dimanche 2 décembre 2018

Jeanne Added (Le Trianon - 30 Octobre 2018)

En première partie, le groupe Alice Lewis présente sa pop française de bon aloi, aux mélodies accrocheuses mais qui sonnent trop comme du Daniel Balavoine ou du vieux Mylène Farmer, pour vraiment marquer. Comme la chanteuse ne bouge pas beaucoup sur scène, la prestation reste à hauteur de la musique, honnête mais sans plus.
Les billets indiquaient 18h30, mais c'était l'horaire d'ouverture des portes. Ce n'est que vers 21h que Jeanne Added arrive, entourée des maintenant habituels Narumi Herisson aux claviers (et vocaux) et Emiliano Turi à la batterie (jouée souvent debout) et de la nouvelle Audrey Henry (claviers et percussions). Si le set commence par le nouvel album (Remake, Harmless, Radiate ...), il mélange rapidement des titres du premier, en couleurs plus franchement electro que pour la précédente tournée, mais en ménageant de fréquents passages émotionnels. Cet équilibre, entre les danses gonflées d'énergies, et les moments au bord des larmes, n'est pas encore parfait - il s'affinera le long de la tournée. Et certaines chansons sont inexplicablement trop courtes, comme ce Radiate d'à peine quatre minutes, qui une fois l'envol pris, aurait pu continuer au moins le double.
Mais Jeanne Added reste une voix exceptionnelle, une présence scénique incandescente (qui élargit son jeu - aux sauts martelés s'ajoutent des déambulations aux déhanchés sinueux), et le concert est globalement captivant.
Pour le bis, elle revient seule, harnache son immense basse, et plonge dans le passé - un titre minimaliste que je ne connais pas, peut-être de l'époque Linnake , puis "Liebe", à déclencher des frissons chez les vieux fans (dont je suis).
Bref, un grand moment, mais qu'il faudra compléter par un autre concert plutôt en fin de tournée, quand le tout se sera pleinement épanoui.

Pas de photos : j'ai été instamment prié de déposer mon sac avec mon appareil photo au vestaire. Ce qui est un tantinet débile, vu les capacités de prises de vues des smartphones. Voici par exemple le concert dans de larges parts.

Ailleurs : Eric Debarnot

Eötvös - Bartok (Philharmonie de Paris - 24 Octobre 2018)

Péter Eötvös - Alle victime senza nome (aux victimes anonymes)

Sur le thème des migrants morts noyés en Méditerranée, une musique qui ne me laisse aucun souvenir.

Péter Eötvös - DoRéMi, concerto pour violon n°2

Le souvenir le plus marquant est que la soliste invitée Patricia Kopatchinskaja a demandé au premier violon soliste de l'Orchestre de Paris, Philippe Aïche, de l'accompagner dans les bis, quelques duos écrits par Béla Bartok.

Béla Bartok - Le Prince de Bois ; Suite de danses

Là non plus, ces interprétations de ces deux suites par l'Orchestre de Paris dirigé par Péter Eötvös n'auront pas été inoubliables. Une soirée qui ne laisse guère de traces.

eötvös / kopatchinskaja

Ailleurs : Vincent Guillemin

Gagaku - Ensemble Reigakusha (Philharmonie de Paris - 13 Octobre 2018)

Sukeyasu Shiba - Rodai Ranbu

L'Ensemble Reigakusha est un interprète émérite de gagaku, cette musique millénaire qui reste vivace au Japon aujourd'hui. On commence par une évocation des cérémonies de fête traditionnelles, dans une succession de morceaux dont certains sont très connus. Les musiciens y mettent le cérémoniel habituel, tenues vestinemntaires, disposition sur scène, entrées et sorties ritualisées.
Cela dure 40 minutes, mais elles sont divisées en huit sections, et la variété rend le tout très agréable.

Atsuhiko Gondai - Higan no Jikan

Il y a donc du Gagaku contemporain. C'est plus difficile d'abord, ne serait-ce que par manque de référent culturel. Pour aider à passer les 20 minutes, le danseur Kaiji Moriyama propose un solo ; mais son allure, torse dénudé, longs cheveux d'un blond très pale, me fait tant penser à un Iggy Pop nippon, que j'ai du mal à me concentrer.

Toshiro Saruya - Rinju

Rebelote, cette fois accompagné de quatre danseuses, qui font planer de longs voiles colorés tendus au-dessus des têtes, ce qui est d'un fort bel effet. Le reste me reste peu déchiffrable, surtout dans la longueur.
Ah oui, il y a aussi une installation, appelée "VOID", décrite par un rtexte savant comme un peinture composée de fines particules minérales "chargées de la mémoire lointaine de la terre", mais qui ressemble à un gros projecteur lentement mouvant sur la toile d'arrière-scène.

gagaku

mercredi 14 novembre 2018

Planning Novembre - Décembre 2018

Pour la régularité des billets, c'est raté ... Mais continuons de publier ces plannings, au minimum ...




Un film par an et par jour

Il y a quelques temps circulait sur Twitter une chaîne demandant de nommer trente films, à raison d'un par jour, sans commentaires ni explications (et en demandant à chaque fois à une autre personne de suivre les mêmes instructions).
Préparant ma liste en attendant d'être interpellé, ce qui finalement n'aura pas lieu, je décidai que l'arbitraire était trop grand, et que l'exercice nécessitait quelques contraintes complémentaires pour être plus intéressant.

Par exemple, sélectionner, pour chaque année depuis son année de naissance, un film sorti sur les grands écrans cette année-là. Cette contrainte pouvant être trop sévère, il est possible de l'assouplir, par un élargissement aux années adjacentes. Donc, pour l'année 1984, vous pouvez choisir un film sorti en 1983, 1984, ou 1985.

J'y ai ajouté deux autres contraintes, personnelles : chaque réalisateur/trice n'est présent/e qu'une seule fois ; et l'équilibre habituel de mes consommations cinéphiles est globalement préservé, à savoir 1/3 de films français, 1/3 de films américains, et 1/3 de films d'autres provenances.

Si l'idée vous plaît assez pour que vous décidiez de vous lancer dans ce challenge, seul le critère "un film par an et par jour" est à respecter (et vous pouvez utiliser #UnFilmParAnEtParJour pour les publier ...).

Le tout forme je crois une sorte de portrait en amateur de cinéma, qui peut aussi indiquer une évolution de ses goûts.

