lundi 28 mars 2011

Arnault Cuisinier Quartet - Claudia Solal Spoonbox (Maison de la Radio - 26 Mars 2011)

Cela faisait bien longtemps que je n'étais allé à la Maison de la Radio. Le temps passé à s'y rendre, le tarif très réduit qui oblige à s'y présenter très en avance et donc à attendre, le temps passé à rentrer ensuite, me dissuadera de renouveler l'expérience trop souvent ...
Les deux concerts, enregistrés pour l'émission Jazz sur le Vif, sont présentés par Xavier Prévost comme liés par la présence de Jean-Charles Richard dans les deux formations, et par l'ancienne présence d'Arnault Cuisinier auprès de Claudia Solal, qui aujourd'hui propose un groupe sans contrebassiste ...

Arnault Cuisinier Quartet

L'introduction est à l'image de l'homme : presque trop timide pour être honnête. Il laisse les autres joueurs entrer dans la musique l'un après l'autre, et ne commence qu'en dernier, juste un élément dans le paysage.

arnault cuisinier quartet

D'abord le pianiste, Guillaume de Chassy, classique dans les différents sens du terme, formant facilement avec la contrebasse de Cuisinier des duos de musique de chambre, et se lançant dans des solos très solides, accords plaqués à gauche, mélodies s'échappant à droite. Puis la batterie, Fabrice Moreau de plus en plus peintre, coloriste en petites touches vives et légères, flottant au-dessus du tempo, poète impressionniste. Aux saxophones, Jean-Charles Richard apporte la réponse Jazz au classicisme du piano. Et enfin, Arnault Cuisinier consolide à la contrebasse la structure, le plus souvent juste en arrière-plan, volontaire et discret.
Les morceaux évoquent des paysages profonds où on se promène dans une douce pénombre, ou de lents plans de cinéma (hommages sont rendus à Kurosawa, Bresson ou Roublev). De la musique qui se prend, mais qui nous prend aussi, au sérieux, heureusement émaillée d'espiègleries récréatives. Je retiendrai aussi un très beau solo de Richard à la flûte bansuri, pour un morceau dédié au Japon et à ses victimes.

arnault cuisinier quartet

Claudia Solal Spoonbox

Voilà un objet musical beaucoup plus insolite : du Jazz à texte et à effets électroniques ? Les éléments forts de cette architecture, ce sont clairement la chanteuse Claudia Solal et le clavier Benjamin Moussay, qui ont enregistré un disque en duo et en joueront quelques morceaux ce soir.

claudia solal spoonbox

Elle possède un univers, comme on dit : des inflexions proches de Björk par moments, du cabaret acidulé plus tard, des aigus renversants de puissance, un souci de l'articulation pour faire comprendre ses textes en anglais, une présence un peu fragile sur scène qui aurait sans doute demandé un contact plus intime (la salle n'est pas bien grande, mais l'atmosphère n'est pas celle d'un club de Jazz ; et nombreux sont les départs au cours du set, son univers n'est pas forcément évident à pénétrer, pour un public peut-être venu chercher du Jazz plus classiquement formaté). Au piano, orgue, pédales d'effet, ordinateurs, et autres bidules, Benjamin Moussay entoure la chanteuse de nappes de sons bizarres, de rythmiques, d'un mélange de préparé et d'improvisé un peu trop mis en avant à mon goût.

Jean-Charles Richard apporte son complément de mélodies au baryton ou au soprano. A la batterie, Joe Quitzke n'a finalement pas grand-chose à faire, il maintient la rythmique, en l'absence de contrebasse, et curieusement (ce que je regrette) ne part pas dans une direction plus percussionniste, peut-être parce que la case "sons étranges" est déjà occupée par Moussay.

