoît Lachambre. En tenue hip-hop trop grande pour elle, sur fond musical en dégoulinages électroniques répétitifs et hypnotisants, elle se lance dans une suite de glissements, de statures déséquilibrées, de repliements et déploiements des membres et de tout le corps, dans une virtuosité de la lenteur, une break-dance aux bords de l'arrêt ou de la chute. Trop exigeant pour mon état de fatigue : je jette un oeil de temps en temps, pour la voir se déplacer d'une fauteuil à une barre horizontale, ramper par spasmes ou faire une sorte de poirier ; vers la fin, elle semble se secouer plus énergiquement. Les applaudissements me réveillent.

dimanche 3 décembre 2006

Un peu de 3.0 dans la radio blog

A l'occasion de la mise à jour annuelle de la radio Dark (celle que mes lecteurs habituels n'écoutent pas), j'ai installé la dernière version de radio.blog. On y trouve un ascenceur (youpi !), et la possibilité de mettre en place plusieurs "playlists". Cette option est normalement prévue pour des sélections indépendantes, pas pour mettre les mêmes chansons dans des ordres différents. En bidouillant le PHP, j'ai néanmoins réussi à obtenir ce que je voulais : une liste de diffusion statique par année (de "D-Side 2002" à "D-Side 2006"), et une liste "Au hasard" brassant aléatoirement les mêmes chansons.
Le fonctionnement normal de ces multi-playlist peut intéresser ceux qui, entre Bach, Bach et Bach, ou entre Haydn, Ligeti et les autres, sont aujourd'hui obligés de maintenir N versions en parallèle.

Diptyque 3.2 : Ancienne génération


Ancienne génération
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Certains photographes gardent les anciens appareils précieusement. Ce n'est pas mon cas. Ce sont des objets comme les autres, qui, quand ils ne servent plus, encombrent.
A l'occasion de la grande braderie gratuite organisée par Akynou à partir d'un billet de François Granger, si quelqu'un est intéressé par un Pentax Z.10 qui a bien vécu (et dont l'auto-focus a connu des épisodes capricieux), deux zooms 28-80 et 70-200 (plages très agréables à l'usage), ainsi que par quelques rouleaux de négatifs encore valides (mais non frigorifiés), qu'il en profite ...

samedi 2 décembre 2006

Martin Crimp - Atteintes à sa vie (Théâtre de la Cité Internationale - 1 Décembre 2007)

17 fois Anne, Annie, Anya, ou Anouchka. 17 scènes qui nous parlent d'une femme, qui en livrent des fragments contradictoires : une femme qui efface les messages de son répondeur, demandes de pardon d'un homme pressé, ou menaces de mort ; l'amante d'un homme politique influent ; une terroriste qui plastique des boutiques de chaussures, et refuse toute légitimité au tribunal qui la juge ; une paysanne dans un pays de l'est en proie à la guerre civile, qui transporte son enfant dans deux sacs en plastique ; une adolescente qui fait du porno pour maîtriser l'image qu'elle donne d'elle-même ; une artiste qui met en scène les objets accompagnant ses tentatives de suicide (les "atteintes à sa vie") ; une mère de famille rigoriste ; etc. Mais ce ne sont que reconstitutions, évocations, témoignages : elle n'apparaît pas, puisqu'elle n'existe pas. Le vrai personnage principal, c'est le langage, comme élément central du théâtre. Les paroles se croisent et d'affrontent, les phrases se superposent et se téléscopent, les mots se cherchent ou s'échappent, les traductions abondent ou manquent. La scène pratiquement vide, un large podium garni de trois cubes, permet d'évoquer un appartement luxueux, une scène de guerre, une geole où on torture, par la simple magie du théâtre, par le travail de Joël Jouanneau et une troupe de sept hommes et deux femmes pleinement engagés dans le projet, par le pari sur l'intelligence des spectateurs. L'usage d'une caméra vidéo, un faux présentateur qui commente au micro, un photographe, brouillent un peu plus les niveaux de représentation : est-ce une reconstitution policière, l'élaboration d'un film, des souvenirs ? Tout est possible, et on voit passer bien des curieuses choses sur le plateau : un faux Columbo, un sac à dos rempli de pierres, des russes venant vanter les mérites d'une voiture, des intermèdes musicaux très Rock ou disco. Entre humour et tragédie, charriant les pires horreurs du monde mais les enfouissant dans des habits moqueurs, se moquant d'elle-même tout en glorifiant ses propres artifices, voilà une pièce magistrale et passionnante.

jeudi 30 novembre 2006

Diptyque 3.2 : Cinéphilique



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"Passé le pont, les arbres vinrent à notre rencontre …"

Malheureusement, dans ma version DVD de Nosferatu, le célèbre carton n'existe pas.
A la place : "Kaum hatte Hutter die Brücke überschritten, da ergriffen ihn die unheimlichen Gesichte, von denen er mir oft erzählt hat."
Traduction : "Dès qu'Hutter eut franchi le pont, ses craintes, qu'il m'avait confiées, ne tardèrent pas à se matérialiser."
Tristement moins fascinant ...

Participation au diptyque 3.2 d'Akynou.

Gustav Mahler - Symphonie 3 (Salle Pleyel - 28 Novembre 2006)

Je continue de découvrir les symphonies de Mahler en concert (exploration récente, toute bloguée : terre, 7, 5, terre, 5).
Première troisième, donc, où Jean-Claude Casadesus dirige l'Orchestre National de Lille, le London Symphony Chorus et le Maîtrise Boréale, et la soprano Dagmar Peckova. Dans le premier mouvement, suite d'épisodes hétéroclites, ouvertures d'opéra, marches militaires, hymnes à la nature, Casadesus se promène tranquillement, dans une allure débonnaire, voire languissante, malgré les tonitruances des cuivres ; la percussion offre de curieux intermèdes sourdement vrombissants.
Mais le plaisir de découvrir l'oeuvre prime sur les défauts de lecture. Le deuxième mouvement est une splendeur de poésie champêtre, où les bois et les cordes rivalisent de finesse, un moment de bonheur. De même pour le troisième mouvement, et la découverte de l'effet sonore du cor de postillon jouant derrière la scène, flottant au-dessus des cordes qui lui répondent.
Dagmar Peckova entre alors ; voix chaude, belle prestance, mais le mouvement ressemble un peu trop à un "Urlicht" en moins bien. Le choeur qui se lève pour le cinquième mouvement me convainct plus, voix angéliques et carillonnantes d'une joyeuse fraicheur.
Le dernier mouvement retombe dans les travers du premier : un manque de souffle et de vision, qui peine à traverser ces presque demi-heures non-stop.

dimanche 26 novembre 2006

Diptyque 3.1 : Refaire le monde


paris carnet 33
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Akynou a choisi un texte de Monsieur LeChieur pour qu'on l'illustre par une photo. Difficile de répondre par le même type de nostalgie à son billet, je suis trop loin du chez moi de mes années lycée. Et puis, refaire le monde au fond d'un bar n'était pas du tout mon genre. Mais peut-être aurons-nous le même pincement au coeur dans 10 ans, en retournant dans l'arrière-salle du Cantina ? De cette photo prise il n'y a que huit mois, combien de visages ont déjà disparu ? Départ à l'étranger, arrêt de l'envie ou du besoin d'écrire, vie bouleversée, pour combien de blogues disparus connaissons-nous l'histoire que cela cache ? Quelles nouvelles de ParisianSmile ? de Laure du WineBlog ? de Mitternacht et Esther ? de Thilde ? Et cela en moins de deux ans, des lectures régulières, des énervements et des éclats de rire, des souffrances partagées et des célébrations, et soudain le silence au bout de la ligne.

samedi 25 novembre 2006

Sauterelles - Biljana Srbljanovic (Théâtre des Abbesses - 24 Novembre 2006)

Dans une Serbie après-guerre, une dizaine de personnages, liés par la famille, la profession ou le voisinage, se cotoient au cours de 18 situations successives, coupées souvent brutalement. Le décor est astucieux, composé de murs coulissants et d'éléments de mobilier montés également sur rails, permettant de glisser d'une discothèque à une salle d'attente, d'une cuisine à une aire d'autoroute, des lieux assez rudimentaires, où tables et chaises prennent une importance primordiale, permetttant aux personnages de s'asseoir et de se confronter.
Trois générations sont présentes : les vraiment vieux, de plus de 70 ans, les quasiment vieux, de 50 ans, et les trentenaires, qui se sentent déjà vieux. Le thème de l'age revient constamment, utilisé comme arme, ou vécu comme un outrage, comme un blocage, incapables qu'ils sont d'assumer leur passé récent collectif, et de s'investir dans un quelconque futur enthousiasmant. Arrivistes, profondément égoïstes mais souffrant de la solitude, banalement abjects, et rempli de haine envers eux-même ou leurs proches, ils passent le temps à s'affronter sur des problèmes mesquins de carrière ou d'héritage que bloque le vieux. Une assemblée de personnalités flétries, racies, mais qui mordent.
Le tout baigne dans un humour acerbe, genre farce (la mise en scène de Dominique Pitoiset lorgne du coté italien "Nouveaux Monstres"), où les acteurs jouent souvent à la limite de l'outrance (pièce "de troupe", où brillent quand même particulièrement Nadia Fabrizio en Nadezda, Nicolas Rossier en Milan, tremblant devant sa femme et devant son père, Claude Evrard, le dit père, maniaque du loto et tout dans le mépris). La façon dont sont disséqués les méchants rapports de pouvoir entre pères et fils, femme et mari, ex-collègues de cellules politiques, est réjouissante, même si la situation d'impuissance générale, camouflée en frénésie dépressionnaire, est désespérante.
Seule touche plus positive : le personnage de Nadezda, qui vient d'une pièce précédente de Srbljanovic, qui entend la voix de sa grand-mère morte, devine les pensées des gens, balance les pieds dans les plats, et leurs quatre vérités ("Quand vous marchez comme ça tout seul, toujours au bord de la dépression, il faut faire attention, il faut faire terriblement attention à ne pas glisser et à ne pas tomber pour toujours dans l’humiliation") à ces monstres sinistrement ordinaires qui préfèrent rester sourds ou qui paniquent.
Il y a aussi une gamine de 10 ans, qui danse comme une "little miss sunshine", qui apprend à manipuler ses parents, qui voit son grand-père mourir sans s'émouvoir, et qui semble annoncer des années pas moins terriblement féroces.

