Sauterelles - Biljana Srbljanovic (Théâtre des Abbesses - 24 Novembre 2006)
Dans une Serbie après-guerre, une dizaine de personnages, liés par la famille, la profession ou le voisinage, se cotoient au cours de 18 situations successives, coupées souvent brutalement. Le décor est astucieux, composé de murs coulissants et d'éléments de mobilier montés également sur rails, permettant de glisser d'une discothèque à une salle d'attente, d'une cuisine à une aire d'autoroute, des lieux assez rudimentaires, où tables et chaises prennent une importance primordiale, permetttant aux personnages de s'asseoir et de se confronter.
Trois générations sont présentes : les vraiment vieux, de plus de 70 ans, les quasiment vieux, de 50 ans, et les trentenaires, qui se sentent déjà vieux. Le thème de l'age revient constamment, utilisé comme arme, ou vécu comme un outrage, comme un blocage, incapables qu'ils sont d'assumer leur passé récent collectif, et de s'investir dans un quelconque futur enthousiasmant. Arrivistes, profondément égoïstes mais souffrant de la solitude, banalement abjects, et rempli de haine envers eux-même ou leurs proches, ils passent le temps à s'affronter sur des problèmes mesquins de carrière ou d'héritage que bloque le vieux. Une assemblée de personnalités flétries, racies, mais qui mordent.
Le tout baigne dans un humour acerbe, genre farce (la mise en scène de Dominique Pitoiset lorgne du coté italien "Nouveaux Monstres"), où les acteurs jouent souvent à la limite de l'outrance (pièce "de troupe", où brillent quand même particulièrement Nadia Fabrizio en Nadezda, Nicolas Rossier en Milan, tremblant devant sa femme et devant son père, Claude Evrard, le dit père, maniaque du loto et tout dans le mépris). La façon dont sont disséqués les méchants rapports de pouvoir entre pères et fils, femme et mari, ex-collègues de cellules politiques, est réjouissante, même si la situation d'impuissance générale, camouflée en frénésie dépressionnaire, est désespérante.
Seule touche plus positive : le personnage de Nadezda, qui vient d'une pièce précédente de Srbljanovic, qui entend la voix de sa grand-mère morte, devine les pensées des gens, balance les pieds dans les plats, et leurs quatre vérités ("Quand vous marchez comme ça tout seul, toujours au bord de la dépression, il faut faire attention, il faut faire terriblement attention à ne pas glisser et à ne pas tomber pour toujours dans l’humiliation") à ces monstres sinistrement ordinaires qui préfèrent rester sourds ou qui paniquent.
Il y a aussi une gamine de 10 ans, qui danse comme une "little miss sunshine", qui apprend à manipuler ses parents, qui voit son grand-père mourir sans s'émouvoir, et qui semble annoncer des années pas moins terriblement féroces.
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