1967 => 1968
"2001, l'odyssée de l'espace" de Stanley Kubrick


1968 => 1969
"Il était une fois dans l'ouest" de Sergio Leone


1969
"L'Armée des ombres" de Jean-Pierre Melville


1970
"Les Damnés" de Luchino Visconti


1971
"A Touch of Zen" de King Hu


1972
"César et Rosalie" de Claude Sautet


1973
"Serpico" de Sidney Lumet


1974 => 1973
"Mon nom est Personne" de Tonino Valerii


1975
"Monty Python : Sacré Graal !" de Terry Gilliam et Terry Jones


1976 => 1977
"L'homme qui aimait les femmes" de François Truffaut


1977
"Star Wars" de George Lucas


1978 => 1979
"Coup de tête" de Jean-Jacques Annaud


1979
"Alien" de Ridley Scott


1980 => 1979
"Stalker" de Andreï Tarkovski


1981
"Excalibur" de John Boorman


1982 => 1981
"Coup de torchon" de Bertrand Tavernier


1983
"L'étoffe des héros" de Philip Kaufman


1984
"Vidéodrome" de David Cronenberg


1985
"Brazil" de Terry Gilliam


1986
"Péril en la demeure" de Michel Deville


1987
"Les Yeux noirs" de Nikita Mikhalkov


1988
"Les Liaisons dangereuses" de Stephen Frears


1989
"Trop belle pour toi" de Bertrand Blier


1990
"Les Affranchis" de Martin Scorsese


1991
"A Brighter Summer Day" de Edward Yang


1992
"Impitoyable" de Clint Eastwood


1993 => 1992
"Hard Boiled" de John Woo


1994
"Les roseaux sauvages" de André Téchiné


1995
"Haut Bas Fragile" de Jacques Rivette


1996 => 1997
"Princesse Mononoké" de Hayao Miyazaki


1997
"L.A. Confidential" de Curtis Hanson


1998
"La vie rêvée des anges" de Érick Zonca


1999
"Tout sur ma mère" de Pedro Almodóvar


2000 => 1999
"Fin août, début septembre" d'Olivier Assayas


2001
"The Barber" de Joel et Ethan Coen


2002 => 2001
"Mulholland Drive" de David Lynch


2003
"Master and Commander" de Peter Weir


2004
"2046" de Wong Kar-wai


2005
"De battre mon coeur s'est arrêté" de Jacques Audiard


2006 => 2005
"je ne suis pas là pour être aimé" de Stéphane Brizé


2007
"We Own the Night" de James Gray


2008
"Un conte de Noël" de Arnaud Desplechin


2009
"Vincere" de Marco Bellocchio


2010
"Toy Story 3" de Lee Unkrich


2011
"Tomboy" de Céline Sciamma


2012
"Au-delà des collines" de Cristian Mungiu


2013
"Heimat" de Edgar Reitz


2014
"Only Lovers Left Alive" de Jim Jarmusch


2015
"Youth" de Paolo Sorrentino


2016
"Mademoiselle" de Park Chan-wook


2017
"Grave" de Julia Ducournau


mercredi 17 octobre 2018

Yellow Shark - EIC (29 Septembre 2018 - Cité de la Musique)

Bernhard Gander - take death

Pourquoi s'inspirer du Sacre du Printemps pour en faire ce machin lourdingue, tant dans les rythmes, sans invention et répétitifs, que dans les sonorités, sombres et moches ? Ça ressemble par moments à une parodie, mais qui manquerait d'humour. Non, la caractéristique principale, c'est vraiment que c'est lourd ; et en plus, ça dure (10 bonnes minutes, heureusement moins que les 17 annoncées - les durées indiquées dans les livrets sont de plus en plus souvent fausses, non ?).

Frank Zappa - Naval Aviation in Art? / Dupree's Paradise / The Perfect Stranger

Je connais mal l'oeuvre de Zappa, mais cette soirée ne m'a guère convaincu de l'explorer davantage. C'est agréable à écouter, mais vraiment peu original. "Naval Aviation in Art" crée un joli climat d'anxiété, évoquant la musique de film. "Dupree's Paradise" serait plutôt du musical, mais tout ça me fait penser à des années 50 qui n'auraient pas connu le dodécaphonisme ni rien en découlant, une musique gentiment vieillotte dès son écriture, bien propre, bien en place ; mais où sont les inventions, quand tout est tonal, synchrone, conforme ? "The Perfect Stranger" est un peu plus inattendu, avec des glissandi rythmiques, et des alliages sonores un peu plus cherchés. Mais je comprends les agacements de Pierre Boulez quand certains lui rappelaient la création de ces pièces comme un événement majeur dans la musique contemporaine : il a du bien s'ennuyer à les diriger, tant il ne s'y passe pas grand-chose ...

Edgard Varèse - Intégrales

Je voulais de l'invention ? En voilà, bien plus flamboyante, fascinante, incandescente, dans ces 11 minutes écrites en 1925, que dans les précédentes pièces qui dataient de 2013 ou 1983. La sonorité, instruments à vent et percussions, les répétitions obsessives des cuivres sur le tapis de lave des fracas percussifs, les stridences, soudain un fragment d'espagnolade, un peu plus loin une mélodie déchirante au hautbois (formidable Didier Pateau), tout reste surprenant, captivant, magnifique. La pièce la plus moderne et la plus vivante de la soirée, et de loin.

John Zorn - For Your Eyes Only

Encore un gars qui veut absolument composer de la musique "sérieuse", et à qui ça ne réussit guère. Il ose la virtuosité, c'est bien, on s'ennuie moins, mais la technique de collage de tout et de n'importe quoi, ce zapping entre mille fragments sans liens, où tout peut arriver, et parfois arrive, sans rien pour créer une tension sur la distance, ça finit vite par lasser.

Frank Zappa - Get Whitey / The Dog Breath Variations / Uncle Meat / G-Spot Tornado

"Get Whitey" est une heureuse surprise : voilà qui est bien plus intéressant que la première partie ! Des instruments plus inhabituels, plus de virtuosité chez les solistes, des couches rythmiques multiples et décalées (on se croit par moments chez Charles Ives), cela crée des sonorités, des ambiances, des tensions, bref de la musique ! "Dog / Meat" retombe dans une forme de banalité en vraie fausse fanfare ronflante, et "G-Spot Tornado" s'y complaît également, typiquement le genre de musique que je verrais bien dirigée par Gustavo Dudamel, avec mise en scène et tout. Comme c'est l'EIC dirigé par Pintscher ça reste plus sage, mais le public ovationne quand même ...

yellow shark

Ailleurs : Le concert est disponible pendant quelques mois.

Alexandra Grimal - Kankû (La Gare Jazz - 28 Septembre 2018)

Un lieu dont on parle et que je découvre pour la première fois : c'est sympa, les murs délabrés chics, le choix étendu des bières et autres boissons, le système de paiement au chapeau.
Une occasion d'enfin revoir Alexandra Grimal, surtout en petite formation, après le grand ensemble de l'ONJ, puis une pause que je comprends mieux quand elle arrive bardé d'un bébé en bandoulière.
La possibilité d'entendre sur scène un disque que j'aime beaucoup, qui alterne puissances et mystères.
Pour la puissance, pas de problème : la paire rythmique Sylvain Daniel à la basse électrique et Eric Echampard à la batterie donnent une assise assez AkaMoonienne, sur laquelle Alexandra Grimal, exclusivement au saxophone ténor, se déchaîne en envolées musclées, lyriques, acrobatiques ; c'est fort.
Mais la beauté du disque tient aussi aux passages plus fragiles et délicats, quand Alexandra Grimal passe à la voix, quand Sylvain Daniel fouille les sonorités aux pédales, quand Eric Echampard devient percussionniste coloriste. Et la, sur scène, c'est un peu le drame : la salle réverbère, le bar reste bruyant, mes voisines discutent au-dessus de leur téléphone, bref, y a pas grand-chose qui passe, alors que je suis au deuxième rang ! La magie opère quand même par moments, par exemple lors d'un long roulement de tambour, mais c'est rare.
Bref, je suis content de devoir à nouveau surveiller la page schedule, mais ne retournerai à cette Gare Jazz que pour des groupes bien tout en puissance plus qu'en subtilité ...

kankû


Le Crépuscule des Dieux / Gergiev - Mariinsky (Philharmonie de Paris - 23 Septembre 2018)

Pour cette ultime journée, j'échappe in extremis à l'arrière-scène pour me retrouver à un bien plus propice deuxième balcon. Comme d'habitude, le premier acte me gonfle gentiment (en y sauvant cela dit un très beau voyage sur le Rhin - l'orchestre est toujours impeccable). Dans le deuxième acte, l'absence de mise en scène atteint ses limites, surtout quand Tatiana Pavlovskaya interprète Brünnhilde assez platement, sans jamais que je ne me sente concerné par ses tourments. Et le couple Gutrune / Gunther de Elena Stikhina / Evgeny Nikitin est trop puissant et charismatique par rapport à Brünnhilde / Siegfried. Mais la richesse de la musique du troisième acte suffit amplement à mon bonheur. Au final, les révélations de cette tétralogie sont incontestablement Elena Stikhina et Mikhail Petrenko.

la damnation des dieux

Ailleurs : Patrice Imbaud

Siegfried / Gergiev - Mariinsky (Philharmonie de Paris - 22 Septembre 2018)