jeudi 23 novembre 2006

New York EIC (Cité de la Musique - 21 Novembre 2006)

Tristan Murail - Légendes urbaines

De son séjour dans la Grande Pomme, le compositeur spectral ramène des images, disposées comme les Tableaux d'une exposition. Des passages dans le métro, remplis de cuivres aigus et de tierces grinçantes, séparent une promenade crépusculaire dans Central Park (mais je n'ai pas reconnu Charles Ives), une description du pont George Washington (bel hommage à varèse), ou des courses dans des coins fort venteux (Skidoo 23 ?). Un chapitre final tentera d'établir des liaisons entre ces divers épisodes. Le tout est agréable, mais assez superficiel. De la belle musique, mais sans grande ambition. Un peu dommage.

Elliott Carter - Concerto pour clarinette

La structure est beaucoup plus nette sur scène que sur disque. L'EIC, qui commanda cette pièce, est divisé en groupes de musiciens ; devant chacun d'eux, quelques pages de partitions sur un pupitre ; le clarinetiste passera donc d'un groupe à l'autre, qui aura alors la vedette. Quelques cuivres dans les gradins assurent une spatialisation, discrète ce qu'il faut, pour donner du souffle et de la vigueur. Le principe rappelle bien sur les "Domaines" de Boulez, mais le résultat est beaucoup plus attrayant. Les passages lents sont pleins d'intensité et de beautés, les rapides tombent parfois dans une virtuosité moins intéressante. Alain Damiens joue haut la main cette partition, où les rares interruptions ne tiennent qu'au passage d'un groupe au suivant, et où ne figure aucun effet (pas de doubles notes, pas d'effets de souffles, que des notes absolument normales ! - gajeure paradoxalement avant-gardiste !).

Steve Reich - City Life

Il me semble avoir assisté à la création française de cette pièce, qui m'avait quelque peu étonné par le volume de la sono, et qui avait marqué mes premiers doutes sur la profondeur musicale des oeuvres du monsieur.
Les décalages de bribes de voix, lors de la partie 3, "Honeymoon", sont insupportablement irritants ; et l'évocation des pompiers dans la fumée de la partie 3, "Heavy Smoke", sont noyés dans un hululement grisatre d'où rien ne ressort. Je continue de bien aimer l'évocation des bateaux et des ports de la partie 4. Mais dès que Jonathan Nott lève la baguette, que le quatuor à cordes se lance, et que le son surgit, non des instruments, mais des haut-parleurs quelques mètres au-dessus d'eux, le malaise s'installe. Ce n'est pas encore Carmina Burana au Stade de France, mais c'est un premier pas qui suffit à ne plus pouvoir profiter de la musique correctement. Que la musique soit somme toute sommaire et répétitive n'aide pas.

Diptyque 3.1 : Transhumance


(photo par Rh.P)

Sous un ciel pas beau,
Il traînait frigo, trétaux,
A dos d'escargot

Emmenant femme et marmots
Vers quelque nouveau trou d'eau

(Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ? )


Ceci est ma participation au diptyque 3.1 d'Akynou.

dimanche 19 novembre 2006

SWR par Cambreling (Salle Pleyel - 18 Novembre 2006)

En entame, Philippe Albéra, musicologue de son état, tient dans le foyer une petite conférence présentation des oeuvres du concert, où passent le rapport à la tradition, la fin d'un langage musical commun, la constitution des orchestres modernes et contemporains, l'exploration du son pour lui-même ou comme point de départ de l'élaboration d'une oeuvre, l'expression pas toujours évidente à détecter au sein des contraintes formelles, et sur ce les sirènes retentissent qu'il est temps de prendre place. Comme pour Dusapin, le non-remplissage de la salle, malgré la fermeture de certains espaces comme l'arrière-scène, permet dans une certaine mesure de choisir sa place. Je me retrouverai du coup au même rang que Pascal et Artefact (Zvezdo préférant prendre de la hauteur ?).

Olivier Messiaen - Chronochromie

Voilà une première oeuvre qui sonne bien différement en concert que sur disque ! La complexité théorique des combinatoires s'efface devant la beauté sonore des claviers et percussions vibrantes, et la monumentalité de séquences d'accord jouées à plein orchestre, et qui doivent donner les fameuses couleurs (Messiaen donnait des couleurs fort précises et merveilleusement poétiques à certains accords et certaines gammes, comme cet exemple cité par le livret : "chrysoprase, vert bleuté mat - sardonyx noir, blanc et brun rougeâtre - avec du jaune pâle"). Comme souvent chez Messiaen, les pages sont jouées presque de manière indépendantes, séparées par des silences, sans que la structure qui les lierait en un tout ne soit clairement visible ni indispensable à notre plaisir.
Les cordes, quelque peu dissipées, démarrant parfois avec un peu d'avance, se reprennent heureusement pour l'épode, qui commence dans un déploiement rapidement progressif extraordinaire, comme un feu qui part d'un violon seul et se communique rapidement à toutes les cordes, par contagion.

Brian Ferneyhough - Plötzlichkeit

La structure en pages successives liées par des principes théoriques obscures de la Chronochromie permettait de bien se préparer à ce gros morceau. Comment ce compositeur surtout connu pour des musiques solistes, destinées à des techniciens surdoués, ou à de petits ensembles, allait-il traiter un grand orchestre ? Il renonce à des jeux trop experts, chaque pupitre reçoit une partition à peu prés "normale" (pour de la musique contemporaine d'avant-garde, quand même ; mais on n'est pas chez Lachenmann, et la majeure partie des sons émis sont des notes tout à fait habituelles !). Mais il place quand même dans l'orchestre quelques instruments au diapason différent (dixit Albera, car le livret n'en mentionne rien - edit: ah si, dans le texte si limpide du compositeur, il parle d'une harpe désaccordée d'un quart de ton), et trois femmes, qui sont utilisées comme des instruments vocaux, émettant des sons et non des paroles (et c'est très beau comme ça !). L'impression générale est une suite de courts moments musicaux, interrompus par des revirements soudains, des ruptures parfois brutales et des retours d'éléments déjà entendus, au sein d'un système de contraintes, comme clos, qu'on explore en passant d'un bloc à un autre par de grands sauts. Tout en préservant une sensation de flux, parfois chaotique, toujours prenant. Il y a des moments beaux dès la première écoute (fanfare de cuivres, dialogues cordes et percus ...), et d'autres qui me donnent envie de ré-écouter. De manière générale, Ferneyhough bien souvent me fascine, et cette musique, bien plus assimilable que par exemple les "Carceri d'invenzione", ne fera pas exception.

Claude Debussy - Cinq Préludes orchestrés par Hans Zender

C'est l'oeuvre inutile de la soirée, ils auraient pu mettre du Stravinski à la place... La transposition triviale ou maladroite de Zender alourdit les préludes rapides, affadit les lents, et les rend tous sirupeux ou prosaïques. Seul "Voiles" garde quelque charme.

Edgard Varèse - Arcana

Comme Chronochromie, le concert transforme cette oeuvre, qui devient un incroyable magma de sons et de rythmes, qui jaillit en torrents d'incandescences, comme des vagues successives d'énergies telluriques, des tournoiements en dérive sous de froides étoiles, avec des morceaux du "Sacre" broyés dedans comme des épices explosives, des marches militaires acides, des piétinements orchestraux furieux, du primitif et des éclats du futur, malaxés par un orchestre du SWR (edit : SWR de Baden-Baden et Freiburg ; ne pas confondre avec l'orchestre voisin de Stuttgart !) qui se donne à fond comme il faut, dirigés par un Sylvain Cambreling dansant comme un boxeur et pointant des doigts comme une abeille.

