dimanche 27 septembre 2009

Sidi Larbi Cherkaoui - Apocrifu (Cité de la Musique - 26 Septembre 2009)

La grande salle de la Cité ne convient pas vraiment à un spectacle chorégraphique. Une bonne partie des gradins latéraux ne pourra pas voir l'intégralité de la salle, et le parterrene pourra pas bien voir ce qui se passe au sol ; cela limite grandement le pourcentage des gens ayant une vue totale du spectacle !
C'est du Sidi Larbi Cherkaoui en petit format, puisqu'accompagné de deux danseurs seulement, mais quand même : décor important avec deux étages, beaucoup de livres un peu partout, et un grand escalier ; l'ensemble vocal de chanteurs corses "A Filetta" présent et s'y baladant ; et l'habituelle ambition de propos du chorégraphe.
Il s'agit de parler des 3 religions du Livre, ou plutôt des Livres qui ont donné naissance aux religions. Une des meilleurs scènes de la soirée sera celle où les trois danseurs entremêlent leurs mains leurs bras et leurs regards à porter trois livres que l'on devine être Torah Bible et Coran, les portant, les échangeant, se frappant le visage avec, dans une sarabande rapide et virtuose. Suivra une séance explicative où le chorégraphe explique que des morceaux de textes ont été copiés collés d'un livre à l'autre, ce qui laisserait croire que ce n'est pas Dieu qui les aurait écrit, mais les hommes. Stupéfiante révélation, ma foi ...
La danse est comme d'habitude splendide, spectaculaire et généreuse. Dimitri Jourde, venu du cirque, apporte sa tonicité sauvage et ses techniques à ras du sol, Yasuyuki Shuto, venu du Tokyo Ballet et spécialiste de Béjart, apporte sa discipline classique et ses techniques de saut.
Les aspects "cross-culturels" ne sont pas tous réussis. Le port de grelot aux chevilles des trois danseurs, à la manière de la danse indienne, est carrément raté, par manque de maitrise, cela n'apporte que du bruit rapidement énervant ; peut-être est-ce exprès, puisque ce bruit évoque des chaines, dont ils finissent par se débarrasser ?
La marionnette Bunraku est plus intéressante, qui à un moment se révolte contre ses trois manipulateurs et les rejette violemment, pour finir libre et du coup s'effondrer ... A chacun d'interpréter ...
A un moment apparaissent des épées, mais je n'ai pas bien compris ce que cela voulait signifier, j'avais déjà décroché depuis un petit moment.
La musique vocale de "A Filetta", six hommes autour du leader Jean-Claude Acquaviva, s'est dégagée de la seule Corse pour se nourrir de nombreuses racines mystiques méditerranéennes.

Ailleurs : une bande-annonce du spectacle

Spotify :
A Filetta - Medea

lundi 21 septembre 2009

Musiques et danses traditionnelles du Japon (Salle Pleyel - 19 Septembre 2009)

Kangen

Le gagaku, c'est un des sommets de la musique ritualisée. Fixée au IXème siècle dans sa forme actuelle, jouée longtemps exclusivement par la Maison impériale et quelques temples, les occasions d'en entendre en France sont plutôt rares. Mais nous avons alors droit au meilleur : l'Ensemble de gagaku impérial Reigakusha.
Le livret explique clairement les différentes pièces. "Hyôjô no netori" pour s'accorder, le rapide "Goshôraku no kyû", le très populaire "Etenraku" (qui accompagnait la "Glorieuse époque de Heian" de Esther), puis le martial "Bairo".
Impressionnante sonorité des orgues à bouche ("shô"), aux harmonies obsédantes comme un drone, aux intensités fluctuantes et battantes. Dialogues des cithares ("sô") et des luths ("biwa"). Percussions qui marquent moins le temps qu'elles ne le décore. Flutes ou hautbois en fonction de l'origine de la musique. Il y a un monde de raffinement dans ces contraintes immémorielles.