Comme pour le premier épisode, je suis très sur le bord, ce qui est fort agréable pour écouter l'orchestre, et plus problématique pour les voix. Le premier acte ressemble à un concours de puissance sonore entre le Mime de Andrei Popov et le Siegfried de Mikhail Vekua, et je n'y prends guère plaisir (mais les scènes de forge, et l'air de Notung, sont toujours aussi irrésistibles). Au deuxième acte, les voix sont plus nombreuses et variées, entre le charme de l'oiseau d'Anna Denisova et surtout le magistral Fafner de Mikhail Petrenko : je surplombe tant l'orchestre que je ne le vois pas, mais sa voix semble en effet résonner dans une grotte, et c'est très impressionnant. Et puis, pour achever ce voyage de l'obscurité de la forêt toute testéronée vers le sommet d'une montagne, on a, après une Erda un peu trop hors d'âge, la Brünnhilde de Elena Stikhina, prodigieuse, une voix d'une luminosité sans aucune trace d'effort, une évidence qui emporte tout et tous les suffrages, pour un réveil miraculeux.

siegfried

Ailleurs : Patrice Imbaud

dimanche 9 septembre 2018

Incises - Ralph van Raat (Studio de la Philharmonie - 8 Septembre 2018)

Pierre Boulez - Une page d'éphéméride

Cette pièce de 2005, qui ne dure que 4 ou 5 minutes, et non 12 comme indiqué dans le livret, est assez curieuse. C'est une étude sur les résonances, qui utilise donc beaucoup les pédales, mais où j'entends des influences lointaines de Messiaen, sans doute dans la façon de fonctionner par courtes cellules juxtaposées, séparées de silence pour laisser se répandre les résonances. Il y a aussi d'inhabituels martèlements, et des fusées, qui donnent au tout une allure de page de travail, pleine d'idées, mais pas bien finalisées.

Pierre Boulez - Prélude, Toccata et Scherzo

Le pianiste Ralph van Raat présente les oeuvres avant de les jouer (sauf la première). Mais j'ai déjà oublié ces commentaires, qui m'ont pourtant bien plu hier ! Cette musique, créée ce soir, et écrite par un Pierre Boulez de 20 ans, est plaisante plus que révolutionnaire, et on peut y trouver des influences de Messiaen, de Bartok, des façons de faire qui disparaîtront vite, par exemple un usage de la main gauche par moments très basique, posant des accords ; et des annonces d'un style futur, des dispersions de notes, des frénésies rythmiques, des ornements qui prennent une place centrale.

Pierre Boulez - Notations

A peine quelques mois plus tard, la composition est toute autre. Je ressens, sous les doigts de Ralph van Raat, ces 12 variations autour d'une même série, plus comme une suite, que comme des miniatures séparées. Les contrastes y sont saisissants, et pour une fois je ne suis pas parasité par des souvenirs des transcriptions pour orchestre. C'est minimal, captivant, essentiel.

Pierre Boulez - Incises

Je n'aime pas "Sur Incises", et découvre je pense ce "Incises" inaugural, écrit en 1994 et allongé en 2001 après l'écriture de "Sur Incises". Là, on reconnait les caractéristiques, dans des passages qui sonnent comme "Répons", avec ces trilles infinies qui vrombissent et stridulent d'un bout à l'autre du clavier, puis des courses poursuites entre les deux mains, et autres feux d'artifice contrapuntiques. Les pages ajoutées en 2001 sont plus sombres, graves, et Ralph van Raat y entend comme une cloche funèbre célébrant la mort, en 1999, de Paul Sacher, dont l'accord scande la fin de la pièce.

Pierre Boulez - Scherzo de la deuxième sonate

En bis, une "petite pièce", dixit van Raat, ce qui fait glousser mon voisin, Dimitri Vassilakis, qui l'a joué deux jours avant.

ralph van raat

SpotifyNotations & Piano Sonatas de Pierre Boulez, Pi-hsien ChenBoulez: Complete Music for Solo Piano - Marc Ponthus de Pierre Boulez, Marc Ponthus

Janelle Monae - Dirty Computer Tour (Grande Halle - 5 Septembre 2018)

J'aime bien sa musique et son dernier album, sa façon de danser, sa prestation dans "Hidden Figures", du coup je profite de l'occasion de son passage étonnant dans "Jazz à la Villette" pour aller voir cette chanteuse à la tête bien pleine (les albums sont tous des concepts, remplis de références musicales, et elle a par exemple été choisie par Spotify pour gérer les playlists du dernier "Black History Month").
Dans ce show, on retrouve tous les éléments des concerts de divas R&B américaines, mais avec classe : des tenues changeantes et joliment spectaculaires, mais ni provocantes ni extravagantes ; des chorégraphies avec danseuses réglées au cordeau (même si elle ne danse plus aussi follement que dans "Tightrope", snif !) ; des discours pour s'excuser de son président et pour clamer son amour aux LGBTQ (la chanson "Q.U.E.E.N." s'appelait à l'origine "Q.U.E.E.R.") ; des musiciens relégués aux bords et arrières de scène, avec de rares apparitions sur le devant (un long solo de guitare, qui se dirige peu à peu, tant dans le son que dans la gestuelle, vers "Purple Rain" ...) ; un écran où sont diffusées des images de ses clips vidéos ...
Dans les grands moments, on a un impérial "Django Jane" (de façon générale, j'aime beacoup sa façon de rapper), avec trône et tenue adéquate ; un "I Got the Juice" où elle invite quelques spectateurs à monter sur scène pour exprimer par la danse combien "iels ont le jus" ; un "Make Me Feel" où à l'hommage à Prince s'invitent également des références à Michael Jackson en entrée et à James Brown en sortie !
Du beau boulot, donc, malgré un son qui aurait pu être plus propre, surtout dans les reprises des anciens albums où elle opte pour un son Rock plus agressif (alors que les options plus brass-band fonctionnent mieux, avec apparition d'une trompettiste et d'une tromboniste).

janelle monae

Ailleurs : Nicolas TeurnierLe début du concert à Amsterdam, un résumé à St-Louis

Marteau sans maître (Cité de la Musique - 4 septembre 2018)

Alban Berg - Quatre pièces op. 5

Dans ce duo piano-clarinette de 8 minutes, une petite forme rare chez Berg, je retiens surtout la fluidité émotionnelle de la clarinette de Martin Adàmek.

Pierre Boulez - Deuxième sonate

Découverte, et sommet de ce concert. Là aussi, sous les doigts de Dimitri Vassilakis, fluidité, respiration, transparence. Dans le premier mouvement, le dodécaphonisme est indétectable, gommé par le lyrisme post-romantique né du dialogue (parfois proche de l'affrontement) entre les thèmes, et l'attention est captée sans relâche. Le deuxième mouvement, qui commence plus flottant, devient plus dramatique vers la fin, et allie toujours puissance et souplesse. Et dans les derniers mouvement, la virtuosité n'empêche pas l'émotion. Surtout dans la fin du dernier, tout en intériorité. On est proche du sublime.

Anton Webern - Cinq pièces op. 10

Que la peste soit des tousseurs et éternueurs, surtout pendant des miniatures d'une minutes à peine de Webern. Cela me gâche presque totalement l'écoute. J'en profite bien davantage à la réécoute sur le Web ; le mouvement 2, et sa fin rythmique en suspens étrange, et l'extrême raréfaction de l'ensemble, comme si l'oxygène venait à manquer, me frappent surtout.

