dimanche 29 avril 2007

Luciano Berio - Chemins et Sequenzas (Cité de la Musique - 28 Avril 2007)

Pour ce second concert, la structure est un peu différente : d'abord les sequenzas (pour trompette, pour guitare, pour clarinette basse), puis les chemins (pour guitare, pour clarinette basse, pour trompette). Entre, une pause, pour installer l'orchestre - mais pourquoi donc sans entracte, quand elle dure plus de 15 minutes ?

Sequenza X pour trompette et piano résonnant

L'utilisation du piano rend l'oeuvre en concert bien plus passionnante que sur disque ! Les cordes qui vibrent sous le souffle de la trompette, que Bruno Nouviet dirige parfois directement sous le capot mi-ouvert, et qu'une pianiste par moments module en plaquant des accords silencieux, nimbent la longue mélodie de délicates nuances variées.

Sequenza XI pour guitare

Je n'ai, contrairement à certain amateur, aucune inclination particulière pour la guitare. Mais là aussi, le concert change la donne. Pablo Marquez, en remplacement du joueur prévu, et sans partition, rend passionnante cette exploration entre différents mondes guitaristiques, les accords liés à l'accordage naturel des cordes, le monde du flamenco, et d'autres. La caisse sert de percussion légère, les mains se rejoignent par moments sur le manche, l'accord est modifié en cours de partie, tout cela théâtralise la performance, que le guitariste livre avec une élégante désinvolture.

Sequenza IXc pour clarinette basse

Cette fois-ci, Didier Pernoit, assis derrière la partition, est presque invisible, et la musique ne s'apprécie que pour elle-même. Pas grand-chose à dire.

Chemins V (su Sequenza XI) pour guitare

L'élégance de la Sequenza est conservée, habillée par un orchestre de chambre jamais vraiment intrusif. Beau.

Chemins IIc (su Sequenza IXc) pour clarinette basse

Ca ne dure que 11 minutes, mais quelle densité ! Sous le solo continu de la clarinette basse, il y a la ligne de violon issue par transposition de "Chemins II pour alto" (et sans doute quand même un peu simplifiée), une guitare électrique, et derrière encore un orchestre en entier, l'Orchestre Philarmonique de Radio France dirigé par Josep Pons ! L'accumulation des plans et des énergies laisse pourtant la musique respirer, surtout grace aux "trous" qui se creusent en deuxième partie, laissant voir à travers les couches les lignes instrumentales. Spectaculaire et splendide.

Kol Od (Chemins VI su Sequenza X) pour trompette

Le piano est remplacé par un orchestre de chambre, la mélodie de la trompette se lit toujours facile, avec les effets orchestraux, qui laissent le mot final à la trompette seule.

jeudi 26 avril 2007

Planning Mai - Juin 2007

Dernier planning de l'année, déjà !

Luciano Berio - Chemins et Sequenzas (Cité de la Musique - 25 Avril 2007)

Un concert très structuré : Sequenza pour hautbois - Chemins pour alto - Chemins pour hautbois ; Sequenza pour violon - Chemins pour piano - Chemins pour violon. Ce qui permet à l'auditeur de goûter l'extension du chemin par rapport à la sequenza, et à l'instrumentiste de retrouver son souffle.
L'EIC est en terrain connu, puisque tout ce qui est joué ce soir est dans le magnifique coffret Sequenzas ou sur le disque Sony Boulez EIC pour les Chemins ; un brin trop connu - j'ai du mal à me concentrer pleinement sur la musique.

Sequenza VII pour hautbois

Edoardo Sanguineti : "ton profil est un de mes paysages frénétiques, tenu à distance / c'est un feu d'amour faux, minimal : il est mort"
Un Si bécarre plane en fond sonore, obsédant, un peu trop fort peut-être, autour duquel gravitent les arabesques désespérement virtuoses de Laszlo Hadady, papillon qui tournoie autour de la lampe.

