Benjamin Britten - Le Tour d'Ecrou (Théâtre des Champs-Elysées - 11 Juin 2005)
Suite à la proposition de Kozlika, me voilà de retour dans cette charmante salle du Théâtre des Champs-Elysées, où je n'avais pas remis les pieds depuis des années. Bonne place, malgré la hauteur, bien en face de la scène. Et très bon spectacle. Aux critiques qu'elle propose, je rajouterai celle-ci.
Dans un décor du toujours efficace Richard Peduzzi, où les parois et les colonnes innocement blanches parviennent, par leurs constantes modifications et leur hauteur un peu écrasantes, à créer un espace peu à peu étouffant et labyrinthique (l'héroïne se plaindra de ne pouvoir s'échapper de ce "labyrinthe du mal"), nous assistons à un constamment prenant combat entre l'innocence et la perversité, le monde de l'enfance et les jeux des adultes.
C'est un opéra de chambre, qui ne nécessite que six chanteurs et une quinzaine de musiciens, ici le Mahler Chamber Orchestra dirigé par Daniel Harding. Une musique de dentelle, pleine d'inventions, de solos, de brillance. Les airs enfantins y pullullent, des comptines, des rythmes de farandoles, des chansonnettes. Ils seront corrompus en airs de valse séducteurs, plus du tout enfantins. Et les fantômes apparaissent entourés de mélismes néphitiques, aux charmes empoisonnés. Chaque instrumentiste a son moment de gloire, et en profite ; une véritable fête pour les oreilles.
Mireille Delunsch est la gouvernante, peu à peu terrorisée par le combat qu'elle doit mener. Son rôle se rapproche de celui de Grace Stewart, jouée par Nicole Kidman dans The Others d'Amenabar : dans une vieille maison, en charge de deux enfants qui semblent communiquer avec l'au-delà, elle perd pied. Son interprétation est parfaite.
Hanna Schaer, par contre, me semble trop jeune, et sa voix trop puissante ; mais peut-être est-ce parce que je la vois comme l'équivalente de la vieille Missis Mills dans ce même film, ce qui n'est pas forcément le cas. De toute façon, les duos entre les deux voix sont magnifiques. Enfin, Marlin Miller, qui joue le revenant Peter Quint, est un formidable acteur, rampant, dansant, une version soft du "Bob" de Twin Peaks.
Quelques points de détails pour finir:
- la phrase répétée par les amants défunts complotant dans la cuisine "The Ceremony of Innocence is Drowned" semble venir du poème The Second Coming de Yeats, mais je ne comprends pas très bien le sens de cet emprunt par Britten (ou par le librettiste Myfanwy Piper ; à moins qu'il y ait source commune plus ancienne ?) ; en tous cas, l'impact est saisissant, même si le sens en reste obscur
- obscure aussi la fin de l'opéra, où l'aveu final signe la mort. Pourquoi ? Mais j'aime cette ambiguité, où tout semble à peu près clair tant qu'on ne s'intéresse qu'à la surface, mais se révèle rempli d'interrogations dés qu'on cherche à comprendre.
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