Pierre Boulez - Le Marteau sans maître

Bon, l'EIC jouant le Marteau, c'est parfait comme d'habitude. Pas grand-chose à dire, du coup. Deux réflexions en passant : un jour Sophie Cherrier cessera de jouer de la flûte pour l'EIC, et ce sera triste ; et ce serait bien que le "Pierrot Lunaire" de Schoenberg soit joué un peu plus souvent à Paris !

marteau sans maitre

Ailleurs : Michèle Tosi
Le concert est disponible pendant quelques mois sur Philharmonie Live.

samedi 1 septembre 2018

Planning Septembre - Octobre 2018

Deux ans de suite que je sature en fin de saison, en terme de spectacles vus, et de billets à rédiger.
Mais le retard a été rattrapé, et après deux mois de complète abstinence, l'envie est de nouveau là. Suffisante pour ce programme assez chargé ? On verra ...


dimanche 19 août 2018

Anne Paceo - Bright Shadows (La Défense - 26 Juin 2018)

Ce concert auquel j'ai assisté quasiment pas hasard, étant en formation à La Défense ce jour-là, fut une des plus grosses claques émotionnelles de l'année. L'absence récente de concert m'avait donné l'envie de musique live, et cette prestation m'a plus que nourri à ma faim.
Dans ce sextet, il y a d'abord Anne Paceo. Cela faisait longtemps que je ne l'avais entendu aussi tranchante, présente, en avant du son, dans des rythmiques complexes, où j'entends les pulsions africaines de Tony Allen (mais sans les rebonds hors temps) se mêlant à l'énergie d'Elvin Jones. Explosif et sous contrôle. Bref, jouissif.
A ses cotés, trois musiciens habituels : Tony Paeleman aux claviers, qui donne la basse et une bonne partie de la base harmonique et mélodique ; le guitariste Julien Omé, en remplacement de Pierre Perchaud, pour des solos flamboyants ; et le saxophoniste Christophe Panzani et son habituel lyrisme laconique.
Et surtout, deux voix, ce qui ancre le projet entre Jazz et chansons, cet entre-deux qui donne depuis quelques temps de magnifiques pépites en France. Ann Shirley, douceur et soul, et surtout pour ma part Florent Mateo, une voix entre ombres et lumières, entre fêlures et transparences.
De nombreuse chansons tirent leur inspiration des voyages d'Anne Paceo qui parcourt le monde dans ses tournées, et évoquent des moments d'intense beauté, ou la douleur de l'exil, ou la force des résistances.
Un concert a été diffusé, enregistré à Jazz sous les pommiers quelques semaines auparavant ; mais il est bien en-deçà de ce que j'ai ressenti à La Défense, où l'évidence lumineuse, les élans mystiques (du moins, la foi en la musique et en l'humanité), les performances vocales et instrumentales, se conjuguaient pour me faire chavirer d'émotions.

bright shadows

samedi 18 août 2018

Inscape (Cité de la Musique - 14 Juin 2018)

Iannis Xenakis - Anaktoria

J'aime bien les Xenakis de chambre, en général, entre les solis parfois arides, et les grands ensembles parfois plus impressionnants que profonds. Il me semble que j'aime bien cet octuor atypique, mais n'en garde guère de souvenir.

Hèctor Parra - Inscape

Gros battage publicitaire de la part de l'EIC autour de cette oeuvre, composée en collaboration avec un astrophysicien autour du thème des trous noirs. Alexandre Bloch dirige l'EIC et l'Orchestre National de Lille, il y a aussi de l'électronique, bref, c'est du lourd. Et là non plus, aucun souvenir. Tout ça pour ça ? Il se peut aussi que je n'ai pas été dans un soir très réceptif.

Béla Bartok - Concerto pour orchestre

L'Orchestre National de Lille termine la soirée très correctement avec ce concerto, qui me satisfait bien plus que la première partie. Je n'étais clairement pas dans l'état mental nécessaire pour écouter de l'inédit ...

inscape

Ailleurs : Michèle Tosi


mercredi 15 août 2018

Bach en 7 paroles 7 - Consolation (Eglise Saint-Jacques Saint-Christophe de la Villette - 14 Mai 2018)

La première chose remarquable dans ce concert, c'est qu'il ait eu lieu. Une "faiblesse" ayant été détectée à la Cité de la Musique nécessitant des travaux immédiats, le concert a été déplacé en deux jours dans cette église proche, avec toute l'infrastructure nécessaire à la vente des billets, le placement des gens dans un nouveau plan de salle, mais aussi les écrans et caméras nécessaires à la retransmission en direct ! Bravo à toutes les équipes impliquées dans un tel chantier, et si rapidement mené à bien !
Quel est l'apport artistique extérieur dans ce concert ? Ce sont des poèmes de Philippe Jacottet, lus par Anne Alvaro. Je n'accroche pas du tout. J'attends que ça passe, et que la musique reprenne. Heureusement, chaque intervention ne dure pas trop longtemps.

Johann Sebastian Bach - Der Gerechte kömmt um BWV deest

J'ai découvert ce court motet quelques mois avant, en compilant des musiques funèbres de Bach, suite à des circonstances personnelles. C'est peu dire que l'entendre ainsi, dans une acoustique d'église, par les toujours si excellents chœur et ensemble Pygmalion, me met dans un état ... Cette musique, sous des allures modestes, recèle toute une dramaturgie, elle monte et descend d'intensité, par paliers et étapes, s'arrête un moment, ce silence étant son pic, avant de repartir dans l'apaisement.

Johann Sebastian Bach - Ich habe genug BWV 82

Cantate pour basse (Stéphane Degout, parfait velouté dans le grain de voix), et pour hautbois soliste. Pichon l'entrecoupe d'arias de Johann Christoph Bach, cousin du père de :  une aria à quatre voix "Mit weinen hebt sich's an" qui nous apporte la fraîcheur de l'a cappella, et une aria pour soprano et choeur "Es ist nun aus" qui nous donne le plaisir d'entendre Lucile Richardot ...

Sven-David Sandström - Es ist genug

Pour ce chœur à 8 voix écrit en 1986, le chœur s'installe en cercle dans le chœur de l'église. Splendide réverbération. C'est du baroque revisité, avec une formule répétée en support, sur laquelle se lancent les voix solistes, dans des frottements harmoniques très contemporains, entre David Hykes et György Ligeti. Mais la tension finit par s'essouffler, dommage (ça semble long, alors que ça ne dure que 10 minutes).

Johann Sebastian Bach - Ich hatte viel Bekümmernis BWV 21

Là, je commence un peu à saturer - cette cantate ne me touche pas vraiment. Pourtant, une entrée en sinfonia, un hautbois soliste, même un duo soprano/basse, non seul le final me captive à nouveau, où les solistes se mêlent au chœur de magnifique manière, suivi d'un chœur conclusif inhabituellement orné !
Et en bis, du Heinrich Schtz, "Selig sind die Toten", pas mal du tout.
Et c'est ainsi que s'achève cet exceptionnel  voyage des 7 paroles, une grande étape de plus dans la carrière de Pichon et de Pygmalion. Vivement le prochain épisode.

délocalisation

Ailleurs : Stéphane Reecht ; Le concert est dispoible pendant quelques mois sur Live Philharmonie.

Mantovani, Eötvös, Boulez (Cité de la Musique - 25 Avril 2018)

Bruno Mantovani - Cadenza n°1

Pour percussion en ensemble. Les percussions sont répartis en trois groupe devant la scène, que Gilles Durot visite tour à tour, avec deux groupes instrumentaux qui prolongent les sonorités. Ce n'est pas désagréable, mais ça m'a semblé un peu artificiel, sans que je ressente une quelconque nécessité à l'exercice. Pas désagréable, donc, mais pas marquant non plus.

Péter Eötvös - Steine

Là, on est explicitement dans le domaine de l'exercice. Deux pierres (une pour Péter - Eötvös, une pour Pierre  - Boulez) par musiciens, qui doivent obéir au chef mais aussi s'écouter, et réagir dans une part d'improvisations. Je n'ai trouvé aucun intérêt à tout ce truc.

