dimanche 27 septembre 2015

Résistance et exil (Cité de la Musique - 20 Septembre 2015)

Sous ce nom se cache un concert de musique de chambre, par le récemment formé quatuor Off, composé de quatre musiciens de l'Orchestre de Paris : Elsa Benabdallah et Fabien Boudot aux violons, Cédric Robin à l'alto, Florian Miller au violoncelle.
Ils commencent par un petit discours de circonstance en expliquant que résistance et exil ne s'opposent pas mais bien souvent se conjuguent, que l'exil soit physique ou par le biais de la création, le compositeur s'évadant dans sa musique (je résume et déforme).

Arvo Pärt - Fratres

Ce concert s'inscrit dans un week-end consacré à Arvo Pärt. "Fratres" est une de ses oeuvres emblématiques (il en a écrit huit versions différentes pour configurations orchestrales variées ...). En formation quatuor, violoncelle et alto tiennent une note tout du long, les deux violons répètent une mélodie en la transposant sur des notes d'attaque différentes à chaque fois. C'est d'un ennui assez profond.

György Ligeti - Quatuor à cordes n°1 "Métamorphoses nocturnes"

Cela faisait longtemps que je n'avais pas écouté ce morceau, et je le redécouvre avec bonheur. Ascension infinie du départ, éclats de violence ou de désespoir, le quatuor Off privilégie la vitesse à l'émotion. La fausse valse, qu'ils jouent titubante, provoque des sourires. Mais un peu après, les pizzicati de violoncelle me semblent un peu faibles, quand on a goûté à ceux du Quatuor Béla ...

Arvo Pärt - Summa

C'est encore pire que "Fratres". Une mélodie qui tourne en rond interminablement. Alors que ça ne dure guère plus de 5 minutes. Ce n'est pas ce concert qui me donnera la moindre envie de m'intéresser à ce compositeur.

Dmitri Chostakovitch - Quatuor à cordes n°8

Excellente idée que de coupler le Ligeti et ce Chostakovitch : des effets d'écho se font ressentir, dans certaines manières de rendre le désespoir ou la rage. Je suis content de reconnaître au passage quelques citations (mais pas toutes, loin s'en faut ...). Bonne interprétation, dans le tragique des Largo comme dans l'acidité des Allegr(ett)o.

off

Ailleurs : Julien Hanck
Spotify : Arvo Pärt - Stabat Mater / Fratres / Summa, György Ligeti - Clear or Cloudy, Hagen Quartett - Shostakovich String Quartets 3 7 8

Robert Lepage - 887 (Théâtre de la Ville - 16 Septembre 2015)

Robert Lepage arrive sur scène presque incognito, demandant d'éteindre nos portables, ces compléments de nos mémoires où s'engrangent numéros, coordonnées, plannings, et souvenirs. Et de fil en aiguille, il en vient à nous raconter son enfance, dans l'immeuble portant numéro 887, à Québec, dont surgit une maquette vite illuminée de vidéos pour illustrer les vies de chaque appartement. Humour et émotion, intelligence du propos, magie des dispositifs théâtraux, le spectacle est exceptionnel.
Il nous parle de lui, élève brillant, de son père, chauffeur de taxi inculte et humble, du Québec des années 70, qui se découvre des volontés d'émancipation, le tout raconté dans le désordre, un noël chez un oncle riche, la visite du général De Gaulle, les disputes dans l'appartement d'à coté, le personnel et l'historique s’entremêlent dans le flux des souvenirs.
Comme souvent chez Lepage, l'appareillage scénique est fabuleux.La maquette de l'immeuble se plie et se déplie, un smartphone en filme les mini décors merveilleux projetés sur grand écran, la voiture du père absent de par son travail traverse la scène, travail de précision qui ravit, et qui fait sens (le passage de De Gaulle, à vitesse ressentie puis à vitesse réelle).
Au passage, Lepage ne se donne pas que le beau rôle : il traite le journaliste déchu qui l'aide à mémoriser "Speak White" avec un violent manque d'humanisme, épisodes férocement drôles. Parfois, il en fait un peu trop, par exemple le parallèle entre cerveau droit / cerveau gauche, et les deux appartements, ne débouche sur rien. Mais généralement, tout est d'une maîtrise admirable ; même l'utilisation de "Bang bang" de Nancy Sinatra, si souvent entendue et utilisée, limite cliché, fait sens quand il en diffuse plus tard la version francisée par Claire Lepage, signe d'une bâtardisation culturelle.
Tout le spectacle s'articule autour d'un poème, "Speak White", qu'on lui a demandé de réciter lors d'une remémoration de la Nuit de la Poésie en 1970 où l'auteure Michèle Lalonde l'avait récité avec un énorme retentissement présent et futur, et qu'il ne parvient pas à mémoriser. Il en donne, en fin de spectacle, une interprétation à la hauteur de son modèle, utilisant d'ailleurs à peu près les mêmes modalités, ironie, colère, montée en puissance. Moment intense qui me coupe le souffle.