Radios

Du Messiaen, mais plutôt que la Chronochromie, une pièce plus courte, sur le même CD, et avec des percus sonorement semblables, "La Ville d'en Haut". Et du Varèse, mais plutôt que Arcana, qui ne donne pas forcément grand-chose en compression radioblog, une oeuvre à l'effectif plus modeste, "Intégrales".

vendredi 17 novembre 2006

Pascal Dusapin - Faustus The Last Night (Théâtre du Châtelet - 16 Novembre 2006)

Initialement placé porte 17, le fort faible remplissage de la salle, malgré les groupes scolaires venus en renfort, me permet d'être d'emblée dirigé vers la corbeille. Vue impeccable du coup sur le décor (mais pas sur l'orchestre), une grande horloge où se perchent les personnages. Décor unique, malgré les transformations (plus ou moins inclinée, illuminée par dessus ou par dessous, etc.), que quelques gadgets viendront animer (un mixer ou une machine à pain, un puis deux lapins ...). Cette unité répond au livret, sans progression dramatique, un débat philosophique truffé de références et de citations, dont l'absence de thèses / bons sentiments peut plaire (comparé à "Adriana Mater", c'est sur !), mais qui rapidement me fait abandonner toute tentative de suivi.
Intrigue abandonnée, décor au spectaculaire quelque peu artificiel, reste la musique. Superbe. Un bloc qui malgré des couleurs très diversifiées (cordes immobiles ici, rythmes déchainés là, interludes orchestraux puissants, silences brulés par une ou deux voix déchirantes) reste très unitaire. Défaut de ce type de musique "hypnotique" : ça m'endort, tant j'y suis réceptif !
Le spectacle est dispo en DVD, je me contenterais bien d'une version CD !
(j'avais bien présumé une forte présence blogosphérique pour ce concert - mais n'ai vu personne à la sortie - dommage)

Radio

Je ne possède pas non plus son précédent opéra, mais je mets quand même du Dusapin vocal : des extraits de "La mélancholia" (opératorio), de "Niobé" (oratorio ; une femme trop orgueilleuse est punie par la mort de ses enfants), et de "Dona eis" (une sorte de requiem). Oui, pas gai.

mardi 14 novembre 2006

Thomas Larcher (Bouffes du Nord - 13 Novembre 2006)

Olga Neuwirth - Incidendo/fluido

Voilà une façon originale de "préparer" un piano : non en y incorporant des objets de diverses natures, mais en utilisant un CD, qui diffuse dans la caisse des fréquences fixes, modifiant ainsi toute la structure de résonnance des cordes. Des morceaux de feutrine (entre autres ?) complètent le mécanisme, qui fait bouger de mystérieuse manière les sonorités. Une fois cela posé, la musique elle-même me semble un peu simpliste, des gestes, des bribes, des figures élémentaires, qui peinent à se réunir pour former un langage. Vers le milieu de la pièce (qui dure 13 minutes), une petite mélodie enfantine passe sur le CD, et de l'émotion apparaît, diffuse et inconstante. J'ai l'impression, un peu désagréable, d'être en fait passé à coté du morceau. Comme sa précédente oeuvre vue ne m'avait guère convaincu non plus, c'est Neuwirth que je peine à comprendre, il semble.

Arnold Schoenberg - Opus 11 et 19, Franz Schubert - D946 et D915

Une fois l'appareillage électronique débranché, Thomas Larcher attaque une série de pièce de ces deux compositeurs, sans pause d'applaudissements, comme une longue suite, qui étrangement fonctionne plutôt bien. De Schoenberg, on entendra les mouvements 1 et 3 de la pièce pour piano opus 11, qui serait, dixit le livret, la première pièce atonale (ici et maintenant du moins ; et je subodore des querelles d'experts à n'en pas finir sur un tel sujet). Larcher a tendance à sur-articuler chaque note, dans un souci presque obsessionnel de précision ; c'est plutôt crispant, mais heureusement réservé à cet opus. La pièce pour piano D946 n°2 de Schubert sera beaucoup plus naturellement fluide, avec une structure en refrain et couplets, d'une profonde mélancolie, une douce douleur par moments. Voilà que j'apprécie Schubert, surprise ! Il fallait bien commencer un jour ... De l'Allegretto en Do Mineur D915, je ne garde par contre aucun souvenir. Chassés peut-être par la révélation des Six Petites Pièces pour piano opus 19 de Schoenberg, des miniatures extraordinaires, comme du Webern sans série, des architectures ne reposant sur rien et pourtant d'une évidence indestructible. Larcher sort du voyage comme un peu effaré, et sous les couleurs somptueuses du théâtre des Bouffes du Nord, le paysage fut changeant, intriguant, passionnant, plutôt intense.

Thomas Larcher - Antennen ... Requiem für H.

Larcher est aussi compositeur, travaillant avec Wolfgang Mitterer. La pièce de ce soir consiste à disposer quelques objets sur les cordes du piano, et à les faire rouler, crisser, se balancer. Quand on compare avec les explorations de Sylvie Courvoisier, cela semble pauvre, contraint et même obosolète.

Fabien Lévy - Soliloque sur Olga, Arnold, Franz et Thomas

Le pianiste sorti, la salle quasiment plongée dans le noir, l'ordinateur prend le contrôle pour commenter ce concert mal compris de lui, comme dit le sous-titre. Il s'agit en fait d'un programme, disponible sur le site de Fabien Lévy (mais uniquement pour Mac, dommage, j'aurais aimé m'y essayer !), qui se nourrit de fragments d'autres oeuvres (en l'occurence, celles jouées ce soir), pour en extraire une partition purement électronique d'un petit quart d'heure. Déterminer la part due au programme lui-même, et celle venant des extraits, n'est guère possible lorsqu'on entend un seul soliloque ! Mais comme il en propose un sur son site (basé sur la Marseillaise), on peut constater que certains éléments se retrouvent : une division en globalement trois parties, d'abord une course-poursuite très rythmique d'objets sonores galopins galopants, puis une plage raréfiée avec de gros blocs de silences que des hordes insectoîdes viennent grignoter timides d'abord puis conquérantes, et enfin un épisode plus saturé en événements s'accumulant en mode quasi statique ; le final est aussi un peu semblable, avec une sorte de gros ronronnement terminé brutalement. Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu d'oeuvre acousmatique (souvenir de concerts de haut-parleurs à la maison de la radio, expérience fort agréable et enrichissante, surtout que ces concerts étaient (sont encore ?) gratuits). On se laisse porter par ces sons étranges où surgit ça et là un son de piano reconnaissable, une figure mélodique, un trépignement qui pourrait venir de Neuwirth, de Schubert, ou simplement du programme lui-même. Une originale manière de conclure un concert globalement assez atypique, même pour de l'IRCAM !

Radio

Je propose les fameuses six pièces de l'opus 19 de Schoenberg, puis le Soliloque sur le Marseillaise de Lévy.

dimanche 12 novembre 2006

KozliKarantsis

Nanniv à Koz ! Pour l'occasion, Vroumette et Droop diffusent un questionnaire.

Et toi, tu l'as connue comment la fée ?
Par un commentaire qu'elle a laissé chez moi, suite à son recensement des blogues qui parle de musique classique. A l'époque, je ne lisais que des blogues très mono-thématiques (économie, juridique, artistique ...). Du coup, le mélange des genres des Kozeries m'a un peu surpris, et je ne suis devenu lecteur régulier que pas mal plus tard !

Quel est son billet qui t'as fait le plus rire ou pleurer ?
Ni rire ni pleurer, mais le plus plu. Elle en a reparlé dernièrement : c'est sa description du Dialogue des Carmélites. Un texte émouvant et profond, qui concilie analyse musicale et approche personnelle, un texte comme j'aimerais pouvoir en écrire un un jour.
En plus, c'était un "Dix-moi 10 Mots" !

Et tu l'as rencontrée ?
Souvent, désormais ! Paris Carnets, Paris Pique-niques, elle m'a même emmené voir du Britten au Théâtre des Champs-Elysées !

Elle est comment en vrai ?
En vrai, c'est une slovène de 14 ans.

Qu'est-ce que tu ne pourrais pas faire sans elle ?

Ouh la la ! La question qui ne lui fera pas forcément plaisir ! Si elle est souvent en première ligne pour proposer des jeux improbables, ou pour animer la blogosphère par des rencontres parfois virtuelles et parfois en chair et en os, être indispensable n'est certainement pas son but, plutôt parfois son fardeau !
Sans elle, ce que je ne pourrais pas faire, c'est me demander, "qu'est-ce qu'elle va encore nous inventer ?".

Et si la fée était un logiciel, lequel serait-ce ?
Une logiciel de recttes de cuisine, pour confectionner des clafoutis en 7 minutes chrono.

Barber Gershwin Ives (Salle Pleyel - 11 Novembre 2006)

Samuel Barber - Adagio pour cordes

Commencer le repas par un bon bol de soupe, pourquoi pas, ça s'avale sans y penser, et ça met en appétit. Le livret explique curieusement qu'il conviendrait "aujourd'hui de réévaluer un créateur de premier plan de la scène musicale américaine et plus généralement du XXème siècle". Il faudrait pour cela programmer d'autres oeuvres que cette sempiternelle et usée dégoulinade de cordes.

George Gershwin - Rhapsody in Blue

Toujours dans le livret, je lis que Fazil Say, en plus d'être parail-il pianiste et compositeur, officierait dans des groupes de Jazz-World. Etrange, car dès la première cadence, il semble ignorer complètement ce que peut être un discours de Jazz, un groove, une structure qui fasse sens. Ayant décidé de démontrer sa totale liberté et indépendance, il en profite pour faire à peu près n'importe quoi, enchaînant au petit bonheur la chance des accélérations et des ralentis, des forte et des pianissimos, le tout avec force mimiques et gestuelles d'artiste inspiré tourmenté. Je pense aux notes récentes de Tlön : l'élégance d'Ellington (cruellement manquante), et la pose des artistes(insupportablement présente). Heureusement, toute cadence a une fin, et lorsque l'orchestre reprend les rènes, la musique réapparaît ; même si on sent que là n'est pas l'idiome d'origine de l'Orchestre National de France, ils mettent tout leur coeur dans les glissandi et les couinements d'orchestre de Jazz.
Simon Corley est plus indulgent envers le soliste ; j'ai pour ma part de brefs relents d'envie de meurtre, quand il revient en bis massacrer "Summertime" d'artifices techniques délirants. Qu'il écoute ce que Yaron Herman est encore capable d'extraire de ce matériau.

