samedi 25 mars 2006

Cadeau - Qui n'en veut ?

Le Week-end de Pâques, une grande fête familiale me tiendra éloigné de Paris. Je n'assisterai donc pas au spectacle de Alarmel Valli et Madhavi Mudgal, pour lequel j'ai une place, le vendredi 14 Avril 2006 à 20h30.
Je suis prêt à faire cadeau de ce billet à quiconque :
- me promet de rédiger sur son blog un compte-rendu du spectacle
- se rendra à Paris-Carnet le mercredi 5 Avril, pour le récupérer.
Les commentaires sont ouverts ; premier acceptant les conditions, seul servi.

Mise à jour du 27/03

Vu l'enthousiasme général, je suis prêt à négocier les différents aspects de cette offre :
- si c'est le spectacle lui-même qui ne vous intéresse pas, bien sur, inutile d'insister...
- si c'est le compte-rendu qui vous fait peur, il peut être bref, et en tant que blogueur, n'êtes-vous pas heureux d'avoir un sujet de billet tout trouvé ?
- si c'est le Paris-Carnet qui vous gonfle, d'autres rendez-vous sont possibles, même si définir le lieu, l'heure, d'éventuels signes de reconnaissance, s'apparente pour moi à une corvée ; le rdv à la Cantina avait le mérite de la simplicité.

Et si ces gages d'ouverture ne suffisent pas, après tout, "Voilà mon offre, mon pote / Si t'en veux pas, pas d' malaise / Je la remet dans ma culotte / Mais tu sais pas c' que tu perds".

Statistiques et modestie

Depuis quelques jours, Radio.Blog.Club ne semble plus connaitre ma radio Pot-Pourri dans sa base de données, ce qui supprime des statistiques de fréquentation tous les auditeurs débarquant par hasard, à la recherche de tel ou tel artiste.
Le résultat est sans appel...

Belmondo - Yusef Lateef (New Morning - 23 Mars 2006)

J'avais raté leur concert en Octobre, où toute la troupe du disque "Influence" était réunie. Pour cette session de rattrapage, ils ne sont que 6 sur scène, avec une nouvelle section rythmique. Pour commencer par le plus discret (il sera pendant tout le concert caché par Lateef), à la contrebasse, sobre et précis, énergique quand il faut, Sylvain Romano, qui ne donnera qu'un solo, in extremis, pourtant net et sans bavure. A la batterie, Laurent Robin, généreux et élégant, plein de bonnes idées et de grands moments, comme de débuter son solo par une splendide exploration sonore des cymbales, ou d'utiliser les mains nues sur une bonne partie de "Morning". Pour compléter cette section rythmique, le pianiste Laurent Fickelson, un très grand accompagnateur, relançant impeccablement en accords et en césures ses collègues ; et puis, par rapport au piano droit du bar La Fontaine, cela fait plaisir d'entendre un 3/4 queue, même si le son en était un peu faible pour bien profiter de ses soli (ambiance en effet assez étrange au New Morning, pour un concert de Jazz : cigarettes efficacement chassées, pas d'alcool au bar, et volume sonore assez faible !).
Alignés sur le devant de la scène, les trois soufflants, qui joueront quasiment toujours dans le même ordre. D'abord Yusef Lateef, très doux à la flûte, et plus mordant, plus profond aussi, au saxophone, où l'intensité, la densité s'installe lentement au cours de chaque solo. A la trompette, Stéphane Belmondo brille immédiatement, en puissance, en aisance, en inventions ; un son chaleureux et plein, qu'il promène sur toute l'étendue du spectre. Lionel Belmondo apparaît plus en retrait, moins percutant, solide mais plus banal.
Le premier set est composé principalement de morceaux venant de l'album "Influence", alors que le second sera plus libre dans sa sélection. J'y retiendrai une version enfiévrée et envoutante de "Morning", des moments d'une grande douceur quand Lateef joue de la flûte sur un morceau dédiée à sa fille, un hommage à Coltrane énergique, une reprise de Monk bien trapue, bref un excellent concert.

Mise à jour : ajouté dans le Pot-Pourri, le fameux "Morning" issu du fameux "Influence", et un morceau un peu plus ancien de Lateef, "Chinq Miau", dont le nom vient d'une gamme chinoise.

jeudi 23 mars 2006

Steve Reich, Akram Khan (Cité de la Musique - 22 Mars 2006)

Concert entièrement composé d'oeuvres de Steve Reich, dont d'autres échos sont disponibles ici, ici et ici.

Sextet

Datant de1985, cette pièce est particulièrement typique de Reich. Un piano qui se prend pour un métronome, des percussionnistes sur clavier qui croisent de petites boucles mélodiques, beaucoup de soins portés sur les timbres. Mais par rapport à In C de Riley par exemple, ce qui me frappe ce soir, c'est la fixité des lignes imposée par le rythme inflexible. It don’t mean a thing if it ain't got that swing. De fait, rien ne bouge, rien ne vibre, rien ne m'émeut. Dans une structure en arche particulièrement banale, où les mouvements sont enchainés mais les séparations marquées par de lourds effets, le mouvement central, lent bien sur, permet enfin un peu de respirer, avec ces vibraphones joués à l'archet.

Different Trains

Cette pièce majeure du compositeur, qui convoque l'holocauste et des souvenirs d'enfance, se base sur la traduction des inflexions vocales naturelles en bribes de musique, procédé dont il se servira pendant des années. Premier problème : l'amplification. On entend un son de violon mais personne ne joue : c'est donc sur la bande. Puis l'un joue, mais on n'entend que le son passé par le haut-parleur. C'est le son enregistré qui phagocyte le son direct ; ils auraient aussi bien fait de passer un CD ! Il n'y a aucune émotion supplémentaire créée par les musiciens sur scène ; ceci étant accentué par le son même de la bande, peu agréable, vieilli, avec des voix peu discernables. Deuxième problème : la structure même de la pièce. On prend une phrase, on la transcrit en notes, on la joue deux, cinq, dix fois, puis on passe à la phrase suivante. J'ai l'impression d'une suite de petites tranches de citron, qu'on presse et qu'on jette. Le collègue résume "ce n'est pas de la musique répétitive, c'est de la musique redondante". Les thèmes, forts, la part bruitiste, impressionnante, je connaissais déjà ; très marqué par l'interprétation du Kronos Quartet, j'en ai maintes fois écouté le disque. Mais c'est une musique qui s'use, et dont je ne vois plus que les ficelles.