887

Ailleurs : Paris-Broadway, Palpatine, La sourisArmelle Héliot, Fabienne Pascaud ...
La récitation de "Speak White" par Michèle Lalonde en 1970 est disponible sur Youtube.

Orioxy / Yaron Herman (Grande Halle de la Villette - 10 Septembre 2015)

Orioxy

Je ne connaissais pas ce groupe, n'ayant écouté ni Tales en 2010 ni Lost Children en 2015. Je découvre donc cette formation atypique qui réunit une chanteuse, Yaem Miller, une harpiste, Julie Campiche, et une paire rythmique, un contrebassiste et un batteur, plus en arrière-plan. Les univers générés sont variés, dans leurs couleurs, les atmosphères, les intensités, entre rêves et fièvres. Mais je n'entre pas totalement ; j'y sens constamment comme une volonté de démonstration, de montrer tout ce qu'elles savent faire, qui me laisse sur le quai. De jolis moments, j'admire le jeu de Campiche, mais mangés par des maniérismes, musicaux et scéniques, et quand l'émotion commence à me saisir, elles passent souvent à tout à fait autre chose, ce qui me fait retomber (être assis à coté d'un couple qui passe tout le concert à échanger des regards ironiques et à souffler d'exaspération n'aide pas). Une salle plus petite, favorisant l'intimité, aurait peut-être mieux convenue. Là, je n'ai ressenti ni la sincérité ni la nécessité de leur musique.

orioxy

Yaron Herman, Ziv Ravitz

Sorti fin Août, l'album Everyday m'avait un peu déçu, trop joli et propre. Mais en concert, c'est autre chose. Commençant en douceur, Herman affiche une technique classique irréprochable, les deux mains dialoguant à égalité. Mais c'est quand le batteur Ziv Ravitz le rejoint que les choses sérieuses commencent. Ravitz convient parfaitement à Herman : sa frappe vive, extrêmement précise, énergique et sans un poil de gras, s'accorde à merveille avec les cavalcades lyriques du pianiste, et les morceaux trouvent sur scène leurs véritables dimensions. Virtuosité, plaisir du jeu, élégance des grandes lignes, Et bien sur, énergie, complicité, fusion. Ce n'est pas révolutionnaire, mais c'est souvent jubilatoire : la complémentarité dans "Point of view", les résonances de Ravitz dans la caisse du piano pour "Retrograde" (l'habituelle reprise iconoclaste de Herman, après "Toxic" et autre "Army of Me"), l'exceptionnel solo de batterie en intro à "Nettish", le pointillisme à la fin de "Heart Shaped Box" ...
Quand entrent sur scène le chanteur Sage et un quatuor à cordes, c'est une sorte d'interlude, avec "Volcano" de Herman, puis une chanson de Sage, agréable, mais sans plus. Une fois le duo resté seul on en arrive rapidement aux bis, un délicat "No Surprises" (certains diront mièvre), et une autre jolie berceuse. On ressort du concert tout débordant de joie.

yaron herman, ziv ravitz

Spotify : Orioxy - Lost ChildrenYaron Herman - Everyday
Ailleurs : Les deux parties sont sur Arte Concert, Orioxy et Yaron Herman.

samedi 26 septembre 2015

Fonction {MA} / Steve Coleman's Natal Eclipse (Cité de la Musique - 6 Septembre 2015)

Fonction {MA}

De ce sextet formé d'élèves du CNSMDP, je n'ai pas grand chose à dire ; le premier morceau m'a semblé sous forte influence Henri Texier, mais les suivants pas du tout. Pas grand souvenir, en fait. Je regretterai mon manque d'attention quand un ou plusieurs membres se révéleront prodigieux musiciens dans quelques années ...

