dimanche 23 décembre 2012

Akram Khan - Desh (Théâtre de la Ville - 19 Décembre 2012)

Fortement fatigué par un rhume m'empêchant de bien dormir depuis plusieurs nuits, je n'ai que très partiellement profité de ce spectacle, que j'attendais comme un point fort de la saison. La technique d'Akram Khan reste superlativement exceptionnelle. Les collaborations artistiques dont il s'entoure créent des moments de magie (Tim Yip au visuel, Jocelyn Pook à la musique). J'ai également aimé certaines des séquences dialoguées, en particulier celle avec une enfant questionneuse. Mais je n'étais pas suffisamment en forme pour reconstituer le puzzle des souvenirs et des séquences, entre son père et son grand-père. Me restent des séquences, comme les coups de massue sur la terre qui résonne, un envol dans des nuages dessinés, le balancement tête en bas ...
Satané rhume.

John Cage, Olivia Grandville - Cinq Ryoanji (Cité de la Musique - 14 Décembre 2012)

Le Ryoanji est un jardin de pierres construit au XVème siècle à Kyoto. Il est dit qu'aucune perspective ne permet de voir l'intégralité des 15 pierres du jardin d'un coup, une étant masquée par d'autres quelque ce soit le point de vue. Ce jardin a suffisamment fasciné John Cage pour qu'il compose plusieurs oeuvres à partir de dessins de ces pierres. Cela de manière paradoxalement littérale : les lignes de la partition, fort peu conventionnelle, épousent les lignes du dessin des pierres semées dans le jardin.

john cage - cinq ryoanji

Et ça donne quoi ? Beaucoup de glissandi, quelque-chose de flottant, d'éthéré, qui invite à lâcher prise. Pour ces "Cinq Ryoanji", il y a 5 instruments : flûte, trombone, contrebasse, hautbois, voix. Pour rendre les choses encore plus confuses, les musiciens de l'ensemble ]h[iatus sont diffusés sur haut-parleurs, pour démultiplier les lignes et créer des échos distanciés. Et pour au contraire garder une attache, il y a un percussionniste, Lê Quan Ninh, qui répète imperturbablement la même boucle lente de coups réguliers, donnés avec 5 baguettes, chacune frappant une matière différente. Le tout est plein de résonances mystiques et philosophiques sur le zen, le temps, l'espace, et certainement aussi le chiffre 5.

john cage - cinq ryoanji


Il y a aussi de la mise en scène : tout se joue au centre de la grande salle de la Cité, les spectateurs s'installant sur les grands cotés et leurs gradins. Ce qui accentue l'aspect "rituel", presque de cérémonie religieuse. Après un peu de musique seule, cinq danseurs et danseuses de la troupe "La Spirale de Caroline" surgissent des rangs des spectateurs et courent trépigner dans la piscine dallée de plaques de métal miroirs du centre. Mais la chorégraphie d'Olivia Grandville privilégiera les soli, et les figures de groupe restent le plus souvent inabouties, des tentatives de constructions communes qui se figent ou se dispersent avant leur accomplissement. Il y a quelque-chose de velléitaire, mais volontairement : ne rien imposer, proposer seulement des mouvements, des pulsions, des ébauches, laisser le tout planer, se concrétiser ou pas, rencontrer parfois la musique, s'arrêter, reprendre ou passer le relais à un autre ...

La percussion qui dessine le temps comme des gouttes d'eau, la musique et les corps qui glissent, la notion de durée qui s'efface, on est bien, légèrement assoupi peut-être, dans un état mental particulier que j'imagine proche de certaines formes de médiation.

dimanche 16 décembre 2012

Les Concerts Gais - Programme 10 (Temple des Batignolles - 9 Décembre 2012)

Piotr Illitch Tchaïkovsky - Concerto pour violon op.35

Dans ce concerto, la partie la plus virtuose est le premier mouvement. Pierre Hamel, deuxième violon solo de l'Orchesre Colonne ("poste agréable sinon rénumérateur" dit l'excellente biographie des toujours très nourries et intéressantes notices des Concerts Gais), affronte les difficultés de la partition sans peur et sans reproche, entraînant dans son sillage un orchestre dont on peut oublier le statut d'amateur, tant par la finesse des dialogues avec le soliste que par leur engagement dans les chorus, où le niveau sonore menace de saturer (mais sans heureusement le faire) les capacités d'absorption sonore du temple des Batignolles, galvanisés qu'ils sont par leur chef Marc Korovich, à la gestuelle ample et très lisible (c'est presque une danse par moments) - c'est particulièrement vrai juste après la cadence du violoniste, intense. Le deuxième mouvement est sans doute un peu trop romantique pour me convenir. Et dans le troisième, plutôt que les passages les plus bondissants (un russe s'inspirant des rythmes tsiganes de la symphonie espagnole d'un compositeur français ?!), ce sont les passages lents qui m'ont bien plu, où les bois enchaînent leurs interventions dans de très jolies mélodies de timbres.

hamel korovitch

Joseph Haydn - Symphonie n°104

Plusieurs me le répètent : la musique de Haydn, ça ne pardonne rien. De fait, quand les cordes à un moment se mettent à flotter un peu hors tempo, ça se remarque. Et l'orchestre ne semble pas trop savoir quoi faire des coupures rythmiques du menuet. Mais à part ça, le charme de la musique agit à plein. L'intro, plutôt lente, majestueuse sans être imposante. Le soudain changement de braquet pour l'allegro. L'élégance aristocratique très "danse de cour" de l'andante. La finesse d'orchestration et les complexités rythmiques du troisième mouvement. Et enfin (et surtout ?), l'allant irrésistible du quatrième mouvement, ritournelle populaire aux sonorités de vielle à roue, que l'orchestre joue à grande vitesse, et avec un enthousiasme canaille qui enflamme le public.
En bis, ils rejouent le premier mouvement, j'aurais préféré le dernier, mais y aurait peut-être eu surdose ...

les concerts gais

Ailleurs : Joël, Klari


Pesson Ravel Stravinsky Webern (Cité de la Musique - 8 Décembre 2012)

Maurice Ravel - Frontispice

Ce concert commence très fort, avec cette pièce spectaculairement étrange. Au départ, on a une miniature de Ravel pour cinq mains (si si cf vidéo), où les voix se superposent sans communiquer, dans un nuage de notes en boucles, avant qu'une série d'accords de plus en plus monumentaux ne viennent conclure. En 1987, Pierre Boulez en réalise une transcription pour orchestre, revue en 2007. L'aspect avant-gardiste, quasiment radical, de la première partie, en est encore renforcée, avec ces voix qui se dispersent dans tout l'orchestre avant d'être amalgamées dans les accords finaux. Deux minutes de musique absolument fascinantes.

Anton Webern - Im Sommerwind

On reste dans le rarement entendu, avec cette oeuvre de jeunesse d'Anton Webern, qui n'était pas encore élève de Schoenberg. C'est un poème symphonique d'un petit quart d'heure, avec des épanchements orchestraux post-Mahleriens, de belles couleurs pastorales et des frissons romantiques bien fiévreux, mais ce n'est pas vraiment ma tasse de thé ... Je me demande comment le Webern plus âgé considérait cette pièce ...

Igor Stravinsky - Agon

Si je ne suis pas fan de la période "pré-Schoenberg" de Webern, je ne le suis pas non plus de la période "post-Webern" de Stravinsky ... Si j'en admire l'architecture rigoureuse, fine et majestueuse, et les décors, pleins de coloris frissonnants et scintillants, de détails piquants, où les solistes de l'Orchestre Symphonique de la Radio de Francfort brillent tour à tour avec la virtuosité légère et amusée qui convient, j'ai malgré tout l'impression de déambuler dans un lieu vide, où personne ne vit, où il manque une âme, un souffle ; ça reste à mes oreilles un exercice de style, souvent extraordinaire, mais un peu vain, où je ne ressens pas une "impérieuse nécessité de l'âme".

Maurice Ravel - Fanfare

La seconde partie du concert commence comme la première par une miniature de Ravel, cette fois-ci un peu plus connue. C'est l'introduction d'une pièce écrite par 10 compositeurs comme cadeau à Jeanne Dubost, "L'éventail de Jeanne". Rythmes et stridences, avec petit pastiche Wagnérien au passage, ça réveille.

Gérard Pesson - Future is a faded song

Alexandre Tharaud vient rejoindre l'orchestre et son chef Tito Ceccherini pour ce concerto pour piano, créé il y a un mois. Pesson indique "la virtuosité est le plus souvent en creux qu'en plein". De fait, le discours du pianiste se construit à base d'éléments le plus souvent très simples, parfois d'une seule main, quand ce n'est pas d'un seul doigt. Ce poudroiement qui pourtant sait être éloquent est réverbéré par l'orchestre, qui habille et amplifie, plus qu'il ne s'oppose au pianiste.
Il y a un secret dans ce concerto : celui que Kagel n'a pu révéler à Tharaud quant au concerto pour piano qu'il lui préparait. C'est sans doute ce que traduit le choc des dernières pages de cette pièce : Tharaud referme brutalement le couvercle de son piano et l'utilise en percussion - un tombeau, où l'humour nécessaire quand on évoque Kagel ne manque pas, ni la touche inquiétante.
Belle oeuvre, qui n'épuise pas ses mystères à la première écoute.

pesson tharaud ceccherini

Igor Stravinsky - Le Chant du rossignol

Ah, là je retrouve le Stravinsky que je préfère, avec cette énergie redoutable, les couleurs foisonnantes, des solistes formidables, et un orchestre somptueux, pour une interprétation éblouissante. Serait-il possible que le Rossignol dépasse Pétrouchka dans mon palmarès personnel ?

Ailleurs : Michèle Tosi



dimanche 9 décembre 2012

Queyras Nemtanu - Autour de B A C H (Cité de la Musique - 4 Décembre 2012)

Johann Sebastian Bach - Suite pour violoncelle seul n°2

J'aime toujours voir Queyras interpréter ces suites pour violoncelle, yeux clos mais visage très expressif. Il y a quelque-chose d'un peu éthéré, ou d'halluciné, dans les premières danses, mais le rythme s'impose plus dans les dernières.

Alfred Schnittke - Concerto grosso n°3

Les concerti grossi de Schnittke sont vraiment à voir en concert, j'ai beaucoup moins de plaisir à les écouter en disque. Les solistes peuvent s'y déchaîner à leur aise. Ce soir, ce sont les deux soeurs violonistes Deborah et Sarah Nemtanu, qui s'amusent bien à jouer très sérieusement les parties les plus ironiques de la pièce (certains pizzicati par exemple). La pièce elle-même est par moments ébourriffante, et vise des effets de stupéfaction. Le début par exemple, où une paraphrase de Bach se distord peu à peu, part dans des harmonies de plus en plus grinçantes et dissonantes, jusqu'à l'explosion de l'accord B A C H aux cloches tubulaires qui marque la plongée dans le chaos (pas sur que l'Orchestre de Chambre de Paris dirigé par Dmitri Jurowski soit à la hauteur de ces passages les plus sauvages ; mais lorsque le calme revient, les contrebassistes me font forte impression).

