dimanche 18 juin 2006

Le Livre du Graal : Enonciation et Prophétie

"On viendra, dit-il, me chercher de l'Occident, et ceux qui viendront me chercher auront juré à leur seigneur de lui apporter mon sang, après m'avoir occis. Mais quand ils m'auront vu et entendu parler, ils n'en auront pas le coeur. Et lorsque je m'en irai avec eux, toi tu t'en iras dans ces régions où demeurent les gens qui ont avec eux le vase sacré du saint Graal. Dès lors, à jamais, tes peines et ton livre seront relatés et écoutés volontiers en tous lieux. Mais ton livre ne sera pas au nombre des autorités ; et c'est parce que tu ne peux pas être compté parmi les apôtres, car ils ne mirent rien par écrit, sur Notre-Seigneur, qu'ils ne l'aient vu et entendu. Alors que toi, tu n'y mets rien que tu aies vu ou entendu, si ce n'est ce que je te dis. Et de même que je serai parfois obscur, sauf avec ceux desquels je voudrai me faire entendre, de même ton livre restera obscur, et il arrivera rarement qu'on l'apprécie. Tu l'emporteras avec toi quand je partirai avec ceux qui viendront me chercher, et que tu t'en iras vers l'Occident. Ainsi le livre de Joseph sera avec le tien, et quand tu auras achevé tes peines, et que tu seras tel que tu doives être en la compagnie du saint Graal, alors ton livre sera réuni à celui de Joseph. Et ainsi ma peine et la tienne seront bien manifestes, et Dieu en aura merci s'il lui plaît ; et ceux qui l'entendront prieront Notre-Seigneur pour nous. Quand les deux livres seront ensemble, cela fera un très beau livre - les deux seront une même chose, si ce n'est que je ne peux pas dire ni répéter les conversations privées de Notre-Seigneur et de Joseph. Et en Angleterre il n'y avait pas jusqu'alors de rois chrétiens. D'ailleurs, je ne me soucie pas de rapporter à propos de ceux qui avaient régné auparavant autre chose que ce qui concerne ce conte."
A ce point, le conte dit qu'il y eut en Angleterre un roi nommé Constant. Il régna longtemps, et eut des enfants : l'un s'apppelait Mainet, l'autre Pendragon, et le troisième avait nom Uter.
Merlin, §40-42

La notice, de Irène Freire-Nunes, explique :
Sans aller jusqu'à préciser le code des bienséances ou de la propriété littéraire auquel il se conforme, Merlin, en ne répétant pas les échanges privés de Joseph et du Christ, parvient à donner au lecteur l'impression frustrante qu'il en sait davantage qu'il ne veut en dire, et qu'il reste par conséquent le maître du jeu dans une relation complexe qui va le devenir encore plus au fil des pages, puis des années et des romans.

Complexe en effet. Merlin semble parfois dicter à Blaise un futur possible, que l'écrit (dans un roman dont le personnage principal est également l'auteur, et qu'il écrit "sous nos yeux", page après page) fixe alors dans la réalité. Vertigineux.

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