mercredi 27 février 2008

Angelin Preljocaj - Eldorado (Théâtre de la Ville - 26 Février 2008)

Annonciation

Cette pièce date de 1995. Une longue banquette, où se repose une femme. En surgit une seconde, l'ange. De multiples aspects du thème sont évoqués : le surnaturel, la confrontation, l'échange, l'intime, l'universel, le dialogue miraculeux. Mais que d'intentions parfois lourdement marquées ! La bande son suffit à mon agacement : pourquoi masquer le Magnificat de Vivaldi sous des cris d'enfants jouant et des bruits d'appareils photos ? Cela empire encore avec la "Crystal Music" de Stéphane Roy, soupe électronique bruyante et agitée, pour traduire l'irruption surnaturelle du divin. Reste la gestuelle, parfois splendide, mais qui aurait bien gagnée à plus de subtilité et de légèreté.

Centaures

Après deux femmes, deux hommes. Une présence extraordinaire de deux corps fort peu vêtus, baignés d'une splendide lumière ocre et fauve, qui s'accrochent, se portent, s'imbriquent, se séparent, se reflètent. Et musique de Ligeti, ça aide.
Tiens, un passage sur Youtube, mais sans les portés du début, dommage.

Eldorado

La scène est entourée de 12 stèles, contre lesquelles s'adossent les danseurs tels des divinités antiques précolombiennes ou asiatiques, nimbés dans des costumes dorés, soulignés d'un peu d'éclairage électronique (une splendide scénographie de Nicole Tran Ba Vang, mystérieuse et évocatrice mais en laissant l'imaginaire de chacun travailler). Un ou deux prennent piste, puis repartent. Soudain, la musique surgit. Du Karlheinz Stockhausen, "Sonntag's Abschied", une transcription pour 5 synthétiseurs des dernières pages de Licht, écrit pour choeurs indépendants. Superbe ! A la fois follement complexe et comme coulant de source, faussement improvisé et débordant d'idées, une pâte sonore presque uniforme, mais que le traitement musical fait briller de manière constamment renouvelée. Pour cette musique qui flotte, qui bondit, qui coule et explose, Preljocaj utilise beaucoup de duos, doubles plus que couples, qui structurent la scène en se côtoyant sans se mélanger, trois ou quatre duos simultanés et indépendants comme les couches de synthétiseurs. Parfois, tous se retrouvent au centre, en des vagues charnelles faussement chaotiques, amas de corps semblables au radeau de la Méduse. Beaucoup de la gestuelle s'inspire de mouvements circulaires, qui font tourner les épaules, les hanches ou les bras en ondulations étranges, fausses langueurs. 40 minutes enchantées, que la fatigue ne me permet pas de déguster autant que j'aurais aimé.

vendredi 22 février 2008

Vous Savez Que Vous Regardez Trop La Télé Quand ...

... Prostré dans un mode semi-comateux par la grippe, et zappant mollement de chaine en chaine, profitant pleinement des multi-rediffusions en ordre aléatoire, surgissent de passionnantes questions du type : pour son interprétation de "Faith", Eliza Dushku s'est-elle inspirée de Hudson Leick jouant "Callisto" ? Ou puisent-elles toutes deux dans la même panoplie standard d'attitudes pour bad girl aux superpouvoirs mais secrètement désespérée ?

lundi 18 février 2008

Rainbow Symphony Orchestra (Temple des Batignolles - 17 Février 2008)

Le RSO pour une fois ne joue pas à l'Espace des Blancs Manteaux, mais dans un temple, à l'acoustique bien meilleure (même si le lieu pour étaler les tables du buffet est plus exigu).

Gioacchino Rossini - Ouverture de "L'Italiana in Algeri"

Les pizzicati introductifs me font craindre le pire, mais une fois démarrée, la musique installe son petit train-train espiègle et joyeux ; la petite harmonie (flute, clarinette, hautbois, basson) est particulièrement savoureuse, et le dialogue avec les cordes tout à fait plaisant.

Georg Philip Telemann - Concerto pour alto TWV 51:G9

Aucune faute ni de l'orchestre ni du soliste Patrick Calafato, mais cette musique m'indiffère au plus haut point : elle passe sans laisser une seule trace. Ah si : le clavecin qui assène des accords avec une délicatesse pachydermique m'a rapidement insupporté.