Variations pour vibraphones, pianos et cordes

Et vint Akram Khan. Cet extraordinaire danseur, déjà vu plusieurs fois, est ici accompagné par deux danseurs, d'Afrique du Sud, et de Corée. Début étonnant d'humour, le danseur noir imitant les poses et les discours d'un entretien promotionnel sur le travail en cours, bientôt interrompu par le chef d'orchestre en chaussettes (par contre, tout en anglais ; tant pis pour les non-anglophones !). La musique est une bonne surprise, les répétitions se compliquant d'une sorte de processus, où les notes tenues se font peu à peu de plus en plus nombreuses. Mais l'essentiel de la beauté vient de la danse, en grands mouvements, et ce malgré une salle peu adaptée (au parterre, on est géné par les têtes devant soi). Comme d'habitude, Akram Khan surpasse ses comparses, par une vitesse d'exécution ébourriffante, une présence magnétique, et un sens du rythme fascinant. Le clou de cette pièce (tiens, en forme d'arche ! comme c'est original !), c'est le mouvement central (qui est lent, ça alors !), où les danseurs imitent les gestes d'un chef d'orchestre. Energie, poésie, beauté.

Mise à jour : Finalement, je mets quand même du Steve Reich dans le Pot-Pourri. Le début de "The Desert Music", le mouvement lent central (!) de "Tehillim", et la fin de "Different Trains".

mardi 21 mars 2006

Saison 2006/2007 : Théâtre du Châtelet

Pour finir ce tir inaugural (le Théâtre de la Ville viendra plus tard, ainsi que, peut-être, l'Ircam, et le Festival d'Automne), reste le Châtelet.
Premier constat : c'est cher ! Deuxième constat : certains programmes restent bien vagues !
Conclusion : on va se contenter (comme l'an dernier, d'ailleurs, si on excepte la Tétralogie), du nombre minimal de concerts, à savoir 5.

Dans la catégorie "Lyrique" :
- Un seul vrai opéra : "Faustus" de Pascal Dusapin.
- Un autre opéra, mais en version de concert : "Katerina Ismaïlova" de Dimitri Chostakovitch.
- Quelque-chose qui pourrait ressembler à un opéra : "La Passion selon st. Jean" de J.S. Bach, par l'orchestre et le choeur d'Astrée, mis en scène par Robert Wilson, avec chorégraphie de Lucinda Childs. Ca sent le post-moderne qui fait peur, mais je fonce ...

Et deux concerts qui auraient pu bénéficier d'une présentation plus détaillée :
- Une soirée de Jazz, "Bass Desires", avec Bill Frisell, John Scofield, Marc Johnson et Peter Erskine.
- Un concert dans la série "Piano ****", avec Daniel Barenboïm dirigeant la Staatskapelle de Berlin et Lang Lang dans des oeuvres (non précisées !!!) de Beethoven et de Mahler.

Bon, voilà, c'est fait, ouf.

Saison 2006/2007 : Cité de la Musique

Le gros morceau, toujours.

D'abord le Festival Jazz, placé cette année sous le thème "La voie libertaire", du Free Jazz au Rap, annonce Ornette Coleman, Sam Rivers, Carla Bley ou Archie Shepp ; mais le sommet de l'an dernier n'est pas, pour moi, atteint.

Toute la programmation jouera ensuite avec le thème du voyage, ponctué de villes étapes.

Londres d'abord, où je snobe inconsidérement une intégrale en 4 concerts des Symphonies londoniennes de Haydn. Je prends par contre la soirée "Label Warp Project", qui croisera Cage, Nancarrow, Ligeti, Aphex Twin et Boards of Canada. Cela n'échappera sans doute pas à l'anecdotique et au frustrant, mais j'ai envie d'essayer.
Pris aussi, une création de Rebecca Saunders (jeune anglaise qui vit à Berlin).

En Octobre/Novembre, série "Les Temps Modernes", les 3 derniers concerts m'intéressent, avec du piano préparé, et des créations de Hurel et de Mantovani.

A New-York, je ne choisis qu'une création de Murail (j'ai déjà pris le concert Gershwin associé, joué à Pleyel ; il y aura ainsi plusieurs passerelles thématiques entre les deux salles).

Pas de confrontation entre un compositeur classique et un moderne cette année, le choc "Mozart / Lachenmann" était un aboutissement difficilement reproductible... Par contre, des "Domaines Privés", où la programmation est confiée à une personnalité. Je choisis un concert du Domaine de Betsy Jolas, où sera interprété le concerto pour violon de Dutilleux, que je rentendrai deux jours plus tard à Pleyel, joué par les mêmes, mais entouré d'autres oeuvres (ce n'est pas tout à fait voulu... trop tard, les lettres sont parties).

Etape suivante, Venise. Deux concerts avec beaucoup de Luigi Nono.
Retour par la mer, pour un concert Dufourt / Eötvös, inspirés par Atlantis ou par Giorgione.

Le 17 Mars seront fêtés les 30 ans de l'EIC. Concert de gala, avec trois chefs d'orchestre (Boulez, Eötvös, Mälkki) !
Un compagnon de route important sera célébré un mois plus tard, dans une thématique au nom un peu pompeux "Chemins Intérieurs" : Luciano Berio. Deux concerts, autour des Sequenza et leurs prolongements en Chemins.