C'est certainement un univers plus passionnant à explorer quand on comprend les textes (j'espère qu'ils sont indiqués sur le livret du CD). J'ai été intrigué, et ému par moments, ce qui n'est déjà pas si mal vue ma réserve par rapport aux voix, mais il y avait une distance, quelque-chose d'un peu froid, qui a persisté tout du long du concert (les départs des spectateurs n'aidant pas).
Signe bizarre, ils ne saluent pas en se rassemblant, mais chacun restant à sa place derrière son instrument, avant de disparaitre dans le désordre en coulisse.

claudia solal spoonbox

Spotify: Claudia Solal Spoonbox – Room Service, Marc Buronfosse – Face the Music

mercredi 23 mars 2011

Emile Parisien Quartet / Archimusic + Rocé (La Dynamo - 21 Mars 2011)

Emile Parisien Quartet

Une caractéristique de ce quartet, c'est la complexité de leurs compositions. Elle peut être presque un défaut sur disque, où les transitions d'une ambiance à l'autre sont parfois brutales. Mais quand elles ont été peaufinées par deux ans de tournées, et qu'elles prennent le temps de se déployer, elles deviennent sur scène de splendides épopées, où on traverse éberlués nombre d'émotions, happés que nous sommes par l'énergie et la maestria de ces musiciens. Pas d'inédit, donc, au contraire : les quatre morceaux joués sont, dans l'ordre, ceux de l'album "Original Pimpant", et le dernier "Sopalynx" est sans doute ce qu'ils jouent en bis, quand ils en ont le temps.

Emile Parisien Quartet Emile Parisien Quartet
Emile Parisien Quartet Emile Parisien Quartet

Sylvain Darrifourcq à la batterie possède une magnifique technique, qui donne une grande énergie et une grande richesse de timbres et de couches rythmiques. Ivan Gélugne l'épaule à la contrebasse, lui aussi en énergie et en masse sonore, à l'archet comme à la main, ça drive dru. Au piano, Julien Touery ne joue pas les partitions Jazz habituelles, les deux mains sont souvent dans le même registre, clusters dans les basses, ou pluie de notes dans les aigus. Enfin, au saxophone soprano (le ténor présent sur scène ne sera pas touché), Emile Parisien me fait penser à la boxe de l'homme ivre : frénétique et titubant, tout en mouvements circulaires et en limite, mais inarrêtable et bien souvent flamboyant.

Mais ce qui emporte, au-delà de leurs talents individuels, c'est la cohésion du groupe, et l'allant irrésistible qu'ils impriment à cette musique, quels que soient les épisodes traversés, du bruitisme rigolo, un duo piano batterie méchamment violent (tout en clusters et en fill-ins !), de la poésie sonore finement travaillée (cymbales frottées à l'archet, piano joué dans les cordes), etc. Et puis, il y a la présence sur scène d'Emile Parisien, qui s’assoit ou part en fond de scène quand il ne joue pas, et triture constamment le bec de son instrument, puis se lance, posture guerrière, sauts, danse sauvage, très charismatique.

Bref, une belle claque, à la hauteur du Jus de Bosce de Collignon (mais lui renouvelle plus son répertoire ; si Emile Parisien joue tous les soirs les mêmes morceaux dans le même ordre, je me demande si ça ne devient pas assez vite un peu lassant ...).

Emile Parisien Quartet

Jean-Rémy Guédon Archimusic + Rocé - Le rêve de Nietzsche

Curieux projet, basé sur le mélange des genres. L'ensemble Archimusic est déjà une conjonction rare, entre un quatuor de bois (hautbois, clarinette, clarinette basse, basson) traité comme un ensemble classique en contrepoint Stravinskien néoclassique, et un quartet Jazz (batteur qui sait rester spartiate, bassiste électrique orienté Funk, trompettiste brillant, et Jean-Rémy Guédon au saxophone et à la direction). A ces éléments s'ajoute le rappeur Rocé, qui scande des textes de Nietzsche.
La musique est sympathique, par cet assemblage d'univers différents, néoclassique, jazz, rap, mais tous les morceaux se ressemblent un peu. Le point fort, c'est la manière dont Rocé s'est approprié les textes de Nietzsche, dont il n'a pas changé une virgule, mais auxquels il donne, par la scansion à la fois posée et énergique, et par le choix des extraits, entre slogans prophétiques et poésie brutale, une présence bien moderne et vivifiante.

