lundi 17 octobre 2005

Akram Khan, Sidi Larbi Cherkaoui - Zero degrees (Théâtre de la Ville - 16 Octobre 2005)

Dans un décor quasi nu (des toiles closent l'espace, le fond par moment transparent laissera voir les musiciens) et presque vide (des mannequins créés par Antony Gormley, clones des deux danseurs, serviront de refuges, de golems, de punching-balls), Khan et Cherkaoui s'avancent, s'assoient, parlent en duo au synchronisme stupéfiant. Ils racontent une histoire survenue à Kahn lors du passage d'une frontière, entre Bangladesh et Inde, une confrontation avec des gardes aux yeux morts et porteurs de mort, puis avec un vrai mort dans un wagon de train. Incompréhension, impuissance, l'expérience fut traumatisante. Le récit, livré par salves, sert de séparateur aux parties dansées.
Les deux danseurs ont mis dans un pot commun leurs vocabulaires, sans souci de hiérarchisation ou d'opposition. Pas de dualité tradtion/modernité, ou orient/occident, etc. Les gestes issus du kathak, du théâtre dansé, des arts martiaux, sont mélangés remixés et redistribués, à chaque corps de réinterpréter sa donne. Voir les deux virtuoses lancer les mêmes gestes, chacun à sa manière, dans un parallélisme sans cesse faussé, est fascinant : ils n'ont pas la même conception du rythme, du mouvement, de la façon de créer de l'énergie ou d'y répondre. A Khan la vitesse d'exécution effarante, l'espace déchiré par la main ou la jambe, le tempo suivi à la milliseconde. A Cherkaoui les équilibres improbables, les contorsions invraissemblables, le tempo souple et fluctuant.
Entre les deux corps, toute une gamme d'attitudes, subordonnées au récit : soumission subie ou acceptée, passages entre violence et jeu, indifférence, plus de refus que de désir.
La musique, jouée en direct par un chanteur, une violoniste, un contrebassiste très amplifié et un percussionniste, a été composée pour l'occasion par Nitin Sawhney, et fonctionne particulièrement bien pour la danse.
La salle, complètement pleine, voire un peu plus, réserve un beau tonnerre d'applaudissements pour cette oeuvre qui refuse de n'être que spectaculaire (les tableaux finaux sont vraiment post-climax, douloureux et un peu tristes, là où ils auraient pu bluffer par de nouvelles pirouettes étonnantes).

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