A Weimar, je choisis deux concerts consacrés à des cantates sacrées de Bach (les BWV 12, 182, 152 et 199), avec un peu de Liszt autour.
Et restant dans le vocal, deux semaines plus tard, la Biennale d'art vocal reçoit le Concertgebouw d'Amsterdam, pour du Alban Berg / Max Reger.

Enfin, en Juin, je prends dans le cycle "Ulysse" un concert hommage à Joyce avec du Berio et du Saunders, et un joué sur des instruments issus du Musée, avant de terminer à Lisbonne, par deux concerts Emmanuel Nunes.

Ce qui fait en tout 20 concerts. Plus 14 à Pleyel, cela fait à peu près le compte habituel...

D'autres pourront tracer dans cette programmation un parcours beaucoup moins contemporain, entre les symphonies londoniennes de Haydn, du Bach joué par Gustav Leonhardt ou Kenneth Weiss, du Haendel chanté par Gérard Lesne, un Domaine Privé aux soins de John Eliot Gardiner, un cycle sur les pèlerinages médiévaux, un spectacle de Vincent Dumestre sur le Carnaval, une étape "Rome 1700" avec le Giardino armonico et Fabio Bondi, la 5 de Beethoven par Krivine, précédée de sa transpostion par Liszt jouée par Heisser, ou "Il ritorno d'Ulisse in patria" de Monteverdi.

Et pour les amateurs plus orientés Jazz / World / Pop, signalons aussi un spectacle "Mozart Short Cuts" par Deschamps / Makeïeff, un concert de Marianne Faithfull, un autre de Coldcut, la venue du New-York downtown représenté par Sex Mob et par Hemophiliac (donc, Steven Bernstein, Kenny Wollesen, John Zorn, Mike Patton, Ikue Mori !), l'ONJ dans un concert de valses, suivi par un bal populaire de Yvette Horner, un spectacle de Jan Fabre sur de la musique de Rihm, un cycle sur le thème légèrement casse-gueule de l'esclavage organisé par les arabes avant la traite négrière européenne, une étape à Istanbul, des ciné-concerts dont un "Aurore" de Murnau accompagné de Jazz, de la musique d'Afrique du Sud, de Lucky Dube à Abdullah Ibrahim, un Week-end d'art vocal consacré aux femmes d'orient, ou en fin de parcours une série de cinq concerts de Bernard Lavilliers (les voyages, ça le connait...).

Bref, il y a à manger et à boire, pour tous les goûts et tous les styles. Pour récupérer le programme, il suffit de se rendre à la Cité...

lundi 20 mars 2006

Saison 2006/2007 : Salle Pleyel

Puisque printemps, donc abonnements. On commence par le nouveau venu, et pas le plus simple. La Salle Pleyel propose plusieurs niveaux de réduction :
- 5%, si on choisit librement moins de dix concerts
- 10%, si on choisit librement 10 concerts ou plus
- 20%, quand on choisit un lot prédéfini de 4 ou 5 concerts
- 30%, quand on choisit un lot prédéfini de 8 ou 10 concerts

Première difficulté : abonnement libre, ou par lots ? Bien sur, rares sont les lots où tout passionne ; selon les catégories des concerts (de A à D), il est parfois préférable de rester sur, par exemple, les 3 choisis initialement parmi les 5 d'un lot, et parfois avantageux d'ajouter les 2 restants, pour globalement bénéficier de la réduction de 20% au lieu de 5 ou 10%. Une belle prise de tête, pour amateurs de tableaux Excel.

Deuxième difficulté : quels lots choisir, sachant que chaque concert peut faire partie de plusieurs lots ? Par exemple, "Farnace" de Vivaldi par le Concert des Nations, est dans la série 9 "Opéra en Concert", la série 11 "Baroque et classique", et la série 20 "La ville/Le voyage". Il faut donc faire attention aux éventuels doublons !

Pour faire court, j'ai décidé de jouer le jeu de cet achat par séries, au risque de prendre du coup quelques concerts que je n'aurais pas choisi spontanément (un "Mozart / Elgar" par exemple...). Pour choisir les lots, il faut d'abord se rapporter à la partie "Calendrier" du programme, y sélectionner les concerts jugés indispensables, puis calculer pour chaque série le nombre de concerts choisis, et déterminer ainsi les séries les plus appropriées.

Cela donna les séries 5B "Orchestre Invités 1" (une création de Ferneyhough au milieu de Messiaen et Varèse, une 3 de Mahler par Casadesus, une 2 de Mahler par Rattle, et en compléments le fameux Mozart / Elgar par Davis, et un Beethoven / Widmann / Schumann par Chailly), 7B "Orchestre Invités 2" (du Gershwinn et Ives par Masur, du Prokofiev et la 1 de Mahler par Temirkanov, du Stravinski et Debussy par Gergiev, et en pas si compléments que ça du Debussy / Dvorak par Sokhiev, et "Salomé" de Strauss avec Anja Silja), et enfin 16B "Hommage à Henri Dutilleux" ("Timbre, espace, mouvement" avec la 5 de Chostakovitch en prime, "Métaboles" avec du Lutoslawski, les oeuvres pour violon et quatuor, et "The Shadows of Time" avec la symphonie avec orgue de Saint-Saëns).

Pas un seul Wagner, pas de Keith Jarrett en solo, presque pas de Chostakovitch, pas de Maria Joao Pires ni de Martha Argerich, pas de Bach, cela fait de sacrées impasses. Mais il faut aussi garder des sous et du temps pour les autres programmes !