Reynaldo Hahn - Le Bal de Béatrice d'Este

Suite de ballet pour instruments à vents, harpes, piano, timbales et percussions. Ressortir des tiroirs des partitions oubliées n'est pas toujours nécessaire. L'instrumentation fait vaguement penser aux "symphonies d'instruments à vents" de Stravinski, et le prétexte, "un ballet ancien", à "Pulcinella". Mais sans l'ironie. Hahn écrit de la musique morte sans s'en apercevoir. Pas grand intérêt. En plus, le solo de triangle (par la seule violoniste encore sur scène il me semble) n'est pas si extraordinaire (déception).

Piotr Illitch Tchaikovski - Sérénade pour cordes opus 48

L'aspect romantique de la chose ne me touche guère ("[cette pièce rend] avec émotion les sentiments qui tourmentaient le compositeur" : je suis sans coeur sans doute, mais je ne suis ni ému ni emporté). Par contre, j'aime la texture des cordes, bien variée, où chaque pupitre peut à son tour prendre le leadership pour mettre en avant sa tessiture, avec un usage habile, efficace sans être spectaculaire, des pizzicati. Très agréable à suivre.

dimanche 17 février 2008

Orchestre du Chantier - Musique de films (Le Chantier - 16 Février 2008)

Il faut plonger profondément dans les entrailles de la maison associative et religieuse "le Chantier" pour accéder à la salle de spectacles, où quelques agrès de gymnastiques, et de fières maximes morales en décorations murales ("ce qui mérite d'être fait mérite d'être BIEN fait"), laissent deviner de multiples usages.

Nous ne dirons rien de l'apéritif choral, très ... amateur.

Juste aux cors

Comme son nom l'indique, il s'agit d'un ensemble de cornistes, une douzaine, parfois accompagné d'un percussionniste, issus de grands orchestres parisiens.
Pour se fondre dans la thématique, ils joueront une suite extraite de "West Side Story" (excellente, pleine de verve et d'allure), une "Trilogie Stars" reprenant "Star Wars", "Star Gate" et "Star Trek" (amusant mais un peu facile - une concaténation des trois génériques, comme une compilation séries TV), "Titanic" (où je m'aperçois que la musique ne me renvoie à aucune image du film - sans doute parce que les moments sonores que j'y préfère sont ceux où on n'entend que le bateau qui craque, la vaisselle qui se brise, et l'eau qui monte ; la musique orne surtout la partie romantique du film, qui n'est pas son principal intérêt), et une "Olympic Fanfare" de John Williams, particulièrement ronflante. Ils réservent leur meilleur morceau pour le bis : une transcription aux petits oignons de "Bohemian Rapshody", à la fois parfaitement fidèle à l'original, et parfaitement adéquate à la sonorité bien particulière de l'ensemble.
12 cors, avec différents types de sourdines, ça donne quoi ? c'est chaud, ça vibre et ça brille, mais l'image qui s'impose à moi est : on dirait une huile de friture bouillonnante (quelque-chose de gras, et pour des appétits pas trop délicats - mais capable de mets roboratifs et surprenants). L'ensemble est jeune, et manque peut-être encore de répétitions : ils se piègent par moments eux-mêmes, en s'imposant des doigtés trop véloces dans les aigus, qu'ils n'arrivent pas à suivre. Mais l'idée est très sympathique ! S'ils ont un budget, il faudrait qu'ils passent des commandes à de jeunes compositeurs !