Chemins II (su Sequenza VI) pour alto

Les neuf musiciens autour de Odile Auboin habillent son discours de textures multicolores, pour un résultat complexe, aux couches multiples, à travers lesquelles elle parvient à briller, imposante. Pour une fois, Christophe Desjardins est assis, qui fut longtemps le seul altiste de l'EIC et m'impressionna durablement lorsque je l'entendis jouer la première fois la Sequenza VI, arrachant des touffes de crin de son archet malmené (Auboin doit jouer avec du synthétique : pas un poil qui dépasse).

Chemins IV (su Sequenza VII) pour hautbois

Onze cordes pour accompagner Hadady. Il ne tourne plus autour de la lampe, mais dans une prison piranésienne dont les cordes dessinent l'architecture fantasque et implacable.

Sequenza VIII pour violon

Edoardo Sanguineti : pour toi j'ai multiplié mes voix, mes vocables, mes voyelles / et je clame maintenant que tu es mon vocatif"
Hae-Sun Kang joue sans partition, comme d'habitude très concentrée, comme d'habitude extraordinaire d'intensité, malgré un départ un peu dérapant.

Points on the Curve to Find... pour piano

C'est une pièce qui avance par segments, selon un principe de permutation, qui lui donne une colonne vertébrale très strict sous un dehors volubile. Sébastien Vichard au piano - r.a.s.

Corale (su Sequenza VIII) pour violon

Un violon soliste, un orchestre à cordes en-dessous (et deux cors). C'est sans doute mon "chemins" préféré. Interprétation très ample, beaucoup d'espace et de respiration donnés par Susanna Mälkki.

lundi 23 avril 2007

Strada Quartet (Sunset - 21 Avril 2007)

strada quartet au sunset
La "carte de séjour" où Henri Texier présentait plusieurs formations au Sunset se termine par cette déclinaison de l'habituel sextet vu récemment au New Morning, d'où sont absents Corneloup et Kornazov. Quelle différence cela fait-il ?
strada quartet au sunset
Moins de puissance dans les tutti, bien sur, et cela se ressent dans le chorus final de "Sacrifice", par exemple. Plus de soli pour chacun des membres présents : cela permet une fois encore d'admirer la versatilité de Manu Codjia, guitare liquide ici, brulante là, inspirée et captivante toujours ; le lyrisme intime et débonnaire d'Henri Texier ; les talents multiples de Sébastien Texier, intensité, émotions ; la puissance de Christophe Marguet (même si à force, ses solos finissent par être un peu répétitifs).
strada quartet au sunset
Un premier set typique des couleurs "Strada", entre mélodies entrainantes et mélancolies sous-jacentes, un deuxième set plus radical, où se révèlent des sources plus rock et blues, et un troisième plus poignant, où les tristesses percent plus visiblement.

samedi 21 avril 2007

Plus ou moins l'infini - Cie 111 et Phil Soltanoff (Théâtre de la Ville - 20 Avril 2007)

Je range ce billet dans la catégorie "Danse", même s'il s'agit plutôt d'art du cirque, dans ses nouvelles dimensions étendues. Pas de jonglage ni de trapèze, mais une recherche sur les équilibres, axée plus sur le spectaculaire et le ludique, que sur la transmission d'émotions ou de réflexions.
Cinq danseurs et une danseuses - qui s'intéressent à l'objet géométrique "ligne". Ils traversent la scène en lignes droites, s'accrochent à des bâtons plus ou moins rectilignes, passent derière des faisceaux de cordes verticales. Beaucoup d'effets sont utilisés : oscilloscopes, projections vidéos, stroboscopes, trucages, faux sol d'où émergent des morceaux de corps. Beau travail de lumières, couleurs tranchées, jeux d'ombres inventifs.
Le spectacle fourmille d'idées, souvent plutôt droles, parfois joliment poétiques, et on passe un bon moment. Mais heureusement que cela ne dure qu'une heure, car le rythme de ce zapping permanent, une scénette chasse l'autre, finit par laisser indifférent.