Attention à la marche, en descendant du train

Mauvaise surprise de ce début de printemps : le RER B est devenu parlant. Je déteste cordialement les intrusions automatisées de cette voix à la banalité soigneusement calibrée, qu'un filtre auditif acquis de l'habitude me permettra rapidement, je l'espère, de ne plus entendre. Encore échappons-nous (pour l'instant ?) aux répétitions multi-langues ; thank RATP for small mercies...

samedi 18 mars 2006

Planning Avril - Mai 2006

Finalement, mettre en ligne le planning prévisionnel s'est avéré fort utile ; du coup, je renouvelle.


CdM = Cité de la Musique
NMg = New Morning
Bst = Opera Bastille
TdV = Théâtre de la Ville
Abs = Théâtre des Abbesses
Bbg = Beaubourg
Cht = Théâtre du Châtelet

Anouar Brahem - Jazz Méditerranée (Cité de la Musique - 17 Mars 2006)

Anouar Brahem aime les trios, et les alliances les plus diverses, pour faire briller les multiples couleurs de l'oud. Pour ce concert, l'accompagnent le pianiste François Couturier et l'accordéoniste Jean-Louis Matinier, avec qui il a composé les disques Le pas du chat noir et le tout récent Le voyage de Sahar. Musique délicate, raffinée, subtile, définitivement ECM, voire "excessively cerebral musings"... Tout se ressemble un peu, dans ces mélodies à la mélancolie indéfinissable, à l'exotisme abstrait, à la douceur vaguement poignante. Il y a beaucoup de respect et d'écoute entre les musiciens : Brahem mène le jeu, Matinier crée les plus beaux solos (bien loin du tango, son accordéon m'ouvre plus l'esprit sur les Balkans et les voyages gitans ; il sera le seul dont un solo, particulièrement vif, se fera applaudir), Couturier soutient ses compagnons de discrètes interventions. La salle est pleine, mais le public reste froid ; quelques mots, des explications de titre par exemple, auraient pu aider à dégeler l'atmosphère, mais Brahem ne se saisira du micro que pour donner le nom de ses acolytes et c'est tout. Du coup, l'émotion fragile dégagée par la musique se perdait dans la vaste salle de la Cité. Beau, mais quelque peu décevant.

Mise à jour : dans le Pot-Pourri, une grosse demi-heure parfaitement ECM, autour de Anouar Brahem, Jan Garbarek et autre John Surman.

jeudi 16 mars 2006

Art Ensemble of Chicago - Great Black Music (Cité de la Musique - 15 Mars 2006)

Dans cette formation se cotoient maintenant plusieurs générations. Les légendes là depuis le départ, les saxophonistes Joseph Jarman et Roscoe Mitchell ; l'un peu moins ancien, le batteur Famoudou Don Moye ; et les presque petits nouveaux, Corey Wilkes à la trompette et Jaribu Shahid à la contrebasse. Ils s'installent sur un plateau chargé en multiples instruments, chaque musicien étant en fait poly-instrumentiste : des saxophones et des flûtes en divers registres, une contrebasse et une basse électrique, une batterie et un ensemble de congas, et plein de petites percussions un peu partout.
Pour le premier morceau, Jaribu Shahid, à la basse électrique, donne un bon air funky, sur lequel les deux saxophonistes dialoguent en pointillistes, avant de lancer les solos ; il passera ensuite à la contrebasse, pour un jeu plus en explorations sonores. Roscoe Mitchell possède une impressionnante technique de souffle continu, au sax et à la flûte, ce qui lui permet des boucles mélodiques entêtantes. Joseph Jarman joue plus calmement, se base plus sur des ambiances ou des paysages sonores ; son plus beau solo, vers la fin de la soirée, sera à la flûte basse, au son dense et moelleux. A la trompette (et au cornet ?), Corey Wilkes est le plus tranchant, se lançant des des solos rapides, bourrés d'énergie livrée en éclairs ; par contre, le coté percussions n'est pas encore son fort. Famoudou Don Moye assure tranquillement derrière ses fûts, et de temps en temps passe aux congas, où il établit des schémas rythmiques complexes mais peu variants, n'essayant jamais de briller particulièrement par des démonstrations techniques. Nul besoin en effet d'en rajouter, ses camarades s'en chargent, accompagnant les solistes de toutes sortes de percussions, woodblocks, cloches, crotales, tambourins, que sais-je.
Le concert dure une heure et demie, et évolue entre courts moments vraiments bruitistes free, et des plages plus calmes, avec beaucoup d'espace autour des solos, et des relances aux rythmiques funkies. Agréable, mais pas inoubliable.

Mise à jour : Dans le Pot-Pourri, quelques morceaux du AEC, extraits de la collaboration avec Brigitte Fontaine pour l'album frappadingue et génial "Comme à la radio", d'un concert de 1984 où était invité Cecil Taylor, et de leur disque récemment réédité "Les Stances à Sophie".

lundi 13 mars 2006

Jean-Guihen Queyras - Suites pour violoncelles de Bach (Cité de la Musique - 12 Mars 2006)

Johann-Sebastian Bach - Suites pour violoncelle BWV1007 à BWV1012

Trois concerts successifs seront nécessaires : suites 1 et 4 à 15h, 3 et 5 à 16h30, 2 et 6 à 18h. Je ne me risquerai pas à commenter l'oeuvre elle-même. Restons-en à l'interprétation de Jean-Guihen Queyras.
Ce qui frappe dès l'abord, c'est la respiration très naturelle qu'il insuffle aux tempi ; ni corseté dans des rythmes de danse trop rigides, ni démontrant une liberté par des choix hasardeux ou spectaculaires, il laisse du champ libre pour que s'exprime la musique, que ce soit la joie de la danse, la souffrance interiorisée, la ferveur recueillie, l'intensité de la foi. Jouant sans partition, les yeux presque toujours fermés, le visage parcouru d'émotions, il a le geste ample, mais d'une précision formée à l'école contemporaine. Il utilise beaucoup les variations d'intensité pour structurer le discours, aussi bien au niveau micro (phrase répétée plus faiblement, comme en écho) que macro (des gigues finales qui s'arrachent en crescendo). Son violoncelle, un Gioffredo Cappa de 1696, est comme un partenaire, fidèle jusqu'à la dernière suite, où le réaccordage semble le faire un peu souffrir (mais je fatiguais aussi ; et la suite 2, donnée juste avant, semblait déjà un peu longue - le dynamisme, l'élan, le constant équilibre entre l'allure vivifiante des danses et les moments plus intensément spirituels, s'y ralentissant du coté sombre).