Archimusic + Rocé

Ailleurs: JazzMag, mes photos.
Spotify: Rocé – Identité En Crescendo, Archimusic - Parthéos

lundi 21 mars 2011

Louise Lecavalier - Charnock Lock (Théâtre de la Ville - 19 Mars 2011)

Nigel Charnock - Children

A plus de 50 ans, et équipée d'une hanche artificielle, la furie blonde Louise Lecavalier déboule sur scène en cavalant à quatre pattes, et son potentiel athlétique est toujours ébouriffant, encore capable même d'effectuer quelques vrilles horizontales ! Et elle se donne à fond, pendant les 50 minutes de cette pièce au format fort sommaire, une suite de scènes séparées par d'assez insupportables et démodés stroboscopes et sirènes, qui proposent des situations de départ comme des jeux d'enfants, genre "et si on disait que j'étais ...", un animal, une pom-pom girl, une pratiquante d'aïkido, une héroïne d'opéra tragique, que sais-je encore. Elle saute, bondit, roule, gesticule à toute vitesse et dans tous les sens, accompagné par un Patrick Lamothe un peu dépassé par l'énergie et l'engagement de la dame, qui ne semble trouver son pied que dans un épuisement impressionnant.
Exceptionnelle performance, donc, mais est-ce encore de la danse ? De la chorégraphie on ne voit pas grand-chose. Peut-être plutôt une forme de sport extrême. Une démonstration brutale par moment, livrée brute. Et qui n'a pas grand-chose à nous dire, à part "regardez ce que je suis encore capable de faire".

children

Edouard Lock - A few minutes of Lock

Là il y a plus de raffinement et d'élaboration, les gestes se font précis, les postures réfléchies. Ce sont trois pas de deux qui sont retravaillés et réunis, écrits par Edouard Lock pour d'anciennes pièces dansées par Lecavalier, "Salt" et "2". Si les deux premiers extraits sont un peu froids dans leur perfection plastique, le troisième est une pointe d'émotion dans cette soirée qui en aura bien manquée, Keir Knight semblant poursuivre Louise Lecavalier qui lui échappe, happée par des forces douloureuses.

a few minutes of lock

Ailleurs: Palpatine, Mimy

dimanche 20 mars 2011

Michel Benita - Deux duos (Le Triton - 18 Mars 2011)

Michel Benita - Mieko Miyazaki

Le contrebassiste et la joueuse de koto étaient réunis pour le disque "Ethics", mais accompagnés de plusieurs musiciens et d'arrangements électroniques qui alourdissaient grandement le discours. La simplification apporte une belle fraicheur. Parfois une sorte de drone harmonique est lancé sur l'ordinateur, sinon ce ne sont que les cordes qui se répondent, autour de thèmes proposés par l'un ou l'autre. Et comme il s'agit d'échange, c'est la Japonaise qui compose le plus "pop", et l'Européen qui s'aventure vers quelque-chose de plus "world".
Le koto se règle sur une gamme ou un mode particulier par des chevalets coulissants sous les cordes ; ensuite, la main gauche posée sur les cordes change l'accord, et la main droite garnie de médiators les pincent ; il est possible de déplacer les chevalets au cours du jeu. Le son ressemble peut-être à la harpe, mais en plus sec. Je ne saurais distinguer les particularismes de jeu de Mieko Miyazaki ...
A la contrebasse, Michel Benita reste très classique, s'éloignant peu de la grille, improvisant délicatement en mélodie et harmonie, mais en restant toujours dans le discours très tenu du thème en cours. L'atmosphère est donc tranquille, très agréable, c'est sage et enrichissant.
Pour le dernier morceau vient les rejoindre le guitariste Manu Codjia. Comme d'habitude quand il est en forme, il sait trouver le son qui convient parfaitement, à la fois pour compléter, et pour décaler, quelque-chose d'inattendu et qui fonctionne, un son ici un peu liquide, qui s'oppose très joliment à la sécheresse du koto. Du coup, Mieko Miyazaki peut se libérer pour chanter, et c'est le plus beau moment de la soirée.