Charles Ives - Three Places in New England

Finie la soupe, exit le pitre, place à la musique. Les trois pages orchestrales sont de caractères assez différents - un climat aride, dur, une impression de vide, d'horizon bouché, pour évoquer la progression difficile du premier régiment de Noirs dans la Guerre de Sécession ; une suite échevelée de fanfares superposées dans une explosion de joie à la limite du chaos, pour un pique-nique du 4 Juillet ; et une ballade au gré d'une rivière, dans les vapeurs de l'amour, qui s'embrase vers la fin. Orchestre impeccablement tenu par Kurt Masur, dans la lenteur comme dans la frénésie.

George Gershwin - Porgy and Bess, A Symphonic Picture

Voilà sans doute le visage le plus familier de la musique populaire américaine, une suite de "songs" puissantes ou émouvantes, simples et directes, joliment orchestrées (élégance again), où tout le monde trouve un immense plaisir, orchestre, chef, et public. Ils en remettent une couche en bis (ils auraient pu, pour compléter notre bonheur, jouer du Bernstein, un extrait de "West Side Story" par exemple).

Radio

D'abord la "Rhapsody in Blue", dans ce miraculeux enregistrement où trone l'interprétation de Gershwin lui-même. Puis, de "Porgy and Bess", un extrait de l'opéra, suivi de quelques airs réinventés par Gil Evans et Miles Davis. Enfin, du Charles Ives, d'abord la promenade en barque, puis un extrait d'une pièce plus rare, "Robert Browning Overture", à la puissance apocalyptique.

samedi 11 novembre 2006

Sylvie Courvoisier (Centre Culturel Suisse - 9 Novembre 2006)

Ouf, cette fois, je n'ai pas oublié ! Et fort heureusement, car cette prestation solo fut enthousiasmante !
Nous n'étions pas très nombreux dans la petite salle, fonctionnelle mais sans grande âme, du Centre Culturel Suisse, niché au fond d'une impasse, près de la rue des Francs-Bourgeois. Après une présentation par le directeur du lieu, la pianiste s'installe, et pose son jeu dès les deux premiers morceaux : d'abord une courte étude, jouée avec partition, qui n'est pas sans évoquer du Ligeti, puis une vraie improvisation, où se mèlent jeu sur le clavier et interventions percussionistes dans la caisse. Armée d'une série de baguettes, mailloches, bandes de ruban adhésif, boules métalliques, elle transforme son piano (splendide Bechstein) en tambour, en harpe, lorgne vers le clavecin. Il n'y a pas de référence directe à John Cage, il me semble - on est loin du gamelan. C'est une approche beaucoup plus ludique et instinctive, et où elle ne recule pas devant des effets faciles mais impressionnants (frapper fort les cordes basses, pour obtenir le maximum de résonnances). Ce plaisir très direct de créer des sons inusuels se conjugue avec une rigueur intellectuelle, qui s'exprime directement dans les morceaux beaucoup plus écrits (études), et dans une canalisation des explorations sonores qui ne sombrent jamais dans le n'importe quoi gratuit. Souvent, les deux aspects de ce jeu sont simultanés - une main sur le clavier pour une pluie de notes qui ne tombent jamais vraiment au hasard, une main dans la caisse pour compléter en cordes pincées ou en bois frappé. Le paysage sonore ainsi créé est riche, varié, jamais excessif, et très controlé, finalement. Pour preuve, après un peu plus d'une heure, elle entame quelques rappels, mais attend le troisième pour offrir une conclusion qui, sans résolution d'accords ni effets trop évidents, semble néanmoins suffisament définitive pour qu'on comprenne bien que c'était la fin du concert.
A lire : le compte-rendu de Samizdjazz.

Radio

J'ai lu des critiques qui décrivaient Cecil Taylor comme un danseur, plus qu'un pianiste ; parfois, le jeu des mains de Courvoisier sur le clavier, se pourchassant ou se rejetant, s'approchait de cette vision. Je mets donc un morceau de ce grand maître du piano improvisé. Puis quelques improvisations du trio Abaton, où on peut entendre un peu d'explorations percussives. La Suisse connaît une autre pianiste Free, Irène Schweizer ; je n'en ai qu'un disque, en duo avec Marilyn Crispell ; leur complémentarité est extraordinaire, et pourtant c'est bien de l'improvisation totale, sans répétitions ni partitions. C'est un disque que je redécouvre à cette occasion ! Enfin, ce programme s'achève avec le livre des anges, volume 3.

mercredi 8 novembre 2006

EIC Boulez (Cité de la Musique - 7 Novembre 2006)

Hanspeter Kyburz - Réseaux

C'est l'extension en 14 minutes d'une pièce qui, en 2003, en durait 6. Le compositeur passe l'essentiel de sa présentation dans le livret à décrire les "grands rouleaux" du peintre japonais Sesshû. Ces peintures ont un format très particulier : douze mètres de long, sur quarante centimètres de large. Cette linéarité pose des problèmes de structure qui peuvent trouver des équivalents musicaux.
"Réseaux", pour 6 instruments, propose une trame changeante, où se succèdent des ruptures, des thèmes qui s'enfuient pour revenir déformés, dans un rendu parfois beau, parfois un peu chaotique, qui demande une attention soutenue que je n'arrive pas pleinement à lui donner. Dans les phases rapides, peuvent se distinguer des façons de faire assez similaires à celles de "Danse aveugle" - style ou tics, difficile à dire.

Bruno Mantovani - Streets

Cette pièce, dit-il, marque une remise en cause radicale de son langage ; comme c'est la première fois que j'entends ce compositeur, je ne saurais valider. "Streets" impose un charme indéniable. La trame générale est comme une machinerie complexe, qui par moments se bloque, grippe, dans une stase souvent violente, puis arrive à se déformer pour recommencer à avancer. De splendides soli l'éclairent de temps à autre (en particulier, un prodigieux solo de harpe - Frédérique Cambreling m'a rarement parue aussi stressée qu'avant cette pièce !), et il y a là une virtuosité et une énergie qui me donnent fortement envie de ré-entendre du Mantovani (damned ! j'ai raté son opéra !).

Pierre Boulez - Dérive 2

Dans l'enregistrement de 2002, cette pièce durait 24 minutes ; elle en fait maintenant 40. Je préférai déjà "Dérive 1", et je n'étais ce soir pas particulièrement en forme. Les 40 minutes m'ont du coup semblé bien longues, à contempler cette musique, qui comme emporté par une rivière rapide, tourne, virevolte et bascule, entre éléments jamais vraiment répétés, mais jamais vraiment en ruptures non plus. Et passer en mode d'écoute passif n'arrange pas, cela me privant de la fine délicatesse des textures et des jeux de transformation incessants. Simon Corley est lui enthousiaste...

dimanche 5 novembre 2006

Percussions de Strasbourg - Musicatreize (Cité de la Musique - 4 Novembre 2006)

Edgar Varèse - Ionisation

Les Percussions de Strasbourg ont du jouer ce grand classique, transposé pour eux par Georges van Gucht avec accord du compositeur en 1976, des centaines (milliers ?) de fois. Ils coupent le morceau en deux parties, la première très diffuse, temps dansant et suspendu, avec les sirènes au niveau plutôt faible, et la seconde beaucoup plus tonitruante, en temps brutal et concassé, où les sirènes, bien que hurlantes, ne sauraient surpasser le fracas percussif. Du grand classique.

Luciano Berio - Cries of London

Pour huit voix, ce morceau assez court reprend des concepts de musique vocale chers à berio, entre le "O King" de la Sinfonia, la Sequenza III, ou un "Coro" sans les instruments. Terrain bien connu, mais où je n'entends rien cette fois qui me ravisse vraiment - en fait, l'ensemble me semble envahi de traits mieux exploités ailleurs ; du coup, cela fait clichés.

Philippe Hurel - La Célébration des Invisibles

C'est la première pièce de Hurel que j'entende, qui soit d'une telle longueur : 45 minutes. C'est la version concert d'un drame lyrique avec choeur, percussions et théâtre d'ombre, créé à Strasbourg en 1992. Ce soir, sans aucun dispositif scénique, l'histoire nous échappe quelque peu. Il reste la musique, élaborée à partir d'un matériau restreint, percussions limitées aux claviers, et voix traitées sans artifices de jeux (pas de sifflements, roucoulements, cris, ou autres manifestations vocales qui firent modernes à une époque mais commencent à vieillir quand la nécessité ne s'en fait plus sentir - "Cries of London" par exemple ; la programmation de ce soir est fort bien conçue).
Hurel utilise fréquemment les vibraphones. Avec ici 6 musiciens, la matière est dense, assez complexe, échappant aux simplismes Reichiens des phases et décalages pour plonger dans des polyrythmies multi-couches, des cellules longues se répétant en variations, mais laissant la place nécessaire aux voix, aux lignes relativement simples. Deux intermèdes purement percussifs, remplaçant des scènes parlées, permettent des jeux plus immédiatement impressionnants. Les voix sont amplifiées, mais sans que cela ne soit vraiment génant ; cela permet un meilleur équilibre entre les solistes vocaux et les percussionnistes, et aussi une petite spatialisation, discrète.
Le climat général est plutôt calme, apaisant, on se laisse guider au fil de l'histoire, qu'on sent là, quoiqu'on ne puisse la comprendre. Malgré la longueur, qui semblerait annoncer un morceau ambitieux, il y a comme une paradoxale retenue dans les moyens mis en oeuvre. Le tout est agréable, même si cela ressemble plus à une étape qu'à un sommet.