L'orchestre du Chantier

Un orchestre d'amateurs, mais d'un bon niveau d'ensemble (quelques couacs individuels, mais pas de panique générale !). Pour "Le Seigneur des Anneaux", ce sont surtout les moments tranquilles du Comté (Shire) qui sont privilégiés, Sam et Rosie plutôt que Aragorn et Arwen par exemple. Là, les images surgissent. Par contre, pour "Gladiator", aucune. Il faut dire que le pompage de "Mars" de Gustav Holst (omniprésent dans toute musique hollywoodienne : épique = "Mars le porteur de guerre" de Holst, dramatique = "Mort de Siegfried" de Wagner ; dixit Klari, Zimmer fait les deux, bravo !) est ici particulièrement assourdissant. Suit "Le Fantôme de l'opéra", qui m'a semblé interminable. Entre ensuite une invitée spéciale, Caroline Vernay, violoniste de l'Orchestre de Paris, pour "La Liste de Schindler", un concerto pour violon, en somme, où aucune image ne me vient du film, mais où la musique suffit à créer l'émotion. Pour une fois, John Williams s'aventure hors des blockbusters, où la musique doit indiquer l'émotion requise par des clichés compréhensibles aux premières notes, et écrit quelque-chose qui ressemble vraiment à de la belle musique ! Heureusement, "Indiana Jones" permet de se remettre dans les bons gros clichés : de l'aventure ! de l'action ! Les trompettes ont malheureusement un peu de mal - lors de la reprise du morceau en bis, ils seront bien plus à leur aise debout ! Enfin, "Mission Impossible" : ça roule et ça tangue, et ça s'accroche à un bassiste électrique qui saura rester imperturbable au coeur de la tempête et indiquer aux rangs un peu perdus par moments la bonne ligne rythmique ; excellente idée, ce bassiste, qui donne un splendide tonus au morceau ! Beaux solos des vents, également.
Il n'y a que dans ces concerts amateurs qu'on entend dans le public pleurer un bébé (et c'est tellement plus agréable qu'un bonbon lentement dépiauté par exemple), et sur la scène longuement tousser une violoniste (pendant que Vernay jouait - pas très cool). Par contre, il faudrait qu'ils pensent à un buffet pendant l'entracte : ça demande de l'organisation, mais c'est agréable pour le public, et je pense rentable pour l'association !

vendredi 15 février 2008

Meg Stuart + Philipp Gehmacher - Maybe Forever (Théâtre de la Ville - 14 Février 2008)

"Placement libre" : je m'attendais du coup à une disposition scénique particulière, mais pas du tout ; c'est juste que les meilleures places seront à ceux qui sont arrivés le plus tôt, au lieu d'être à ceux qui ont réservés les premiers. Mais deux rangées sont quand même réservées aux VIP, faut pas non plus tout mélanger... Mais le remue-ménage que cela introduit crée une ambiance particulière, où on sent qu'il pourrait se passer des choses inédites (attente déçue, bien sur ; si ce n'est un spectateur qui quittant la salle en cours de partie passera près du plateau pour y déposer une rose - et se faire applaudir ; St Valentin oblige ?).
Sur la scène à peine éclairée sont allongés Meg Stuart et Philipp Gehmacher, qui vont peu à peu se lever, en gestes malaisés, tendus, comme entravés, façon morts-vivants de cinéma bis. C'est lent, peu discernable à cause du faible éclairage, mais la bande son de Vincent Malstaf permet de s'installer plutôt confortablement dans cette lenteur forcenée.
Lumière, qui permet de voir le décor, plateau limité par un grand rideau lynchien (la chambre rouge de Twin Peaks) mais en bleu, et une grande photographie en fond, des pissenlits sous une fougère, qui changeront de saison en changeant de couleur. D'un coté, une chaise, ampli, micro, où s'installe Niko Hafkenscheid pour quelques chansons live à la guitare, rock néo-folk minimaliste, qu'il dit heureux de chanter ailleurs que dans son garage. De l'autre coté, des micros aussi, que Meg Stuart va utiliser ensuite pour raconter une sorte de poème en anglais "do you remember when I said ... I think you need me more than I need you ? ... I take it back".
Après ces intermèdes, nouvelle séquence de danse, en couple, mais toujours aussi contraints, empêchés, entravés par les conventions ou par une sorte de honte. Ils ne savent visiblement pas comment se comporter ensemble parce qu'ils ne savent pas comment habiter leur corps. Une brève étreinte se transforme en fiasco. Ils finissent par se séparer. La bande son passe des messages aigres doux sur l'amour, où je retiens "c'est merveilleux quand nous pensons à la même chose en même temps, ça permet de ne pas avoir à s'écouter l'un l'autre".
Nouvelles chansons soporifiques du garagiste. Passage des saisons sur la grande photo de Janina Audick.
Enfin, dernière séquence de danse, qui se décrispe un peu, du moins pour Meg Stuart : les bras se tendent et se tordent, le coprs et l'esprit semblent s'accepter ; Philipp Gehmacher lui reste toujours aussi coincé aux entournures, engoncé dans on ne sait quels blocages.
Et voilà. Ca dure une heure et demi. Il y aurait pu y avoir de la belle chorégraphie, mais tel n'était pas le projet. Je n'ai pas vraiment compris l'intérêt de la chose, qui se décompose en blocs coopératifs un peu disparates, entre la mise en scène, le chanteur guitariste, la photographie, et la danse, l'unité de tout ça n'est pas vraiment évidente, et le tout sans être vraiment raté n'est pas non plus vraiment passionnant.