benita miyazaki codjia

Michel Benita - Manu Codjia

Ces deux-là aussi ont déjà été réunis pour un disque, "Ramblin'", lui aussi encombré (mais moins) d'effets. Ils reprennent ce soir, dans le même esprit, des standards de folk, mais en les retravaillant fortement. Ca reste sage et enrichissant, du jeu de gentilshommes qui n'enflamment pas la scène, mais nous réchauffent aimablement. Là aussi, Mieko Miyazaki vient les rejoindre pour quelques morceaux, et ce trio est plus excitant que chacun des duos.

benita miyazaki codjia

Spotify: Michel Benita – Ramblin' (feat. Manu Codjia), Michel Benita – Ethics

mardi 15 mars 2011

Alexandra Grimal - Bruno Chevillon (Atelier du Plateau - 12 Mars 2011)

Entre une session avec un jongleur et une autre en solo, Alexandra Grimal a choisi dans sa carte blanche à l'Atelier du Plateau une formule plus habituelle : un duo avec un contrebassiste, Bruno Chevillon.

alexandra grimal / bruno chevillon

Lui, je l'ai déjà vu dans le contexte très énergique du Marc Ducret trio, et dans celui plus expérimental des intersessions avec des membres de l'EIC. Cette fois, il propose des formules rythmiques très dynamiques où les doigts tricotent dans les cordes avec une vivacité toute rebondissante, des moments splendidement lyriques à l'archet avec de vraies belles mélodies improvisées, ou des moments plus bruitistes, faisant vibrer le bois de la caisse, ou s'amusant avec des pinces à linge accrochées aux cordes. C'est suffisamment élaboré, diversifié et intéressant, pour que jouer en solo ne soit pas pour lui un problème !
Elle, comme souvent en début de concert, écoute, yeux fermés, un brin crispé, puis entre dans la musique, et finit par bien plaisanter avec son partenaire. Alternant entre alto et soprano, elle joue beaucoup ce soir sur les effets de souffle, cette zone entre bruit et musique où la note naît à peine, et aussi avec les intensités, tout doux puis d'une force rarement entendue !
Plus d'une heure de musique, et pas un instant d'ennui, c'est un duo qui marche vraiment bien, j'espère que ce n'est pas qu'un one night stand !

alexandra grimal / bruno chevillon

Spotify: Alexandra Grimal & Giovanni di Domenico – Ghibli, Jean-Marc Foltz & Bruno Chevillon – Cette Opacité

samedi 12 mars 2011

Nono et Liszt par Diotima et Guy (Cité de la Musique - 8 Mars 2011)

Luigi Nono - Fragmente-Stille, an Diotima

Voici donc le quatuor Diotima jouant son oeuvre éponyme (à moins que ce ne soit l'inverse). Cette oeuvre charnière de Luigi Nono vers plus de silence et d'ésotérisme, se présente comme une longue suite (40 minutes) de courts événements musicaux (quelques notes tenues, une bribe de mélodie, un rapide rebond sur les cordes ...) séparés par des silences aux durées très précises. Les membres du quatuor Diotima ne cessent de se regarder, pour caler tous ces départs. L'oeuvre n'exige pas de rush virtuose, mais une concentration sans faille pendant une durée de temps inhabituelle. De la part des musiciens, et aussi de la part des auditeurs. L'oeuvre est charnière parce qu'elle possède pourtant encore un charme poétique relativement accessible (je décroche plus sur le Nono tardif ...), dans ce flirt avec le silence, ce souffle suspendu, ces structures qui malgré tout se devinent, ces miniatures méticuleusement agencées. Comme si on nous demandait de regarder, d'écouter, de respirer même, différemment.

Luigi Nono - ... sofferte onde serene ...

C'est essentiellement pour cette pièce que j'ai pris ce billet de concert. J'aime son atmosphère à la fois spectrale et animée par les sons de la vie d'une ville. La voir jouée en accroit les mystères, car il reste difficile de bien distinguer ce que François-Frédéric Guy joue de ce qui est pré-enregistré et diffusé sur bande (qui ne contient que des bruits de piano assez peu manipulés). C'est rempli d'échos et de souvenirs, mais on y entend aussi le bouillonnement de la vie si proche, dans le clair-obscur mental d'un homme en deuil dans une chambre aux fenêtres grandes ouvertes.