Bugaku

Danse, maintenant. Toujours aussi ritualisé, en pas mesurés, flexions et étirements, en déguisement fort travaillé, mais je n'accroche pas du tout. La musique est par moment d'un minimalisme répétitif assez insupportable, mais la fin avec les flûtes en canon est magnifique.

Toru Takemitsu - Shûteiga (Dans un jardin d'automne)

Le travail de Toru Takemitsu est remarquable : il prend l'orchestre traditionnel de Gagaku, l'esprit de cette musique, et en modifie juste un peu les paramètres pour y mettre son univers à lui. Autour d'un noyau central (le jardin), quelques musiciens sont disposés sur chaque bord, qui jouent des "échos". Particulièrement intéressant est le passage où un violent orage manque noyer le jardin sous un déluge fulgurant.

Toshio Saruya - Rinkoku

On apprécie d'autant plus l'oeuvre précédente quand on entend celle-ci, plus contemporaine encore, mais où l'orchestre s'éloigne plus de l'esprit initial, tout en gardant ses limites sonores, et aboutit un peu nulle part.

Ailleurs : Palpatine
Spotify :
Herbie Mann - Gagaku and Beyond
Claude Delangle - The Japanese Saxophone

dimanche 20 septembre 2009

Jazz à la Villette : les vidéos

Plusieurs concerts du Festival de Jazz de la Villette étaient diffusés en direct depuis la Cité de la Musique, ont donc été enregistrés, et sont désormais disponibles sur ARTE Web (ce n'est malheureusement pas le cas des concerts de la Grande Halle).

On peut constater que les premières parties sont souvent plus passionnantes que les secondes.
Je recommande en particulier les prestations de Limousine et de Jean Louis.

Flux Jazz propose des extraits de quelques autres concerts, dont Marc Ducret et Hélène Labarrière.

L'opéra de quat'sous - Berliner Ensemble (Théâtre de la Ville - 16 Septembre 2009)

Les échos de la presse sont unanimes : ce spectacle est un chef d'oeuvre. Je ne sais si c'était le cas la veille, mais dès le deuxième soir, le trottoir devant le théâtre fourmille des "Cherche 1 place" qui ne pourront (hélas ! hélas !) plus se manifester pour Pina Bausch. De grands travaux ont eu lieu, liés sans doute au nouveau directeur Demarcy-Mota : adieu les casiers qui n'étaient quasiment pas utilisés, place à un vrai vestiaire ; déménagement du comptoir d'accueil ; mise en place de tables et de chaises dans l'espace ainsi dégagé ; en haut, une sorte de boutique (pas très bien conçue), et des jolis bancs rustiques. Tout ça sent encore la peinture fraiche ! Les dépliants distribués ne sont pas au format habituel, beaucoup plus chics et imagés, mais c'est peut-être dû au "Festival d'Automne à Paris".
Bon, et le spectacle ? Un chef d'oeuvre, oui, certainement, même si je ne suis pas le plus à même d'en juger, parce que c'est la première fois que je vois cette pièce, (dont je ne connaissais que le "Mack the Knife", et une version de la chanson de Salomon par Dead Can Dance baptisée "How Fortunate the Man with None" qui n'a plus grand-chose à voir avec l'original), et parce que ma place plutôt en hauteur (rang "S", loin au-dessus de toutes mes places de la saison) m'empêche d'apprécier les détails.