Radio


J'ajoute la "Ionisation" de Varèse (par les premières Percussions de Strasbourg), la "Sequenza III" de Berio (un sommet d'extravagance vocale), et "Loops II" de Hurel (une pièce solo "de concours" pour vibraphone).

dimanche 29 octobre 2006

Solistes EIC (Cité de la Musique - 29 octobre 2006)

Edgar Varèse - Densité 21.5

Emmanuelle Ophèle joue sans partition cette pièce écrite pour une flûte en platine, et en lointaine réponse au Syrinx de Debussy (les deux s'enchaînent dans la radio). Dans les appels répétés, les longues tenues comme des plaintes, les stridences soudaines, on sent, sous la sonorité solaire, la douleur constamment affleurer, dans cette interprétation intense et magnifique.

John Cage - Sonates et interludes

Il va falloir se les procurer en disque ! Après John Constable en Septembre, c'est Sébastien Vichard, tout jeune arrivé à l'EIC, qui propose sa sélection, entre épopée héroïque (sonate 12), et drone obsédant (sonate 14). Et c'est toujours excellent.

Iannis Xenakis - Kottos

C'est une démonstration de sonorités rugueuses, violentes, ou glissantes, fuyantes, une partition extrême, mais au résultat un peu vain, une brutalité qui ne mène pas à grand-chose. Pierre Strauch s'en sort sans problème, mais sans trancender non plus ce qui fut vraiment une pièce de concours, en l'occurence le concours Rostropovitch de 1977 (et ça se sent).

Steve Reich - Vermont Counterpoint

Retour d'Emmanuelle Ophèle, armée de trois flûtes (alto, en ut, piccolo), qu'elle alterne, accompagnée par une bande où jouent 10 autres flûtes, dans une structure d'une étonnante audace "fast fast slow fast" (c'est dans le doublement asymétrique des "fast" initiaux qu'est l'audace). En amphithéâtre, le mélange bande-instrumentiste passe beaucoup mieux, ne serait-ce que parce qu'on peut enfin bien distinguer la part de chaque. La principale difficulté semble être de rester bien dans le rythme, et de ne pas se tromper de flûte. Facile, quoi. Mais joli, agréable, rafraichissant, joyeux, bondissant, sympathique !

Steve Reich - Different Trains

Pour compléter le programme Steve Reich, qui fêtait il y a quelques semaines ses 70 ans, un de ses morceaux les plus célèbres. J'ai à une époque été fortement marqué par ses bruits de train, ses lambeaux de phrases copiés aux cordes, ses rythmes harcelants ; quelques années plus tard, j'étais exaspéré par le coté gadget des ses reprises de mélodie vocale, par ses répétitions usantes, par son discours totalement inabouti (oui, quand il voyageait en train aux USA, d'autres trains transportaient des Juifs vers les camps ; et ?) ou d'une naïveté atterrante ("le progrès, parfois, c'est mal", qui sera le thème de "Three Tales", il me semble). Et aujourd'hui ? J'essaie d'y trouver de la musique, et il y en a, un peu, par exemple dans les sifflements de sirène, qui sont joués par des combinaisons toujours changeantes de cordes, et qui en acquièrent une texture, une couleur, très intéressantes. Mais pour l'émotion, nada. C'est une musique qui réclamerait une vidéo, de la musique de clip. Peut-être est-ce ainsi que je l'ai vu la première fois, dans un documentaire sur le Kronos Quartet (mais il y a encore des vidéos qui ne sont pas sur Youtube).

Radio

Après le Syrinx de Debussy et le platine de Varèse, je propose une interprétation du "Vermont Counterpoint" issu d'un concert marathon donné au Withney Museum, dont le site offre l'intégralité en MP3 (lien connu via Alex Ross). Enfin, en grondement de trains, plutôt qu'encore du Reich, je préfère un extrait du volume 5 du Book of Angels.

Le Livre du Graal : Ramifications

Ce jour-là, en tous cas, les trois chevaliers s'assirent à la Table ronde, et l'on fit venir les clercs qui avaient pour mission de mettre par écrit toutes les prouesses des compagnons du roi Arthur. Ils étaient quatre : le premier s'appelait Arodion de Cologne, le second Tantalide de Vergiaux, le troisième Thomas de Tolède et le quatrième Sapiens de Bagdad. Ces quatre-là étaient chargés de mettre par écrit tous les exploits chevaleresques des compagnons du roi Arthur : ils commencèrent par les aventures de monseigneur Gauvain, parce que c'était le début de la quête ; puis ils passèrent à celles d'Hector, parce que c'était une branche de ce conte, et ensuite aux aventures des dix-huit autres compagnons. Tout cela faisait partie du conte de Lancelot, dont tous les autres étaient des branches ; et le conte de Lancelot lui-même était une branche du Graal, tel qu'il y fut adjoint.
La Marche de Gaule, §908

En l'absence de Blaise, il était temps que le roman mentionne ses rédacteurs, et valide ainsi sa propre existence. Et avant de repartir vers de nouvelles aventures, fausse Guenièvre ou Douloureuse Tour, il est bon de resituer le débat et l'enjeu ; le Graal semble quelque peu perdu de vue, parmi les combats et les conquêtes, de châteaux ou de demoiselles !
Sur ce, je fais une pause ; d'autres livres attendent, cette section du blogue restera vide sans doute quelques mois.

samedi 28 octobre 2006

Pour quelques photos de plus

Ayant trouvé chez Cali Rezo un questionnaire inventé par DelphinE (et auquel Akynou a déjà répondu), j'ai décidé de saisir l'occasion pour fouiller dans les (pas si vieilles !) archives, et pour tenter quelques photos nouvelles.

feuilles mortes

1. Liquide et Végétal ... (... et mort)

2. La couleur Rouge ... ( ... les néons dans la nuit)
rétroviseur

le nez en l'air
3. Vous en Mouvement ... ( ... humant l'atmosphère du quartier)

4. Et que feriez vous de La lettre "M" ? (par elle je me déplace, et parfois j'y mange)
d'un m à l'autre

autoportrait
5. Une photo à la lampe de poche(héhé) (planqué sous les draps)

6. De quoi vous ne pourriez pas, mais alors pas du tout vous passer ? (les concerts, sorties, spectacles, n'alimentent pas que mon blogue)
Redémarrage en septembre

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7. Vous n'aimez pas ...( ... les ivresses populaires stériles, les débats simplifiés jusqu'à la caricature, les victoires malsaines, les énergies gaspillées)

8. Qu'y-a-t il dans votre frigo ? (de quoi boire, entre autre)
transpiration frigorifique

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9. Une utopie, un rêve ... (... ewig ... ewig ... ewig ... )

10. C'est comment chez vous ? (en désordre, toujours, quasiment)
DSCF0095

Si vous voulez y répondre à votre tour, pensez à écrire à elleblogue(at)laposte.net (pour qu'elle puisse suivre les images que ça inspire)

Planning Novembre - Décembre 2006

Selon la fatigue du moment :
Puis trêve des confiseurs, jusqu'au 9 Janvier.

vendredi 27 octobre 2006

La déesse de la rivière Luo (Théâtre de la Ville - 26 Octobre 2006)

Musique ? Théâtre ? Danse ? Il s'agirait d'opéra chinois ; mais dans le style Nanguan, fort différent du Kunqu, puisque, par exemple, on y chante à peine ! Du coup, si la première page du copieux et magnifiquement illustré livret fourni par la maison de la culture d'Amiens en complément au traditionnel feuillet du Théâtre de la Ville indique "Opéra classique chinois dans le style Nanguan par l'Ensemble taiwanais Han Tang Yefu", la deuxième page parle plutôt de "conte dans le style du théâtre dansé et de la musique Nanguan".
Ce conte, qui s'inscrit dans un contexte légendaire, parle de l'amour entre le poëte Cao Zhi et la déesse Luo Shen, de la peur de celui-là, de la peine de celle-ci, et de leur inéluctable séparation pleine de regrets. Comme pas un mot n'est échangé, un étrange sous-titrage nous explique de temps en temps ce qui se passe, au cours des sept scènes qui durent plus de deux heures, au grand désarroi d'une partie des spectateurs qui tenteront nombreux de partir discrètement, tant pis pour eux qui ne savent déguster la beauté !

copyright Hsieh Chun-Teh
Beauté de la danse, chorégraphiée par Chen Mei-E, épurée, stylisée, basée sur des gestes qui doivent imiter le hiératisme irréel des marionettes. Les corps glissent sur le sol, les jambes se dressent lentement, tout semble suspendu ; du Bob Wilson, mais avec des millénaires de culture encodés dans le moindre geste ! La scène 2, où apparaît Luo Shen entourées d'autres déesses, et si éthérée et abstraite que l'engourdissement est presque inévitable ; heureusement, la présence plus terrestre du poëte, ou la venue de dieux plus malicieux ou spectaculaires, permet ensuite de garder vive l'attention.
Beauté de la musique "Vent du Sud", de la famille "Soie et bambou" c'est-à dire utilisant des cordes (pipa, sanxian, erxian), une flûte (dongxiao), et des percussions par moments. Musique aux tessitures légères, flottante et irisée, elle crée le décor qui n'existe pas sur scène, évoque une nostalgie d'un monde idéal, avec une fragilité qui nous parle d'âme à âme, dans un raffinement aristocratique sublimé.
la déesse de la rivière luoBeauté de la mise en scène, où collaborent Chen Mei-E et Lukas Hemleb, ce dernier également éclairagiste généreux en ambiances magnifiques, couleurs intenses et profondes, jeux de scène à partir d'éléments simples, bougies, arbustes, eau, costumes somptueusement fluides de William "In the Mood for Love" Chang, tout concourt à un émerveillement renouvelé.

