jeudi 29 novembre 2012

Futurismes - Autour de Xenakis (Cité de la Musique - 24 Novembre 2012)

Iannis Xenakis - Terretektorh

Parfois, la Cité organise un concert où une même oeuvre est donnée deux fois, et où les gens sont invités à se déplacer pour en profiter selon deux points d'audition différents. Il faut bien sur une oeuvre avec des effets de spatialisation. C'est le cas ce soir avec "Terretektohr" de Xenakis, habitué de ce type de pièce. Mais celle-ci ne m'apparaît pas comme particulièrement au-dessus du lot : des musiciens en petits groupes disséminés au milieu du public, en bas et dans les gradins ; une structure en épisodes successifs, qui déploient des effets divers : c'est par moments impressionnant (le début, avec une note répétée et démultipliée aux cordes), par moments ça m'énerve (les musiciens qui emploient tous des claquettes de manière je pense aléatoire), et par moments c'est magique (l'utilisation de sifflets, qui donne paradoxalement une sensation aquatique !). Mais ce qui me manque, c'est que l'ensemble ne me raconte pas grand-chose.

terretektorh 1

György Ligeti - Lontano

Par rapport à la dernière fois où j'ai entendu cette oeuvre, l'Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par Pascal Rophé donne une version pleine de tension, de mystère, de beauté. Ils sont restés dans la configuration éclatée, et ça marche très bien. Lorsque se met en place le grand écart entre infra-basses et sur-aigus, ces deux extrêmes flottent, issus on ne sait d'où, et c'est fantastique.

Michaël Levinas - L'Amphithéâtre

Cette pièce, comme la suivante, est une commande spéciale pour ce soir : il s'agit d'écrire pour le même orchestre et la même disposition spatiale que pour "Terretektohr". Levinas réduit les éléments musicaux (ce qui fait qu'on échappe à l'effet suite d'effets). Il y a une très belle montée infinie dans les cordes, et des cuivres qui par moments tournoient sur eux-mêmes. Le tout est très cohérent.

Luis Tinoco - Cercle intérieur

J'ai beaucoup aimé, mais le fait d'avoir ressenti beaucoup de plaisir est quasiment le seul souvenir qui m'en reste ! Des sensations de couleur, des matières musicales variées, des impressions de déplacement des lignes orchestrales, et une envie de réentendre ce compositeur !

Iannis Xenakis - Terretektorh

Cette fois, je suis au-dessus de la salle, dans la galerie. Les sifflets font moins d'effet. Par contre, je découvre un très intéressant dialogue entre les timbales des gradins, que je n'avais pas du tout perçu à la première audition.

terretektorh 2

Ailleurs : Michèle Tosi

lundi 26 novembre 2012

Futurismes - Autour de Varèse (Cité de la Musique - 20 Novembre 2012)

Edgard Varèse - Ionisation

Les percussionnistes de l'Ensemble Intercontemporain sont complétés par des élèves du CNSMDP pour une version lumineusement articulée et joyeuse de cette pièce mythique pour percussions et sirènes. C'est la première partie qui m'enthousiaste le plus, que Susanna Mälkki dirige sans forcer la puissance, mais en exaltant au contraire le swing rebondissant, et l'allant allègre. Et même quand monte la puissance, cela se fait sans démonstration apocalyptique, et ça fait du bien.

Enno Poppe - Speicher III-IV-V

Enno Poppe s'est lancé dans un vaste cycle devant atteindre les 80 minutes. Ce sont ici les mouvements centraux. C'est le premier, enfin le III, que je préfère, avec deux flûtes jumelles comme créant un instrument nouveau en entrelaçant leurs lignes, et des solis de violons et d'altos qui imitent des voix humaines qui se plaindraient sans qu'on les prenne trop au sérieux. Les autres mouvement m'ont laissés peu de souvenirs - un peu trop de matière, pas assez de variété dans les textures, je crois.

Edgard Varèse - Poème électronique

A la fin de l'audition de ces bandes, voyant sans doute mon air peu ravi, mon voisin m'explique que le lieu y fait aussi, quand il avait assisté tout jeune à la création à Bruxelles, cela avait une toute autre allure, que cette fascination a effectivement vieillie, mais bon, c'est la vie ...

Benedict Mason - drawing tunes and figuring photos

Ce sont pendant une douzaine de minutes comme une suite de photographies, dans un noir et blanc classique, d'une grande ville, New-York peut-être, ambiances de rues, ici quelque-chose de neigeux, là une impression de club de Jazz. C'est joli et divertissant.