Election

Tirage de Yi King : "Alliance" -> "Plaider sa cause"


8 Bi : Alliance
Ouverture ; Réexaminer les tiges d'achillée ; Présage fondamentalement durable ; Absence de faute ; Que surviennent les inquiets ; Pour qui vient après fermeture.

Six en 2 : S'allier de l'intérieur ; Présage d'ouverture
Six en 4 : A l'extérieur s'allier ; Présage d'ouverture
En haut un six : S'allier sans tête ; Fermeture

6 Song : Plaider sa cause
Il y a onde portant au blocage de la vigilance ; Au Milieu juste ouverture à la fin fermeture ; Profitable d'aller voir quelqu'un d'envergure ; Pas profitable de passer le grand fleuve.

Commentaire :
Cas unique, le Jugement de l'hexagramme 8 s'ouvre sur l'appréciation ouverture. Cette singularité souligne l'opportunité de répondre à ce qui préoccupe par l'engagement clair dans une problématique de recentrage et d'union. Cependant, si "Alliance" stipule la nécessité de constituer le pivot autour duquel les énergies pourront se regrouper, une seule réponse ne suffit pas toujours à déterminer quel peut être ce pôle de rassemblement, et un second tirage peut s'avérer nécessaire pour en cerner les caractéristiques. Car il s'agit avant tout d'établir ce sur quoi on se fonde et ce sur quoi on fonde son action. Ce projet se doit par ailleurs d'être suffisamment solide pour qu'on puisse le défendre sans cesse, réitérer de manière durable ce choix initial, c'est-à-dire fondamental.


Recommençons, donc : "Diminuer" -> "Nourrir"


41 Sun : Diminuer
Il y a onde porteuse ; Fondamentalement ouvert ; Absence de faute ; Présage de possibilités ; Profitable d'avoir où aller ; Comment accomplir cela ; Deux patelles peuvent accomplir les rites d'hommage.

Neuf en 2 : Ténacité profitable ; Impasse pour des expéditions ; Ce n'est pas Diminuer c'est Augmenter

27 Yi : Nourrir
Présage d'ouverture ; Regarder ce qui Nourrit ; de là rechercher le plein en bouche.

Commentaire :
Deux hexagrammes seulement, tous deux axés sur le rituel aux ancêtres, sont caractérisés par la formule fondamentalement ouvert qui marque la possibilité d'un réagencement général et fécond : "Chaudron" (50) et "Diminuer". Le premier, à dominante Yang, est tourné vers l'expression de ce qui est établi - son nucléaire est "Se Montrer Résolu" (43) - et qu'une condensation parachève. Le second, à dominante Yin, est centré sur la retenue qui permet la concentration des forces en vue de floraisons nouvelles - son nucléaire est "Retour" (42).
Dans le mouvement énergétique global constitué par le couple Diminuer-Augmenter, l'hexagramme 41 représente la phase Yin, où il est important de ne pas agir de manière turbulente. Cette réserve est marquée par la formule présage de possibilités, caractéristique de la ligne de passage d'"Élan Réceptif", situation Yin par excellence, où il est déconseillé de se faire valoir et de s'exprimer de manière trop voyante. La concentration des moyens doit être considérée comme le temps préparatoire nécessaire d'une action à plus longue échéance.


Finalement, voilà qui traduit bien le choix que j'avais l'intention d'effectuer.

dimanche 8 avril 2007

Johann Sebastian Bach - Johannes Passion (Théâtre des Champs-Elysées - 7 Avril 2007)