Dès l'intro, la barre est mise haut. Convoquer dans la même scène les monstres fantomatiques des films muets expressionnistes et les lumières de Broadway, dans une forme de raffinement minimaliste, ronds de lumières en crescendo-decrescendo d'intensité, poursuites blafardisant les acteurs, c'est prodigieux. On a les couleurs, les espaces, habituels chez Bob Wilson, mais sans les ralentissements et les statismes souvent de pair. Le petit ensemble instrumental délivre toute l'acidité, la plasticité et l'allant nécessaires, un idéal orchestre de cabaret.
Le choix "chanteurs, opéra / comédiens, théâtre", contrairement à d'autres oeuvres de Brecht et Weill, ici ne se pose pas : il faut d'abord de bons comédiens. Avec le Berliner Ensemble, on est servi. Veit Schubert joue un Peachum veule, misanthrope et glaçant, Traute Hoess en sa femme une ogresse ivrogne terrible, Stefan Kurt un Mackie si élégant et enjôleur qu'on en oublierait les crimes, Axel Werner en Tiger Brown, devient une silhouette à la Nosferatu, mais au caractère de lâche. Etc.
Le seul "truc" qui m'énerve dans la mise en scène, ce sont ces bruits qui miment l'ouverture des portes ou le franchissement des rideaux. Une manière de distanciation, peut-être ? Mais niveau sonore trop agressif (étais-je près d'un haut-parleur ?).
Mais cela n'en rend pas moins toute la représentation absolument exceptionnelle, et certaines scène inoubliables. Le minimalisme de la prison est prodigieux de beauté. Et tout le final, avec l'arrivée de ce hérault incongru et revendiqué tel, est un délice de cynisme. Malheureusement, la partie "acide" de la tirade finale de Mackie (quel est le plus grand criminel, celui qui cambriole une banque, ou celui qui en fonde une ?) a plus de chance de toucher que la partie "humaniste" (ne punissez pas trop fort les criminels, ils n'ont pas eu une vie enviable).

Rendez-vous en Avril avec le Berliner Ensemble, pour "Richard II". D'ci là, ceux qui ont réussi à avoir des places pour ce Dreigroschenoper, réjouissez-vous, les autres, vous pouvez essayer de récupérer des places, mais ce sera dur ...

Ailleurs : de nombreux articles de presse, mais je retiens Akynou, Armelle Héliot, Les 3 coups, Damien, Concertonet.

Spotify:
"L'Opéra de quat'sous" par Joachin Kühn, Daniel Humair et Jean-François Jenny-Clark
"The Young Gods play Kurt Weil"

lundi 14 septembre 2009

Yusef Lateef & Archie Shepp (Grande Halle de la Villette, 13 Septembre 2009)

Affiches et tracts distribuées annoncent le faux bond de Ahmad Jamal, avec possibilité de se faire rembourser. Belle organisation ! La salle restera quand même fort bien pleine.

Benjamin Dousteyssier Septet

Benjamin Dousteyssier se présente en tant que saxophoniste, compositeur, arrangeur, leader de cet ensemble ; il annonce qu'ils vont jouer une suite formée de deux parties, un thème de Monk peu connu "Coming on the Hudson", suivi d'une composition personnelle. Se sera une suite d'épisodes variés, des prestations d'ensemble Free, un duo saxo-batterie (Coltranien ?), un trio piano-basse-batterie très classique qui peu à peu se déglingue, des moments aux organistaions mécaniques, etc, le tout dirigé par Dousteyssier agitant un ou deux doigts au bout des bras. L'écriture utilise aussi les caractéristiques des membres, en particulier le jeu nourri de musique classique du pianiste Paul Lay, ou le jeu crépitant du batteur Julien Loutelier. Citons (puisque ce blogue est aussi là pour ça !...) les autres musiciens : Louis Laurain trompette, Geoffroy Gesser saxophone, Fidel Fourneyron trombone, Simon Tailleu contrebasse. Le tout durera une grosse demi-heure, pas de rappel, pourtant c'est du bon boulot, le CNSMDP est une bonne pépinière.