Revue de quelques détails :
- à la percussion maniée par le dieu du Fleuve Jaune, impressionnante mais tout en force et finalement assez banale, je préfère le petit tambour jouée avec un pied posé sur la peau du dit tambour, qui permet d'en faire varier la sonorité et la hauteur, tout en libérant les deux mains, ce qui permet d'originaux traits montants ou descendants (l'habitude occidentale est d'utiliser le coude, mais cela ne laisse plus qu'une main pour frapper)
- la danse du seigneur des vagues, armé d'un bâton, et celle des six dragons, qui s'affrontent de plus en plus vivement, convoquent les arts martiaux, dans un écho abstrait mais fructueux
- comme des filles du Rhin bien avant la lettre, trois déesses de la rivière se moquent de l'amour annoncé des deux héros, puis restent à les contempler, accompagnant leur idylle naissante de gestes simples, balancement des bras et des mains, mais constamment modifiés, comme un contrepoint exquis et délicat
- la déclaration d'amour est accompagnée d'un chant, sous-titré, mais uniquement en idéogrammes !

Radio

Le Théâtre de la Ville vendait de beaux coffrets, alliant 1 DVD et 2 CDs, des deux précédents spectacles du Han Tang Yuefu. J'ai acheté celui de "La Fête de Han Xizai", et en propose un long extrait dans le pot-pourri, qui présente les différents instruments mis en jeu (flûtes, tambours à pied, voix, cordes).

Beethoven Mahler (Théâtre du Châtelet - 24 Octobre 2006)

La venue de Daniel Barenboim à la tête de la Staatskapelle de Berlin se place dans une double perspective : dans le cadre de "Piano ****", il propose à des pianistes célèbres d'interpréter des oeuvres du répertoire ; en préparation au festival d'Avril, il complète les soirées par des symphonies de Mahler.

Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n 5

La première partie est clairement dédiée au soliste, Lang Lang, à qui l'orchestre, particulièrement en retrait, offre tout l'espace possible pour s'exprimer (ce qui n'empèche pas au pupitre des bois de se distinguer par sa platitude, et aux cuivres de multiplier les sonorités bizarres, comme des touches d'ironie malencontreuses). C'est un terrain que j'ai trop peu parcouru pour que je puisse vraiment statuer sur le jeu du pianiste ; rapidement, disons que dans le premier mouvement, ce sont les moments les plus calmes qui m'ont le plus plu, que le deuxième était sans éclat ni profondeur, et le dernier roboratif, frisant l'indigestion d'arpèges puissants. Le plaisir de découvrir l'oeuvre a néanmoins supplanté la faible qualité musicale de l'interprétation, si j'en crois un Simon Corley très remonté, et un Musica Sola peu charitable non plus, puisque plaisir je pris à écouter cela.
En bis, une mignardise mozartienne virevoltante et sucrasse.

Gustav Mahler : Symphonie n 5

A vrai dire, j'étais plus là pour ça. Si les bois continuent de décevoir, et si l'un des percussionistes m'a permis de découvrir qu'on pouvait mal jouer du triangle, les cuivres eux se distinguent : excellents trompettes et cors. Surtout, ce sont les charivari monstrueux du premier mouvement qui me sidèrent ; énergie tellurique, tempétueuse, orages déchainés, ce sont des dieux qui jouent à se battre. Auprès d'eux, les petits destins humains font piètre figure. Barenboim, effectivement fascinant à regarder diriger, fait durer un peu longuement les pauses entre les trois parties. L'adagietto est de fort belle tenue, sobre, digne, sans trop de pathos, et scandé par une harpe particulièrement présente.

Radio

Le fameux Adagietto, dans une interprétation particulièrement tendue : Leonard Bernstein dirige les cordes de New York Philarmoniker, lors de la messe d'adieu au sénateur Robert F. Kennedy, le 8 juin 1968, en la cathédrale St. Patrick.

lundi 23 octobre 2006

Beta Blogger, Commentaires, RSS

Ce blogue commence à retrouver un visage familier. J'aime bien le lifting opéré sur cette bonne vieille plateforme ! Les "labels" sont bien pratiques, même si un affichage en "tag-cloud" aurait été indéniablement plus sexy. Par contre, rien à redire sur la rubrique "Archives", qui permet de concentrer efficacement et joliment une longue durée de bloguage. Le fait que la fonction "Recherche" fonctionne enfin (pour un site acheté par Google, c'est bien le moins !) est un fort considérable progrès, surtout que tout cela se traduit par des URLs facilement exploitables (pour les labels : http://bladsurb.blogspot.com/search/label/Graal, comme pour les recherches : http://bladsurb.blogspot.com/search?q=boulez).

Pour les commentaires, j'ai décidé d'abandonner Haloscan. Il est possible de continuer à utiliser ce service avec Beta Blogger (même s'il faut fouiller un peu pour obtenir les explications nécessaires), mais est-ce encore nécessaire ? Il semble désormais facile de laisser des commentaires sans avoir de compte Google ou Blogger, et visualiser le billet suivi de ses commentaires est tout de même plus naturel et simple.
Seul léger problème : passer d'un système à un autre oblige à voir disparaître le passé. J'ai néanmoins transvasé les quelques dernières contributions.

Enfin, dernier point : les abonnements RSS. Je les ai listé dans la colonne de droite. Peut-être est-ce un problème de version de protocole, en tous cas RSSBandit ne supporte plus les fils Atom ; il gère par contre sans problèmes les fils RSS. Bloglines, par contre, digère sans se plaindre les Atoms. Donc, essayez l'un ou l'autre, selon votre agrégateur !
Il est aussi possible de s'abonner pour les commentaires d'un billet particulier. Le lien proposé par Blogger est alors forcément de l'Atom. Ajouter "?alt=rss" à la fil de l'URL devrait vous permettre d'obtenir du RSS si vous préférez cela.

samedi 21 octobre 2006

Beta blogger

Je viens de passer ce blogue en version Blogger Beta.

Les principaux avantages en sont :
- des labels, en bas de chaque billet ;
- une recherche (le champ tout en haut, dans le bandeau bleu) qui marche !

Ils annoncent en effet comme une grande nouveauté le fait de stocker le contenu des billets dans une base de données, à partir de laquelle les pages sont générées en temps réel lors de la consultation ! Bref, la recherche se fait maintenant directement dans la base de données, ce qui la rend performante, rapide, et complète.

Sans doute vais-je également faire évoluer le modèle d'affichage ; cela passant par une remise à zéro des modification jusqu'ici apportées, des perturbations sont donc à prévoir avant de retrouver un aspect stabilisé.

Win Vandekeybus - Spiegel (Théâtre de la Ville - 20 Octobre 2006)

Etrange début de saison. D'abord une reprise d'un spectacle à 15 ans de distance, maintenant un bilan d'anniversaire de 20 ans. Ma première visite au Théâtre de la Ville fut pour "Immer das Selbe gelogen", et je ne pense pas avoir loupé beaucoup des spectacles de Vandekeybus depuis. Conquète de la gravité, impressionnantes démonstrations de physicalité et spectaculaires prises de risque, tout cela est bien présent dans ce récapitulatif en forme, si on en croit le titre, d'auto-portrait. Il y a des chutes et des roulades, il y a des jetés de brique, il y a des couples qui s'empoignent, s'étreignent et se rejettent. Pourtant, tout cela ne m'a guère satisfait. Parce qu'un spectacle de Vandekeybus, c'était aussi un voyage mental. Jouant avec les lumières et les décors, par les séquences vidéos, par le jeu des danseurs d'Ultima Vez, dans les moments creux des spectacles, entre les explosions d'énergie, il proposait souvent des images fortes, parfois à la limite du malaise, comme issues d'un rêve dérangeant - jusqu'au risque d'en faire trop, et de tomber dans le shocking complaisant. Rien de cela ce soir. Afin d'unifier les extraits choisis, le décor a été réduit à sa plus simple expression, quoique garni de quelques indispensables accessoires, fond-rideau, chaise enchaînée en l'air, crochets menaçants. Mais aucune image ne se dégage vraiment. Les ambiances se succèdent sans avoir le temps de s'installer, et au total, rien ne fait vraiment sens.
Bien sur, il est agréable de revoir certaines scènes - mais là où elles s'inscrivaient dans un contexte, ici elles tournent à vide. J'adore par exemple le jeu des briques, issu de "What the Body Does Not remember", en répétition / variation / prolifération ; mais ce principe irriguait toute la pièce, ce qui en renforçait l'impact. Idem pour "7 for a Secret never to be told", le spectacle m'avait beaucoup plu, qui proposait une construction théâtrale très différente du reste de la production Vandekeybusienne : en arracher une séquence l'affadit. Et d'une manière générale, aucune séquence ne semble plus nécessaire ; cela aurait pu être d'autres extraits, présentés dans un ordre différent. Cette absence de structure ou de thématique forte affaiblit l'ensemble de l'édifice, et même chacune de ses parties. De plus, les traits chorégraphiques qui ressortent s'apparentent du coup à des clichés : corps arc-boutés, couples en confontations, courses ...
Le plus grand plaisir a été de retrouver quelques morceaux musicaux que j'avais oublié : un quatuor de Thierry de Mey, ou la puissance d'Arno éructant "Watch Out Boy". C'est est un peu peu.