Les pré-échos

Avant chaque suite, Queyras joue une courte pièce, commandée pour l'occasion, supposée posséder un lien avec la suite parraine, qu'il enchaîne sans interruption, comme une sorte de sas temporel. Le parti-pris est curieux, mais fonctionne, et la difficulté technique de ces introductions ajoute encore à la gageure de l'entreprise. Brève revue de détail.

Ivan Fedele - Arc-en-ciel
Beaucoup de notes très aigües, obtenues en carressant à peine les cordes, et des harmoniques naturelles ; belle couleur.

Gilbert Amy - Ein... Es Praelidium
Pièce très déstructurée, collage de gestes, un rythme ici, une arpège là, des pizzicati lourds et vibrants.

György Kurtag - Pièces brèves
Mauvais élève qui n'a pas rendu sa copie à temps ! Du coup, trois miniatures seront jouées ("Az Hit", "Pilinsky Janos : Gérard de Nerval", "Arnyak"), des concentrés de méditation sur la mort ou la foi.

Misato Mochizuki - Pré-écho
Cette jeune compositrice japonaise multiplie les difficultés techniques et les variations de climat ; beau et spectaculaire, mais elle devra se tempérer...

Jonathan Harvey - Pré-écho
Il a trop écouté le début de "Tout un monde lointain" de Dutilleux ! Même mystère et forme d'éveil, qu'il prolonge par une rapide trille.

Ichiro Nodaïra - Enigme
De nouveau une pièce techniquement ardue (décidément, ces japonais...), où domine l'aigu (normal, en intro à la 6ème suite et sa corde supplémentaire).

En bis, il jouera une pièce de Philippe Schoeller, elle aussi écrite pour l'occasion, pleine de délicatesse et de brillance, il me semble.

Mise à jour : Dans le Pot-Pourri, un peu, beaucoup, beaucoup trop de violoncelle. Un parcours des six suites, d'abord par Pierre Fournier, d'une maîtrise absolue, puis par Paolo Beschi, sur violoncelle baroque, audacieux et extravagant, mais par moments complètement vide. Autour, des oeuvres jouées par Queyras, seul ou accompagné ... de six violoncelles.
Bonus : Sur Flickr, quelques photos de la Cité de la Musique.

dimanche 12 mars 2006

Kaija Saariaho - L'Amour de loin (Théâtre du Châtelet - 11 Mars 2006)

L'histoire de ce concert est assez originale, puisque basée sur une vengeance. En 2000, l'opéra était créé par Nagano et Sellars, à Salzbourg, avec le Châtelet en partenaire. Mais la captation en DVD a eu lieu sous la baguette de Salonen, à l'opéra d'Helsinski. L'équipe du Châtelet a ressenti cela comme une trahison ; et se venge en enregistrant entre leurs murs une version CD (avant le film, par Yves Angelo ; ensuite la BD ?). Ce concert est donc la prestation finale, après une semaine de travail en Allemagne, d'une nouvelle équipe : Kent Nagano, de nouveau, dirige le Deutsche Symphonie-Orchester Berlin, et Daniel Belcher (Jaufré Rudel), Magali de Prelle (Clémence), Marie-Ange Todorovitch (Le Pèlerin).
Un DVD, un CD, un film, cela fait beaucoup pour un opéra de musique contemporaine ... On pourrait presque trouver ça louche ... David LeMarrec commentait dernièrement la problématique particulière de cette catégorie musicale ; vu le coût de production (répétitions, personnel, décors, éclairages, etc.), et la séparation presque totale des deux publics (peu vont voir à la fois Verdi et Eötvös), faut-il accepter une certaine dose de simplification de son discours musical pour pouvoir être entendu ?
Je ne pense pas que les compositeurs se posent cette question de cette façon-là. Mais il est certain que Kaija Saariaho, depuis une dizaine d'années, a mis de la tonalité dans ses dérives spectrales ; certains trouvent le résultat trop mollement confortable, d'autres sensuel et somptueux. Je suis dans le second camp, tout en comprenant le premier. L'évolution de son style a été progressif, avec "Château de l'âme", créé en 1996 au Festival de Salzbourg, comme point limite de décrochage. Je mettrai tout ça dans la radio blog.

Revenons à la prestation de ce soir, donc. Opéra en version scénique, soit, mais ils ont du avoir peur que le public s'ennuie. On a droit du coup à de la vidéo, concoctée par Jean-Baptiste Barrière. Enluminures moyen-âgeuses, motifs arabisants, déformations liquides, tout cela est très décoratif et très vain. Ca occupe les yeux, mais ça bride l'imagination. N'est pas Bill Viola qui veut ... Du choeur, caché par l'écran, je ne verrais que les pieds. Au moins peut-on profiter de l'orchestre, qui est sans reproche.

Les voix ? Dans ce long oratoria, il y en a trois. Daniel Belcher (qui recevra en fin de représentation un prix pour son rôle dans Angels of America) possède un assez fort vibrato, et surtout un accent bien trop présent. Magali de Prelle ne fait pas oublier Dawn Upshaw, mais s'y efforce ; elle semble la plus immmergée dans son rôle, et y met le plus d'émotions. Enfin, pour le Pèlerin, Marie-Ange Todorovitch est excellente. Il est étrange que Saariaho dise "j'étais à la fois le compositeur et la dame", quand le rôle le plus intéressant est à mon avis celui du Pèlerin, personnage d'homme chanté par une femme, créature hybride, entre les sexes, entre les continents, peut-être amoureuse de l'un et de l'autre, qui les manipule pour les rapprocher, mais avec quel but final ? Assurer leur bohheur ou créer du mythe ? C'est le problème de ce texte, qui camoufle des thèmes secondaires passionnants sous des tirades parfois lourdement répétitives.