Pierre Boulez - Dérives 2

J'ai l'impression de découvrir plein d'aspects nouveaux dans cette pièce pourtant maintes fois entendue - bravo à l'EIC et au chef Eötvös ! Couleurs, rythmes, tant de détails affinés, avivés ! Et même la structure devient plus claire, avec une première partie très carrée, rapide, serrée, et une deuxième plus apaisée, libérée, avec même trois solos successifs qui m'avaient jusqu'ici totalement échappé ! Splendide.

dérive 2

Ailleurs : Michèle Tosi

Band of Dogs invite Elise Caron (Le Triton - 14 Avril 2018)

Band of Dogs, c'est deux gars : Philippe Gleizes à la batterie, et Jean-Philippe Morel à la basse. Et ils ne sont pas là pour faire dans le décoratif. Faut que ça cogne, que ça déménage, qu'il y ait du bruit, de l'énergie. En résidence depuis plusieurs années au triton, ils invitent régulièrement des musiciens à les accompagner dans leur exploration d'un territoire entre rock électronique (Morel s'aide de maintes pédales d'effet, et au besoin de claviers) et expérimentations bruitistes (assez loin d'un Jazz policé et propre sur lui).
Ce soir, c'est la chanteuse (et parfois flûtiste) Elise Caron qui s'y colle. Bon, la flûte, elle essaie, c'est pas la peine, on l'entend pas, y a trop de bruit. La voix, ça passe mieux, mais faut pas chercher les subtilités. Ça tombe bien, elle a le coffre vocal suffisant pour délivrer de la puissance, elle aussi. Et là, ça marche. Au-dessus d'un paysage tourmenté, traversé de chocs percussifs, de riffs de basse, de saturations diverses et variées, elle ajoute sa couche de cris modulés, d'effets vocaux faits tout à la bouche et sans filet, de boucles (jusqu'à la stase, où un spectateur monte sur scène la débloquer d'un doigt sur le cou !). Il y a dans cette musique une forme de jouissance brute, d'urgence viscérale, de plaisir qui s'adresse aux os et à la chair plus qu'au cerveau, mais tout ça fait beaucoup de bien par là où ça passe.

band of dogs invite élise caron

Pierre Boulez - Livre pour quatuor (Cité de la Musique - 10 Avril 2018)

L'histoire du "Livre" pour quatuor de Pierre Boulez est complexe. Commencée quand il avait 23 ans, cette oeuvre devait comporter trois couples de mouvements : I-II, III-V, et IV-VI. Il y eut successivement la création des mouvements I et II en 1955, des mouvements V et VI en 1961, des mouvements IIIa, IIIb, et IIIc en 1962. Une transcription pour grand orchestre a également commencée en 1960, qui ne concernera finalement que les mouvements Ia et Ib. En 2000, des révisions ont été apportées aux différents mouvements existants pour en faciliter la réalisation. Mais il manquait toujours le mouvement IV, qui a finalement été terminé par Jean-Louis Leleu et Philippe Manoury, à partir des partitions et notes laissées par Pierre Boulez, et de l'analyse des autres mouvements.
Ce soir, c'est la création par le quatuor Diotima de cette version complète, comportant les mouvements Ia, Ib, II, IIIa, IIIb, IIIc, IV, V et VI, le tout durant 65 minutes, au lieu des 45 minutes de leur version CD "révisé" de 2012.
Bien qu'ayant ce CD, mais ne l'écoutant guère, je ne saurai dire ce qu'apporte spécifiquement le mouvement IV à cette oeuvre ardue mais pénétrable, dont de toute façon je n'essaie pas de comprendre la structure, préférant me laisser aller au flux des événements, des techniques d'écritures, et des expressivités qui en découlent, avec des moments lents et des rapides, des arides et des plus lyriques, etc. Et cette écoute "à la surface des choses" suffit à mon plaisir, parce que cette oeuvre, pendant plus d'une heure, sait varier ses effets, ses textures, ses rendus, pour ne jamais lasser, ni faire souffrir l'oreille.

quatuor diotima

Echo-Fragmente (Philharmonie de Paris - 5 Avril 2018)

Vu le délai entre le concert et ce billet, et sans enregistrement pour m'en rappeler, le compte-rendu sera succin. Ce concert utilisait trois orchestres aux répertoires habituellement fort différents : les Arts Florissants, l'Ensemble intercontemporain, et l'Orchestre de Paris.

Jean-Féry Rebel - Les éléments (extraits)

D'abord les Arts Florissants seuls. Aucun souvenir.

Jörg Widmann - Echo-Fragmente

Concerto pour clarinette unissant les Arts Florissants et l'Orchestre de Paris. Un vague souvenir de bof, bruyant et pas terrible.

Jonathan Harvey - Wheel of emptiness

Là, c'est l'EIC seul. Pas de souvenir, ni positif ni négatif, ce qui pour du Harvey n'est déjà pas si mal.

Charles Ives - Symphonie n°4

Voilà une oeuvre qui profite pleinement de la présence des trois orchestres réunis, et de la grandeur de la salle de concert, qui permet de mettre des musiciens un peu partout. Il y a aussi un chœur, trois pianos, un orgue, un thérémine si possible ... Les deux premiers mouvements sont incroyables : ça pulse en multirythmies, ça brasse des citations en veux-tu en voilà, ça fanfaronne à grands coups de cuivre, ça grince dans le religieux et le patriotique, ça ne ressemble à rien d'autre que du Ives et c'est prodigieux. Après un troisième mouvement un peu lourd de classicisme, le final est à la fois chaotique et apaisé. Chef d'oeuvre, rarement donné, vu l'effectif et le travail requis !

symphonie n°4 de charles ives

Bach en 7 paroles 6 - Voici l'homme (Philharmonie de Paris - 31 Mars 2018)

Johann Sebastian Bach - Johannes Passion


Placer une Passion dans un cycle de cantates, cela représente forcément un sommet, à travailler soigneusement. Par rapport au principe de ces "7 paroles", qui est d'agrémenter la musique de Bach d'autres apports artistiques, Raphaël Pichon reste cette fois-ci assez sobre (éclairages de Bertrand Couderc, efficaces à diriger l'attention et structurer l'oeuvre, sans être trop spectaculaires), mais généreux (en ajoutant plusieurs autres musiques, essentiellement de Bach aussi).
Cette générosité finira par être un des points faibles de la soirée, les motets et extraits de cantates ayant parfois du mal à prouver leur utilité et leur pertinence dans le déjà immense récit de la Passion selon Saint Jean. Placer un "es ist vollbracht" (celui de la BWV 159) entre la première et la seconde partie, comme une prédiction, n'apporte pas grand-chose d'autre que de la confusion. Mais cela pèse peu dans une soirée assez exceptionnelle, et où l'emportent aisément les points forts.

L'introduction, tout d'abord. Au lieu de débuter par le tétanisant "Herr, unser Herrscher", Pichon choisit un air anonyme "O Traurigkeit, O Herzeleid !" où dialogue Lucile Richardot, logée dans les hauteurs, et le chœur, qui, venant des coulisses, progresse peu à peu à travers la salle pour finir sur la scène. C'est une extraordinaire entrée en matière, comme une invitation au public à se laisser représenter par le chœur et à s'installer sur scène lui aussi. Et "Herr, unser Herrscher" en renforce son impact. Comme l'ensemble Pygmalion est au sommet de sa forme, intense mais souple et vivant, soignant les respirations, les pleins et les déliés, on est d'emblée à un niveau d'émotions particulièrement élevé.
Parmi les excellents solistes (Julian Prégardien en évangéliste, Tomas Kral en Jésus, Christian Immler en Pilate, mènent le récit avec toute la variété et la théâtralité nécessaires), je retiens une fois de plus Lucile Richardot, sa voix d'une richesse chromatique rare me capte et m'émeut à chaque aria ; et seul John Irvin me semble en faire un peu trop, dans l'émotion affichée plus que vécue.
Le chœur est comme d'habitude parfait, et ses interventions en tant que foule, déchaînements de violence traduits par des polyphonies pyrotechniques, sont particulièrement réussies, pas trop rapides ni flamboyantes, à la hauteur du drame qu'elles servent.
Après le vrai "Es ist vollbracht", suivi du décès de Jésus, un nouvel insert fait cette fois-ci plus sens : le choral "Ecce quomodo moritur" de Jacob Handl (appelé aussi Jacobus Gallus) permet une pause presque intemporelle, un retour à des racines archaïques, propice à l'introspection en ce moment fatidique, avant la reprise du récit.
Et au bout de tant de beautés et d'émotions, les deux grands chorals finaux ouvrent magnifiquement la porte vers le dernier épisode, "Consolation".

johannes

Ailleurs : Le concert est disponible pour quelques mois sur Live Philharmonie.

dimanche 1 avril 2018

Cappella Gabetta - Stabat Mater (Théâtre des Champs-Elysées - 27 Mars 2018)

Vivaldi - Concerto pour cordes et basse continue RV 156

Une gentille petite pièce apéritive jouée de façon un peu scolaire.