Franz Liszt - Sonate en si mineur

De la spécificité théorique de la forme, qui révèle l'homothétie de la sonate et de son premier mouvement, je ne saurais dire grand-chose, sauf que le retour du thème dans le dernier mouvement est en effet remarquable, même à première écoute ; cela semble une économie de moyens, qui a certainement beaucoup plu à Bartok, fan de cette oeuvre dit le livret. Aux passages les plus rapides, et un peu trop romantiques pour moi, j'ai préféré l'introduction, ce note à note hésitant, presque aussi percé de silences que du Nono, et d'autres passages similairement brisés, où le discours laisse entrevoir une obscurité silencieuse étonnante.

Spotify: Quatuor LaSalle Quartet – Nono: Fragmente-Stille, An Diotima, Pollini – Nono: Como una ola de fuerza y luz; ...sofferte onde serene..., Mardirossian – Liszt : Sonate en si mineur, transcriptions

jeudi 10 mars 2011

Akram Khan - Vertical Road (Théâtre de la Ville - 6 Mars 2011)

Pour ce spectacle, Akram Khan s'est constitué une troupe solide de danseurs et danseuses capables d'assurer la dépense d'énergie nécessitée par cette danse hautement athlétique. Et qu'il ne participe pas permet d'assurer une cohérence plus grande (il avait tendance à légèrement écraser ses disciples par sa trop grande facilité technique ...). La scénographie est assez simple mais joliment efficace, avec cette toile tendue à mi-scène, obstacle entre deux mondes, qui sera bien sur vaincue à la fin. Les lumières sont par contre décevantes, qui n'arrivent qu'à évoquer ce qu'elles auraient du magnifier ; c'est seulement beau, quand on sent que ça aurait pu être magique.
Une danse athlétique, donc, en roulades et moulinés, en sauts et tournoiements, où les arrêts sont autant de poses martiales, où les séductions relèvent du combat, et qui puise à de nombreuses sources. Mais où finalement tout finit un peu par se ressembler. C'est impressionnant et admirable, mais il manque encore quelque-chose, sans doute le ressenti d'une urgence plus intime : trop de muscle et d'esprit, pas assez de chair et d'âme.
Il y a sans doute une histoire de racontée, mais je suis peu douée pour comprendre ce genre de choses. Un étranger aux allures de prophète entre dans une communauté, où il y a un chef, et peut-être sa compagne. Il y a des efforts pour s'intégrer, peut-être des luttes de pouvoir, des jalousies ... Occasions de varier entre solos, duos, et septuors.
Dernier élément qui m'a empêché d'être totalement emporté par le spectacle : la musique, comme d'habitude de Nitin Sawhney, m'hérisse par sa prédilection pour du binaire aggressif, là où j'attendais du raffinement rythmique indien ...

Ailleurs : ToutelaCulture, Palpatine, Danse aujourd'hui, MimyLaSouris ...

dimanche 6 mars 2011

Tchamitchian Kassap Villarroel (Atelier du Plateau - 4 Mars 2011)

Première fois que j'ai failli ne pas pouvoir entrer à l'Atelier du Plateau pour cause de salle pleine ! S'y retrouvent en fait nombre d'élèves du Centre de Formation des Musiciens Intervenants de L’Université d’Orsay, où les trois musiciens sont professeurs. Cela crée un public jeune et pointu, de quoi motiver les trois compères, et générer une ambiance particulièrement détendue entre les morceaux. Donc on blague, on rit un peu, et puis la musique commence, et là c'est du sérieux : le changement de visage de Claude Tchamitchian continue à me surprendre, se fermant d'un coup pour se concentrer !