Et la musique ? J'aime beucoup, donc. Les cris lancinants de la flûte, les vrombissements des violoncelles, les atmosphères sont belles, répétitives et entêtantes. J'avais déjà mis des extraits dans la radio à l'occasion de ce billet, vous pouvez encore les écouter, dont le morceau de bravoure (totalement régressif ...) de ce chant de troubadour recréé, une merveille de chant modal.

J'ai ensuite appris, entre autre, que beaucoup de harpistes sont blondes, qu'un "piano sonore" n'a rien d'évident, et qu'à la Villa Médicis, il y a des privilégiés, des privilégiés, et des privilégiés.

Mise à jour : Dans le Pot-Pourri, j'ai donc mis une "vieille" oeuvre de Saariaho, "Lichtbogen", première fois qu'elle utilisait l'ordinateur pour composer de la musique purement instrumentale ; la flûte y est déjà prépondérante, qui crie déjà comme un oiseau marin ! Puis "Grammaire des rêves", où voix et orchestre tentent de trouver place et équilibre. Et enfin, les deux derniers chants du "Château de l'âme", qui préfigure les lignes mélodiques utilisées dans son opéra.

jeudi 9 mars 2006

Saison 2006/2007 : déjà les abonnements !?

L'an dernier, j'avais commencé à recevoir et potasser les programmes début Avril. Cette année, c'est parti avec plusieurs semaines d'avance. Est-ce lié à l'actualité des salles de spectacle ?
Nous avons la salle Pleyel, qui fêtera, après plusieurs années de rénovation, ... sa Résurrection (et dont le site Web nécessiterait un bon administrateur : http://194.250.19.185:8084/ n'est pas une URL sexy...). Le logo en haut à droite indique le parrainage par la Cité de la Musique, qui en utilisera la grande capacité en attendant l'ouverture de sa propre salle symphonique.
Nous avons au Châtelet un nouveau directeur, Jean-Luc Choplin, en remplacement de Jean-Pierre Brossmann. Le pré-programme est un objet curieux, un bloc de fiches étroites reliées par un rivet, et le contenu fait un peu peur, si on considère que donner "Le Chanteur de Mexico" est le premier acte fort de la nouvelle équipe. Certains se réjouissent. Et il y aura certainement quelques pépites à dénicher.
A la Cité de la Musique et au Théâtre de la Ville, rien de neuf heureusement.

Bon, va falloir s'y mettre, donc... Mais je vais peut-être laisser passer une semaine ou deux, pour l'instant plonger dans l'année prochaine me semble trop tôt ; c'est une activité de début de printemps, quand resurgit la vie pour un nouveau cycle.

mercredi 8 mars 2006

Johann Sebastian Bach - Variations Goldberg BWV 988 (Eglise des Billettes - 7 Mars 2006)

Histoire de prolonger la série de concerts "Bach" (entre Marie Chouinard et Jean-Guihen Queyras dimanche prochain), j'ai finalement décidé d'aller voir Benjamin Alard jouer les variations Goldberg au clavecin (concert dont j'avais entendu parler plusieurs fois, pour des raisons en partie extra-musicales).

Dès l'aria initiale, il impose un climat : tempi lents, lignes lisibles mais non individualisées, son ténu, absence d'accentuations rythmiques (mais de mini pauses ça et là qui perturbent les airs de danse). Le tout baigne dans une grande douceur. Les variations sont clairement séparées, par des silences plus ou moins longs (parfois, pour se reprendre après quelque bourde). Une énergie plus grande réveille les dernières variations (s'est-il jusqu'ici économisé de peur de ne pas tenir la distance ?).
Dans le décor austère du temple luthérien, et le confort spartiate des bancs qui craquent à chaque mouvement, et même si le défaut d'une lecture trop calme, et qui n'est pas entièrement évité ici, c'est, à force de gommer les aspérités, la platitude, j'ai apprécié cette pâle lumière bleutée qui émanait de la musique, plus finalement que la prestation de Pierre Hantaï l'an dernier à la Cité de la Musique.
Le public enthousiaste réclame et obtient assez facilement trois bis, tout aussi calmes et tendrement rêveurs. Style qui n'est donc pas uniquement lié à un choix interprétatif, mais à la qualité même du clavecin, ou aux compétences techniques du musicien.

Je n'ai pas assisté à la suite, évoquée ou non ici ici et ici.

Mise à jour : Si j'ai apprécié ces tempi lents, c'est aussi parce qu'ils me rappelaient ceux utilisés par Scott Ross en 1988 (déjà fatigué par la maladie, disent certains vilains). C'est ce disque qui m'a initié aux variations Goldberg, et il me sert encore de para-insomnie efficace, dissipateur d'angoisse et calmeur de passion (et je ne veux pas ici me raccrocher au mythe ; j'ai une catégorie de disques écoutables la nuit pour me rendormir, et celui-ci en est le chef). Bref, dans le Pot-Pourri, pour poursuivre le chemin fait avec Gould de 3 à 9, j'ajoute, par Ross, les étapes 9 à 15.

lundi 6 mars 2006

Champs Libres EIC (Centre Pompidou - 5 Mars 2006)

Pour ce concert gratuit pour tous les abonnés EIC, la Grande Salle de Beaubourg n'est même pas pleine, ce qui écoeure un peu quand on compare à la cohue du début d'année... En même temps, le programme proposé n'offre ni création, ni vraiment du répertoire ; il m'est bien rare d'assister à un concert contemporain dont je possède déjà toutes les oeuvres sur CD !