la salleRebelote, cette fois-ci sans mise en scène ni tralalas. Instruments d'époque obligent, l'ensemble orchestral des "Folies Françoises" met un temps certain à s'accorder, pupitre après pupitre, et recommencera, encore plus longuement, dans un faux entracte interminable, qui aura le curieux effet de rendre la salle beaucoup plus silencieuse en seconde partie.
Mais dès qu'ils jouent, quelle beauté ! Un "Herr, unser Herrscher" formidable, les violons en flux et reflux, les flûtes en douce douleur, la contrebasse qui bouillonne sourdement, et le choeur "Jacques Moderne" qui emporte.
Pour les chants, du très bon et du moins bon. Paul Agnew, narrateur exceptionnel, restitue toute la force du drame, puis passe au chant, pour les airs de ténor (où il manque un peu de corps, voix trop moelleuse). Stephan Imboden cumule aussi les rôles, un Jésus de bonne tenue, et les airs de basse, splendides. Pour les voix hautes, moins de chance : Carolyn Sampson qui semblait particulièrement impressionnante à Orléans, est remplacée par Ingrid Perruche, au vibrato un peu excessif, et d'un engagement médiocre (du coup, je me concentre sur les deux violonistes solistes, qui debout ont pris le relais du chef d'orchestre qui s'est assis) ; Gérard Lesne, dont la voix semble fatiguée, projette peu, et son "Es ist vollbracht" ne me touche guère. Les autres rôles sont tenus par des solistes qui se détachent temporairement du choeur.
Manque de bol : une furieuse envie de dormir m'assaille lors de la dramatique progression finale. Je lutte vaillamment, mais y perd une bonne part d'émotions. Heureusement, je suis bien d'attaque pour les deux derniers choeurs, délivrés plus en puissance qu'en subtilité. Le public, lui, semble un peu perdu, qui essaie d'applaudir entre les les deux ! Le "erhöre mich, ich will dich preisen ewiglich !" final, lancé avec une intensité redoutable, pourra du coup résonner plus longuement dans le silence qu'ils n'osent plus interrompre.

lundi 2 avril 2007

Debussy Stravinski (Salle Pleyel - 1 Avril 2007)

Igor Stravinski - Symphonies d'instrument à vent

J'apprécie peu la période néo-classique de Stravinski, et cette oeuvre m'est habituellement d'accès assez difficile ; Valery Gergiev, variant les couleurs, acides ou chatoyantes, et conservant une façon de swing, en offre une lecture tout à fait plaisante (mais du coup, peut-être peu fidèle ...).

Claude Debussy - La Mer

Le London Symphony Orchestra (qui garde la même amusante et prétentieuse présentation) s'installe au grand complet, pour un tour sur les plages assez tranquille, voir anecdotique, avec une tendance au gros son un peu lourde. Le soleil est là, espagnol, le vent aussi, jouant avec les vagues, une succession de climats joliment colorés, mais où manque sans doute une vision permettant de lier le tout.

Claude Debussy - Prélude à l'après-midi d'un faune

Enfin une belle version concert de ce chef d'oeuvre ! Hédoniste, sensuelle, tactile, je me laisse glisser, porté par la musique, admirant les papillons dans la lumière, les frémissements de l'onde, le faune allongé dans l'ombre, je retrouve enfin les émotions attendues !

Igor Stravinski - Le Sacre du Printemps

Là, ça se gâte. Dès le basson initial, qui ne respecte pas la ligne rythmique. Ca continuera par des aménagements bizarres des tempi et des dynamiques, une finition soignée des passages lents, mais une absence de sécheresse dans les constructions rythmiques les plus complexes, et surtout des pauses à des endroits incongrus, dont une de plusieurs secondes avant l'accord final, totalement contre nature.
La première fois que je suis venu dans la Salle Pleyel (ancienne mouture), c'était pour amener mes parents entendre du Sibelius ("Tapiola" je crois) et "Le Sacre". L'orchestre de faible envergure avait quelques difficultés avec certains passages, ralentissant les tempi pour pouvoir franchir les cols les plus abrupts. Ce qui était très instructif, permettant de mieux appréhender les dangers de la partition. Le problème n'est ici pas le même : le LSO aurait amplement les moyens d'offrir une version tout à fait correcte, si Gergiev n'utilisait pas cette oeuvre comme d'un objet d'amusement personnel. Du coup, pendant toute la seconde partie, je regarde passer les notes, tout en pensant à autre chose, ce qui m'est rarement arrivé pendant un Sacre !
Le public, où abondent des invités qui coquetèlaient ici et là pendant l'entracte, applaudit copieusement.