fonction {ma}

Steve Coleman's Natal Eclipse

Ce groupe est comme un condensé de la troupe présentée la veille, puisque les 8 musiciens présents sur scène l'étaient déjà hier, mais noyés parmi 17. Et point important, il n'y ni batterie, ni percussion, juste une contrebasse pour établir l'assise rythmique : ça oblige tout le monde à y contribuer, et c'est un aspect que j'adore dans la musique récente de Steve Coleman.
A la fin du concert, soudain enfin détendu, riant et plaisantant, comme libéré d'un grand poids (la semaine a été très chargée, et semée d'insomnie), il nous explique que la musique jouée ce soir l'est pour la première fois worldwide, et s'inspire de mouvements de boxe, sport que lui et son fidèle compagnon et trompettiste Jonathan Finlayson adorent. Il faudra la réentendre pour en goûter pleinement les attaques et les feintes, les pas chassés et les tentatives d'uppercut, elle est en tous cas vive et complexe, réactive et insaisie.
En écrémant l'effectif, Steve Coleman a pu s'entourer d'un ensemble splendide, où brillent autant les piliers, comparses de longue date (Jonatha Finlayson trompette, Jen Shyu chant, David Bryant piano, Greg Chudzic), que des nouveaux venus qui savent apporter leurs couleurs (Maria Grand saxophone, Rane Moore clarinettes, Kristin Lee violon).
Une excellente prestation, du Steve Coleman inventif à son meilleur niveau, si ses trois concerts pour ce Jazz à la Villette n'ont pas tous été totalement convaincants, il a gardé le meilleur pour la fin.

steve coleman's natal eclipse

Ailleurs : Franck Bergerot

mercredi 23 septembre 2015

Magic Malik Orchestra / Steve Coleman & The Council of Balance (Grande Halle de la Villette - 5 Septembre 2015)

Magic Malik Orchestra

A la tête de son quartet augmenté du saxophoniste Denis Guivarch', Magic Malik propose un set de quatre morceaux, aux structures très fortes et différentes. Le premier est basé sur une ritournelle minimaliste et dansante énoncée et répétée par Vincent Lafont au synthé, et sur laquelle Malik Mezzadri improvise longuement et somptueusement en boucles, courbes et circonvolutions. Il attaque le deuxième morceau, plus nerveux, par un jeu de percussions sur le corps et de chants gutturaux, avant de passer à la flûte, rejoint bientôt par Denis Guivarch'. C'est dense, riche, sombre. Le troisième morceau est piloté par Jean-Luc Lehr qui lance une boucle de guitare basse (une six cordes au son épais) au rythme instable, sur laquelle les autres musiciens l'un après l'autre s'accrochent, comme une construction de guingois, et pourtant inébranlable. Maxime Zampieri en particulier s'amuse à la batterie à flotter, accélère, décélère, brode. Je suis moins emballé par le morceau final, qui commence par un duo guitare sèche + EWI4000s (instrument à vent midi) au son de canard, qui gâche quelque peu même le solo combatif de Guivarch', y compris par des citations énervantes. Mais c'est une belle démonstration de puissance et d'invention que ce court concert (première partie oblige), j'en aurais bien pris une dose plus grande, avec peut-être un peu plus de chant ...

magic malik orchestra

Steve Coleman - Balance of Council

Ca en fait du monde sur la scène : ils sont 17, des cuivres, des cordes, des doublons étonnants genre contrebasse et basse électrique, batterie et percussions, des habitués genre Jonathan Finlayson, Miles Okazaki ou Jen Shyu, et d'autres qu'on entendra quasiment pas. Etonnamment, Steve Coleman s'installe non devant mais au milieu des musiciens, que personne ne dirige du coup (très différent du système Zorn !). Pendant une bonne demi-heure, il ne se passe pas grand-chose : des bouts de musique surgissent d'un coté ou de l'autre, avant de s'éteindre, rien ne s'enchaîne, ça manque de liens, de communications, de communion. Et puis ça finit par prendre, ou par démarrer, selon la métaphore que vous préférez. Et la dernière demi-heure est d'une belle intensité, avec les prises de relais que j'aime tant chez Coleman, quand les solos se fondent et s'enchaînent de façon à la fois naturelle et surprenante. Particulièrement appréciées : les interventions courtes mais toujours opportunes de Jen Shyu, et les envolées très colemaniennes de la saxophoniste Maria Grand. Mais globalement, le dispositif est trop lourd, je préfère les formations plus simples et plus dynamiques.

