dimanche 19 avril 2015

Johann Sebastian Bach - Messe en Si mineur (Philharmonie de Paris - 3 Avril 2015)

Les English Baroque Soloists sont un orchestre remarquable de vivacité et de luminosité malléable, le Monteverdi Choir un choeur admirable de tenue et de beauté, Sir John Eliot Gardiner un chef extraordinaire. Si les voix solistes avaient été à la hauteur, cela aurait donné un concert exceptionnel. Ce n'était pas le cas, chaque intervention soliste étant à la limite de la déception. Du coup ce ne fut qu'un bon concert.

messe en si

Ailleurs : Le concert est disponible jusqu'en Octobre 2015 sur Live.Philharmonie.

jeudi 16 avril 2015

Stravinski Dusapin (Philharmonie de Paris - 29 Mars 2015)

Claude Debussy - Printemps

La description de cette oeuvre dans le livret est curieusement peu louangeuse (une idée banale, pour une pièce qui "sacrifie à l'esthétique dominante", peut-être vouée à disparaître, avant d'être transcrite ; une fin "d'une surcharge typiquement 1890" ...) mais c'est honnête : la pièce n'est pas inoubliable.

Pascal Duspain - Wenn du dem Wind ...

La soprano Karen Vourc'h rejoint l'Orchestre National des Pays de Loire, dirigé par Pascal Rophé, pour le grand moment de ce concert, et un des grands moments de cette saison : cette suite lyrique de trois scène tirées de l'opéra "Penthesilea" est un petit chef d'oeuvre.
Cela commence par un air de harpe, hésitant, que Dusapin explicite dans le livret comme un chant d'enfant. Le soutiennent des contrebasses fort sombres. Le chant est énonciation prophétique. Dans la deuxième partie retentit un cymbalum, sur des vociférations de cuivre. Le drame se noue, théâtral. Troisième partie, stridence des cordes, déchirure de l'orchestre en tous sens. La reine Penthesilea, dans ses si douloureuses contradictions ("Lâchez les chiens sur lui, A bas cette brute intolérable / Qu'il pose son pied sur ma nuque, Tout, plutôt qu'être une femme pour laquelle un homme ne s'enflamme pas") passe par tous les états, solitude de l'accapella, fureur, folie, douceur, avant que ne revienne l'air de harpe initial.
Un tour de force, vécu intensément par Karen Vourc'h, et excellemment interprété et dirigé.

wenn du dem wind...

Igor Stravinski - L'Oiseau de feu

Pas grand-chose à dire par contre ici, la tension étant retombée, les différents épisodes se succèdent sans ennui ni frisson particulier.

Ailleurs : MimyLaSouris, Palpatine

dimanche 5 avril 2015

Nhaoul - Habka (Le Triton - 28 Mars 2015)

La contrebassiste Sarah Murcia et la oudiste et chanteuse Kamylia Jubran avaient créé il y a deux ans le groupe "Nhaoul". C'était essentiellement un duo, qu'accompagnait par moments un trio à cordes. Elles reprennent aujourd'hui cette collaboration, mais en renforçant le rôle du trio, et en le confiant à des improvisateurs chevronnés : Régis Huby (violon), Guillaume Roy (alto), Atsushi Sakaï (violoncelle).
L'équilibre de l'ensemble en est grandement modifié, avec deux pôles (le trio à cordes d'un coté, Kamylia Jubran de l'autre) et un pont (Sarah Murcia).
Les trois musiciens du trio sont d'une certaine manière sous-employés : leur capacité d'improvisateurs n'est quasiment voire pas du tout utilisée. Ils jouent sur partition une musique très occidentale, tonale à vue d'oreille, aux rythmes en boucle, me faisant par moments penser à du Steve Reich.
Kamylia Jubran est elle toute entière plongée dans son langage de musique classique arabe revisitée, où le chant frôle le parlé-chanté, s'envole dans des quarts de ton, se fait déclamation poétique (les textes nous sont distribués en livret - mais la traduction n'en rend pas la force qu'on perçoit dans la voix très évocatrice de Jubran, pour qui ces textes ont des résonances culturelles mais aussi éthiques et politiques - son combat est sous-jacent à chacune de ses présentations), et le oud l'accompagne dans des rythmes très souples et ornés de figures libres, très loin des esthétiques un peu anesthésiées des oudistes ECM, disons ...
Entre ces deux mondes, qui chacun parle pleinement sa langue, il y a Sarah Murcia et sa contrebasse, qui permet la jointure, non par fusion, mais par juxtaposition, ce qui est beaucoup plus difficile. Ses solos, qui volent au-dessus de la frontière, sont remarquables de parcimonie tranchante et de justesse poétique.
Le répertoire est tout frais, le concert marquant la fin de l'atelier de travail qui lui a donné naissance. On retrouve la "Suite Nomade", mais réécrite, et dans ses parties 1 2 et 4 (une nouvelle conclusion donc). On ressort tout imprégné de désert, de vent, de la perception d'un combat pour la survie et la liberté.

