Léandre Cappozzo / Charles Gayle trio (La Dynamo - 7 Février 2012)
Joëlle Léandre / Jean-Luc Cappozzo
A l'entracte, pendant qu'elle vend ses disques, Joëlle Léandre explique qu'avec Cappozzo, elle considère former un vrai groupe, sans doute en ce sens qu'ils jouent suffisamment souvent ensemble pour former une intimité et un son particulier, contrairement à d'autres rencontres plus d'un soir seulement. Et de fait, je découvre d'elle une facette plus calme, plus méditative. Elle laisse plus de champ à Cappozzo, parfois même se tait longuement, alors qu'il déroule par exemple une sorte de mélopée funèbre exotique et légèrement diphonique.Jean-Luc Cappozzo utilise plusieurs trompettes et sourdines (mais une main dans le pavillon permet aussi de moduler le son très efficacement), ainsi qu'un tube tout droit et me semble-t-il sans trous, mais qu'il fait pépier et chanter de fort belle manière, sans que je comprenne comment. Pour un concert de musique improvisée, la matière est beaucoup plus mélodique que d'habitude, et l'atmosphère est introspective, un peu triste et pourtant chaleureuse. Le passage d'une séquence à un autre se fait souvent par chevauchement : tandis que l'un change, l'autre continue dans sa même veine, sans réagir outre-mesure. Bien sur, on retrouve certains éléments de vocabulaire de Léandre : un passage scatté/chanté autour des temps difficiles, de la percussion sur la contrebasse, de l'énergie à en revendre. Mais le tout est ouaté par les mélodies de Cappozzo, et par un tempo général moins marqué par l'urgence, et par plus de partage tranquille. La fin n'est pas le moins surprenant : Cappozzo évoque puis joue lentement "Sometimes I feel like a motherless child", alors que Léandre tisse un matelas d'harmonies fantomatiques. Splendide.
Du coup, la musique a une place bien plus grande que la performance, et leur disque "Live aux Instants Chavirés" est à mon avis le plus accessible et le plus facilement réécoutable pour découvrir et apprécier le travail d'improvisation de Léandre.
Charles Gayle trio
Après l'impro, du Free, du pur, qui arrache, en direct héritage d'Albert Ayler : la même énergie féroce et éruptive, le son énorme et plein, la même base de Blues et de gospel transcendés, transmutés par l'énergie. Depuis quelques années, Charles Gayle se déguise sur scène en "Streets the clown", et je lis que certains concerts se transforment en harangues et discours religieux. Pas de ça ce soir : de la musique, que de la musique, qu'il commence en trio au saxophone, poursuit au piano en trio ou solo, et conclut de nouveau au saxophone.Pour l'accompagner, Larry Roland à la contrebasse et Michael Wimberly à la batterie composent le magma d'énergie habituel au Free Jazz, un chaos agités de remous de remugles et de vrombissements en tous genres. Mais c'est le saxophone ténor de Gayle qui accroche l'attention, qui fuse en tous sens, hurlant dans les aigus, tournoyant, déchirant.
Quand il passe au piano, c'est beaucoup plus calme, même si ça reste Free : des clusters certes, mais des exploration plus faciles à suivre entre le rythme et l'harmonie. "Inner Edges" par exemple propose un thème aux angularités façon Thelonious Monk, mais que viennent interrompre et parasiter des incises divergentes plus proches de Cecil Taylor.
En interludes, quelques solos de Larry Roland, laissé alors seul sur scène, me font étrangement penser à Jimmy Garrison. Et Charles Gayle n'oublie pas de faire un peu le clown, en mime autour du piano, ou offrant une rose à une dame du public. Mais c'est le musicien sous le clown qui impose sa stature impressionnante.
Ailleurs: Jazz Magazine
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