tchamitchian kassap villarroel

A chacun son tour de lancer un morceau. Et la diversité des propositions est remarquable : une mélodie virevoltante, que Sylvain Kassap entretiendra par une technique parfaite de respiration continue ; une exploration sonore à l'archet, que Patricio Villarroel complètera par du jeu dans les cordes et Kassap par des jeux de souffle ; un rythme monkien, où les deux autres s'accrochent avec enthousiasme pour une folle virée toute brinqueballante et rebondissante ; etc. Les développements sont plus classiques, au point que certains morceaux semblent écrits : on n'est pas dans l'improvisation d'avant-garde, plutôt dans la composition instantanée, où subsistent les notions de thèmes, de grilles, où les rôles de solistes et d'accompagnateurs gardent un sens.
Comme j'avais déjà vu Tchamitchian (dans cette même salle d'ailleurs), la découverte de la soirée fut Sylvain Kassap, spectaculaire clarinettiste, excellente technique, enthousiasmants solos. Le pianiste Villarroel m'a semblé plus "classique", un bon pianiste de Jazz, quoi.
Après plus d'une heure de musique, je suis presque le premier à quitter la salle, les élèves restant sans doute pour discuter avec leurs professeurs. Sympathique soirée.

tchamitchian kassap villarroel

mercredi 2 mars 2011

Solistes EIC - Pionniers américains (Cité de la Musique - 1 Mars 2011)

George Perle - Quintette à vent n°1

J'aime bien les quintettes à vent en général, et celui-ci ne fera pas exception : mélangeant les styles à en être très difficilement datable (composé en 1967, certains passages auraient pu l'être 40 ans plus tôt), flirtant avec le néo-classicisme mais utilisant une technique de cellules superposées ou juxtaposées beaucoup plus moderne, les trois mouvements vifs-lents-vifs sont charmants, dans l'espièglerie ou la douceur (mais pas beaucoup plus que juste ça - charmants).

John Cage - Music for Wind Instruments

On reste dans le quintette à vent, pour une pièce de jeunesse de Cage, qui y porte tout de suite son originalité : le premier mouvement n'utilise que trois vents, le deuxième les deux qui restent, et tout le monde pour le troisième. Il y a une simplification de discours qui laisse envisager certaines évolutions futures de sa musique, mais elle garde un aspect mélodique presque surprenant. Mais cela ne me laisse guère de souvenirs.

George Crumb - Eleven Echos of Autumn

Là, on attaque du beaucoup plus sérieux. La scène est plongée dans la pénombre, quand résonnent les percussions jouées au piano par Hidéki Nagano. L'atmosphère est au rituel, à la cérémonie secrète. Les diverses techniques de jeu (jeu dans les cordes du piano ou boiserie frappée au marteau de percussion ; violon utilisé en mandoline, ou en sons désaturés ; flûte et clarinette jouées en résonance dans le piano ; paroles murmurées et sifflements, etc) créent une matière peu dense mais intense en émotions. Beauté impalpable et mystérieuse, qu'on pourrait croire inspirée par un orient inventé.

Henry Cowell - The Banshee, The Tides of Manaunaun, Tiger

Ce sont trois courtes pièces pour piano, qui utilisent des techniques de cluster redécouvertes, perfectionnées et popularisées par Cowell, ainsi que des frottages des cordes et autres. Je comprends que d'autres compositeurs aient trouvé là de nombreuses pistes à explorer par la suite, mais ces idées sont ici données comme encore un peu brutes de décoffrage, sans guère de subtilité.

Charles Ives - Trio

Ils sont trois (violon, violoncelle, piano), et il y a trois mouvements, fort distincts les uns des autres : une sérieuse discussion entre violoncelle puis violon dans le décor du piano, une pochade "tsiaj = this scherzo is a joke" pleine de citations, et un souvenir de dimanche religieux plein de solennité et de vertueuse componction. Très bien, cette musique de chambre est un coté que je ne connaissais pas dans la musique de Ives, et qui est plus facile d'accès que les pièces parfois trop spectaculaires pour orchestre.

Spotify: George Perle: Complete Wind Quintets, George Crumb: 11 Echoes of Autumn, Henry Cowell – Piano Music, American Classics: Charles Ives