Arvo Pärt - Collage sur B.A.C.H.

Ce morceau étant totalement dans la thématique du concert, difficile de ne pas l'inclure dans ce programme. Mais après le Schnittke, cela ressemble à une redite en beaucoup moins réussi. Je n'aime guère Pärt en général, et cette pièce est de sa jeunesse. N'empêche que cette tentative de confronter les langages ne construit pas grand-chose d'intéressant, et frôle le cliché.

Dmitri Chostakovitch - Concerto pour violoncelle n°1

Après les lettres "BACH" voici un peu de "DSCH". Ah, le plaisir de retrouver le désespoir grinçant de ce premier concerto ! Le premier mouvement est un petit régal à écouter, même si le cor a du mal à donner ses réponses : Queyras m'y éblouit. Le "moderato" me laisse plus sur ma faim, je n'y reconnais pas grand-chose. Mais la cadence est superbe, et le final reprend bien l'énergie mordante initiale.

Ailleurs Joseph Thirouin

François Corneloup - Duo et Trio (Le triton - 1 Décembre 2012)

Singing Fellows

Dans cette première partie, François Corneloup, au saxophone baryton, est accompagné de Franck Tortiller au vibraphone et marimba. La musique est plus basée sur l'improvisation que sur des chansons proprement dites, certains morceaux n'ont pas de nom parce qu'ils viennent d'être écrits, et ils durent tous autour du petit quart d'heure. Franck Tortiller varie les techniques, une ou deux baguettes par main, sur un clavier ou l'autre, ou sur les deux à la fois. Mais c'est Corneloup qui m'impressionne le plus, dans un flux quasiment interrompu de mélodies cascadantes, une source vive intarissable et magnifique, jamais lassante, et jamais forcée.
Entre eux, ils se charrient gentiment, et créent une atmosphère détendue avec le public, pour une prestation merveilleusement agréable.

corneloup / tortiller

Joyous Circumstances

Là, je retombe sur du beaucoup plus connu, puisque c'est encore un rejeton du Strada de Texier : Corneloup en récupère la section rythmique, Henri Texier à la contrebasse, Christophe Marguet à la batterie. Du coup, ils en jouent plusieurs morceaux, et c'est amusant de retrouver ces thèmes bien connus dans des vêtements plus minimalistes que d'habitude ("Old Dehli" par exemple). Ce trio met un peu de temps à s'installer, pour son premier solo Marguet laisse rapidement la main, et Texier semble distant, faisant le travail mais guère plus. C'est de nouveau Corneloup qui me plait le plus, qui par moments imite les chorus du Strada en modifiant la texture de son saxophone.
Vers la fin, Tortiller les rejoint, et ce quartet rejoint les plus intéressantes variations du Strada. Une excellente soirée, donc.

corneloup / texier / marguet



lundi 3 décembre 2012

Marc Buronfosse - Sound Quartet (L'Improviste - 28 Novembre 2012)

Surprise en m'installant dans la salle quasiment pleine : il y a un texte distribué, présentant dans l'ordre les différents morceaux qui seront joués au cours des deux sets ; et ces textes, évocateurs d'ambiance plus que descriptifs, sont de Franpi Sunship !
Le groupe réuni ce soir se rencontre de temps en temps, après avoir sorti un disque Face The Music en 2010. Mais l'équilibre des voix diffère un peu de la version studio à ce concert.
A la batterie, Antoine Banville fournit de l'énergie souvent un peu brute, peu canalisée, une puissance un peu magmatique, que ce soit à la batterie ou aux percussions. Marc Buronfosse filtre ce flux un peu hirsute, lui donne une direction, et de manière générale agit en pivot incontestable dans l'équilibre du groupe ; non seulement parce que ce sont ses compositions, mais aussi par la manière d'en jouer les mélodies avec une droiture et une présence très marquantes. Au piano et au synthé, Benjamin Moussay multiplie les ouvertures : un peu de classique ici, de l'électronique abstrait là, du jeu dans les cordes un peu plus tard ; ses propositions nourrissent et éclairent. Enfin, aux saxophones, et un peu à la flûte, Jean Charles Richard plane et virevolte au-dessus du chaos sans avoir l'air d'en être le moins du monde affecté, ses solos sont d'un naturel parfait.
Les morceaux sont bien sur plus longs que sur le disque (qu'ils jouent tout simplement en intégralité, et dans l'ordre !), mais c'est surtout la présence physique, la densité de cette musique, que je remarque. Une belle épaisseur, qui n'est jamais lourde.

marc buronfosse sound quartet

Spotify : Marc Buronfosse - Face The Music

jeudi 29 novembre 2012

Futurismes - Autour de Xenakis (Cité de la Musique - 24 Novembre 2012)

Iannis Xenakis - Terretektorh

Parfois, la Cité organise un concert où une même oeuvre est donnée deux fois, et où les gens sont invités à se déplacer pour en profiter selon deux points d'audition différents. Il faut bien sur une oeuvre avec des effets de spatialisation. C'est le cas ce soir avec "Terretektohr" de Xenakis, habitué de ce type de pièce. Mais celle-ci ne m'apparaît pas comme particulièrement au-dessus du lot : des musiciens en petits groupes disséminés au milieu du public, en bas et dans les gradins ; une structure en épisodes successifs, qui déploient des effets divers : c'est par moments impressionnant (le début, avec une note répétée et démultipliée aux cordes), par moments ça m'énerve (les musiciens qui emploient tous des claquettes de manière je pense aléatoire), et par moments c'est magique (l'utilisation de sifflets, qui donne paradoxalement une sensation aquatique !). Mais ce qui me manque, c'est que l'ensemble ne me raconte pas grand-chose.

terretektorh 1

György Ligeti - Lontano

Par rapport à la dernière fois où j'ai entendu cette oeuvre, l'Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par Pascal Rophé donne une version pleine de tension, de mystère, de beauté. Ils sont restés dans la configuration éclatée, et ça marche très bien. Lorsque se met en place le grand écart entre infra-basses et sur-aigus, ces deux extrêmes flottent, issus on ne sait d'où, et c'est fantastique.

Michaël Levinas - L'Amphithéâtre

Cette pièce, comme la suivante, est une commande spéciale pour ce soir : il s'agit d'écrire pour le même orchestre et la même disposition spatiale que pour "Terretektohr". Levinas réduit les éléments musicaux (ce qui fait qu'on échappe à l'effet suite d'effets). Il y a une très belle montée infinie dans les cordes, et des cuivres qui par moments tournoient sur eux-mêmes. Le tout est très cohérent.

Luis Tinoco - Cercle intérieur

J'ai beaucoup aimé, mais le fait d'avoir ressenti beaucoup de plaisir est quasiment le seul souvenir qui m'en reste ! Des sensations de couleur, des matières musicales variées, des impressions de déplacement des lignes orchestrales, et une envie de réentendre ce compositeur !

Iannis Xenakis - Terretektorh

Cette fois, je suis au-dessus de la salle, dans la galerie. Les sifflets font moins d'effet. Par contre, je découvre un très intéressant dialogue entre les timbales des gradins, que je n'avais pas du tout perçu à la première audition.

terretektorh 2

Ailleurs : Michèle Tosi

lundi 26 novembre 2012

Futurismes - Autour de Varèse (Cité de la Musique - 20 Novembre 2012)

Edgard Varèse - Ionisation

Les percussionnistes de l'Ensemble Intercontemporain sont complétés par des élèves du CNSMDP pour une version lumineusement articulée et joyeuse de cette pièce mythique pour percussions et sirènes. C'est la première partie qui m'enthousiaste le plus, que Susanna Mälkki dirige sans forcer la puissance, mais en exaltant au contraire le swing rebondissant, et l'allant allègre. Et même quand monte la puissance, cela se fait sans démonstration apocalyptique, et ça fait du bien.

Enno Poppe - Speicher III-IV-V

Enno Poppe s'est lancé dans un vaste cycle devant atteindre les 80 minutes. Ce sont ici les mouvements centraux. C'est le premier, enfin le III, que je préfère, avec deux flûtes jumelles comme créant un instrument nouveau en entrelaçant leurs lignes, et des solis de violons et d'altos qui imitent des voix humaines qui se plaindraient sans qu'on les prenne trop au sérieux. Les autres mouvement m'ont laissés peu de souvenirs - un peu trop de matière, pas assez de variété dans les textures, je crois.

Edgard Varèse - Poème électronique

A la fin de l'audition de ces bandes, voyant sans doute mon air peu ravi, mon voisin m'explique que le lieu y fait aussi, quand il avait assisté tout jeune à la création à Bruxelles, cela avait une toute autre allure, que cette fascination a effectivement vieillie, mais bon, c'est la vie ...

Benedict Mason - drawing tunes and figuring photos

Ce sont pendant une douzaine de minutes comme une suite de photographies, dans un noir et blanc classique, d'une grande ville, New-York peut-être, ambiances de rues, ici quelque-chose de neigeux, là une impression de club de Jazz. C'est joli et divertissant.

Mauro Lanza - #9

Le compositeur explique être parti d'idées musicales très minimales, et s'être demandé comment construire un discours avec. Eh bien, il suffit de passer à la musique spectrale (ou post-spectrale ?) ! Les idées de départ se répètent, créant des habitudes et donc des prévisibilités, mais sont d'une fois à l'autre légèrement variées pour structurer l'ensemble. Le résultat final est du coup cohérent sans être lassant, plein de surprises sans partir dans tous les sens, bref, c'est une belle réussite, très plaisante.

eic, mauro lanza, susanna mälkki

Edgard Varèse - Ecuatorial

Si les oeuvres de Varèse sont en général peu données, celle-ci l'est encore moins, vu son effectif : thérémins ou ondes Martenot, choeur de voix d'hommes, c'est spécial. Ce soir, l'ensemble est de plain-pied avec le public, sur l'un des longs cotés de la salle. Et le choeur est installé dans les gradins de l'étage au-dessus. Comme je suis juste devant l'orchestre, ce choeur me surplombe fortement. L'effet est massif. Au futur des ondes Martenot s'oppose la puissance primitive de ces voix de basse. Mais je ne vais guère au-delà de cet effet de choc, et ne suis pas vraiment emporté : il aurait fallu mieux connaître la pièce avant pour pouvoir mieux l'apprécier.

Ailleurs: Michèle Tosi

dimanche 11 novembre 2012

Planning Novembre - Décembre 2012

Le 11 du mois, ça semble un peu tard pour un planning mensuel, mais de toute façon le prochain spectacle n'a lieu que dans une semaine, donc je n'ai pas de retard !