Porpora - Motet "In caelo stelle care"

L'ensemble Cappella Gabetta reste toujours plan-plan, mais c'est plus normal quand il s'agit d'accompagner une cantatrice dans un motet. Julia Lezhneva en fait malheureusement un peu des tonnes, tant vocalement, vibrato constant, pirouettes et figures un peu trop libres, que scéniquement, oscillant d'un coté puis de l'autre, avec un sourire un  peu trop large et un peu trop constant.

Ragazzi - Sonate pour violon solo et orchestre op. 1 n° 8

Ah, Andres Gabetta donne cette fois plus de couleur à son interprétation, et emmène plus vivement son ensemble. Agréable, du coup !

Vivaldi - Nisi Dominus

Arrive maintenant le contre-ténor Franco Fagioli, et le niveau continue de monter. Comme il est plus restreint que sa collègue dans ses effets, il permet de mieux profiter des différents climats de cette suite.

Pergolese - Stabat Mater

Et finalement, après l'entracte, les deux voix s'unissent. Et l'assemblage fonctionne très bien ! L'or étincelant mais un peu frivole de Julia Lezhneva et le cuivre chaleureux de Franco Fagioli donnent un alliage aux reflets changeants et charmeurs. Quant à la pièce, à part le premier mouvement que je connaissais, les autres m'étonnent par un ton souvent joyeux et vif, pour une histoire de mère regardant mourir son fils sur la croix.

stabat mater

Spotify : Vivaldi : Nisi Dominus + Stabat Mater, par Jarousski et Lemieux, Pergolses : Stabat Mater + Salve Regina, par Gens et Lesne

La Walkyrie / Gergiev - Mariinsky (Philharmonie de Paris - 25 Mars 2018)

Cette fois, je suis bien plus en face, ce qui m'arrange.
Après un orage qui aurait pu être plus féroce, le duo des jumeaux aurait pu être plus équilibré. Le Siegmund de Mikhail Vekua est agréable, mais pas à la hauteur de la Sieglinde de Elena Stikhina, exceptionnelle de souplesse et de projection. Et le pauvre se fait ensuite pulvériser par le Hunding de Mikhail Petrenko, impressionnant dans ses incantations et ses menaces, sombre et profond comme un gouffre. Ce dernier mis à part, les femmes l'emportent fortement, ce soir. Tant Yekaterina Sergeeva en Fricka irrécusable dans son réquisitoire, que Tatiana Pavlovskaya en Brünnhilde flamboyante, réduisent le Wotan de Yevgeny Nikitin à une impuissance de plus en plus marquée, qui finit par être même vocale, le chanteur perdant totalement sa voix au final du troisième acte, qui du coup se termine dans une intimité un peu forcée. Entre temps, l'orchestre aura pu se défouler pleinement dans une chevauchée sauvage.
Par contre, que pourront-ils faire de l'enregistrement effectué ce soir et annoncé en prélude, suite à la défaillance d'un des rôles principaux ?...

la walkyrie

Ailleurs Patrice Imbaud

L'Or du Rhin / Gergiev - Mariinsky (Philharmonie de Paris - 24 Mars 2018)

Entre cette année et la prochaine, Valery Gergiev se lance dans un Ring en version de concert, à la tête de l'Orchestre du Mariinsky, avec des chanteurs et chanteuses variant d'un soir à l'autre. L'orchestre n'est pas bien grand, ce qui permet de laisser de la place aux interprètes, qui s'installent derrière, entrant et sortant selon les scènes. L'ensemble est bien équilibré et fonctionne, mais ma place, légèrement en arrière et surplombant la scène, ne me permet pas d'en profiter intégralement. Heureusement, je fais face aux cuivres et aux percussions, ce qui donne bien du relief et des couleurs à l'orchestre. Mais pour les voix, c'est plus problématique.

l'or du rhin

Les voix des filles du Rhin, par exemple, ne me parviennent que par rebond, et dans une sorte d'écho nébuleux pas très joli et très peu défini. Et l'Alberich de Roman Burdenko n'est pas assez sombre à mon goût (j'aime quand la renonciation à l'amour sonne carrément faux). L'absence de mise en scène n'empêche nullement Andrei Popov d'incarner un Mime délicieux de rouerie et de lâcheté, et le Wotan de Yuri Vorobiev est impérial. Curieusement, la Erda de Zlata Bulycheva ne me fait aucun effet.

Mais dans l'ensemble, malgré les inconvénients de l'emplacement, ce fut une excellente soirée, qui me permit de me remettre un certain nombre de thèmes dans l'oreille.

Ailleurs : Patrice Imbaud, CarnetSol

Messiaen - Catalogue d'oiseaux - Concert du coucher de soleil (Philharmonie de Paris - 18 Mars 2018)

A l'occasion de la sortie de son disque consacré au Catalogue d'Oiseaux de Messiaen, Pierre-Laurent Aimard en propose une interprétation répartie en plusieurs moments d'une même journée, selon les heures d'apparition des oiseaux impliqués :
- concert du lever du soleil (6h) : oiseaux-couleurs (traquet stapazin, bouscarle, traquet rieur)
- concert d'après-midi (16h) : oiseaux polyglottes (buse variable, loriot, alouette calandrelle, merle bleu)
- concert de coucher de soleil (18h30) : histoire d'oiseaux (chocard des Alpes, merle de roche, courlis cendré)
- concert de la nuit (21h) : un monde musique (chouette hulotte, alouette lulu, rousserolle effarvatte).
Je n'ai assisté qu'au troisième (et me demande bien combien étaient là pour le premier ...).

Étrange lieu aussi pour ces concerts, dans un des espaces bars, avec juste des rangées de chaises devant un piano. Sans doute la vaste surface de fenêtres, permettant d'inviter la lumière particulière du moment évoqué, a-t-elle présidé ce choix. Placé dans les premiers rangs, j'ignore si les derniers ont bénéficié d'un son correct ou pas ...
Les trois pièces sont jouées sans interruption, et comme elles sont elles-mêmes composées de séquences disparates, il faudrait bien les connaître préalablement pour distinguer le passage de l'une à l'autre. Comme ce n'est pas mon cas, j'assiste plutôt à un seul gros bloc de musique, et en ressent une impression plus minérale qu'animale, plus de paysage que de descriptions d'oiseaux. Un paysage assez agressif, découpé, d'arêtes à vif à flanc de montagnes, avec des abîmes et des cieux immenses, presque en noir et blanc, sans place pour le sentiment, ou pour l'humain en général.
J'ai du coup été plus impressionné (par l’énergie requise aussi pour marteler ainsi les accords) que séduit.

quelques oiseaux

Spotify : Le Catalogue d'Oiseaux par trois interprètes phares de l'oeuvre de Messiaen, Yvonne Loriod, Roger Muraro, Pierre-Laurent Aimard.

lundi 19 mars 2018

Grand soir Lindberg (Cité de la Musique - 9 Mars 2018)

Magnus Lindberg - Arena 2

Cette pièce de 15 minutes bouillonne d'énergie, d'idées, de textures. C'est splendide et captivant.

Iannis Xenakis - Palimpsest

Piano, percussions, vents, cordes, les familles se succèdent ou se répondent en duo. Des passages sonnent tonaux, d'autres juste bruyants, tout ça n'est pas totalement convaincant.