Yusef Lateef & Archie Shepp

En l'absence de Ahmad Jamal et de ses musiciens, c'est une troupe fort différente de celle prévue qui s'installe. Et le concert lui-même semble se chercher un peu, tant dans les orientations musicales que dans les problèmes acoustiques (sur scène, les réglages du son retour semblent compliqués). Ca commence par du Hard-Bop qu'installent confortablement Wayne Dockery à la contrebasse, Steve McCraven à la batterie, complété par Leon Parker aux percussions, et Tom McLung au piano. Le premier solo est je crois pour ce dernier, qui démontre qu'il est bien là en remplacement, du travail de pro, mais sans génie. Shepp et Lateef se lancent à leur tour et alternent les solos, fluides et limpides pour Shepp, en courtes phrases pour Lateef. C'est intéressant, mais c'est interminable ! Au bout d'une demi-heure, dans un thème qui ne décolle pas vers la transcendance, malgré les jouissives explosions rythmiques de McCraven et Parker fortement complices, la basse obstinée et répétitive de Dockery me sort des oreilles. Ouf, enfin ils changent. Le morceau suivant est très nocturne, plein d'ambiances de jungle, avec Lateef s'amusant à tirer plein de sons étranges de flutes flutiaux et autres tuyaux. Très beau, et prenant. Mais quand les choses s'organisent, on retombe dans la répétition interminable d'une ligne, que les solos des deux chefs ne parviennent pas à rendre passionnante, loin de là.
Le concert prend soudain une toute autre direction quand Archie Shepp se met à chanter, entre prêche religieux et harangue politique, un grand coup d'énergie. Puis Yusef Lateef se met à son tour à chanter, quelque-chose de mystique et un peu halluciné. Ils donnent plus dans le grand spectacle, mais au moins ça réveille. Il devient alors impossible de les arrêter. Un "Round midnight" en bis, suivi de plusieurs autres morceaux, ça fait deux heures qu'ils sont là, mais Lateef se refuse à partir, alors tout seul, dans le noir, il nous joue une petite mélodie à la flute avant de s'éclipser pour de bon.

lundi 7 septembre 2009

Big Four - Marc Ducret (Cabaret Sauvage - 6 Septembre 2009)

Big Four feat. Joey Baron

C'est quoi, exactement, cette musique ? C'est du répertoire, ou de l'innovation ? De l'hommage, ou de la recherche ? C'est du vieux, du neuf, du neuf avec du vieux ? Dans une chaleur écrasante sous le chapiteau (je n'ose imaginer sous en plus les projecteurs), le leader Max Nagl au saxophone, plus lyrique, et Steven Bernstein, trompette et trompette à coulisse (ben non, c'était pas un trombone), plus tranchant, mènent le bal (en commençant par une polka). Brad Jones à la contrebasse joue beaucoup sur l'épaisseur du son, parfois effleurant les cordes comme d'une mandoline, parfois creusant comme une grosse caisse. Invité, le batteur Joey Baron, le visage fendu d'un large sourire, profite de la simplicité des morceaux pour y glisser tout plein de petites pépites rythmiques. Le guitariste Noël Akchoté, peut-être déchargé d'une part de boulot par le batteur inhabituel dans cette formation, ne joue que rarement ; il laisse alors tomber des notes grasses et bluesy, éparses, en bribes de mélodies zébrées par le silence. Tout ça s'assemble en des morceaux pleins de contrepoints, de reprises, avec des structures bien écrites, mais qui se veulent assez légères. Entre ludique et sérieux, complexité et simplicité, agréable et tonique.

