Sinfonia Varsovia (Cité de la Musique - 13 Octobre 2004)
Giacomo Meyerbeer - Ouverture de Robert le Diable
En trois minutes, l'orchestre se réveille, par quelques coups de percussion, une montée en puissance par paliers et rechutes, pour finir avec une mer de violons déchainée, dominée par des cuivres tonitruants, dont un trio de trombones particulièrement en forme ! Revigorant, et rudement efficace !Felix Mendelssohn - Concerto pour violon n°2
Ah, d'accord. Quand retentit le premier thème, on se dit : "Ah c'est ça !", en reconnaissant cet air fort connu, légèrement tzygane. Un air vif et entrainant, suivi d'autres thèmes eux aussi vifs et entrainants, et repris, recommencés et répétés jusqu'à plus soif, sur un fond d'orchestration qui frise l'académisme. Malgré quelques surprises, comme la cadence de violon qui n'intervient pas à l'emplacement habituel, le tout lasse rapidement.Pour remercier le public qui lui fait un triomphe, Laurent Korcia revient se venge et se transcende dans un morceau inconnu, entre post-romantisme et avant-garde, où les miélismes, les doubles notes, les jeux multiples, célèbrent en pyrotechnie sa formidable technique.
Gustav Mahler - Le Chant de la terre
Et là, miracle. Une oeuvre admirée, souvent écoutée, déjà vue en concert (il y a quelques années au Chatelet, dans une version mise en scène, avec donc les musiciens dans la fosse), s'éclaire de nouvelles révélations, met à jour de nouveaux trésors, et s'offre dans une interprétation absolument magnifique, voire fabuleuse.Ma position dans la salle était a priori un peu inquiétante : en balcon, juste deux rangs devant le chef d'orchestre (Tadeusz Wojciechowski, à l'impeccable crinière blanche) ; je craignais un son déformé par la proximité de certains pupitres, j'avais tort : la vue me permet de distinguer à tout moment qui joue, et l'accoustique sans défaut de la salle fait le reste. Du coup, je profite dans toute sa plénitude du son extraordinaire de la Sinfonia Varsovia (orchestre fondé en 1984, formé de jeunes virtuoses polonais) : des basses précises et effrayantes quand il faut, des médiums moelleux, voluptueux, presque gras, et des aigus rutilants, éblouissants, coupants comme l'eau claire. En particulier, le jeu flutes/piccolos/clarinettes est d'une beauté et d'une clarté extraordinaires.
Le rôle du ténor est assez ingrat : ses airs parfois presque triviaux sont souvent noyés dans l'orchestre. Adam Zdunikowski fait ce qu'il peut, mais comme toujours c'est la femme qu'on attend. Et là, la mezzo-soprano Ekaterina Gubanova est fabuleuse. Elle épouse l'orchestre, qui la nourrit et la propulse, parfois vers l'avant, parfois vers le haut. Quand elle chante uniquement soutenu par une ligne de contrebasse presque inaudible, et un ou deux vents, c'est de la beauté magique.
Le chant de l'adieu est particulièrement une révélation. Les mélodies y éclosent, l'orchestration enfle puis retombe, le silence est presque atteint, puis le cycle reprend. Le fait que la musique répète plusieurs fois de cette manière ce qui sera chanté à la fin, à savoir la pérénnité des cycles des saisons, ne m'était jamais apparu ! Et quand cela est chanté, c'est dans une stase, comme un gigantesque zoom arrière, pour indiquer l'éternité de ce caractère cyclique. Cette fin est particulièrement bouleversante : la cantatrice sait comment murmurer "Ewig Ewig" en faisant entendre toute la douleur et la douceur de cette révélation, tandis que l'orchestre se fige dans une couleur glacée et crépusculaire.
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