Mauro Lanza - #9

Le compositeur explique être parti d'idées musicales très minimales, et s'être demandé comment construire un discours avec. Eh bien, il suffit de passer à la musique spectrale (ou post-spectrale ?) ! Les idées de départ se répètent, créant des habitudes et donc des prévisibilités, mais sont d'une fois à l'autre légèrement variées pour structurer l'ensemble. Le résultat final est du coup cohérent sans être lassant, plein de surprises sans partir dans tous les sens, bref, c'est une belle réussite, très plaisante.

eic, mauro lanza, susanna mälkki

Edgard Varèse - Ecuatorial

Si les oeuvres de Varèse sont en général peu données, celle-ci l'est encore moins, vu son effectif : thérémins ou ondes Martenot, choeur de voix d'hommes, c'est spécial. Ce soir, l'ensemble est de plain-pied avec le public, sur l'un des longs cotés de la salle. Et le choeur est installé dans les gradins de l'étage au-dessus. Comme je suis juste devant l'orchestre, ce choeur me surplombe fortement. L'effet est massif. Au futur des ondes Martenot s'oppose la puissance primitive de ces voix de basse. Mais je ne vais guère au-delà de cet effet de choc, et ne suis pas vraiment emporté : il aurait fallu mieux connaître la pièce avant pour pouvoir mieux l'apprécier.

Ailleurs: Michèle Tosi

dimanche 11 novembre 2012

Planning Novembre - Décembre 2012

Le 11 du mois, ça semble un peu tard pour un planning mensuel, mais de toute façon le prochain spectacle n'a lieu que dans une semaine, donc je n'ai pas de retard !




Anne Paceo Quintet - Yôkaï (new Morning - 26 Octobre 2012)

Anne Paceo fait partie des artistes que je vois régulièrement, et dans des formations diverses, ne serait-ce qu'à cause de sa résidence mensuelle sur la péniche Anako, où elle se produit presque chaque fois dans une formation inédite. "Presque" seulement, puisque c'est là que je l'ai vu pour la première fois dans ce quintet. Depuis, ils ont beaucoup tourné, joué, et fait un disque, en l'honneur duquel ce concert est donné.
Du coup, ils jouent le disque, presque dans son intégralité (il manque il me semble un morceau), et quasiment rien d'autre (à part "Toundra", déjà à leur répertoire, et un inédit, qui m'a moins plu à première écoute).
Anne Paceo est bavarde ce soir, racontant longuement les anecdotes entourant chaque chanson, les soirées neigeuses et endormies de "Lulea", les souvenirs africains de "Toutes les fées étaient là", la recherche de un puis deux "Little Bouddha", l'atmosphère politique et sociale si particulière de la Birmanie au début de son assouplissement pour "Smile" ... Le public est rapidement séduit, quelqu'un lui demande de répéter le nom du dessinateur auteur de la pochette (il s'appelle Oco).
La musique réserve moins de surprises (contrairement à l'habitude, ils ne commencent pas par "Shwedagon", mais par "Yôkaï" : ils joueront leur hymne en fin de set, et en bis, avec un percussionniste invité, dont j'ai oublié le nom, et qui multiplie un peu trop les instruments utilisés), mais j'ai beaucoup de plaisir à la ré-entendre. Ce qui me frappe surtout, c'est l'aspect chantant de bien des morceaux, qui me donnent envie de les chantonner. Comme rodé en concert, puis enregistré sur le disque, elle s'offre un unique et magnifique solo en introduction à "Toutes les fées étaient là". Le reste est plus respiration, impulsion, et gourmandise partagée.
Autour d'elle, Antonin-Tri Hoang me semble tenté par l'abstraction, construisant des solos solides et très construits autour de quelque idées. Leonardo Montana (uniquement au piano, j'aimerais bien qu'il tente à nouveau le Fender Rhodes) part parfois dans du rythmique quasi monkien, alors que Stéphane Kerecki explore les lignes mélodiques, les faisant groover avec grâce et introspection. Pierre Perchaud apporte des textures subtiles et des coloris, et quelques puissants solos.
Le son du groupe est désormais plus unifié, un alliage riche et coloré. Quand je sors après avoir acheté le disque (et un joli T-Shirt !), certains spectateurs chantent "Smile", où Anne Paceo reconnait une certaine naïveté, mais qui s'accroche durablement dans l'oreille, et qu'elle a donné ce soir avec une fragilité émouvante et parfaite.

anne paceo quintet au new morning