nhaoul / habka

Spotify : Kamilya Jubran, Sarah Murcia - Nhaoul'

Jeanne Added au Festival "Les Femmes S'en Mêlent" (Divan du Monde - 26 Mars 2015)

Cela fait presque 10 ans que Jeanne Added se faisait un nom dans le domaine du Jazz au sens large, et je l'ai vu en solo, en duo, plusieurs fois en trio, en quatuor ;mais aussi dans des domaines plus éloignés du monde du Jazz, chantant du Verlaine, ou du Bowie. Un grand tournant a cependant eu lieu il y a quelques mois, avec cette nouvelle formule en trio, accompagnée de Anne Paceo à la batterie (elle aussi une habituée de ce blogue dans des formations très diverses !), et de Narumi Herisson aux claviers, qui ne s'apparente plus du tout au Jazz, mais à une forme de pop/rock/techno, plus précisément empreinte de post-punk, de cold-wave, et de transe dance. Si le cocktail est puissant sur disque (l'EP buzze bien, le LP est prévu pour début Juin), il devient redoutable sur scène.

jeanne added

Si Narumi Herisson, à qui revient de produire l'essentiel de la musique, reste d'une discrétion totale derrière ses quelques claviers, si Anne Paceo, derrière une batterie agrémentée d'un pad électronique obligatoire, ne se lâche qu'à peine plus que sur le disque, agrémentant sa frappe économe et bondissante de quelques embrasements progressifs et embardées sous contrôle, c'est pour laisser toute la place centrale à Jeanne Added, qui s'empare de l'espace avec facilité, avec ou sans basse, dansant, hurlant par moments, dialoguant et plaisantant avec le public, et bien sur chantant.
Cette voix longtemps travaillée dans une subtilité étudiée qui me donnait des frissons, elle lui donne des aspérités beaucoup plus directes et brutales, une âpreté et une force qui vient de la gorge et du ventre, qui la renouvelle totalement. Sur scène pourtant, parfois reviennent des dérapages en voix de tête, et le temps d'une balade, on entend cette autre voix, qui n'est donc pas oubliée, juste mise de coté, parce qu'elle ne convenait pas à ce projet, à son urgence, à son immédiateté.
La playlist place presque en début de concert les trois chansons connues de l'EP, puis part dans celles encore inédites du disque à venir. Il y a entre autre une balade, une pochade joyeuse "Back to Summer" (les titres sont donnés sans garantie !), et puis, pour finir avant la reprise en bis du "Five Years" de Bowie, ce titre qui me stupéfie, avec ces "I love you" transperçants de sincérite blessée d'écorchée vive.


Jeanne Added # I Love You par Laurent_Gautier_7

Si l'an dernier fut celui de Christine and the Queens, il se pourrait bien que cette année soit celle de Jeanne Added.

Spotify : Jeanne Added - EP, Melissa Laveaux - Dying is a Wild Night (où Anne Paceo tape aussi de la pop), Tristesse Contemporaine (où joue Narumi Herisson).

Post-scriptum : En deuxième partie de concert jouait Robi, mais qui après le choc éprouvé, m'a semblé bien plus conventionnel ; je quitte les lieux après que les  quelques premières chansons m'aient laissé totalement indifférent.