lundi 11 février 2008

Johann Sebastian Bach - Messe en Si mineur (Salle Pleyel - 10 Février 2008)

Première audition de ce monument de la musique sacrée. Difficile d'en apprécier l'ampleur et les échos. Dans sa construction générale, cela ressemblerait à une très grande cantate, mais sans récitatifs ; du dense, donc. Sans ces respirations au milieu des chants, les équilibres sont à trouver différemment. Mais l'ambition aussi est supérieure : non pas de petites églises construites sur mesure pour le texte du jour et l'humeur inspirée, mais une cathédrale testament, digérant deux siècles de musique religieuse pour en élaborer la somme et le dépassement.
Première audition, donc, difficile de définir les qualités particulières de cette interprétation. Merci au Concert Spirituel de nous faire grâce des interminables séances d'accordages habituelles aux orchestres baroques. Et merci à Hervé Niquet de garder le propos léger, sans forcer sur le dramatique ou l'impressionnant, mais gardant tant que faire se peut une belle fraicheur et un allant vigoureux.

Quelques vues, glanées au cours du voyage. Moment préféré du Gloria : "Domine Deus", duo Judith Gauthier - Richard Edgar-Wilson, les remplaçants du jour, délicatement enveloppés d'une flûte volubile. Moment le plus douloureux : "Quoniam", où la basse de João Fernandes chancelle au-dessus de deux bassons peu surs. Suivant la recommandation palpatienne, concentration raffermie après l'entracte pour le Credo, où brille particulièrement le "Crucifixus" (extrait du BWV 12 qui reste une de mes cantates favorites). Dans la suite finale des choeurs énormes, l'"Agnus Dei" est un sommet où le soudain dépouillement permet à Philippe Jaroussky de donner sa pleine mesure, grande émotion. Et le "Dona Nobis Pacem" conclut dans la simplicité de la ferveur humble ces deux heures d'éternité.

dimanche 10 février 2008

Hommage à Albert Ayler (Cité de la Musique - 9 Février 2008)

Laurent Bardainne - Here is to you, Albert Ayler !

Le saxophoniste ténor arrive seul sur scène, avec un son ample et assuré, qu'il lance peu à peu vers l'aigu. Viennent l'épauler un puis deux batteurs, Philippe Gleizes et Vincent Taeger, en déluge de frappes sur leurs futs et cymbales, un maelström de puissance. Lorsque viennent s'installer Nicolas Villebrun à la guitare et Arnaud Roulin aux claviers, le climat change totalement, en énergie lourde et lente (ma forme préférée !), un mur de son très physique. L'équipe est complète quand arrive le chanteur Dean Bowman, aux techniques remarquables, preacher, hurleur, hululeur, le tout en maintenant une distance d'élégance et de showman désinvolte. Les peu nombreux morceaux s'articulent en architecture complexe, entre les moments empreints de puissance latente où guitare et claviers comblent tout l'espace sonore, et ceux où les batteurs épuisent leurs batteries en solos furieux (ils devront plusieurs fois en refixer certains éléments !). Le sax de Bredainne et la voix de Bowman apportent les touches finales.
Vers la fin, une bande de très jeunes filles, des classes musicales d'un collège de Saint-Ouen, viennent jouer les choristes, en chant, danse, et frappement de main. L'initiative pédagogique est fort sympathique et j'espère l'expérience fructueuse pour ces enfants ; dommage que cela doive s'accompagner d'une forte simplification de la musique proposée au public.

Marc Ribot - Spiritual Unity

C'est l'attraction principale de la soirée, mais la première partie m'a bien plus captivé ! Premier problème ici, le batteur Chad Taylor : il s'agite beaucoup, mais pour faire du surplace ; pas de groove, pas de drive. Deuxième problème : le trompettiste (et autres instruments) Roy Campbell Jr, dont la musique ne me parle tout simplement pas ; un excellent musicien, mais avec qui je ne me sens pas d'affinités. Reste le bassiste Henry Grimes, un ancien compagnon de Albert Ayler, qui surclasse largement le batteur en terme de pulsion : même quand il passe au violon, dans un discours échevelé de courtes phrases qui partent dans tous les sens, il y a en sous-terrain un rythme inébranlable et infatigable, comme un coeur qui bat en dépit de tout. Enfin, à la guitare, Marc Ribot, dont chaque solo est un impressionnant voyage, lourd d'électricité ou avec amplification coupée style ukulélé. Mais l'ensemble a du mal à décoller, j'écoute mais sans jamais vraiment embarquer. Tant pis ; le début de la soirée, et les solos de Ribot, sont suffisants pour une soirée très plaisante.

