mercredi 15 décembre 2004

... Ce qui arrive ... (Cité de la Musique - 14 Décembre 2004)

"Un Léviathan énigmatique" annonce la compositrice Olga Neuwirth, dans le riche livret, production "Festival d'Automne à Paris" oblige. Espace mis en scène de façon inédite (les musiciens de l'Ensemble Modern sont alignés sur la gauche et la droite de la scène, encadrant l'écran central où sera projetée la vidéo de Dominique Gonzalez-Foerster), éclairage novateur (de petites rampes de lampes multicolores surplombent les musiciens vétus de blanc, les baignant dans des ambiances colorées codées en fonction de la vidéo, en une sorte de prolongement, et qui aide à structurer l'ensemble), titre tiré d'une exposition de Paul Virilio, textes écrits et récités par Paul Auster, l'appreillage autour de cette oeuvre est impressionnant. Un peu trop, peut-être, quand on considère le résultat.

La musique de Olga Neuwirth se divise en trois grandes parties : des étendues étales lentement fluctuantes (qui évoquent plus Rihm que Ligeti); des moments plus vifs, qui empruntent à un peu tous les styles, par exemple une clarinette Klezmer, ou une petite fanfare de bastringue ; enfin, quand l'héroine de la vidéo, Georgette Dee, se met à chanter, on est dans la pure copie directe de Brecht, sans caricature ni hommage.
Sur la vidéo, Georgette Dee, sur une plage, s'agite, s'amuse avec quelques accessoires, pousse quelques chansons. Des trucages vidéos variés modifient continuellement la couleur du ciel, des vagues, donnant une impression de flottement temporel, puisque jour et nuit, beau temps et orage, semble se télescoper calmement.
Par-dessus tout ça flotte la voix quasiment ininterrompue de Paul Auster, qui lit des extraits du "Carnet rouge" et du "Diable par la queue" (en anglais of course, et sans traduction). Il a une belle voix assez basse, que Neuwirth parfois modifie un peu électroniquement, et ballade par spatialisation, ou, cliché plus énervant, coupe en boucle sur un mot ou un morceau de phrase.

Ca dure une heure. Certains peuvent trouver ça relaxant (les lumières douces, la vidéo tranquille, la voix berçante, la musique étale). Je trouve ça surtout fade, sans originalité, sans talent, et en plus sans modestie. Le texte du livret, le sérieux de la mise en scène, indiquent une volonté des auteurs de s'attaquer à des thèmes profonds. Mais quels sont-ils ? Quel est leur point de vue sur le hasard ? Quels sont les rapports entre la vidéo, la musique , et les textes récités ? Isolées, la vidéo comme la musique me semblent très faibles ; ensemble, elles permettent au temps de passer sans ennui, mais ne s'enrichissent pas l'une l'autre. Les textes, peu souvent compréhensibles, à cause de la langue et des manipulations électroniques, n'apportent pas grand-chose non plus. Du coup, on a bien un "Léviathan énigmatique" : un gros machin dont on se demande à quoi ça peut bien servir.
Le public applaudit sans enthousiasme. L'année prochaine sera présenté "Lost Highway", opéra de Neuwirth tiré du film de Lynch. Hummm.

Sur ce, trève des confiseurs. Prochain spectacle prévu : "Le Nez", le 25 Janvier.

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