Win Vandekeybus - Puur (Théâtre de la Ville - 1 Décembre 2005)
Le décor est d'emblée plus simple que l'an dernier : une forêt de tiges entoure le plateau, un beau mur lépreux le clôt, un gros magnétophone à bandes et un banc l'ornent, et c'est tout. Cela laisse bien de la place aux danseurs ! Une première séquence mystérieuse donne le ton : les danseurs figés sur le pourtour de la piste s'effondrent soudain tous, rampent vers le centre constituer un tas de cadavres, puis se relèvent et se précipitent aux positions de départ ; le cycle répété de mort et de résurrection donne l'idée d'un défilement du temps anormal, inversé même ; la pièce sera morbide et spectaculaire. Mais parmi les autres pièces flamandes qui ont tant fait couler d'encre au dernier festival d'Avignon, Vandekeybus au moins sait manier la mesure, et s'arrêter quand il devient inutile d'aller plus loin.
On a donc une douzaine de danseurs, dans cet espace refuge, rescapés d'une catastrophe indéfinie. Ils courront en cercle souvent, on se croirait chez De Keersmaeker, mais dès que les corps se rapprochent, la violence athlétique de Vandekeybus reprend le dessus : hommes et femmes s'agrippent et se rejettent, se lancent comme des pantins, se balancent les uns les autres des lances (ça renoue avec les briques les oeufs ou les vêtements de spectacles précédents) dont quelques atterriront dans le public (dangereux, au Théâtre de la Ville, les premiers rangs...), joueront à des jeux cruels où les femmes ne seront pas les plus faibles.
Trois séquences vidéo permettent aux danseurs de se reposer un peu (quoique l'action continue pendant la projection), qui dans un défilement temporel heurté, créant une efficace impression de malaise, proche du cauchemar, évoque une assemblée de réfugiés dans un batîment, plein de bébés, d'enfants, d'adultes, de quelques cheffaillons et d'un ou deux illuminés ; le drame couve puis explose, suggestion de viol, de crimes, d'enfants massacrés ou abandonnés dans un désert glacé.
Quelques scènes particulièrement réussies :
- deux hommes dans l'incertitude finissent par tirer au sort qui est le père de l'autre ; mais c'est pour aussitôt se lancer les pires insultes que père et fils puissent s'échanger ;
- des séances de torture, où les victimes secouent les bourreaux, et tous confondus commencent à danser ensemble, danses primitives, appel aux énergies telluriques, aux rituels d'exorcisme, pour tenter de retrouver peut-être un peu d'humanité commune ;
- une femme à la cheville reliée aux autres par des cordes agitées follement, vibrionnante et mouvante figure ;
- le final, où tous de nouveau se frappent sauvagement, et se tuent les uns les autres, jusqu'au vieillard, père de tous, qui tue le dernier de ses fils, et se couvre le visage de poussière de pierre.
Musique adaptée, maîtrise du pathos, le spectacle est une réussite, même s'il est trop long ; deux heures, cela aurait mérité d'être élagué.
Xav de Panopticon a un autre avis. Autres articles (merci Technorati) : par Images de Danse, par Reverso.
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