Anne Paceo Quintet - Yôkaï (new Morning - 26 Octobre 2012)

Anne Paceo fait partie des artistes que je vois régulièrement, et dans des formations diverses, ne serait-ce qu'à cause de sa résidence mensuelle sur la péniche Anako, où elle se produit presque chaque fois dans une formation inédite. "Presque" seulement, puisque c'est là que je l'ai vu pour la première fois dans ce quintet. Depuis, ils ont beaucoup tourné, joué, et fait un disque, en l'honneur duquel ce concert est donné.
Du coup, ils jouent le disque, presque dans son intégralité (il manque il me semble un morceau), et quasiment rien d'autre (à part "Toundra", déjà à leur répertoire, et un inédit, qui m'a moins plu à première écoute).
Anne Paceo est bavarde ce soir, racontant longuement les anecdotes entourant chaque chanson, les soirées neigeuses et endormies de "Lulea", les souvenirs africains de "Toutes les fées étaient là", la recherche de un puis deux "Little Bouddha", l'atmosphère politique et sociale si particulière de la Birmanie au début de son assouplissement pour "Smile" ... Le public est rapidement séduit, quelqu'un lui demande de répéter le nom du dessinateur auteur de la pochette (il s'appelle Oco).
La musique réserve moins de surprises (contrairement à l'habitude, ils ne commencent pas par "Shwedagon", mais par "Yôkaï" : ils joueront leur hymne en fin de set, et en bis, avec un percussionniste invité, dont j'ai oublié le nom, et qui multiplie un peu trop les instruments utilisés), mais j'ai beaucoup de plaisir à la ré-entendre. Ce qui me frappe surtout, c'est l'aspect chantant de bien des morceaux, qui me donnent envie de les chantonner. Comme rodé en concert, puis enregistré sur le disque, elle s'offre un unique et magnifique solo en introduction à "Toutes les fées étaient là". Le reste est plus respiration, impulsion, et gourmandise partagée.
Autour d'elle, Antonin-Tri Hoang me semble tenté par l'abstraction, construisant des solos solides et très construits autour de quelque idées. Leonardo Montana (uniquement au piano, j'aimerais bien qu'il tente à nouveau le Fender Rhodes) part parfois dans du rythmique quasi monkien, alors que Stéphane Kerecki explore les lignes mélodiques, les faisant groover avec grâce et introspection. Pierre Perchaud apporte des textures subtiles et des coloris, et quelques puissants solos.
Le son du groupe est désormais plus unifié, un alliage riche et coloré. Quand je sors après avoir acheté le disque (et un joli T-Shirt !), certains spectateurs chantent "Smile", où Anne Paceo reconnait une certaine naïveté, mais qui s'accroche durablement dans l'oreille, et qu'elle a donné ce soir avec une fragilité émouvante et parfaite.

anne paceo quintet au new morning

samedi 27 octobre 2012

Accentus - Bach, Mantovani , Mendelssohn (Cité de la Musique - 20 Octobre 2012)

Johann Christoph Bach, Johann Sebastian Bach - Motets

On commence par un motet de Johann Christoph, cousin germain du père de Johann Sebastian, dont suivent quatre motets. Le choeur Accentus, bien sur dirigé par Laurence Equilbey, est accompagné de quatre musiciens (violoncelle, violone, luth, orgue). Tout ça n'est pas mauvais, c'est même du bon travail, honnête et respectable, mais après avoir entendu dans ce répertoire Gardiner et sa troupe d'élites, c'est juste pas au niveau. On prend plaisir aux mélodies et harmonies, mais sans ressentir de frisson particulier, ce qui signe un échec, quand même.

Bruno Mantovani - Cantate n°4 "Komm, Jesu, Komm"

Voici une pièce à la structure bien curieuse, puisqu'elle entrecroise une partie pour choeur avec des solistes, inspirée par le motet de Bach, et qui reste donc dans un langage pas trop avant-gardiste, avec une partie pour accordéon, joué par Pascal Contet, qui le plus souvent joue un fond sonore comme une sorte de basse continue, et enfin une partition pour violoncelle, jouée par Sonia Wieder-Atherton, digne d'un concerto pour violoncelle, virtuose, pleine d'intensités et de climats passionnés. Le choeur est intéressant, le violoncelle est impressionnant, mais c'est le résultat global qui me laisse plus perplexe, c'est un objet musical dont je ne vois pas très bien la fonction globale le fonctionnement global.

equilbey, wieder-atherton, contet

Felix Mendelssohn - Drei Psalmen op. 78

Etrangement, c'est le troisième concert presque de suite où j'entends du Mendelssohn. Et encore plus étrangement, c'est le moment que je préfère dans ce concert. Le livret indique une "manière toujours élégante et sobre" qui "n'empêche pas une riche expressivité très proche des paroles". Et je trouve le choeur Accentus ici le plus chez lui, le plus confortable et communicant au mieux leur plaisir de chanter.

Felix Mendelssohn - Ehre sei Gott in der Höhe

Aucun souvenir.

Ailleurs: DavidLeMarrec

mardi 23 octobre 2012

Portal Meyer - Contrastes (Cité de la Musique - 18 Octobre 2012)

Pour apprécier ce concert, il fallait aimer la clarinette, et ça tombe bien, c'est mon cas. Un programme intéressant, mélange de créations contemporaines et de pièces du répertoire. Mais quelques jours après, j'ai oublié les spécificités de la plupart des oeuvres, pour garder une ambiance générale, et quelques souvenirs plus précis épars. Ce sera donc un billet rapide ...

Felix Mendelssohn - Konzerstück n°1 op. 113

Ce qui m'intéresse le plus, c'est la différence de son entre les deux clarinettistes. Paul Meyer sonne rond, pur, comme un verre d'eau glacée, fort rafraichissante mais sans grande personnalité. Michel Portal est beaucoup plus bruité et coloré, un son épais comme un verre de grand vin. Le pianiste Jérôme Ducros reste en arrière, dans un flux de notes permanent qui réclame l'aide d'une tourneuse de pages, ce que je vois fort rarement en fait.

Bernard Cavanna - Parking Schubert

C'est la pièce que j'ai préférée de toute la soirée. C'est dynamique et joyeux, dansant et rythmiquement espiègle (avec note le livret des passages alternant entre 10/8 et 11/8 !), presque mais simplement presque répétitif, et bien sur virtuose et rapide. J'apprends que Cavanna est également président de l'Atelier du Plateau, un gars très bien, donc !

Claude Debussy - Rhapsodie n°1

Pour piano et clarinette, celle de Paul Meyer. C'est un peu trop flottant et évaporé à mon goût.

Pascal Dusapin - DUO à 2

Si je me souviens bien mais n'en suis pas sur, il y avait deux lignes mélodiques très éloignées, aigu et grave, et cela créait un bel espace sonore au milieu.

Bruno Mantovani - Métal

Le titre vient de "MEyer porTAL". Portal alterne entre clarinette et clarinette basse (qu'il manipule avec un soin maniaque, refusant que les assistants ne la touchent). J'ai bien aimé, quoique trouvant cela un peu trop long, mais n'en garde guère de souvenirs.

Alban Berg - Quatre pièces op. 5

Piano et clarinette, cette fois celle de Portal, qui convient mieux effectivement à l'âpreté du discours viennois deuxième école. C'est aussi l'occasion pour Jérôme Ducros de se mettre en avant, pour la seule fois de la soirée à égalité avec ses partenaires.

Michael Jarrell - M.P. / P.M. (Nachlese IIb)

Il me semble que c'est la pièce la moins joyeuse de la soirée, la plus méditative.

Thierry Escaich - Ground VI

C'était pas mal, mais pas vraiment marquant. En fait, les pièces commencent à se ressembler un peu toutes, parce qu'elles misent presque toutes sur la sonorité vive et joyeuse des deux clarinettes.

Guillaume Connesson - Scènes de la vie contemporaine

Il y a 5 scènes, au shopping, au musée, en dîner amoureux, etc. Les caractérisations sont amusantes, la forme est légèrement néo-classique mais pas trop, le tout s'enchaîne avec plaisir.

Felix Mendelssohn - Konzerstück n°2 op. 114

Aucun souvenir.

meyer, ducros, portal

samedi 20 octobre 2012

Le Boeuf sur le Toit (Cité de la Musique - 14 Octobre 2012)

A l'occasion de la sortie d'un disque qui ne m'intéresse pas mais qui est accompagné d'une campagne de publicité impressionnante (même un fond d'écran à l'intérieur du client Spotify !), Alexandre Tharaud évoque pendant tout un week-end à la Cité le célèbre cabaret parisien des années folles.
Ce concert s'éloigne des tours de chant et des récitals de piano qui forment l'essentiel de ce marathon, pour présenter des pièces orchestrales teintées de Jazz, interprétées par l'Orchestre National d'Ile-de-France, dirigé par Andrea Quinn.

Darius Milhaud - La Création du monde

Une splendeur, cette plage d'un gros quart d'heure pour petit rchestre où brillent maints solistes ! Contrairement à certaines interprétations pleines d'une diffuse tristesse, Andrea Quinn privilégie (et je trouve avec raison) les couleurs vives, les rythmes qui surgissent et qui parfois se superposent, l'élan vital qui emporte la partition d'un bout à l'autre, les moments plus calmes n'étant qu'une pause où chante une flûte ou frémit un saxophone, avant que ne reviennent les danses, les accords Jazzy, et les allures d'improvisation guillerettes ! Un grand moment.

Jean Wiener - Concerto franco-américain

Frank Braley s'installe au piano pour ce concerto trop classique à mon goût pour que je ne m'y ennuie pas. L'apport du Jazz m'y semble beaucoup plus factice que dans la pièce précédente.

George Gershwin - Rhapsody in Blue

C'est bien sur une sorte de mètre étalon quand on pense à la fusion Jazz-Orchestre symphonique en ces années-là. Et dès le glissando de clarinette inaugural (que le livret me révèle comme non prévu à l'origine, lancé pour rire par Ross Gorman puis conservé par tradition), le charme opère. Bonne entente entre Alexandre Tharaud au clavier et l'orchestre, et les pages défilent avec délices. Le soliste est longuement applaudi, mais il ne jouera pas de bis, vu tout ce qu'il a joué et jouera le reste du wek-end ça se comprend ...

tharaud, quinn


Darius Milhaud - Le Boeuf sur le toit

Le rondo qui revient 15 fois en 20 minutes finit par m'agacer un peu, et phagocyte les variations sur des airs brésiliens qui servent de couplets.