Tristan Murail - La Barque Mystique

La référence picturale indique le climat, incertain, continuellement mutant, dès la fusion initiale flûte-violon ; peu de ligne directrice claire, mais une dérive au gré du courant, au gré de l'instant. Voir cette musique en concert permet de mieux en comprendre la matière, les alliages sonores y sont si travaillés qu'on oublie souvent qu'il n'y a que cinq musiciens. Le piano vrombit dans les abysses, violon et clarinette dessinent des éclairs, le violoncelle se berce dans le ressac, la flûte apporte des éclats de lumière énergiques, mais tout ça transmute continuellement, en couleurs et textures (rythmes et mélodies sont quasiment hors-propos).

Philippe Hurel - Tombeau

Cette pièce, en hommage à Gérard Grisey, pour piano et percussion, peut être découpée en trois parties. Mise en place de petits mécanismes d'horlogerie, qui évoluent un peu, avant de se gripper, et de se bloquer sur une note fatale ; épisode lent, mystérieux, où le silence n'est jamais loin, où le pianiste pince les cordes, où le percussioniste Samuel Favre saura créer un fort beau clair-obscur jaune sourd ; reprise des mécanismes initiaux, dans un élan qui semble vidé de toute force vitale. La rage habite la première partie, qui ne peut que bloquer sur ces coups assénés, woodblocks et clusters, comme on boxe un mur. Et après la pause aux couleurs magnifiques de la partie centrale, c'est de nouveau la rage, mais comme vidée de sa force et plus désespérée, qui reprend les rènes, pour nous ramener pratiquement au point de départ.

Gérard Grisey - Vortex Temporum

Hurel dit avoir utilisé, pour Tombeau, le solo de piano de Vortex Temporum. De fait, quand je pense à cette pièce, je la perçois d'abord comme un concerto pour piano. Ce qu'elle n'est pas ! Le premier mouvement met en place trois formes d'ondes de temps : flûte et clarinette tourbillonnent en sinusoïdale, puis violon alto et violoncelle se figent dans les états duaux d'une onde carrée, et enfin le piano s'impose dans un solo en dents de scie. Le matériel est ainsi fourni, dans une élégance de structure et une beauté d'écriture qui émerveillent. Le deuxième mouvement est plus difficile, un exercice de lenteur, auquel je ne suis pas sensible ; un problème avec le rythme, je crois, dont la pulsation lente, trop régulière et trop marquée, me bloque l'accès aux autres couches de transformations sonores. La troisième partie (dédiée à Lachenmann !), mélange les matériaux initiaux dans des confrontations impossibles, où les six musiciens doivent briller dans de nombreux passages de haute voltige, fulgurances, quasi-silences, dérives, soudaines confluences rythmiques, se succèdent rapidement. Je retiendrais particulièrement le piano incisif et impérial de Dimitri Vassilakis, la flûte énergique jusqu'au bruit d'Emmanuelle Ophèle, et la pose narquoise de Christophe Desjardins qui maintient le silence en bout de pièce, dans une tension remarquable.

Mise à jour : Dans le Pot-Pourri, j'ajoute "La Barque Mystique" et "Tombeau", ainsi que le premier mouvement de "Vortex Temporum". Le passage du solo de piano de Grisey aux variations de Bach est assez surprenant...

dimanche 5 mars 2006

Rainbow Symphony Orchestra - Elgar Bach Brahms Fauré Warlock (Espace des Blancs-Manteaux - 4 Mars 2006)

Jean-Sébastien Bach - Concerto pour 2 violons BWV1043

Maintenant qu'ils connaissent bien la salle, les membres du RSO s'amusent à compliquer les mises en place. Ils débutent donc par un orchestre réduit, où restent debout ceux qui le peuvent, et où s'immisce un clavecin ; derrière le public s'alignent les chemises colorées des autres musiciens et des choristes. Des deux solistes, on retiendra Diana Cotoman, au jeu puissant et sur (mais son CV surclasse le statut amateur de l'orchestre) ; si le mouvement lent central dégouline un peu, les deux autres brillent joliment.

Johannes Brahms - Rhapsodie pour contralto et choeur d'hommes

Magistral changement de plateau, avec disparition du clavecin, arrivée du reste de l'orchestre, et du choeur Melo'Men. J'aime plus le premier mouvement, avec ses profondes contrebasses et son atmosphère dramatique, que le dernier, où les charmes de "l'un des plus beau thèmes, si ce n'est le plus beau, que Brahms ait jamais écrit" me laisse un peu indifférent, même si les effets de harpe y sont très réussis. La contralto Laure Verguet manque légèrement de puissance, son répertoire doit mieux se satisfaire des trios "voix alto piano" que des pièces de Mahler...

Gabriel Fauré - Pavane

Pas grand-chose à ajouter par rapport à l'interprétation précédente.

Sir Edward Elgar - Serenade for string orchestra

Voilà de la musique qui ronronne gentiment, mais que le RSO parvient à ne pas faire ronfler. Mon voisin s'amuse de voir le chef John Dawkins particulièrement engagé dans cette musique, soulignant et indiquant tous les accents pauses et articulations rythmiques. Non que cela rende cette musique particulièrement passionnante, cela dit ...

Peter Warlock - Capriol suite

C'est une suite de danse, courtes comme il faut car basées sur des idées simples. Un rythme de "Basse Danse" intéressant, une "Pavane" fort connue ("unknown known", once more), un "Tordion" qui s'amuse avec des pizzicati quasi-chaotiques ... Cela s'achèvera par une "Sword Dance" assez martelante. De la musique pour concert d'après-midi dans un parc...

