Martin Crimp - Atteintes à sa vie (Théâtre de la Cité Internationale - 1 Décembre 2007)
17 fois Anne, Annie, Anya, ou Anouchka. 17 scènes qui nous parlent d'une femme, qui en livrent des fragments contradictoires : une femme qui efface les messages de son répondeur, demandes de pardon d'un homme pressé, ou menaces de mort ; l'amante d'un homme politique influent ; une terroriste qui plastique des boutiques de chaussures, et refuse toute légitimité au tribunal qui la juge ; une paysanne dans un pays de l'est en proie à la guerre civile, qui transporte son enfant dans deux sacs en plastique ; une adolescente qui fait du porno pour maîtriser l'image qu'elle donne d'elle-même ; une artiste qui met en scène les objets accompagnant ses tentatives de suicide (les "atteintes à sa vie") ; une mère de famille rigoriste ; etc. Mais ce ne sont que reconstitutions, évocations, témoignages : elle n'apparaît pas, puisqu'elle n'existe pas. Le vrai personnage principal, c'est le langage, comme élément central du théâtre. Les paroles se croisent et d'affrontent, les phrases se superposent et se téléscopent, les mots se cherchent ou s'échappent, les traductions abondent ou manquent. La scène pratiquement vide, un large podium garni de trois cubes, permet d'évoquer un appartement luxueux, une scène de guerre, une geole où on torture, par la simple magie du théâtre, par le travail de Joël Jouanneau et une troupe de sept hommes et deux femmes pleinement engagés dans le projet, par le pari sur l'intelligence des spectateurs. L'usage d'une caméra vidéo, un faux présentateur qui commente au micro, un photographe, brouillent un peu plus les niveaux de représentation : est-ce une reconstitution policière, l'élaboration d'un film, des souvenirs ? Tout est possible, et on voit passer bien des curieuses choses sur le plateau : un faux Columbo, un sac à dos rempli de pierres, des russes venant vanter les mérites d'une voiture, des intermèdes musicaux très Rock ou disco. Entre humour et tragédie, charriant les pires horreurs du monde mais les enfouissant dans des habits moqueurs, se moquant d'elle-même tout en glorifiant ses propres artifices, voilà une pièce magistrale et passionnante.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire