vendredi 25 novembre 2005

William Forsythe par le Ballet Mariinski (Théâtre du Châtelet - 23 Novembre 2005)

Steptext

Une femme, trois hommes. Beaucoup de possibilités de couples, et toutes seront sans doute essayées. Les corps s'attirent, s'accrochent de multiples manières, tournoient lentement, dans une élégance drastique, et le collant rouge de Diana Vichneva irradie de beauté et de sidération technique.
Mais pourquoi ces scories d'avant-garde ? les lumières de la salle longuement allumées en début et en fin de pièce ; la chaconne de Bach tronçonnée aléatoirement, d'abord en bribes puis en extraits plus longs ; symétriquement, la scène plongée un moment dans le noir ; ne manquait que le recours à du texte !
Du coup, partagé entre émerveillement et exaspération.

The Vertiginous Thrill of Exactitude

Après Bach, Schubert ; le finale de la 9ème symphonie, et donné sans chichi. Là-dessus, deux hommes et trois femmes. Mais aucun contact. Tout le vocabulaire classique est là : tutu stylisé, pointes, entrechats, petits pas, fouettés, positions des pieds et des jambes. Mais avec le zeste d'impertinence qui donne toute sa saveur au plat (soudaines et courtes ruptures de parallélisme ; clins d'oeil à des préoccupations beaucoup plus contemporaines d'occupation de l'espace). Et le tout à toute vitesse, donnant une sensation de tressautement frénétique.
Magnifique machine, néoclassique splendide, même si cela tourne quand même franchement à vide.

In the Middle, Somewhat Elevated

Ils ne sont que neuf, mais par sans doute un subtil gradient de lumière qui laisse l'arrière-plan dans une sorte de flou, ils forment un décor de leur corps, forêt qui bouge, poteaux, idée de labyrinthe. C'est presque tétanisant de beauté, la danse dans son essence même, reconciliant l'âme avec le corps, ses mystères, ses infinis. Stupéfaction devant l'émotion que dégage un dos qui ploie, une épaule qui roule, un bras qui fouille l'espace, les jambes qui jaillissent en compas démesurés.
On sent que William Forsythe, pour ses débuts avec la troupe de ballet du Théâtre Mariinski de Saint-Petersbourg, se nourrit de leur athlétisme sans faille, de leur profonde connaissance de toute la culture classique de la danse, pour commencer à les amener ailleurs. J'ai vu des pièces avec le Frankfurter Ballet où les mouvements étaient encore plus irréels et incroyables de virtuosité, surgissant de n'importe quel point du corps. Mais cette pièce est pile à la frontière des deux mondes, et conjugue magiquement les beautés des deux.
Même si les applaudissements sont presque artificiellement soutenus par le délai mis à rallumer la salle, le triomphe pour ces danseurs (où je salue principalement Irina Golub, hypnotisante de sensualité sublimée) est amplement mérité.

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