Gérard Grisey - Modulations

A Lindberg succède Pintscher en chef d'orchestre pour conduire l'EIC dans ce chef d'oeuvre qu'ils maîtrisent à merveille. La lecture en est analytique, avec beaucoup de soins dans les détails, les transitions comme magnifiées au microscope. Superbe et fascinant.

Christian Rivet - Etoile double

Dans cette création pour violoncelle, contrebasse et ensemble, on frôle parfois le silence, des notes éparpillées donnent une belle idée d'espace, le dialogue violoncelle contrebasse donne de belles sonorités.Intéressant.

étoile double

Brian Ferneyhough - Time and Motion Study 1

Alain Billard joue cette partition hyper-virtuose comme si c'était du Free Jazz ; ça ressemble à du Anthony Braxton, en fait ! Ahurissant et passionnant.

Magnus Lindberg - Souvenir

Par rapport à "Arena 2", le langage s'est beaucoup émoussé, on tombe dans de la mélasse néo-classique sans originalité. Décevant.

Ailleurs : Vincent Guillemin, Jérémie Bigorie

dimanche 4 mars 2018

Planning Mars-Avril 2018

Toujours cette moyenne d'un concert par semaine, et pas trop mal répartis, en plus ! Plutôt des "gros" concerts, par contre ; s'agira d'être en forme pour bien en profiter ...


Dusapin, Bartok (Philharmonie de Paris - 18 Février 2018)

Pascal Dusapin - Morning in Long Island

Alors que j'aime beaucoup ses "Solos pour orchestre", ce "concert n°1 pour grand orchestre", écrit ensuite, me semble beaucoup plus plat. Pendant près d'une demi-heure, il n'y a que des micro-variations sur une seule couleur, diaphane, et un climat, froid ; quand quelque-chose se passe, ça ne dure pas, et on retombe dans le climat de départ ; et quand le dernier mouvement enfin s'agite, c'est pour du sous-Bernstein, où le "swing" ne se retrouve malheureusement que dans le titre. Bref, de la musique pénible.

Béla Bartok - Le Château de Barbe-Bleue

Pas de prologue ? C'est mauvais signe ... De fait, l'Orchestre philharmonique de Strasbourg dirigé par Marko Letonja ne variera guère de couleurs d'une porte à l'autre, sauf à la cinquième, avec orgue que j'entends cette fois d'en face, et cuivres spatialisés qui éclatent dans mon dos, pourquoi pas, mais est-ce vraiment dans la partition ? Comme les voix de Nina Stemme et Falk Struckmann ne m'ont ni l'une ni l'autre transcendé, j'ai juste suivi avec plaisir la partition, mais sans émotion particulière.
Cela dit, c'est toujours agréable d'entendre le Mandarin Merveilleux et le Château de Barbe-Bleue à 8 jours d'intervalle, même si aucun de ces deux concerts ne sera inoubliable ...

barbe-bleue

Hans Werner Henze - Requiem (Cité de la Musique - 16 Février 2018)

Cette suite de "neuf concerts spirituels pour piano solo, trompette concertante et orchestre de chambre" durant plus d'une heure, elle suffit à remplir un programme de concert. Il faut dire que comme pièce, c'est du lourd. Je lis qu'on y entend des échos de Bach, de Mozart, d'autres œuvres de Henze : comme souvent, cela m'est passé par-dessus les oreilles. Par contre, le coté dodécaphoniste, je l'ai bien ressenti ; et pour de la musique écrite en 1990, c'est pas forcément bon signe : tout ça m'a semblé lourd, figé, assez grandiloquent, engoncé dans un langage passé. La trompette, rare, donne des éclats de lumière. Mais je n'ai vraiment pas envie d'écouter ça une deuxième fois.

Ailleurs : Jérémie Bigorie, Michèle Tosi, Benoît Fauchet ...

le requiem de henze

Le Mandarin (Philharmonie de Paris - 10 Février 2018)

Qigang Chen- Wu Xing (Les Cinq Elements)

Ecrite pour "alla breve", cette oeuvre enchaîne cinq moments dédiés chacun à un des éléments de la doctrine chinoise : l'eau, le bois, le feu, la terre, et le métal. J'aime beaucoup les effets de voilures successivement levées de l'eau, les couleurs du métal, et j'aime bien la sorte de statisme du feu. Mais l'ensemble fait un peu "métaboles" (c'est sans doute lié au cahier des charges de "alla breve", cela dit ...).

Qigang Chen- Reflets d'un temps disparu

Ce concerto pour violoncelle commence de façon intéressante, avec un Gauthier Capuçon très intense dans les différents effets sonores requis par son instrument, et des climats qui ne sont pas sans évoquer le "Tout un monde lointain" de Dutilleux. Le problème, c'est que plus on avance, plus les choses se posent, les mélodies s'affirment, la structure se stabilise, et l'ennui s'installe. Quand la lourde machinerie de musique de film s'impose vers la fin, j'ai déjà décroché depuis un bon moment.

Béla Bartok - Le Mandarin merveilleux

Bon, ce n'est que la version courte, mais l'Orchestre de Paris, dirigé par Hannu Lintu, en donne une version bien plaisante, acide comme il faut.

Reflet d'un temps disparu

Spotify : Qigang Chen - Iris dévoilée, Reflets d'un temps disparu, Wu Xing.

Bach en 7 paroles 5 - Des profondeurs (Cité de la Musique - 6 Février 2018)

Nicolaus Bruhms - De Profundis clamavi

Comme le concert se concentre sur les jeunes années de Johann Sebastian Bach, commencer par un de ses prédécesseurs fait sens. Belle performance, pleine d'intensité, de l'alto William Howard Shelton. Le climat général est aussi posé : beau, mais funèbre ; mais beau ; et funèbre.

BWV 131 - Aus des Tiefen rufe ich, Herr, zu dir

Quelle beauté, le choral introductif, où se détachent momentanément les solistes ! Première cantate écrite, sans doute en 1707, Bach s'y autorise des ruptures brutales inhabituelles, et effectue des montages par juxtaposition où se confrontent solistes et ensemble, tant au chœur qu'à l'orchestre. La sérénité et la douleur, les lentes lignes de mélodies et les décorations virtuoses, tout est dans l'équilibre des éléments, et parvenir à faire tenir cette architecture "baroque" tient du tour de force (mais j'aurais pu me passer du coup d'accélérateur dans le choral final).

Franz Tunder - Ach Herr, lass deine lieben Engelein

Un air sur lequel je n'ai pas grand-chose à dire.

BWV 106 - Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit

Là aussi oeuvre de jeunesse (22 ans), cet assemblage qui n'est pas vraiment une cantate met à l'honneur la flûte (en duo), et passe rapidement d'un climat à l'autre. Le ténor Reinoud Van Mechelen bénéficie de magnifiques airs où excelle son velouté. La deuxième partie, plus ascétique, qui parle de l'acceptation de la mort dans une perspective chrétienne, est par moment bouleversante. Mais là aussi, la fin accélère brusquement, une habitude qu'heureusement Bach perdra par la suite ...

Dietrich Buxtehude - Klag-Lied BuxWV 76

Une simplicité proche de la perfection, où brille une nouvelle fois William Howard Shelton.

BWV 4 - Christ lag in Totesbanden

Ecrite à peine un plus tard que les deux précédentes, cette presque cantate est déjà un classique. L'assemblage des lignes et des vitesses, qui sont toujours aussi disparates, est ici plus solide et naturel. L'ensemble Pygmalion varie à merveille les attaques et les tenues, et cette fois, on retrouve le final massif et posé habituel aux cantates !

BWV 230 - Lobet den Herren, alle Heiden

Oh, un bis ! Beaucoup plus allègre que la thématique de ce soir, cet air, de date inconnue, pétille de couleurs dans les chœurs, sans pourtant oublier l'émotion dans sa partie centrale.

A remarquer : pas d'invité spécial pour cet épisode. Juste un effort de mise en scène dans la disposition des chanteurs solistes sur des avancées de part et d'autre de l'orchestre.