Radio


Quelques musiques utilisées par Vandekeybus dans ses spectacles : de Mey, Byrne, Vermeersch ... Je n'ai pas le Arno, malheureusement !

dimanche 15 octobre 2006

Michèle Anne De Mey - Sinfonia Eroïca (Théâtre de la Ville - 14 Octobre 2006)

En 1990, cette pièce marquait la naissance de la compagnie Michèle Anne De Mey. 16 ans plus tard, elle reprend l'ouvrage, en agrandit l'effectif d'un couple supplémentaire (autres changements inconnus - pièce non vue à l'époque).
Elle garde cependant l'innocence ("et quand je dis innocent, je devrais dire naïf") d'un début, tant dans le thème que dans la danse employée.
Cela nous parle d'un temps que les plus de vingt ans ne peuvent plus connaître ; un temps de bande, de tribu, de découverte de la sensualité, entre jeux et défis, démonstrations et provocations, entre complicités et rivalités, amitiés et plus si affinités, même temporaires. Les couples se font et se défont, dans l'insouciance que permet l'abscence d'enjeux. C'est un âge qui ne sait pas encore que l'on peut souffrir. (d'ailleurs, cet âge existe-t-il vraiment ? ou n'est-ce qu'un souvenir mythifié ?)
La danse aussi est une naissance. Les leçons minimalistes de "Rosas danzt Rosas" sont adoucies ; reste l'individualisme des interprétations (large latitude laissée à chacun pour effectuer les mêmes gestes, dans les rythmes, les amplitudes, les détails, chaque personnalité marquant de son empreinte des séquences au départ identiques), mais le plateau, quoique largement dégagé, n'est jamais vraiment nu. Une corde le traverse, puis des balles de tennis, des vêtements de soirée, et pour finir des seaux d'eau, balancée en magnifiques gerbes sur les corps révélés, transformant la scène en espace de glissades et d'éclaboussures.
De la musique de Beethoven est surtout utilisée la part d'insolence, de brillance, de force vitale. Le spectacle respire le bonheur, sans prise de tête, sans complexités, infuse une forme d'allégresse bienvenue. Cette absence de profondeur, cette naïveté donc, est aussi une limite.

jeudi 12 octobre 2006

Dutilleux Mozart Lutoslawski (Salle Pleyel - 11 Octobre 2006)

Henri Dutilleux - Métaboles

C'est une bonne pièce pour initier à la musique contemporaine : structure simple, beauté de l'instrumentation, variété des climats... Quand, ayant décidé de m'intéresser à la musique contemporaine, j'ai emprunté au petit bonheur la chance tout ce qui était disponible à la médiathèque voisine, c'est une des pièces qui m'ont conforté dans mes efforts, lisibilité et charme mélés.
Dans "Incantatoire", les bois de l'Orchestre de Paris, déjà remarqués, pépient avec bonheur et vivacité. Mais dès "Linéaire", pour cordes seules, un léger malaise sourd : le son, renforcé par l'accoustique de la salle, est trop analytique, trop précis, manque de fusion, de moelleux, de gras peut-être. Je ne suis pas sur que ce soit la bonne salle pour écouter du Debussy, ou de la musique spectrale, car elle a tendance à isoler chaque pupitre, chaque instrumentiste, dans un rendu détaillé frisant le pointilliste. Et la musique de Dutilleux ne supporte pas pleinement ce traitement. De plus, il me semble que Yan Pascal Tortelier, grand spécialiste de cette musique, tente de couler cette partie dans le moule d'un "lento misterioso" qui ne convient pas tout à fait. Heureusement, pour "Obsessionnel" ou "Flamboyant", cela fonctionne mieux. Au milieu, "Torpide" est si schématique qu'il passe inaperçu. Au total, un bilan mi figue mi raisin...

Wolfgang Amadeus Mozart - Concerto pour piano n°26

Dite "du Couronnement". Beaucoup, beaucoup de notes ; des mélodies comme une rivière intarissable et répétitive ; j'en profite pour dormir un peu, malgré le froid qui, en haut du premier balcon, dégouline des climatiseurs. Simon Corley commente plus utilement.

Witold Lutoslawski - Concerto pour orchestre

Inspiré bien sur par Bartok, mais baigné de musique populaire polonaise et non hongroise, c'est une musique forte et vigoureuse, parfois un brin rustique, et privilégiant une virtuosité de façade. De plus, la fin est une apothéose mastoque, fanfare tonitruante pénible, presque ridicule. Cela semble plaire à Tortelier, agité comme un diguidi, qui danse, saute, trépigne, exulte. Je pars dès le début des applaudissements.

Radio

Les Métaboles, dirigées par Tortelier ; du Lutoslawski plus tardif, par l'Orchestre de paris ; et un autre concerto pour violoncelle, du Chostakovitch plein à ras-bords de DSCH (ré, mi bémol, do, si).

dimanche 8 octobre 2006

Le Livre du Graal : l'ami Galehaut

Jamais on ne vit son épée immobile. Il fendait les heaumes et dépeçait les écus, et accomplissait de véritables merveilles. Lorsque Galehaut vit ces prodiges, il se demanda comment un seul chevalier pouvait agir ainsi, et il pensa qu'il ne voudrait pas avoir conquis toutes les terres qui sont sous le ciel si le prix de cette conquête était la mort d'un tel homme. Il éperonna alors son cheval et s'élança dans la presse, le bâton à la main pour séparer la mêlée qui faisait rage autour du chevalier à pied ; il parvint non sans peine à faire reculer ses gens. Puis il interpella le chevalier en ces termes : "Seigneur chevalier, ne craignez rien." Et l'autre de répondre hardiment que ce n'était pas le cas. "Si, répliqua Galehaut. Je vais vous apprendre quelques-unes de mes coutumes. Sachez que je défends à tous mes hommes de porter la main sur vous aussi longtemps que vous serez à pied, ou de vous prendre en chasse. Mais si vous renonciez à vous battre par couardise, je ne vous garantis pas contre l'emprisonnement. En revanche, aussi longtemps que vous porterez les armes, vous ne trouverez personne qui vous fasse prisonnier. Et si votre cheval est mort, ne vous troublez pas pour si peu. Car je vous donnerai autant de chevaux que vous pourrez en user aujourd'hui, et je serai votre écuyer. Et si je ne parviens pas à vous fatiguer, personne n'y parviendra jamais."
La Marche de Gaule, §548

Quelle démonstration de courtoisie chevaleresque !
Le chevalier se mit à penser à l'honneur que le prince lui avait fait, et en conçut une grande estime pour lui. Une fois couché, il ne tarda pas à s'endormir, car il était épuisé. Et quand Galehaut se rendit compte qu'il dormait, il se coucha près de lui le plus doucement possible, et deux autres chevaliers s'installèrent dans les deux autres lits : il n'y avait personne d'autre dans la tente. Cette nuit-là, Galehaut ne ferma guère l'oeil, car il réfléchissait aux moyens de retenir près de lui le bon chevalier. Au matin, il se leva discrètement ; le chevalier fit de même quand il se réveilla et alla entendre la messe. Ensuite, il réclama ses armes. Galehaut lui en demanda la raison, et il lui répondit qu'il voulait s'en aller. Mais Galehaut lui dit : "Ah ! beau doux ami, restez encore ! Et ne croyez pas que je veuille vous tromper, car vous ne demanderez jamais rien en échange sans l'obtenir. Sachez que vous pourriez aisément avoir pour compagnon un homme plus riche que moi, mais jamais vous n'en aurez un qui vous aime davantage. Et puisque je ferais plus que tout le monde pour avoir votre compagnie, il est normal que je l'obtienne de préférence aux autres. - Seigneur, dit le chevalier, je resterai. Car je ne pourrais être en meilleure compagnie qu'en la vôtre. [...]"
La Marche de Gaule, §558

Comme i' disent sur Radio Nova : "Y a pas un peu plus que d'l'amitié entre eux ?" C'est pas exclu !

samedi 7 octobre 2006

Mozart Dutilleux Chostakovitch (Salle Pleyel - 5 Octobre 2006)

Beaucoup de blogueurs pour ce concert anniversaires : l'amateur,
guillaume - mbr, Paris-Broadway, Simon Corley ; d'autres ?

Wolfgang Amadeus Mozart - Symphonie n°33

C'est joli, gentil, c'est bien interprété, c'est bien plan-plan, ça dure 20 minutes.

