Benjamin Britten - Billy Budd (Opéra Bastille - 13 Mai 2010)
Mon rythme semble se stabiliser autour d'un opéra vu à Bastille par an (le précédent c'était Lady Macbeth de Mzensk en janvier 2009). Et comme l'an prochain seul le Mantovani m'intéresse, ça ne croitra sans doute guère.
Les prosélytes lyriques m'avaient vanté la mise en scène de Francesca Zambello, et à juste titre. Elle permet à la forte histoire de Herman Melville de nous embarquer sur ce navire concentré d'humanité, pour une lutte de la perversité et de l'innocence.
Un simple rectangle incliné planté d'une croix suffit à créer le navire, espace réduit cerné par des flots inhospitaliers, et où la chute peut être fatale. Peu à peu Zambello déploie ses surprises dans ce décor en fonction des besoins de l'histoire, réduisant un morceau du pont par les lumières pour figurer la réunion des officiers, descendant des rideaux pour isoler Claggart dans son monologue haineux, puis au cours du deuxième acte activant des vérins pour soulever la partie avant et dégager l'espace des soutes.
L'histoire du marin Billy Budd se déploie donc, homme sans malice mais aux poings violents, confronté à l'esprit retors de Claggart, qui ne peut supporter de voir remise en cause par la simple bonté du nouvel arrivant sa main-mise de l'équipage, obtenue par le chantage et la manipulation. Tous deux y laissent leur peau.
En sous-texte, il y a l'attirance érotique qu'exerce Billy Budd sur tout l'équipage et Claggart en particulier, et le parallèle christique, Budd se laissant pendre pour sauver l'équipage, qu'une mutinerie aurait condamné.
L'opéra est ponctué de "grandes scènes", avec l'orchestre dirigé par Jeffrey Tate déployant tous ses fastes, ainsi que le choeur très présent sur scène bien sur : une suite de chansons reprises par tous les marins, quand Budd fait régner la bonne humeur dans les chambrées par son amabilité et son enthousiasme ; et l'attaque avortée du bateau français qui s'échappe dans la brume. Mais on frole la saturation un brin chaotique, ce ne sont pas mes moments préférés ... Heureusement, le plus souvent, l'orchestre est plus discret, et si on n'obtient pas la subtilité aérienne du Tour d'écrou, les interventions solistes pullulent. De manière générale, les extrémités du spectre sonore sont privilégiées. Ca gronde dans les basses, et ça siffle dans les aigus, à me faire penser par moments à du Bartok (antérieur à Britten bien sur, mais bien plus audacieux en terme de langage).
Dans le large éventail de voix masculines, il n'y en a pas qui m'ait particulièrement marqué, ni dans un sens ni dans l'autre. J'étais plus pris par l'intensité de l'histoire, et par la beauté de la mise en scène, que par la performance des chanteurs ou par la musique.
Quelques détails en vrac :
- bonne caractérisation des personnages et direction des acteurs
- subtilité des jeux d'ombres, qui donne par exemple une belle force aux scènes de procès, où les officiers arrivent en ombres chinoises ce qui les rend plus anonymes et implacables forces du destin en marche
- la musique lors de ces scènes de procès est presque parodique de musique de cour, joliment ronflante et solennelle
- l'équipage à la fin astiquant les planches exactement comme au début, avec juste un cadavre se balançant au-dessus d'eux en plus.
Spotify : par le Royal Opera House dirigé par Britten, par le LSO dirigé par Hickox, par le LSO dirigé par Harding.
Ailleurs : Joël Riou, Palpatine, ConcertoNet ...
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