Béla Bartok - Le Château de Barbe-Bleue (Salle Pleyel - 10 Octobre 2012)

Felix Mendelssohn-Bartholdy - Sypmphonie n°4 dite "Italienne"

Cette musique me traverse sans laisser de traces. Depuis l'arrière-scène, je peux observer la direction intermittente du chef Christoph von Dohnanyi, qui parfois lance des indications d'une baguette virevoltante, mais souvent laisse courir l'Orchestre de Paris, qui joue sans plus d'engagement que ça. C'est amusant de ressentir si précisément l'emplacement des différents cuivres, et de suivre les dialogues avec les violons comme si c'était spatialisé. Mais pour écouter de la musique que j'aime, je veux plus de distance, cette plongée à l'intérieur même des rangs de l'orchestre ne correspond pas à mon écoute idéale de la musique.

Béla Bartok - Le Château de Barbe-Bleue

Du coup, pour cette pièce maîtresse, je grimpe au deuxième balcon. J'y perds la voix de Matthias Goerne, qui reste comme engoncée dans des registres bien graves, ne porte pas, transforme certains passages en borborygmes à peine articulés, et ne véhicule qu'un spectre d'émotions étroit ; peut-être les dix premiers rangs du parterre ont eu plus de bonheur ...
Sa partenaire n'a elle aucun problème pour se faire entendre. Elena Zhidkova a le potentiel d'une grande Wagnérienne, puissance, intensité, et technique, c'est excellent, même si la fragilité de Judith disparaît un peu du coup ...
Mais le grand vainqueur de la soirée est l'Orchestre de Paris, qui cette fois m'impressionne, principalement tout ce qui se passe dans les aigus est fantastique (les percussions très rapides de la première porte, la cinquième hiératique et glorieuse, la douleur tendue des larmes ...). Je suis à maintes reprises ébloui, et emporté dans l'émotion.

von dohnanyi, goerne, zhidkova

Ailleurs : Palpatine, Zvezdo, La souris, Joël ...
Spotify : Une sélection de quelques versions de référence.

samedi 13 octobre 2012

Journal Intime + Marc Ducret (La Dynamo - 5 Octobre 2012)

"Journal Intime" est un trio de cuivres : Sylvain Bardiau à la trompette, Frédéric Gastard au saxophone basse, et Matthias Malher au trombone. Pour ce concert, ils ont invité le guitariste Marc Ducret. C'est le premier volet d'un projet fort alléchant, qui en comportera deux autres : d'abord avec l'accordéoniste Vincent Peirani, puis en réunissant ces deux prodigieux musiciens.
La musique générée n'est pas évidente à classer : malgré la dose importante d'improvisation, je ne l'ai pas vraiment écoutée comme un concert de Jazz, mais plutôt comme de la musique contemporaine. Je suis par exemple incapable de définir le style de chaque musicien, tant cela changeait d'un instant à l'autre. Au gré des morceaux longs (approchant le plus souvent les 30 minutes) et à l'architecture complexe (à la Ducret, donc !), le trio sonnait parfois comme un seul instrument monstrueux au son rempli de borborygmes et de vibrations, parfois comme un ensemble contrapuntique et nerveux. Solos et duos abondent, qui diversifient encore la pâte et les ambiances.
A leur coté, Marc Ducret, armé d'une seule guitare électrique et d'une seule pédale maniée avec maestria, parfois décore de notes isolées, parfois fonce dans des maelströms puissamment rock, et souvent complémente le trio par son phrasé si particulier, une articulation et une signature rythmique pleines de suspensions captivantes.

journal intime + marc ducret

lundi 8 octobre 2012

Pierre Henry - Le Fil de la Vie (Cité de la Musique - 29 Septembre 2012)

La salle est très pleine, et accueille avec enthousiasme le compositeur. Bien en forme pour ses 85 ans, celui-ci s'installe derrière ses machines au centre de la salle, attend puis réclame qu'on veuille bien éteindre les lumières, et lance la musique, qui surgit de l'habituelle pléthore de hauts-parleurs installés sur la scène et tout autour du public.
Je m'aperçois que je pourrais dire presque la même chose qu'à propos de sa Grande Toccata : des sons presque abstraits, profonds, bien polis, plus ou moins en boucle, forment un riche tapis sur lequel viennent glisser des ambiances plus concrètes, bébés, chants faussement exotiques, instruments réels samplés et trafiqués, bruits urbains ou de déserts, le tout dure une heure, découpée en séquences très clairement délimitées, avec des échos entre elles, pour un voyage sonore prenant, au rythme calme malgré quelques embardées plus agitées.

pierre henry - le fil de la vie

Ailleurs: Michèle Tosi

dimanche 7 octobre 2012

Budapest Festival orchestra - Bartok Mahler (Salle Pleyel - 26 Septembre 2012)

Bela Bartok - Chansons paysannes hongroises pour orchestre

C'est une oeuvre en deux parties : la première, "Ballade", varie de belle manière une formule mélodique très simple, ce qui donne du Bartok mineur mais fort plaisant ; la seconde, "Danses paysannes hongroises", se pare d'habits un brin trop sommaires et faciles pour ne pas être que mineure.

Bela Bartok - Concerto pour violon n°1

Ce concerto est aussi en deux mouvements. Jamais je n'aurais imaginé associer à Bartok les adjectifs suave ou tendre, sans aucune ironie. C'est pourtant le cas du premier mouvement, portrait de la femme aimée, empli d'un romantisme innocent qui sent bon la jeunesse idéalisante. Le second est destiné à mettre en avant la violoniste (il s'agit de Stefi Geyer, qui reçut le manuscrit l'année de sa rupture avec le compositeur, et qui le garda dans ses archives, d'où il ne ressortit qu'après sa mort), et ressemble un peu plus à du Bartok habituel. Mais là encore, cela reste une pièce mineure.
Le violoniste Joszef Lendvay revient jouer un bis improbable,  les "Variazioni su "Nel cor più non mi sento"" de Paganini, qui ressemble à de l'improvisation bien cadencée.

budapest festival orchestra / ivan fischer / jozsef lendvay

Gustav Mahler - Symphonie n° 5

Ivan Fischer nous propose une lecture de cette symphonie qui clairement divise les blogueurs ensuite rassemblés. Ses choix pour les deux premiers mouvements plaisent à certains, et pas à d'autres, par leur originalité qui peut être vue comme une erreur de lecture. Moi ça me plait : mise en avant pour le premier mouvement du trompettiste qui va jusqu'au bout du souffle, un air de valse blême comme un matin qui plonge dans un cauchemar nauséeux, des effets de rythmes ralentis ou titubants, j'ai l'oreille bien accrochée par maints détails, au sein de pages que je peux fredonner.
Pour les mouvements trois et cinq, on a une mise en orchestre plus traditionnelle, mais avec une grande puissance, qui plait plus à certains, mais qui moi m'assomme un peu, perché tout en haut, et où paradoxalement je ne reconnais plus grand-chose, comme si je n'avais jamais entendu ces parties.
Dans les commentaires entendus et lus, personne ne parle de l'adagietto, sans doute parce qu'il n'y a pas grand-chose à en dire, il était fade et oubliable.

Ailleurs : Palpatine, Klari, guillaume ...

samedi 29 septembre 2012

Quatuor Keller - Kurtag Bach (Cité de la Musique - 21 Septembre 2012)

C'est un programme habituel du quatuor Keller, me dit Musica Sola, que de mélanger ainsi des oeuvres de Bach et de György Kurtag. Le concert se déroule en deux parties, la première plutôt orientée Bach, la seconde plutôt Kurtag. Dans les deux cas, il n'y a pas d'applaudissements entre les morceaux, ils ne retentissent qu'à la fin.
Ce qui me sidère le plus, c'est la différence de son que le quatuor adopte entre les deux compositeurs. Pour l'Art de la Fugue (8 contrepoints, à quatre voix, et 3 canons pour violon et violoncelle) du Cantor, les sonorités des instruments sont très différenciées, le second violon prenant par exemple un aspect un peu aigre qui ne plait guère en tant que tel ; mais cela permet une lisibilité parfaite de chaque voix à l'intérieur des contrepoints. La musique reste bien abstraite, mais jamais lourde, sauf pour l'inachevé dernier contrepoint, trop cérémoniel.
A Kurtag, je m"habitue peu à peu, après le concert du trio Ingres, je retrouve les mêmes caractéristiques ici : morceaux courts, donc concentrés, bâtis sur une idée souvent minimale mais qu'il exploite avec un grand sens de l'intensité. Les "Microludes", au milieu des contrepoints de la première partie, sont un excellent cycle. Et là, le son du quatuor Keller change radicalement, devenant beaucoup plus unifié, et prêt du coup à toutes les subtilités de jeu requises.
Dans la seconde partie, je loupe "Officium Breve" parce que j'ignorais qu'il s'agissait là aussi d'un cycle important, et n'étais plus assez concentré pour l'apprécier.
Dans le titre du dernier morceau proposé, "Ligatura - The Answered Unanswered Question", on perçoit l'aspect humoristique que peut prendre la musique de Kurtag, mais que le quatuor Keller n'a guère mis en avant, tout centrés qu'ils sont sur leur musique et pas vraiment communicatifs avec le public ...

quatuor keller

Ailleurs : Carnets sur sol

lundi 24 septembre 2012

Thierry Thieû Niang - ... du printemps ! (Théâtre de la Ville - 19 Septembre 2012)

Cela commence par Patrice Chéreau récitant des extraits des Carnets de Nijinski, journal intime où le danseur chorégraphe apparaît assez dérangé mentalement, un peu parano, et plutôt miséreux. Pénombre aidant, je somnole, ce texte ne me passionnant pas vraiment (contrairement à celui de Tatsumi Hijikata récité par Jeanne Balibar, qui reste un extraordinaire souvenir). Puis des personnes, jusque-là assises tout autour de la scène, viennent entourer le récitant, qui finit par disparaître. Retentissent alors dans les hauts-parleurs les premières notes du Sacre du Printemps, et la scène s'éclaire, un peu.
Ce sont des seniors, et danseurs amateurs, réunis par Thierry Thieû Niang et Jean-Pierre Moulères, pour travailler autour d'improvisations sur le Sacre. Le déclic s'est fait quand un des danseurs s'est mis à courir en rond, dans un rythme de marathonien, suivi peu à peu par ses collègues. Du coup, voilà ce qu'est ce spectacle : lui court continûment, les autres s'y mettent peu à peu, comme une matière mise lentement en mouvement, puis peu à peu abandonnent, happés par la fatigue. Quelques gestes, comme étirer les bras, viennent perturber modérément cette mécanique générale.
Le résultat ne m'a vraiment pas passionné. Je ne sais même pas quel est le message : une célébration de la vie, qui circule malgré l'âge et les marques que le temps trace sur les corps ? Mais la phase déclinante me faisait plus penser à "On achève bien les chevaux". C'est le marathonien qui gagne. Entre temps, nulle magie particulière, pas vraiment d'émotions ressenties, j'ai en fait continué de somnoler. En plus, la musique (version Boulez Cleveland 1969) était perturbée par le rythme inébranlable du coureur, et le système de sonorisation réussissait à l'affadir tant qu'elle ne parvint pas à me tenir en éveil.
Je ne comprends pas pourquoi ou à qui certains hurlaient des "Bravo" à la fin, et d'où venaient les 15 minutes de standing ovation indiquées dans le livret lors de la création.