Les discussions d'entracte et d'après-concert furent, dans leur genre, comme un Paris-Carnet parfait (faire connaissance, discuter, s'écouter et s'entendre - ou presque, vu le volume de la sono du bar).

samedi 4 mars 2006

Marie Chouinard - bODY_rEMIX / vARIATIONS_gOLDBERG (Théâtre de la Ville - 3 Mars 2005)

"Marie Chouinard osera les pointes, sur les variations Goldberg !" annonçais-je. Et l'accroche n'était pas mensongère.
Les pointes, Marie Chouinard les considère comme une entrave douloureuse, et s'en venge, en les accompagnant d'autres instruments synonymes de handicaps, béquilles, déambulateurs, harnais, qui gauchissent le corps, le soumettent à contraintes, et dont les 10 danseurs et danseuses se serviront pour au contraire affirmer leur beauté et leur puissance de libération. A peine vétus, ils paradent, déploient leur architecture articulée d'os de muscles et de ligaments, ornée de barres, de roulettes ou d'élastiques, composent des tableaux à l'érotisme parfois affirmé, cris et souffle entre douleur et plaisir, fétichisme de la cheville massée, lavée, caressée ou caressante, confondue avec le poignet. Dès l'intro, un pied entravé dans un chausson de danse qui fait des pointes, l'autre libre et à plat, leurs grandes enjambées claudicantes ne manquent pas d'élégance irrévérencieuse. L'humour courra tout du long, dans l'ambigüité des poses, ou au contraire dans l'affirmation effrontée des pulsions sexuelles que la danse classique s'ingénie à recouvrir d'un voile plus ou moins transparent, dans la tension entre la vénération pour la beauté intemporelle du langage classique de la danse et sa subversion par le grotesque, sans jamais vraiment tomber dans la parodie.
Quant aux variations Goldberg, la version choisie sera celle de Glenn Gould en 1981, mais totalement remixée par Louis Dufort, qui n'en prend que de courts extraits qu'il met en boucle, au'il superpose, qu'il ralentit ou triture électroniquement ; de temps à autre, un morceau de mélodie en ressort intact, mais l'ensemble sonne bien plus comme une oeuvre minimale répétitive, qui convient bien à la danse. A cette mixture sont ajoutés des extraits de discours tenus par Gould (dont la voix hante tant ses disques), par exemple un sidérant "something like ya pa pa pa pii pa pa pa pa pa pa pa pa pa paa, which sounds okay when you sing it", qui, répété à volonté, se saisira du corps d'un des danseurs, dans une gesticulation de pantin de Saint-Guy, jusqu'à l'épuisement, scène particulièrement réussie, drole, mais dérangeante à cause de la présence d'une femme affalée telle un cadavre, mais chantonnant un gros micro planté dans la bouche, allusion SM cette fois clairement sordide.
Divisé en deux parties de 45 minutes chaque, la seconde bénéficiant d'un éclairage et d'une scénographie plus élaborés et par moments splendides, cette production offre de très belles performances, de magnifiques moments, et un terrain propice à réflexions. Pas la révolution du siècle, pas le choc de l'année, mais un très bon spectacle.

Mise à jour : Dans le Pot-Pourri, j'ajoute la version originale, les variations Goldberg 3 à 9 (du canon à l'unisson au canon à la tierce), jouées par Glenn Gould en 1981.

jeudi 2 mars 2006

Bach - Accentus, Concerto Köln (Cité de la Musique - 1 Mars 2006)

Laurence Equilbey dirige son choeur Accentus, et le Concerto Köln (qui, tel l'Ensemble Modern, cela semble fréquent en Allemagne, habituellement s'auto-dirige), dans un programme de motets de Johann-Sebastian Bach.
Après la mise en bouche "Lieber Herr Gott, wecke uns auf" de Johann Christoph Bach, et la courte pièce "Ich lasse dich nicht, du segnest mich denn !" BWV Anh. 159, le premier morceau de choix de la soirée sera le motet BWV 227 "Jesu, meine Freude". Si le concerto Köln reste très (trop ?) discret, les voix Accentus, d'un équilibre incroyable, dévide le fleuve de cette musique dans une ferveur sereine qui transporte l'âme. Cela pourrait ne jamais finir, il y a dans ce raffinement contrapunctique un épanouissement lent et infini, mais c'est déjà l'entracte.
A la reprise, le concerto Köln a l'occasion de briller davantage, dans "O Jesu Christ, meins Lebens Licht" BWV 118, avec deux litui obligés. Cette sorte de trompette offre malheureusement un son peu agréable, qui au-dessus du merveilleux tissage vocal, sonne comme une série de ponctuations dans un texte qui n'en aurait pas besoin.
Suit un intéressant travail pédagogique : se succèdent "Tristis est amina mea", de Johann Kuhnau, et "Der Gerechte kommt um" (BWV deest), qui s'en est inspiré, en étoffant la partie instrumentale, en approfondissant les lignes vocales, en creusant et magnifiant l'émotion. Un exemple particulièrement saisissant de l'alchimie Bach, qui transforme un agréable morceau de musique, en un intense moment d'émotion musicale.
Les deux derniers motets de la soirée, "Komm, Jesu, komm !" BWV 229, et "Singet dem Herrn ein neues Lied" BWV 225, prolongent la magie, dans les mêmes conditions, orchestre discret, choeur sublime. Cela s'achèvera par un Alleluia fabuleux de pyrotechnie, tourbillonnant et jubilatoire, bissé pour le plus grand plaisir du public !

Mise à jour : Ma discographie Bach est particulièrement incohérente, avec des doublons et triplets, et de vastes déserts. Cela sera corrigé peu à peu. En attendant, et en l'absence de motets, contentons-nous, pour agrémenter le Pot-Pourri, de cantates (où les instruments ont plus de place). Le choix fut rude, j'opte finalement pour les numéros 12 et 29. Ceux qui en voudraient plus devront consulter un spécialiste.