steve coleman & the council of balance

Ailleurs : Franck Bergerot, et réponse de Malik Mezzadri
Les deux parties sont disponibles en vidéo sur France TV Culture Box : Magic Malik orchestra, Steve Coleman and The Council of Balance.


dimanche 20 septembre 2015

Anne Teresa De Keersmaeker - Golden Hours (As you like it) (Théâtre de la Ville - 21 Juin 2015)

Comme son titre l'indique, cette pièce utilise deux sources d'inspiration fort différentes : "Golden Hours"est un des titres de l'album "Another Green World", composé par Brian Eno en 1975 ; et "As you like it" est une pièce de théâtre de William Shakespeare.
Cela commence par l'arrivée des danseurs et danseuses, tous plutôt jeunes, une troupe renouvelée donc il semble, qui défilent lentement sur la chanson "Golden Hours" qui passe en boucle. C'est lent, mais curieusement pas lassant.
Ensuite s'enclenche la pièce de théâtre. Sans paroles, et sans sous-titres, exceptés de courts extraits projetés en fond de scène, mais sans indication de qui parle. L'appariement entre les interprètes et les rôles n'est jamais non plus explicité. Au spectateur de recoller les morceaux. Ce qui est loin d'être évident, lorsqu'on ne connait pas la pièce (le résumé fourni ne suffit pas vraiment à s'y retrouver).
Il reste une danse très intéressante, nouvelle pour Keersmaeker, qui approche par moment du mime ou de la pantomime, puisqu'elle seule traduit les sentiments et les actions des personnages. Et finalement, c'est ce que j'aime chez cette chorégraphe, son besoin irrépressible de relancer les dés pour trouver de nouveaux terrains d'investigation, et sa certitude de pouvoir compter sur l'intelligence de ses spectateurs. Même si cette fois, j'ai eu le sentiment d'avoir été quelque peu surestimé ...

golden hours

Ailleurs : Danse avec la plume, Danse aujourd'hui ...
Spotify : Brian Eno - Another Green World

mardi 8 septembre 2015

Jarrell Lachenmann Boulez (Philharmonie de Paris - 11 Juin 2015)

Michael Jarrell - Assonance VII

Une bien mauvaise organisation fait que les lumières s'éteignent et révèlent Victor Hanna debout devant ses percussions, alors que le public continue de s'installer, désormais dans le noir, ce qui rallonge d'autant l'épisode embarrassant.
Quand enfin surgissent les premières notes, c'est pour dessiner une oeuvre toute de poésie sonore, de résonnances et de temps suspendus. Au bord du silence, dans une obscurité zébrée d'éclairs sonores, rarement agitée, elle déploie lentement ses magnifiques mystères.
L'interprétation de Victor Hanna est pleine de délicatesse et de virtuosité souple et élégante. Bravo.

assonance vii

Helmut Lachenmann Mouvement (- vor der Erstarrung)

Pour l'EIC que dirige Matthias Pintscher, c'est un grand classique, et aucun des effets sonores, gratouillis, chuchotis, souffletis, ou plus tard les effets plus orchestraux, fusions improbables et scantions nerveuses, ne leur posent problème. On se promène donc presque joyeusement dans cette forêt de presque sons, où glissent d'étranges animaux entre des végétaux tout aussi peu conformes, épars puis plus touffus, puis disparaissants. Joli.

Pierre Boulez - Répons

On est tous là ce soir pour essentiellement ça : écouter "Répons" dans la grande salle de la Philharmonie, comme une sorte de baptême du feu. Comment la spatialisation électronique sera-t-elle perçue ? Saurons-nous localiser les musiciens détachés tout autour de la salle ? Mais en fait, je ne saurais trop dire. J'ai été happé par l'oeuvre, et étourdi par la musique et la vitesse, grisé par tout l'oxygène que dégage l'orchestre, je n'ai rien détaillé, même pas ressenti les épisodes successifs, j'ai tout pris d'un coup, je me suis régalé, mais impossible d'analyser quoi que ce soit. Enivrant.

répons

Ailleurs : Michèle Tosi
Le concert est disponible sur Arte Concert.



samedi 5 septembre 2015

Planning Septembre-Octobre 2015

Une fois n'est pas coutume, j'écris mon planning de rentrée avant le premier concert (de justesse, soit ...).


Et si j'y pense et en ait l'énergie, optionnellement :