jeudi 20 septembre 2012

Sébastien Ramirez / Honji Wang - Monchichi (Théâtre de la Ville - 14 Septembre 2012)

Sébastien Ramirez est issu de la culture hip-hop mais s'en échappe pour former son propre langage ; Honji Wang sort d'une formation de ballet académique pour s'initier aux techniques de bgirling, de la newstyle et de la house dance. Ensemble ils développent du Tanztheater urbain. Voilà ce que nous explique le livret.
De fait, on sent ces influences dans les tournoiements au sol, dans les rythmiques, dans les postures. Ils échappent à la standardisation en y mêlant des ingrédients très divers venus de leur parcours et de leurs cultures, et en y mettant de la danse de couple, ce qu'ils sont à la scène comme à la ville.
Cela donne de très beaux passages où dans leurs frénétiques contorsions jamais le contact du bout de leurs doigts ne se rompt, ou lorsque le corps de l'un se glisse entre les pas de l'autre qui l'enjambe.
Il y a aussi des séquences parlées, où ils se présentent, lui Français d'origine espagnole, elle Coréenne émigrée en Allemagne ("Monchichi" est son surnom), et la description de la rencontre très tour de Babel de leurs deux familles est hilarante.
Il y a de l'humour, de la générosité, plus de légèreté que de gravité, c'est fort sympathique, mais ça s'oublie assez vite.
monchichi

Voici une bande-annonce de ce spectacle, qu'ils ont pu monter parce qu'ils étaient connus dans le milieu de la danse grâce à ce clip Amor et Psyche.

lundi 17 septembre 2012

Algérie - France : Symphonie pour 2012 (Cité de la Musique - 11 Septembre 2012)

Camille Saint-Saëns - Suite algérienne op. 60

Pour ce long concert qui sera en grosso modo trois parties, on commence par une arrivée, celle d'un navire à Alger. Mais dans cette suite, c'est le deuxième mouvement que je vais préférer, une "rhapsodie mauresque" haute en couleurs et en rythmes. Le public n'est visiblement pas celui habituel de la musique classique : il applaudit systématiquement entre les morceaux, et même parfois au milieu d'un mouvement si une pause devient un peu longue. Et l'Orchestre Symphonique Divertimento, augmenté de solistes de l'Orchestre Symphonique National d'Algérie, le tout dirigé par Zahia Ziouani, n'est pas forcément non plus habitué à jouer dans un tel lieu : il y rayonne de plaisir ! Sourires des musiciens, complicité avec la chef d'orchestre, y a de la joie qui circule !

Louis Aubert - L'Adieu, Poème arabe pour chant et orchestre

Entre Amel Brahim-Djelloul, dans une superbe robe. Mais sa voix ne me plait guère, elle me semble forcée, et sans volume. Le charme ravélien de cette courte pièce en est bien amoindri.

Camille Saint-Saëns - Capriccio andalous op. 122 pour violon et orchestre

On reste dans l'exotisme, mais c'est plus un détour par l'Espagne, pour ce morceau de bravoure tranquille, comme il en existe tant.  Jean-Marc Phillips-Varjabédian n'en fait pas des tonnes, c'est bien. Mais pas de quoi se relever la nuit.

Camille Saint-Saëns - Bacchanale

Cet extrait de l'opéra "Samson et Dalila" ne me laisse aucun souvenir précis. A le réécouter sur Arte Live Web, j'en apprécie les mélodies faciles et les atmosphères orientalisantes et pleines de jolies tensions, mais le tout reste trop conventionnel à mon goût, c'est de l'exotisme de pacotille. Il était temps que vienne la pause.

Musique classique algérienne : Inqilab, Idir, Bakhta

Ah, là, ça change ! S'installent devant l'orchestre la soprano Amel Brahim-Djelloul, Rachid Brahim-Djelloul à l'alto traditionnel (et au chant), et les autres membres de l'ensemble Amedyez (percussions, cordes). Et dès l'introduction à la harpe, qui soutient et orne la voix de Amel Brahim-Djelloul, c'est superbe, proche du sublime en maints moments. Sa voix, qui ne convenait guère pour le poème d'Aubert, ici se révèle dans sa beauté envoûtante, pleine de la souplesse requise par les mélismes orientaux. Elle chante dans son arbre généalogique, et c'est magique.
Quand s'ajoutent les solistes, pour de longues improvisations introductives, j'ai des impressions de Dead Can Dance qui me viennent (voilà ce que devrait faire Lisa Gerrard pour progresser : prendre des leçons de chant arabe, et se lancer dans des textes). Si tout le concert avait été de cette teneur et à cette hauteur, ç'aurait été d'emblée un des plus beaux de l'année.
amel brahim-djelloul

Francisco Salvator-Daniel - Mélodie mauresque de Tunis

On retourne au français, mais les arrangements de Rachid Brahim-Djelloul, qui s'offre une partie chantée, sont suffisamment remplis de solos, et se rapprochent suffisamment de l'esprit des pièces précédentes, pour que la magie se prolonge, quoiqu'un peu diminuée.

Olivier Penard - Prélude au Livre des haltes

Par contre, là ... Le compositeur évoque dans le livret Szymanowski et Steve Reich. J'entends plutôt comme un compositeur de musique de film qui s'offre un orchestre symphonique, gonflant avec force amphétamines une partition pauvre en idées, le tout devenant rapidement boursouflé et bruyant, sans aucune invention de langage, qui reste tonal, ni en rythme, qui se contente de marteler, ni en couleurs orchestrales, que la puissance n’empêche pas d'être tristement conventionnelles.

Salim Dada - Tableaux d'une vie arabe

C'est pas mieux. Un peu moins bruyant. Mais plus long. Et je ne sens aucune réflexion sur le langage musical utilisé. Comme si le compositeur utilisait de la musique tonale, non pas parce que c'est ce qui convient le mieux à son projet, mais parce qu'il n'a même pas conscience qu'il pourrait utiliser autre-chose. Mais comment faire passer "une appréhension envers les changements affectant le monde arabe actuel" quand le plus actuel que puisse évoquer sa musique est le Bernstein de "West Side Story" ? C'est navrant.
En bis, une autre de ses pièces ne m'inspire pas plus.

Ailleurs: Le concert est disponible pour quelques mois sur Arte Live Web.

jeudi 13 septembre 2012

Manoury Harvey Schoenberg (Salle Pleyel - 9 Septembre 2012)

Philippe Manoury - Sound and Fury

Cette partition, que le compositeur décrit longuement sur son site, a été écrite pour les 75 ans de Pierre Boulez, qui aurait du la diriger ce soir, mais n'a pas pu suite à une inflammation oculaire, laissant la place à son assistant Clement Power, qui adopte le même type de gestuelle, quoique plus dynamique, privilège de l'age ... S'il y a un hommage de Manoury à Boulez dans cette musique, c'est peut-être dans l'opposition entre des passages en temps lisse, où j'entends des couches sonores lentement dériver les unes sur les autres dans une évocation mi-liquide mi-spatiale, et des passages en temps strié, beaucoup plus percussifs (abondance d'enclumes, entre autres). Une puissante énergie se dégage, potentielle ici dans les cuivres et les contrebasses, cinétique là, dans l'entremêlement des rythmes et des couleurs acides. 
Dans les musiques sans électronique de Manoury, c'est une des pièces les plus réussies (par la suite, elles seront souvent trop agressives à mon goût), avec de belles mélodies en surface et des alliages orchestraux dotés d'une grande profondeur. Etrange et dommage qu'elle n'ait pas encore été enregistrée sur disque ! (en fait, si, elle est disponible sur disque dans la série "Densité 21" ; du coup, zou, commandée).
lucerne festival academy orchestra / clement power

Jonathan Harvey - Speakings

Cette pièce est par contre disponible chez Aeon, donc je la connais (puisque je collectionne leur série blanche). Pendant l'habituel interminable changement de plateau (pour Manoury, l'Orchestre de l'Académie du Festival de Lucerne était disposé en blocs assemblés en miroir), Jean-Pierre Derrien et Arshia Cont viennent parler de l'aspect électronique de l'oeuvre. C'est une fort bonne idée pour remplir ce temps mort, même si je n'ai pas écouté grand-chose à leurs explications.
En fait, le programme est simple : faire parler les instruments, les faire adopter des sonorités et des phrasés qui imitent le langage humain. Une sorte de "Sprechgesang" instrumental ! Le premier mouvement est une sorte de mise en bouche, avec des gazouillis de bébé, et le troisième se concentre sur une mélodie comme d'un rituel apaisant. L'essentiel est donc dans le mouvement central et le plus long, où de nombreuses émotions sont évoquées et retranscrites, provoquant nombre de solos et duos, et le tout enrobé dans de l'électronique qui lisse un peu les transitions.
C'est intéressant, bien réalisé, mais pas vraiment prenant, peut-être parce que le projet de départ est lui-même d'une ambition assez limitée.

Arnold Schoenberg - Erwartung

Je pense que la dernière fois que j'ai entendu cette oeuvre en concert, c'était dirigé par Pierre Boulez, couplé avec le Pierrot Lunaire, et le tout avec une mise en scène ; grande soirée !
Ce soir, pas de mise en scène, mais une mise en place musicale impeccable, une grande chanteuse Deborah Polaski, et c'est parti pour cette exploration lugubre d'une scène de crime, où l'oreille n'arrête pas de découvrir de nouveaux détails, un ostinato aux harpes, un silence soudain de plusieurs secondes, des rythmes qui changent continuellement, il n'y a rien de stable dans cet univers-là, ni dans la musique où aucun thème n'unit les poussées fiévreuses, ni dans les paroles où le corps apparaît et disparaît, où l'amour, la haine, la jalousie se disputent, et c'est la première fois qu'il me semble presque évident que ce soit elle, la narratrice, qui aurait tué son amant infidèle.

Ailleurs : Benjamin Duvshani, guillaume ...

dimanche 2 septembre 2012

Planning Septembre - Octobre 2012

Contrairement à la tradition, je ne commence pas l'année avec "Jazz à la Villette", leur programme cette année n'a pas suscité assez d'envie pour que je m'y abonne. Du coup, ce sera à Pleyel qui j'inaugurerai la saison ...