Henri Dutilleux - La Nuit Etoilée

Je me rends compte avec étonnement que c'est une pièce que je connais pas, en fait ! Orchestre inhabituel (sans violons ni altos), une apreté et une tension difficile à appréhender à la première écoute, dommage, c'est typiquement le genre d'oeuvre qui peut s'épanouir merveilleusement en concert, pour peu qu'on la connaisse suffisament avant.

Dimitri Chostakovitch - Symphonie n°5

Pas de problème de familiarité insuffisante avec cette pièce-ci. C'est la symphonie qui m'a donné envie de m'intéresser à la musique classique contemporaine. Et cela reste une des oeuvres fondatrices de mon panthéon musical ; de plus, une des rares dont je puisse siffloter les thèmes sous la douche !
Première fois, par contre, que je l'écoute en concert. Expérience bouleversante. Fermeté des tapis de cordes, intensité poignante des interventions solistes des vents, agressivité bartokienne du piano et des percussions, luminosité et profondeurs des timbres, fort peu de fautes (un violon soliste un brin trop tzigane ; quelques surchauffes rythmiques qui frisent le chaotique). Admirable Orchestre de Paris.
La conclusion du dernier mouvement est un piège fort complexe, avec son triomphe insupportable, sa réjouissance imposée par la force. Yutaka Sado en conserve l'ambiguïté grinçante, forçant sur le crissement ininterrompu des cordes pour traduire l'oppression, martelée par les timbales, corrodant la majesté des cuivres.
(A propos de cette cinquième, Alex Ross pointe une nouvelle interprétation de l'oeuvre, et en particulier de la présence de motifs thématiques inspirés par l'opéra Carmen de Bizet : serait-ce parce que Elena Konstantinovskya, que Chostakovitch avait fréquentée en 1934-35, s'était ensuite enfuie en Espagne pour y épouser Roman Karmen ? Ah, histoires et Histoire ...).

Radio : le premier mouvement de la cinquième.

vendredi 6 octobre 2006

EIC Londres (Cité de la Musique - 3 Octobre 2006)

Kenneth Hesketh - Netsuke

Oeuvre en 5 parties, élégante et bien écrite, délicate et fort agréable, mais sans génie ni passion. Un excellent exemple d'un "petit maître".

Rebecca Saunders - a visible trace

Démarrage en traits flottants, glissants, bientôt perturbés par des déflagrations diverses, au piano ou à la guitare éléectrique, qui se font de plus en plus fréquentes et envahissantes, jusqu'à presque saturation, avant de s'espacer de nouveau pour revenir au climat initial. C'est bien, mais peu original, et certains sons utilisés, notamment à la guitare, commencent à faire "tic de langage", car déjà utilisés (et mieux, sans doute) dans ses oeuvres précédentes. Bref, légère déception...

James Dillon - La Femme invisible

Euh... Trois jours plus tard, plus aucun souvenir ...

Jonathan Harvey - Bird Concerto with Pianosong

Grand (30 minutes) concerto pour piano, ensemble, et électronique. Le piano réussit la gageure de jouer des chants d'oiseaux en pagaille, sans imiter Messiaen. L'électronique nous plonge dans une volière virtuelle, remplie de pépiements d'abord livrés bruts, puis peu à peu trafiqués, ralentis, bruités, épurés, superposés ... C'est très reposant, même si l'ambition indiquée par le livret, "je serais content si les chants et les objets sonores de la partition laissaient entrevoir comment l’esprit d’un oiseau peut ressentir le fait d’être humain ou vice versa", n'est pas exactement réalisée.
Le statut de l'ensemble instrumental est assez étrange, fondu dans la partie électronique qui l'absorbe et le déborde, au point qu'il faut voir s'agiter les musiciens pour réaliser qu'une partie des sons non-pianistiques ne viennnent pas non plus des haut-parleurs.

Radio : De la musique anglaise, of course (et il y a encore un peu plus loin). Du Harvey, qui avant la fusion homme-oiseau, tentait celle de son propre fils avec la cloche de la cathédrale de Winchester ; Saunders, avec des sons bizarres de guitare et des bruits blancs de radios ; Ferneyhough, absent aujourd'hui, mais présent deux jours plus tard. Et pour transiter en douceur du violon au piano, du Webern (non sans lien précis avec "Terrain", d'ailleurs).

dimanche 1 octobre 2006

Yaron Herman Trio (Bar La Fontaine - 29 et 30 Septembre 2006)

Deux soirs de suite les mêmes artistes, cela m'arrive rarement. Mais il s'agissait aussi d'un événement : la fermeture définitive d'un lieu sympa et chaleureux, et la découverte d'un pianiste fabuleux.

yaron herman trioLors de mon premier passage à La Fontaine, j'avais peu apprécié la promiscuité, l'accoustique approximative, le confort spartiate. Ce n'était pas une salle de concert, c'était d'abord un bar, aménagé grossièrement pour accueillir des musiciens et du public. Et au fil des visites, l'ambiance particulière commençait à bien me plaire, tenant aussi à la découverte de jeunes artistes dont on sentait la connivence, le plaisir de développer des projets ensemble, de se cotoyer et se bousculer soir après soir (la durée des résidences était un enjeu essentiel, là où les clubs ne proposent plus que trois soirées de suite, La Fontaine offrait à Anne Paceo une place de batteuse pour tous les concerts du mois de Juillet !). C'était un lieu de musique vivante, où les musiciens pouvaient s'offrir le luxe de prendre le risque de se tromper, comme le dit Manuel Marchès.
Malheureusement, une plainte de voisinage déposée en Juillet (la canicule aura sans doute rendu le personnel moins scrupuleux sur la fermeture des fenêtres pendant les sets), une visite d'inspecteurs de police constatant que le lieu n'est pas aux normes de sécurité, l'impossibilité financière et artistique de transformer l'endroit, et c'est donc la fermeture, avec ces deux concerts de Yaron Herman en trio pour clôre l'aventure.

dernier concert au bar la fontaineHeureusement, le pianiste ne laisse pas les circonstances assombrir sa musique. Si le premier morceau commence dans une sorte de magma harmonique et rythmique, qu'un élan finit par propulser, le deuxième s'amuse de phrases swingueuses subtilement décalées, qui serviront de base à un ping-pong enjoué avec le batteur.
Samizdjazz parle déjà très bien du jeu de ce pianiste qui s'ouvre à une carrière potentiellement magnifique. Ce qui m'a frappé, c'est qu'il échappe à la dualité un peu usée Bill Evans / McCoy Tyner. Il est de la génération suivante, qui s'est abreuvée de ceux qui s'étaient confrontés à cet héritage-là. Et quoiqu'il joue, aux abords du silence ou en pleine explosion, il exprime de tout son corps une intensité de bonheur, clown à ses heures, en mimiques et grimaces, disparaissant par moment derrière son piano puis se dressant, presque debout, chantonnant (longue lignée ...), ou crispé, fouillant à la recherche de la bonne note, du bon accord ; un coté spectaculaire qui serait pénible s'il n'était totalement sincère.

dernier concert au bar la fontainePour l'accompagner, Fabrice Moreau à la batterie propose un jeu percussif (il aime jouer des rimshots lors des solos, ce qui donne un son très métallique à son jeu, complété par des cymbales très sèches, dixit Paceo). A la basse, Stéphane Kerecki complète le groupe par un jeu flexible, plus chantant que puissant, avec quelques beaux passages à l'archet.
Le premier soir, Alexandra Grimal les rejoindra à la fin du second set pour un "Equinox" coltranien parfait, où son jeu "sheets of sounds" me convainct plus en une seule chanson qu'en un concert entier !
Le lendemain, rebelote, donc (malgré "Charmed" saison 8 à la télé, notez le sacrifice). Le premier set est très semblable à celui de la veille, mais les musiciens sont un peu moins "dedans", les moments magiques sont un brin plus rares.

dernier concert au bar la fontaineLe second set est une autre histoire. Alexandra Grimal les rejoint dès le départ, se contentant parfois de doubler la mélodie au piano, déchiffrant la partition par-dessus l'épaule du pianiste, parfois prenant de puissants solos, là encore dans une veine coltranienne intense, lyrique, déchirante. Si l'"Alabama" initial n'est pas spécialement marquant, le "Take the Coltrane" sera un sommet de la soirée. Il faut dire que Anne Paceo est venue remplacer Fabrice Moreau, et après le poëte percussif, c'est une guerrière limite kamikaze ! Comme Elvin Jones succédant à Paul Motian. Grimal, Herman et Paceo, leurs visages trahissent une joie féroce de jouer cette musique, un déferlement d'énergie qui scotche, surtout quand je suis au premier rang, en première ligne.
Le jeu se calmera, forcément, jusqu'à un dernier standard ("In The Wee Small Hours Of The Morning" je crois, en tous cas la partition en trainaît entre piano et contrebasse). Julien Caumer, le boss du Labo, les yeux rougis mais la voix intacte, clôt la soirée d'un beau discours, en substance, "tant qu'il y aura des espaces vides où des choses peuvent se développer, nous serons là pour planter des petites graines et les faire pousser".

Une page s'est tournée, mais vue la soif de jouer qu'ont ces gens-là, nul doute que l'aventure reprendra, dans un autre lieu, peut-être plus confortable, peut-être moins sympathique, bref, à suivre.

Radio : Deux morceaux du disque "Variations" de Herman (LE disque de piano jazz à acheter cette année), accompagnés d'un peu de Jarrett, d'un peu de Coltrane, entre autre.
Photos : J'ai mis les photos prises à La Fontaine dans un set Flickr.