Marc Ducret Grand Ensemble

"Le sens de la marche", dissout l'an dernier, rené de ses cendres ? Autour du Marc Ducret trio (avec Bruno Chevillon à la basse et Eric Echampard à la batterie) gravitent une petite dizaine de jeunes musiciens (Hugues Mayot et Mathieu Metzger, saxophones ; Yann Lecollaire, clarinettes ; Pascal Gachet, trompette ; Jean Lucas, trombone ; Tom Gareil, vibraphone ; Antonin Rayon et Paul Brousseau, claviers). Ca met une méchante énergie sur scène ! Ca pulse, ça groove, ça tonitrue parfois, ça zigzague et ça s'organise comme ça peut. La structure des morceaux laisse perplexe : quel est le degré de liberté laissé à chacun "pour que chaque musicien [puisse] décider à tout moment du sens de la marche", comme le clame la profession de foi de Ducret. Par exemple, le premier morceau commence par un chorus puissant des cuivres, puis se laisse déborder par un solo furieux de Gareil au vibraphone, dont le rythme frénétique contamine la batterie, puis la basse, puis les claviers ; mais quand les cuivres reprennent avec la même frénésie, c'est donc que c'était écrit ? Je laisse aller, du coup, me plonge dans l'écoute, ce maelstrom de sons, de solos profonds ou féroces, de vitalités, d'envie et de plaisir de jouer. L'ensemble fonctionne moins bien dans le mode mineur, "Aquatique" est trop languide, bien qu'offrant une pause bienvenue, mais trop longue. Au centre, Marc Ducret et Bruno Chevignon sont impressionnants de puissance et de virtuosité. Autour, les petits jeunes assurent, en font parfois un peu trop, mais promettent. En sortant, achat du disque. Et une interrogation : je me demande ce que donnerait une confrontation entre le Marc Ducret trio et Aka Moon ...

Ailleurs : Bergerot, JazzAParis

dimanche 6 septembre 2009

John Zorn - Shir Hashirim (Grande Halle de la Villette - 5 Septembre 2009)

Le livret indiquait : "Pour les accompagner dans ces sensuels vertiges du désir divin, l’iconoclaste saxophoniste s’appuie sur un chœur de cinq femmes et un quintet d’électrons libres". Mais en fait il n'y aura pas de saxophone (il fallait être la veille à Pleyel où il avait rejoint sur scène, ais-je lu, Lou Reed et Laurie Anderson), et deux parties bien distinctes.

Le quintet d'électrons libres

Je ne sais pas si ces 5 là ont déjà été réunis (peut-être pour un des Film Works ?), et si cette configuration porte un nom. Nous avons à la basse Greg Cohen, imperturbable et impérial, pour impulser un tempo souple et bondissant. Aux percussions, Cyro Baptista n'utilise par morceau qu'un ou deux éléments, coloriste inventif dans ce minimalisme imposé. Au-dessus d'eux dialoguent Kenny Wollesen au vibraphone, Marc Ribot à la guitare acoustique, et Carol Emmanuel à la harpe. Sur des mélodies typiquement Zorniennes (tendance "book of angels", petites phrases aux confluences multiples, malléables et catchy), ils entremêlent leurs interventions selon les indications instantanées données par John Zorn, présent sur scène, obéi au doigt et à l'oeil. Nous sommes dans la frange la plus accessible de Zorn, entre "Dreamers" et "Alhambra Love Songs". De la grande volée tout le temps, et par moments, de la beauté la plus haute, presque miraculeuse. Des musiciens de tout premier ordre, et habitués depuis des années à travailler les uns avec les autres en configurations diverses, cela donne des échanges magnifiques, où chacun brille tour à tour, tous au service de la musique. Extraordinaire.

Le choeur de cinq femmes

Après un intermède plus long que prévu suite à la chute d'une dame dans les hauts rangs de la salle, la seconde partie propose une toute autre musique. Au centre, un choeur de cinq femmes, qui officiait déjà sur le "Filmworks XXII". Elle enchaine les épisodes, en polyphonie à la Steve Reich ou John Adams, et en polyrythmie pleine d'échos ethniques. Sur ce tissage vocal aérien, Clotilde Hesme et Mathieu Amalric (déjà réunis sur scène par Vannier) récitent le "cantique des cantiques". Leurs deux voix sont magnifiques en récitant. Malgré quelques notes aigües difficiles pour la soprano, malgré quelques imperfections chez Amalric (plus acteur que comédien - Hesme est elle parfaite, présence et diction magistrales), l'ensemble est assez captivant, envoutant par moments. La poésie du texte est révélée, soutenue et magnifiée par le travail du choeur. Le public semble plutôt apprécier, même si l'enthousiasme est moins fort que pour d'autres prestations de John Zorn. Mais c'est qu'il ne s'agit franchement pas ici de Jazz ! C'est de la musique contemporaine vocale, sans improvisation. Accessible, certes, mais je ne suis pas sur que ce soit ce qu'il était venu voir.