Et le Jazz continue, avec par exemple :

vendredi 13 juillet 2012

Yes is a pleasant country (L'Improviste - 1 Juillet 2012)

A l'heure théorique de début de concert, nous sommes deux dans la salle. Lorsqu'il débute une demi-heure plus tard, nous sommes une dizaine. A la fin, une grosse heure plus tard, nous sommes une cinquantaine. Je n'aime pas ces ambiances où les gens arrivent sans savoir ce qu'ils viennent voir, sont surtout là pour boire un verre en écoutant de la musique. C'est une forme de manque de respect pour les musiciens, et j'ai bien l'impression que cela influe aussi sur leur jeu, jouer devant une salle presque vide, puis se remplissant au petit bonheur la chance, ne doit pas aider à se concentrer pour sortir le meilleur d'eux-mêmes.
Toujours est-il que j'ai moins apprécié cette prestation que celle vue au Studio de l'Ermitage en Février dernier, où cela avait été un des meilleurs concerts de l'année. Plus que Jeanne Added, moins intense que d'habitude, et que Vincent Lê Quang, moins brûlant que la dernière fois, celui qui m'impressionne le plus ce soir est le pianiste Bruno Ruder, dans une veine proche d'improvisations en musique contemporaine, sombre et abstraite, assez violente, des éclats de silex qui provoquent des étincelles. Il me semble qu'il y a aussi plus de duos, dans les trois configurations possibles.
Quelques nouvelles compositions, mais qui restent dans le même creuset (un nouveau disque serait problématique, pour créer du pareil mais différent). Et à mon grand regret, pas de "I carry your heart". Décidément, une pointe de déception dans ce dernier concert de l'année.
yes is a pleasant country

samedi 7 juillet 2012

Carte Blanche à Anne Paceo (Péniche Anako - 27 Juin 2012)

C'est la dernière session d'Anne Paceo à la péniche Anako avant quelque temps, puisqu'après la pause estivale, elle est pratiquement interdite de concert avant celui donné en l'honneur de son nouveau disque en quintet le 26 octobre !
Ce soir, elle a réuni la trompettiste Airelle Besson, le guitariste Pierre Durand et le contrebassiste Bruno Schorp. La paire rythmique fonctionne très bien, dans un registre tempéré, avec quelques passages plus frénétiques, quelques solos de contrebasse, pas un seul véritable à la batterie, et donc un emplacement essentiellement au service des deux autres. J'ai bien aimé Airelle Besson, que je ne connaissais que dans le très calme et beau disque Filigrane, et qui habite un territoire beaucoup plus étendu (cf par exemple Rockingchair). Ses solos sont posés, assez courts, très maîtrisés, de la belle ouvrage. A la guitare, Pierre Durand, qui officiait également dans Rockingchair, prend plus son temps, parfois trop à mon goût, ce sont des voyages à la Pat Metheny, mais je me perds parfois en route.
L'ambiance est détendue et la musique globalement fort agréable, mais je n'est pas été plus enthousiasmé que ça, le mélange proposé ce soir ne dépasse pas vraiment la somme des talents individuels. Ca ne donne que plus de valeur aux soirs où ce petit miracle se produit !

Philharmonia / Salonen - Bartok (Théâtre des Champs-Elysées - 25 Juin 2012)

Ce concert est arrivé comme un cadeau imprévu, merci aux malheureux qui avaient acheté des places et n'ont pas pu en profiter, merci aux intermédiaires qui ont pensé à moi lors de la distribution des billets.

Bela Bartok - Le Prince des Bois

Quand commence la musique, une dame au rang supérieur glisse à son mari, en chuchotant très fort : "C'est la musique inspirée par Wagner, le début de l'or du Rhin !". De fait, elle n'a pas tort. Sous la baguette d'Esa-Pekka Salonen, la similitude est frappante. Et d'autres comparaisons s'imposent du coup par la suite, quand éclate un orage, ou quand s'amorce un grand voyage.
Les matières sont somptueuses, et le flux à la fois majestueux et limpide. Une interprétation très classe.

Bela Bartok - 3ème concerto pour piano

Je préfère nettement les deux premiers concerti, celui-ci est un peu trop américain, circonstances obligent. Je regarde passer les notes, et n'arrive pas vraiment à accrocher, ni à la musique, ni au jeu de Nikolaï Lugansky. Je lis que son interprétation était assez originale, voire "hors-sujet", soit.

Bela Bartok - Concerto pour orchestre

C'est bien sur l'occasion pour les musiciens de briller - et ils ne s'en privent pas ! Bien sur, les solistes successifs sont à l'honneur. Mais c'est peut-être les cordes de ce Philarmonia Orchestra qui m'ont le plus impressionné, par leur capacité à changer de couleur ou de sonorité en un instant, de l'obscur au lumineux, du soyeux au plus rêche, en fonction des épisodes d'une partition assez fragmentée mais que l'énergie du chef et des musiciens unit dans un élan très prenant. philarmonia / salonen / lugansky Ailleurs : Joël, Paris-Broadway, Corley, Zvezdo, etc.

dimanche 1 juillet 2012

Faustin Linyekula - Création du Monde (Théâtre de la Ville - 21 Juin 2012)

Ce spectacle est divisé en trois parties, de plus en plus courte : une heure de chorégraphie originale de Linyekula interprétée par la troupe du CCN Ballet de Lorraine, puis 20 minutes de reprise de la chorégraphie de 1923 de Jean Börlin, et enfin 10 minutes de monologue dansé par Linyekula.

C'est une immense troupe, plus de 30 personnes, tous jeunes, et tous à peu près blancs de peau, qui rapidement se retrouvent en justaucorps colorés ornés de motifs curvilignes noirs, assez jolis. La danse est ample, avec de beaux mouvements de bras, des poses, des défis, des affrontements, de nombreux moments qui opposent un individu à un groupe. Des critiques y ont vu naître des histoires d'amour, qui m'ont un peu échappé. La musique de Fabrizio Cassol est un formidable et splendide amalgame, depuis des rythmes africains jusqu'à des quatuors à cordes très classiques, contraposées et non juxtaposés, qui tout du long me semble fascinant. C'est peut-être un peu long, surtout quand je ne vois pas des lignes directrices claires, mais sans ennui pour autant.
Pendant ce temps, Djodjo Kazadi, en tenue de ville, s'affaire sur les bords du plateau à ranger et mettre en place le décor de la seconde partie.

En 1923 a été créé au Théâtre des Champs-Elysées le "premier ballet d'inspiration nègre", avec musique de Milhaud, "La Création du Monde", livret de Blaise Cendras (dont je n'ai rien compris), décor et costumes de Fernand Léger (décor OK, mais costumes trop contraignants), chorégraphie de de Jean Börlin (qui m'a plus semblé être un défilé des costumes de Léger dans les mouvements qu'ils permettaient), pour les Ballets Suédois, qui rivalisaient d'audace avec les Ballets Russes.
Je n'ai pas du tout été emporté. La musique est bien sur fort plaisante, mais les corps sont invisibles, et l'histoire incompréhensible.

C'est contre ce masquage des corps et des individualités, et cet effacement de la colonisation dans une histoire africaine inventée par des européens, que Faustin Linyekula s'insurge dans une courte troisième partie, où Djodjo Kazadi qui se fait son porte-parole crie un texte rageur et interrogatif sur la négritude, et la soumission des danseurs, et les images d'Epinal de l'Afrique vue par les blancs, etc.
Texte un brin confus, parce que ces questions n'ont pas de réponses, qu'il lance au public avec beaucoup de force, tout en tremblements hystériques et en occupant la scène avec une formidable présence.
faustin linyekula et le ccn ballet de lorraine Ailleurs: Chaudon, Guedouar, Bretault ...

jeudi 28 juin 2012

Joshua Redman - Double trio (Cité de la Musique - 17 Juin 2012)

Un saxophoniste, deux batteurs, deux contrebassistes, combien de possibilités ? Bien plus que les configurations présentées ce soir, où on a soit un trio, soit un quintet, mais aucune configuration genre les deux contrebassistes et un batteur ; Joshua Redman, souffleur talentueux, parfois fougueux, souvent joliment lyrique, n'est pas Steve Coleman, et ne cherche pas à être particulièrement original.
En fonction des partenaires choisis pour tel ou tel morceau, les couleurs changent. Matt Penman excelle dans les solos de contrebasse lents, qui prennent le temps de raconter une histoire. Reuben Rogers est plus dans la pulsion. Les batteurs aussi se différencient. Brian Blade apporte des épices par d'incisives explosions. Gregory Hutchinson est plus proche d'une sonorité de batteur Free, sans en avoir la rugosité, le contexte ne le permettrait pas.
Les morceaux sont essentiellement de Redman, mais il conclut par des thèmes plus divers : "Barracuda", qui, explique-t-il, a été popularisé par Wayne Shorter mais n'est pas de lui, puis "Clair de Lune", issu de la sonate de Beethoven, et enfin "The Ocean" de Led Zeppelin, "que seuls les plus jeunes sans doute reconnaîtront". Euh vraiment, Led Zep populaire chez les jeunes d'aujourd'hui ? Bref, des speechs de présentation des morceaux sympathiques mais un peu "vieux professeur" ...
Au final, un bon concert de Jazz, mais rien de révolutionnaire ... joshua redman double trio Spotify: Cette idée de groupe aux éléments permutables a donné en premier lieu l'album Compass, avant les tournées.

jeudi 21 juin 2012

Carte blanche à Clément Himbert (Cité de la Musique - 16 Juin 2012)

Arnold Schoenberg - Verklaerte Nacht

Voici une transcription de la Nuit Transfigurée que je ne connaissais pas : écrite par Eduard Steuermann, elle utilise un trio violon violoncelle et piano. Les élèves du CNSMDP qui la jouent, Jae-Won Lee au violon, Tristan Cornut au violoncelle et François Lambret au piano, ont pris le nom de "Trio Paul Klee". Il me semble que cette transcription distribue facilement les rôles du drame musical : à la femme le violon, à l'homme le violoncelle, et le piano pour le reste. Ce dernier reste d'ailleurs bien en arrière-plan, comme s'il accompagnait un lied. J'aime bien les premiers mouvements, les plus sombres, mais décroche quand l'oeuvre bascule vers son coté clair.

Heitor Villa-Lobos - Fantasia

Le travail de Yedam Kim au piano est phagocité par celui de Clément Himbert au saxophone, qui se lance avec une fougue éclatante de bonheur dans cette fantaisie transcrite, au point que je me demande s'il n'a pas en partie improvisé et rajouté des cadences. En tous cas, il y met une souplesse de tempo et une allégresse dans les mélodies sinueuses qui font pencher cette pièce vers le Jazz.

