lundi 17 septembre 2012

Algérie - France : Symphonie pour 2012 (Cité de la Musique - 11 Septembre 2012)

Camille Saint-Saëns - Suite algérienne op. 60

Pour ce long concert qui sera en grosso modo trois parties, on commence par une arrivée, celle d'un navire à Alger. Mais dans cette suite, c'est le deuxième mouvement que je vais préférer, une "rhapsodie mauresque" haute en couleurs et en rythmes. Le public n'est visiblement pas celui habituel de la musique classique : il applaudit systématiquement entre les morceaux, et même parfois au milieu d'un mouvement si une pause devient un peu longue. Et l'Orchestre Symphonique Divertimento, augmenté de solistes de l'Orchestre Symphonique National d'Algérie, le tout dirigé par Zahia Ziouani, n'est pas forcément non plus habitué à jouer dans un tel lieu : il y rayonne de plaisir ! Sourires des musiciens, complicité avec la chef d'orchestre, y a de la joie qui circule !

Louis Aubert - L'Adieu, Poème arabe pour chant et orchestre

Entre Amel Brahim-Djelloul, dans une superbe robe. Mais sa voix ne me plait guère, elle me semble forcée, et sans volume. Le charme ravélien de cette courte pièce en est bien amoindri.

Camille Saint-Saëns - Capriccio andalous op. 122 pour violon et orchestre

On reste dans l'exotisme, mais c'est plus un détour par l'Espagne, pour ce morceau de bravoure tranquille, comme il en existe tant.  Jean-Marc Phillips-Varjabédian n'en fait pas des tonnes, c'est bien. Mais pas de quoi se relever la nuit.

Camille Saint-Saëns - Bacchanale

Cet extrait de l'opéra "Samson et Dalila" ne me laisse aucun souvenir précis. A le réécouter sur Arte Live Web, j'en apprécie les mélodies faciles et les atmosphères orientalisantes et pleines de jolies tensions, mais le tout reste trop conventionnel à mon goût, c'est de l'exotisme de pacotille. Il était temps que vienne la pause.

Musique classique algérienne : Inqilab, Idir, Bakhta

Ah, là, ça change ! S'installent devant l'orchestre la soprano Amel Brahim-Djelloul, Rachid Brahim-Djelloul à l'alto traditionnel (et au chant), et les autres membres de l'ensemble Amedyez (percussions, cordes). Et dès l'introduction à la harpe, qui soutient et orne la voix de Amel Brahim-Djelloul, c'est superbe, proche du sublime en maints moments. Sa voix, qui ne convenait guère pour le poème d'Aubert, ici se révèle dans sa beauté envoûtante, pleine de la souplesse requise par les mélismes orientaux. Elle chante dans son arbre généalogique, et c'est magique.
Quand s'ajoutent les solistes, pour de longues improvisations introductives, j'ai des impressions de Dead Can Dance qui me viennent (voilà ce que devrait faire Lisa Gerrard pour progresser : prendre des leçons de chant arabe, et se lancer dans des textes). Si tout le concert avait été de cette teneur et à cette hauteur, ç'aurait été d'emblée un des plus beaux de l'année.
amel brahim-djelloul

Francisco Salvator-Daniel - Mélodie mauresque de Tunis

On retourne au français, mais les arrangements de Rachid Brahim-Djelloul, qui s'offre une partie chantée, sont suffisamment remplis de solos, et se rapprochent suffisamment de l'esprit des pièces précédentes, pour que la magie se prolonge, quoiqu'un peu diminuée.

Olivier Penard - Prélude au Livre des haltes

Par contre, là ... Le compositeur évoque dans le livret Szymanowski et Steve Reich. J'entends plutôt comme un compositeur de musique de film qui s'offre un orchestre symphonique, gonflant avec force amphétamines une partition pauvre en idées, le tout devenant rapidement boursouflé et bruyant, sans aucune invention de langage, qui reste tonal, ni en rythme, qui se contente de marteler, ni en couleurs orchestrales, que la puissance n’empêche pas d'être tristement conventionnelles.

Salim Dada - Tableaux d'une vie arabe

C'est pas mieux. Un peu moins bruyant. Mais plus long. Et je ne sens aucune réflexion sur le langage musical utilisé. Comme si le compositeur utilisait de la musique tonale, non pas parce que c'est ce qui convient le mieux à son projet, mais parce qu'il n'a même pas conscience qu'il pourrait utiliser autre-chose. Mais comment faire passer "une appréhension envers les changements affectant le monde arabe actuel" quand le plus actuel que puisse évoquer sa musique est le Bernstein de "West Side Story" ? C'est navrant.
En bis, une autre de ses pièces ne m'inspire pas plus.

Ailleurs: Le concert est disponible pour quelques mois sur Arte Live Web.

2 commentaires:

Joël a dit…

Rachid Brahim-Djelloul au violon
C'est un alto !

bladsurb a dit…

Ah oui, corrigé ! Le livret indiquait "violon", serait-il passé lui aussi du violon à l'alto ? Arte semble plus fiable, également sur l'ordre des morceaux.