Ailleurs : Damien, Belette, Perrin

jeudi 3 septembre 2009

Ornette Coleman Quartet (Grande Halle de la Villette - 2 Septembre 2009)

Bunky Green

En première partie, Bunky Green entraine un quartet presque français. L'ouverture est d'un classicisme total, un thème bop au saxo, un accompagnement discret au piano, une base rythmique batterie contrebasse solide et carrée. Les improvisations de Bunky Green offrent un peu plus de modernité, avec des contours volontiers anguleux, une architecture un peu échevelée, des sursauts dans l'aigu qui le secouent. Mais je préfère le son presque tremblant qu'il utilise dans les balades. Lorsqu'il a terminé son solo, il passe presque systématiquement la main au pianiste Eric Legnini, qui se lance dans des courses aussi inextinguibles et rafraichissantes qu'une source pure jaillissant des montagnes, mais à la longue aussi insipides que de l'eau plate. Après un premier solo de contrebasse réussi, Mathias Allamane se lance dans un second franchement peu captivant, que Green interrompt au bout d'un moment, ouf. A la batterie, Franck Agulhon reste d'abord bien sage, mais quand on lui en laisse l'occasion, s'installe dans des boucles pleines d'une belle énergie colorée, qui me font penser à celles que Idris Muhammad mettait en place pour Ahmad Jamal.
Au final, une session intéressante, mais pas vraiment enthousiasmante, du bon Jazz mais guère plus.

Ornette Coleman Quartet

Le début est une claque : unissons bruyants, coupures soudaines. Une belle façon de s'imposer. Depuis il y a cinq ans, Ornette Coleman utilise la même formation, et pratiquement le même personnel. Seule la contrebasse de Greg Cohen a été remplacée par la basse électrique de Al Mac Dowell. Celui-ci utilise cette basse comme une guitare acoustique, en accompagnant parfois au plus proche le saxo, parfois étant le seul à rappeler régulièrement le thème de départ. Un jeu subtil et élégant. De l'autre coté, Tony Falanga alterne entre main et archet, entre pizzicati alertes, et ondulations aux harmonies flottantes. A l'arrière, Denardo Coleman boxe les futs et les cymbales avec une rage maitrisée, il semble parfois complètement décalé puis se retrouve pile poil placé, il donne un tempo en apparence élastique et flou, mais qui est rigoureux dès qu'il faut, c'est vraiment surprenant. Enfin, au centre, Ornette, qui ne peut plus guère bouger de son haut tabouret, qui parfois abandonne son saxophone pour pousser quelques notes à la trompette, entre gémissements plaintifs et chants de cétacés, ou pour chevroter au violon quelques stridences intimes. Mais l'essentiel se passe au saxo, où il a gardé la même assurance dans les explorations aventureuses, dans les digressions harmolodiques, dans les chantonnements sans contraintes. La première demi-heure est intense et formidable, avec une juxtaposition des discours des quatre joueurs qui sont parfois en phase et parfois moins et ça fait alors des petites frictions fort intéressantes. Après quoi, on retombe sur du plus classique. Denardo s'assagit, les morceaux prennent des allurs plus normales, avec des thèmes de blues plus marqués. Un peu dommage, mais bon, ça reste d'un excellent niveau ! En bis, bien sur, "Lonely Woman". Puis il va serrer les mains du public, signer des autographes, limite bain de foule, une vraie star !

Ailleurs : Gromit, Damien, Thierry Quénum, Philippe Carles, Guy.