Michael Nyman - Sharing the Curve

Himbert, qui visiblement mène ce concert, explique que Nyman fait partie de l'école minimaliste et répétitive, et que cette pièce n'utilise que quatre accords. Il y accompagne de son saxophone un quatuor à cordes composé de Mi-Sa Yang et Jae-Won Lee aux violons, Barbara Giepner à l'alto et Tristan Cornut au violoncelle. C'est effectivement minimaliste et répétitif, bref, de la musique qui est intéressante pour illustrer, mais pas vraiment suffisante en elle-même à mon goût. Voici par exemple un clip plaisant, où le plaisir de l'oeil complète celui de l'oreille.

Sylvain Rifflet - Double

Rifflet est un saxophoniste de Jazz. Himbert et lui se rencontrent régulièrement pour créer de la musique ensemble. Ce "Double", pour deux saxophones et dispositif électronique, est en trois parties : dans la première, ils jouent tous deux en parallèle, je n'ai pas bien vu l'intérêt ; dans la deuxième et plus longue, l'un joue au milieu des échos générés par l'autre, cela crée un sentiment d'être dans une immense caverne, c'est fort beau ; la troisième reprend la mélodie de la première, mais avec un délai, comme un canon, ou un tuilage, ce qui donne tout de suite plus de profondeur.

Manoury Verunelli Ferneyhough (Cité de la Musique - 10 Juin 2012)

Philippe Manoury - Stringendo

C'est la création française de ce quatuor à cordes, créé il y a deux ans à Donaueschingen par le même quatuor Arditti que ce soir. Pas d'électronique ni d'informatique, juste les cordes. Elles suffisent pour maintenir agréablement l'attention pendant les 20 minutes. J'y ai surtout aimé des séquences en touches très brèves, comme des faux pizzicatti.

Francesca Verunelli - Unfolding

Dans le livret, la compositrice explique qu'elle veut faire muter un matériel musical jusqu'au danger de le rendre méconnaissable. Mais c'est l'effet inverse que je ressens : je ne reconnais aucune variation significative dans cette soupe de sonorités aiguës, que le dispositif électronique n'éclaire guère, et qui me reste imperméable d'un bout à l'autre.

Brian Ferneyhough - Quatuor à cordes n°6

Comme "Stringendo", ce quatuor a été commandé par les Arditti et créé à Donaueschingen en 2010. Quel bonheur de retrouver la complexité qui me semble si évidente de Ferneyhough ! Je ne comprends rien aux structures mises en oeuvre, mais je ressens les tensions et les détentes, les idées qui éclosent s'épanouissent puis sont remplacées, parfois rapidement, mais en gardant une cohérence dont j'ignore le mécanisme. Ici, les séquences se superposent, au lieu de se succéder séparées par des silences. C'est à en perdre haleine, mais j'y gagne rapidement un effet de second souffle. Ses "Sonates" pour quatuor à cordes ont été une étape importante dans mon amour pour la musique contemporaine, et que presque toute son oeuvre pour quatuor à cordes ne soit que sur des disques épuisés est désolant. quatuor arditti

dimanche 17 juin 2012

Manoury Berio (Cité de la Musique - 9 Juin 2012)

Philippe Manoury - Neptune

Dans le cycle "Sonus ex machina" essentiel dans l'histoire de la musique avec informatique en temps réel, ma pièce préférée est "La Partition du Ciel et de l'Enfer", et celle que j'aime le moins est "Neptune". Question de son, d'abord : deux vibraphones et un marimba, ça ne permet pas la variété de couleurs que possède un orchestre entourant un piano ou une flûte soliste. Bien sur, il y a toute la partie électronique qui permet de varier les effets et les ambiances, et en concert, ça marche mieux que sur CD, à cause de l'ajout spectaculaire de la spatialisation. Mais cet appareillage produit des sons qui vieillissent bien plus vite que n'importe quel instrument réel. Quant à la structure de l'oeuvre, je ne la comprends pas suffisamment pour que sa dramaturgie seule me tienne en haleine. Du coup, la grosse demi-heure est un peu longue ... philippe manoury - neptune

Luciano Berio - Ofanim

Le livret indique qu'il s'agit de la création française de la version de 1997. En voyant entrer la soprano Esti Kenan Ofri et son étrange robe cocon, je me rends compte que j'ai déjà entendu cette oeuvre, lors d'un Festival d'Automne, sans doute en 1992 d'après ce que me dit Internet ; c'était à l'opéra Bastille, et j'y entrais alors pour la première fois.
Si pour Manoury, il n'y avait que trois percussionnistes et de l'informatique, cette fois il y a un EIC plus au complet, et la Maîtrise de Radio-France. Du coup, Susanna Mälkki dirige avec de très grands gestes bien fermes.
De ma première écoute, je me souvenais du chant final de la cantatrice. Mais avant, il y a beaucoup de musique, et qui ne me plait guère : c'est assez répétitif, et surtout ça sature assez souvent, dans un grand mélange d'orchestre, de choeur et d'effets informatiques où on ne reconnait plus grand-chose.
Du coup, je n'entre vraiment que lors de l'entrée du chant soliste ; la cantatrice cette fois y met moins d'effet visuel (la précédente se levait lentement, comme émergeant de la terre, puis se frappait très théâtralement la poitrine), mais ce chant plein de désespoir résonne toujours avec force, un calme après la tempête qui n'apporte aucun réconfort, plutôt une lamentation sur les cadavres laissés par les épisodes précédents. ofanim

lundi 11 juin 2012

Johann Sebastian Bach - Messe en si (Salle Pleyel - 4 Juin 2012)

Voici donc l'un des grands interprètes d'aujourd'hui de la musique sacrée de Bach : Masaaki Suzuki à la tête du Bach Collegium Japan. Le concert obéit à la même esthétique que ses disques : une précision architecturale intransigeante, qui anesthésie quelque peu la vitalité de cette musique. Pas d'exubérance, peu de débordements. Tout est impeccablement à sa place, mais par moments c'est un peu trop clinique (le danger, c'est que ça en devienne stérile ...).
Cette précision se constate principalement, et là avec bonheur, dans la direction du choeur, souverain d'un bout à l'autre. Il n'y a qu'une seule voix, qui module et qui se divise en diverses parties, mais qui reste d'un niveau de qualité et d'une homogénéité absolument sidérante. C'est sur le choeur qu'il faut focaliser son attention, ce que je fais après petite discussion avec Joël à l'entracte, et m'en trouve effectivement bien récompensé. Car les solistes sont eux un peu sacrifiés. Non pas qu'ils soient forcément médiocres, mais ils ne sont en fait qu'à peine présents. Même en duo, une configuration que j'aime tant dans les cantates dirigées par Gardiner, l'émotion ne naît guère des solistes.
Les musiciens ont plus de chance, qui peuvent délivrer de fort jolis solos. Si le prix de la plus belle intervention revient au cor en première partie, et à la flûte dans la seconde (merveilleux Benedictus), tous les pupitres ont des moments de grâce (les trois trompettes et le timbalier me restent le plus en mémoire).
Une très belle prestation, donc, accueillie de manière assez délirante par le public (qui applaudit comme des fous avant l'entracte, obligeant maints retours et saluts du chef !). bach collegium japan - masaaki suzuki Ailleurs : Joël, Palpatine

Manifeste 2012 - Le Voyage (Centre Pompidou - 2 Juin 2012)

Marta Gentilucci - Da una crepa

L'effectif de cette oeuvre est si atypique que je me demande si elle n'a pas été écrite spécialement pour ce soir, qui en requérait un du même type pour la pièce maîtresse : 1 soprano solo, 5 choristes, clarinette, percussions, violoncelle, et électronique en temps réel. La soliste est Amandine Trenc, issue et accompagnée de l'ensemble "Les Cris de Paris", les musiciens viennent principalement de l'EIC.
Le début est curieusement assez modeste, en a-plat presque homophone. Puis les choses prennent de l'ampleur, les voix des choristes se séparent, l'émotion devient plus présente. Pas mal.

Jonathan Harvey - Chant, Three Sketches

Ce sont du coup quatre courtes pièces de Jonathan Harvey pour violoncelle solo, qui nécessitent des réaccordages de l'une à l'autre, ce que Eric-Maria Couturier effectue avec rapidité et précision. Interprétation impeccable, pour des pièces où sous la légèreté on entend toujours une part mystique (ici, la rituelle du chant de cérémonie).

Johannes Maria Staud - Le Voyage

C'est pour cette pièce que j'ai osé retourner dans cette salle au sous-sol du centre Pompidou qu'en fait je n'aime guère, parce que je suis souvent déçu par ce que j'y entends. Staud avait composé une sorte de teaser, appelé "Par Ici !", qui m'avait emballé. Mais la version définitive est assez différente (encore une bande-annonce quelque peu mensongère !). Le texte, interprété, c'est-à dire lu et aussi joué, avec déplacements et mise en scène, par Marcel Bozonnet, prend une place prépondérante. Ca tombe bien, c'est un poème de Baudelaire que j'adore, le seul poème long dont je connaisse de larges parts par coeur. C'est d'ailleurs l'occasion de redécouvrir certains passages oubliés. Autour du texte, les musiciens (trompette, percussions, accordéon, violoncelle), le choeur (les 6 membres des Cris de Paris), et l'électronique, proposent des habillages divers, dont l'adaptation au récit n'est pas toujours évidente. Mais j'aurais préféré une présence plus centrale de la musique, qui aurait pu réciter le texte par évocations à la place du comédien. Là, l'exercice m'a un peu dérouté (mais je ne suis pas habitué aux récitations publiques de texte). bozonnet staud jourdain

jeudi 7 juin 2012

Orchestre de Paris - Ligeti Manoury Mahler (Salle Pleyel - 1 Juin 2012)

György Ligeti - Atmosphères

Il me semble que Ingo Metzmacher privilégie une approche feutrée, on est souvent proche du silence, d'où émergent les surprenantes ambiances successives où les instruments jouent souvent à se déguiser : les cuivres se transforment en machine à vent, les cordes en assemblée de harpes ... Au milieu de la pièce, il y a ce moment si caractéristique de Ligeti mais ici particulièrement démonstratif : l'orchestre s'élève vers l'ultra-aigu, puis cette limite atteinte, la franchit en infra-basse. Plusieurs musiciens retirent alors des protections de leurs oreilles, tant l'aigu était effectivement strident. Malheureusement, la partition teste aussi aux limites les capacités de l'Orchestre de Paris, qui parfois flotte dans un hors-piste peu glorieux, et a du mal avec les longs pianissimos. Et globalement, tout ça reste assez plat.