Ailleurs : Stéphane Reecht
Le concert est disponible pendant quelques mois sur Philharmonie Live.

mardi 20 février 2018

Bach en 7 paroles 4 - Châtiments (Cité de la Musique - 30 Janvier 2018)

BWV 103 - Ihr werdet weinen und heulen

Pour une soirée consacrée à des châtiments, on commence par du fort allègre, avec un flûtiste virtuose, accompagnant en volutes acrobatiques le choeur, puis le bel alto Benno Schachtner. Viennent ensuite quelques trompettes ; enfin, un joli et tendre choral final.

BWV 105 - Herr, gehe nicht ins Gericht

Dès les premières notes, la douleur est là plus pressante (mais le choeur finit par se perdre un peu dans un tressage trop rapide). "Qu'elles tremblent, qu'elles chancellent" chante ensuite la soprano Sabine Devieilhe, qui semble décrire les cordes, tandis que le hautbois serpente difficultueusement. Les cordes restent bien atypiques pour l'air de basse, comme les rythmes sous l'air de ténor. Etrange cantate, en somme.

BWV 199 - Mein Herze schwimmt im Blut

Cette cantate pour soprano solo commence magnifiquement, avec un poignant duo entre Sabine Devieilhe et le hautbois, puis tourne au languissant sur tapis de cordes un peu répétitif. Une vidéo de Marina Abramovic, où une femme se flagelle  vigoureusement le dos, offre un bonus visuel sans grand intérêt.

Johann Michael Bach - Unser Leben währet siebenzig Jahr

On enchaîne, sans applaudissements, sur cet air plus ancien, que Raphaël Pichon dirige avec une sage lenteur et un léger accelerando. Très intéressant détour familial, où on entend à la fois l'archaïsme de la forme, et la source d'inspiration.

BWV 25 - Es ist nichts Gesundes an meinem Leibe

Toujours pas d'applaudissements, et un choeur magnifique, où l'ensemble Pygmalion allie la grandeur des lignes et la vivacité des couleurs. L'option théâtrale et dramatique se poursuit dans les airs de ténor (Reinoud Van Mechelen) et de basse (Manuel Walser). Le climat s'allège vivement avec la soprano. Une deuxième vidéo de Marina Abramovic me reste indéchiffrable - encore moins d'intérêt que la première.

Ailleurs : le concert est disponible pendant quelques mois sur Live Philharmonie.

dimanche 18 février 2018

Youn Sun Nah (Philharmonie de Paris - 21 Janvier 2018)

Même si son dernier disque flirte un peu trop avec le "jazzy", Youn Sun Nah reste en concert monumentale d'émotion et de maîtrise. Dans son nouveau groupe, celui qui force le plus mon attention au départ est le guitariste Tomek Miernowski, qui, dans "Teach the gifted children" donne sa propre version du blues, pas trop éloignée de celle de Marc Ribot, mais avec un peu plus de nonchalance à la Clapton ; par contre, son approche de Hendrix sur "Drifting" me laisse beaucoup plus sceptique. On voit à ces références l'étendue du terrain à couvrir ! Pareil pour le contrebassiste Brad Christopher Jones, qui passe d'un accompagnement efficace et carré à une improvisation beaucoup plus bruitiste et Free. Le batteur Dan Rieser structure le tout, simple, en place, discret. Et enfin, aux claviers, Frank Woeste passe du piano au Fender Rhodes à l'orgue Hammond, du minimalisme à la virtuosité, de la dentelle au maelstrom.

Après une introduction assez musclée du dernier album ("Traveller", "Teach The Gifted Children", "Drifting"), le premier point d'émotion est atteint avec "Black is the color of my true love's hair", que toute la salle écoute au bord de l'asphyxie, tant on n'ose à peine respirer devant une telle puissance. C'est là que se joue le miracle de Youn Sun Nah en concert : c'est la même instrumentation que sur le disque (kalimba, contrebasse), mais dans la grande salle de la philharmonie, chaque note semble pesée, façonnée, projetée à la perfection, pour susciter la réaction désirée. Pour calmer le jeu, elle enchaîne sur "Magico Momento", où Miernowski excelle, puis un blues koréen, et on reprend sur le dernier album, "She moves on", "A Sailor's Life". Après quoi, une reprise de "Hallelujah" qui ne m'a pas vraiment marqué, puis c'est déjà la fin, avec "Jockey full of Bourbon".

Sauf que ce n'est pas vraiment la fin, bien sur. Comme d'habitude, elle s'amuse avec le public, le remercie constamment, semble continuellement s'excuser d'être là ; du coup elle revient rapidement des loges, pour "Man from Mars", puis explique que peut-être certains dans la salle ont un rendez-vous pour un dîner, alors elle préfère enchaîner directement sur le vrai dernier morceau du concert, à savoir, "Avec le temps" ; sobrement accompagné au piano par Woeste, là aussi, chaque syllabe, chaque souffle, semble précisément dosé, sur-articulant certaines phrases pour en dérouler d'autres en un seul élan, le tout pour une émotion à son maximum. Dévastateur.

youn sun nah

Ailleurs : Son concert à Montréal (disponible jusqu'à fin 2018) reprend à peu près les mêmes morceaux, dans une formation un peu différente.

Quatuor Arditti - Dufourt, Hurel, Dillon (Cité de la Musique - 18 Janvier 2018)

Hugues Dufourt - Le Supplice de Marsyas d’après Titien

Inspiré par un tableau particulièrement effrayant, les cordes se concentrent sur le mot "déchirer". Le premier mouvement est une opération sans anesthésie, les bistouris creusent la chair, fouillent et cherchent entre os et muscles, c'est assez sidérant. Puis le climat change. Le dernier mouvement, étrangement, me fait penser à un port, paysage balisé par les appels de cornes de brume au violoncelle, et traversé par les oiseaux qui, toujours, déchirent le ciel de leurs stridences. Assez fabuleux.

Philippe Hurel - Entre les lignes

Bien sur c'est virtuose, c'est rapide, c'est par moment spectaculaire, mais ça ne me marque pas vraiment.

James Dillon - Quatuor à cordes n°8

Le rendu sonore est très curieux : les lignes des quatre instruments ne se répondent pas par contrepoint, mais s'enroulent les unes dans les autres pour former une ligne mélodique épaisse, solide, densifiée. Surprenant.

quatuor arditti

Ailleurs : Michèle Tosi

jeudi 4 janvier 2018

Planning Janvier - Février 2018

A peu près un spectacle par semaine, c'est un rythme que j'aime bien, je crois.


lundi 1 janvier 2018

Berio - Coro (Philharmonie de Paris - 11 Décembre 2017)

Pour ce chef d'oeuvre de Luciano Berio, il faut réussir à conjuguer des éléments chambristes, où de petites configurations constamment variées de musiciens et de chanteurs parlent d'activités quotidiennes, et des effets de masse, où est scandé un poème fort politique de Pablo Neruda.

Pour parvenir à cet objectif, Matthias Pintscher dispose :
- de l'Ensemble Aedes, où les voix typées font merveille, entre autre dans les relais, où chaque individualité propose son timbre particulier, ce qui convient à merveille aux épisodes pittoresques,
- de l'Ensemble InterContemporain, qui ne sert que d'ossature, et sans doute de mentors pendant les répétitions,
- et enfin de l'Orchestre du CNSMDP, qui ne fait pas que compléter les rangs des intrumentistes, mais se charge de fait de tous les soli ! On remarquera particulièrement la pianiste Chae Um Kim, qui brille dans les premières pages de l'oeuvre.

Cela aurait pu être encore plus tétanisant dans le final, mais globalement, c'est de loin la plus belle représentation que j'ai vu de ce chef d'oeuvre, rarement donné, tant en concert qu'en disque !

coro

Ailleurs : Patrick Jézéquel, Alexandre Jamar
Spotify : Berio - Coro