A lire aussi : Allegro Vivace.

jeudi 7 février 2008

Solistes de l'EIC - Olivier Messiaen (Cité de la Musique - 5 Février 2008)

Olivier Messiaen - Le courlis cendré

Je crois avoir déjà essayé de plonger dans le "Catalogue des Oiseaux" et ne pas aimer. Mais ce soir, sous les doigts de Dimitri Vassilakis, le paysage marin, qui plonge lentement de l'exubérance volatile à la froideur lugubre de la nuit, prend des reliefs saisissants. On y entend aussi bien l'aspect imitation que l'aspect musical ; et le fragmenté du discours, passant d'un oiseau à l'autre, mouette rieuse ou goéland argenté, avec interludes climatiques ou descriptifs, accède à une respiration qui impose son rythme particulier. Une grande découverte ! Un cycle à redécouvrir !

Olivier Messiaen - Thème et variations

Oeuvre de jeunesse (23 ans) pour piano et violon, au schéma bien classique, et où le livret trouve des éléments du langage futur (oui, c'est vrai, une subtilité rythmique caractéristique pointe dans la troisième variation). Sinon, c'est agréable, mais un peu anecdotique.

Olivier Messiaen - Le merle noir

Courte pièce (6 minutes) pour flûte et piano. Des chants d'oiseaux joués à la flûte, il y a un parfum d'évidence tel que j'ai du mal à accrocher. Cela me semble comme la pièce précédente : agréable mais anecdotique.

Olivier Messiaen - Quatuor pour la fin du Temps

On quitte l'anecdote, là ... La "Liturgie de Cristal" introductive sonne de façon fortement désincarnée, comme des voix qui ne s'écoutent pas, une chambre remplie d'échos glacés, de fantômes flottants. Un choix de lecture qui fonctionne, cela dit. Pour le solo de clarinette "Abîme des oiseaux", Jérôme Comte attaque chaque phrase avec une douceur terrible, une superbe forme de suspension, une grande sérénité avec une pointe de douleur mystique. Par contre, je ne comprends pas le jeu de Pierre Strauch dans la "Louange à l'éternité de Jésus", où il cherche un son âpre et fragile, tendu mais à la limite du faux, qui me donne l'impression qu'il lutte avec son instrument, ou avec la musique, pour un résultat peu naturel et peu beau. Dans la "Danse de la Fureur", c'est au tour de Dimitri Vassilakis de me gêner, qui se livre à une démonstration de puissance un rien grandiloquente. Heureusement, dans la "Louange à l'immortalité de Jésus", Hae-Sun Kang me permet de renouer avec la paix hors-temps et hors-espace de cette musique.

dimanche 3 février 2008

Olivier Messiaen - Turangalila-Symphonie (Salle Pleyel - 1 Février 2008)

Excellente Turangalîla proposée par Sylvain Cambreling à la tête du SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg. Les tempi sont plutôt lents, mais l'élan général en vagues successives est préservé. Les séquences lentes sont magnifiées dans leur majestueuse opulence, les séquences rapides restent obsessionnellement rythmiques.
Au piano, Roger Muraro joue sa partition comme un véritable soliste de concerto, jouant dès qu'il peut dans un flux temporel plus libre, dégageant ainsi des cadences, puis rejoignant l'orchestre pour les chevauchées impeccables de fougue précise et implacable. Une interprétation très équilibrée, donc, entre férocité terrestre et envolées mystiques, clarté des lignes et richesse des textures. Seul bémol : une vibration aigüe constante, comme un faible larsen provenant peut-être des ondes Martenot de Valérie Hartmann-Claverie. Comme ni Palpatine ni Corley n'en font référence, c'était peut-être particulièrement sensible au balcon... Mais cela ne gâcha que fort peu le plaisir de la soirée.

Parmi les futures Turangalîla données à Paris, listées sur Messiaen2008, on peut noter dès à présent une version Chung en octobre, et une version Eschenbach en décembre avec Tristan Murail aux ondes Martenot !