Philippe Manoury - Echo-Daimonon

C'est le gros morceau du concert : un concerto pour piano, orchestre et électronique en temps réel, en création mondiale. Jean-Frédéric Neuburger s'installe au clavier. Sa partition est virtuose, mais de façon assez conventionnelle ; on y trouve beaucoup de stéréotypes, du genre cavalcades ou martèlements. La pièce est censée raconter une histoire, la lutte entre le pinao réel et quatre pianos fantômes, qui à la fin semblent vaincus, mais ont en fait gagné, comme le prouve le jeu dans les cordes par le pianiste manifestement donc possédé (!) ; mais ça ne marche guère, en fait on s'en fout. Dans ce vaste maelström musical plein de percussions, d'électronique et de pianos multipliés (mais qui reste plus digeste que "On-Iron" que j'avais peu apprécié), mes moments préférés sont purement orchestraux, en particulier une belle polyphonie lente du type orchestre qui s'éveille. A l'inverse, les cadences pianistiques n'offrent guère d'intérêt. manoury neuburger metzmacher

György Ligeti - Lontano

Cette oeuvre peut provoquer des frissons par sa tension, et un sentiment d'angoisse, proche des pages lentes de Bartok. Mais pas ce soir, où cela reste joli, intéressant, alors que ce devrait être tout à fait autre chose. J'ai réécouté des versions CD pour me rassurer : non ce n'a pas vieilli, c'est juste que l'Orchestre de Paris dirigé par Metzmacher n'est pas à la hauteur de l'oeuvre...

Gustav Mahler - Adagio de la Symphonie n°10

Comme le dit guillaume, le plus beau moment de ce concert est sans nul doute la transition sans applaudissements de Lontano à l'Adagio. Un pont temporel qui éblouit par son évidence. Finalement, il devait y avoir une tension de créée, à la fin de Lontano, pour qu'on ressente tant de plaisir à sa résolution au début de l'Adagio. Ici, l'orchestre se trouve mieux. Metzmacher l'exhorte des poings et de tout le corps à exprimer davantage de passion en d'engagement ; en tous cas, c'est comme ça que je traduis sa chorégraphie. Et ça marche plutôt bien.

Ailleurs : Palpatine, Joël, guillaume, Herlin

Peeping Tom - A Louer (Théâtre de la Ville - 29 Mai 2012)

C'est la première fois que je voie cette compagnie, qui d'après des voisines discutant, passait jusqu'ici aux Abbesses. Mais ce spectacle n'aurait pas pu y trouver sa place : le décor, qui en est une part importante, nécessite une grande scène, et un haut plafond. C'est une sorte de hall d'hôtel, avec des fauteuils, des lampadaires, et surtout de grands rideaux rouges, qui cachent des portes, des escaliers, et des mezzanines.
Un majordome asiatique s'y affaire, puis soudain se tord la cheville, vacille, se tord encore plus, et finit par se contorsionner en tous sens, avant de se redresser d'un bond, puis de retomber dans cette danse spectaculairement désarticulée, qui sera l'une des marques de la chorégraphie. Il est bientôt rejoint par la gérante du lieu. Entre eux, il y a plus que des relations de travail, mais quoi exactement n'est pas dit. C'est un des fils directeurs de l'intrigue. Par moment, le majordome se dédouble, ce qui donne des poursuites fantasmatiques où il disparaît par une porte et surgit aussitôt par une autre. Elle semble lasse de son rôle, il est obligé de la pousser : "it's time to start, madam ; it's time to stop, madam ; it's time to continue, madam".
Un autre fil directeur est formé par quelques autres clients, une cantatrice, son mari imprésario, et leur fils qu'elle ne reconnaît pas. Lui ne se dédouble pas vraiment, mais devient soudain vieillard. Entre eux, c'est douloureux, elle a tout donné à son art et se retrouve vide quand la gloire commence à passer, elle voudrait arrêter mais son imprésario la jette à nouveau sur une scène de plus, le fils délaissé finit peut-être par la plaindre, je ne sais plus.
Un autre élément, ce sont des acheteurs qui passent, qui visitent, qui se cachent derrière les meubles, ils ont un coté vaguement rongeurs. C'est peut-être cet aspect d'hôtel à vendre qui donne le nom à la pièce.

Il y a donc de la danse, du chant, du théâtre. Il y a aussi une très forte présence de cinéma, en particulier David Lynch, dans les grands rideaux rouges, et dans la gestion du temps, qu'ils arrivent à figer, à accélérer et ralentir, et même, aidés en cela par des effets sonores très réussis et une maîtrise du corps assez circassienne, à faire repartir en arrière.
La bande son est aussi très originale, des mélanges d'électroniques, de musiques classiques pour cordes, et quelques chansons, pour la cantatrice ou pour son fils au piano.
Un spectacle surprenant, fort, qui laisse des souvenirs. peeping tom - à louer Ailleurs : Danses avec la plume, Théâtrothèque, Maison Bastille.

mercredi 30 mai 2012

Joëlle Léandre - Chantier ! (Galerie G - 26 Mai 2012)

Encore un lieu bizarre, une sorte de galerie d'art installée dans une sorte de parking souterrain ("l'art au garage"). Depuis une semaine, Joëlle Léandre donnait des cours d'improvisation à une quinzaine de musiciens, et ce concert est leur spectacle de fin de stage. Les appariements ont été tirés au hasard, et donnent une dizaine de séquences, pour solo, duo, sextets, jusqu'à l'ensemble complet. Il y a une vaste variété d'ages, et d'instruments, même si je suis surpris par le nombre de vocalistes. Comme ils ne se sont pas présentés, je ne sais pas très bien qui est qui. Du coup, voici la liste complète des participants :

  • Joëlle Léandre / Contrebasse
  • Baptiste Arnaud / Clarinettes
  • Simonetta Parisi / Piano
  • Dora Stalidou / Piano
  • Fred Marty / Contrebasse
  • Guillaume Lys / Contrebasse
  • Christophe Delerce / Bandonéon - Clarinette
  • Dominique Wisniewski / Guitare
  • Pierre Jeammes / Voix
  • Pascale Tardif / Voix
  • Bianca Iannuzzi / Voix
  • Rafaele Arditti / Trompette - Tuba
  • Véronique Weeger-Ernoult / Violon
  • Jacques Pochat / Saxophone ténor


Tous ne réussissent pas à s'imposer, au cours de ces courtes séquences de 5 minutes. Parfois, d'ailleurs, personne ne réussit, et ça donne une plage uniforme qui ne mêne pas à grand-chose. Et puis, par moment, quelque-chose se déclenche, un envol du violon, une manipulation sonore de la guitare, une voix qui s'exclame, un piano joué dans les cordes (comme le piano est droit, c'est visuellement inhabituel !), et la magie opère. C'est la faire durer, et en assurer la survenance à chaque fois, qui leur demandera des années de pratique !
Le plus beau, c'est que c'est le dernier morceau qui est le plus réussi, pour deux contrebasses, bandonéon et violon, qui démarrent en force, s'offrent un répit, puis repartent en trombe, avec une belle unité. D'ailleurs, comment se mettre d'accord pour s'arrêter ensemble est un des jolis mystères de l'improvisation, surtout quand les plages sont si courtes.
Je ne sais pas si je recroiserai un jour certains de ces musiciens, en tous cas, c'était un très agréable concert d'après-midi.
Joëlle Léandre - Chantier! à la Galerie G par Laurent_Gautier_7

Le Tour du Monde en 80 Jours (Café de la Gare - 23 Mai 2012)

Mon beau-frère en vadrouille à Paris préférant le théâtre au cinéma, je choisis parmi les spectacles mis en avant par Télérama cette adaptation du "Tour du monde en 80 jours". Le lieu déjà m'attirait : c'est la première fois que je vais au mythique Café de la Gare. Etrange salle : on traverse des couloirs ornés de bibliothèques avant de déboucher dans une salle que la scène coupe en biais, avec des rangées de sièges disposées en triangle, sous un plafond partiellement masqué soutenu par de splendides poutres apparemment fort anciennes. La scène n'est pas bien grande, et le décor minimal : une fausse scène est bâtie sur la vraie, avec un semblant de portes, de chaises et de table, qui figurera quelques boutiques, mais surtout de nombreux compartiments de chemins de fer ou de paquebot.
Ce n'est plus la fameuse "troupe du café de la gare" qui officie, mais les quatre comédiens et la comédienne, dont certains endossent moult costumes successifs au gré des personnages, sont pétaradants de fantaisie et d'énergie. Comme la pièce est donnée depuis plusieurs années, ils l'agrémentent de petites touches d'actualité, ce qui permet d'échapper à la routine. Ca permet aussi de revenir, puisque dans quelques mois le texte aura suffisamment changé pour générer des surprises ! Certaines répliques passent de toute façon trop vite pour en épuiser le charme en une fois.
Donc, un spectacle très tonique, joyeux, qui ne prend pas la tête, une excellente petite soirée. le tour du monde en 80 jours

dimanche 27 mai 2012

Ciné-concert - Dr Jekyll and Mr Hyde (Cité de la Musique - 22 Mai 2012)

Sur l'écran, c'est le "Dr Jekyll and Mr Hyde" de John S. Robertson, datant de 1920, avec dans le double rôle principal un très impressionnant John Barrymore, jeune premier banal qui éclate dans le visage du monstre, yeux tirés, sourire sardonique, une figure du mal extraordinaire.
Sous l'écran, trois musiciens : le batteur Cyril Bilbeaud et les guitaristes Serge Teyssot-Gay et Marc Sens. Ils jouent sans discontinuer pendant tout le film, une coulée musicale d'un seul bloc, mais qui propose deux climats très différents pour les deux faces du héros. Pour Jekyll, l'accent est mis sur les cymbales, qui grincent et qui couinent, avec les guitares un peu en retrait, comme flottantes. Pour Hyde, le rythme est plus martelé, et les guitares vrombissent, et hachent l'espace de sourds clusters (pom-pom, pom-pom, mais en plus lourd). C'est une plongée dans les marécages sordides et convulsifs de l'âme humaine.
A la fin, Mr Hyde s'est suicidé avant de pouvoir tuer la fiancée de Dr Jekyll, un ami conclut avec raison que "Mr Hyde a tué le Dr Jekyll", et quand la lumière revient, les guitaristes épongent leur sueur, qui ne vient pas pour une fois des projecteurs : tenir cette puissance de feu pendant plus d'une heure est aussi une épreuve physique.
Comme d'habitude pendant les ciné-concerts, j'ai eu du mal à ne pas somnoler, malgré la narration très forte du film et la musique bien prenante du trio, et je ressors avec les oreilles qui bourdonnent un peu, mais satisfait.

Spotify : Serge Teyssot-Gay est connu en tant que membre de Noir Désir, mais il expérimente d'autres musiques dans d'autres contextes, par exemple en duo avec Khaled Aljaramani dans le groupe Interzone : Interzone - 2ème Jour. On parle aussi pour bientôt d'un disque en duo avec la contrebassiste improvisatrice Joëlle Léandre, c'est dire l'étendue musicale de cet homme.
Je ne connais pas Marc Sens, mais ce disque fait déjà peur à lui tout seul : Marc Sens - Distorted Vision.