Champs Libres EIC (Centre Pompidou - 5 Mars 2006)
Pour ce concert gratuit pour tous les abonnés EIC, la Grande Salle de Beaubourg n'est même pas pleine, ce qui écoeure un peu quand on compare à la cohue du début d'année... En même temps, le programme proposé n'offre ni création, ni vraiment du répertoire ; il m'est bien rare d'assister à un concert contemporain dont je possède déjà toutes les oeuvres sur CD !
Tristan Murail - La Barque Mystique
La référence picturale indique le climat, incertain, continuellement mutant, dès la fusion initiale flûte-violon ; peu de ligne directrice claire, mais une dérive au gré du courant, au gré de l'instant. Voir cette musique en concert permet de mieux en comprendre la matière, les alliages sonores y sont si travaillés qu'on oublie souvent qu'il n'y a que cinq musiciens. Le piano vrombit dans les abysses, violon et clarinette dessinent des éclairs, le violoncelle se berce dans le ressac, la flûte apporte des éclats de lumière énergiques, mais tout ça transmute continuellement, en couleurs et textures (rythmes et mélodies sont quasiment hors-propos).Philippe Hurel - Tombeau
Cette pièce, en hommage à Gérard Grisey, pour piano et percussion, peut être découpée en trois parties. Mise en place de petits mécanismes d'horlogerie, qui évoluent un peu, avant de se gripper, et de se bloquer sur une note fatale ; épisode lent, mystérieux, où le silence n'est jamais loin, où le pianiste pince les cordes, où le percussioniste Samuel Favre saura créer un fort beau clair-obscur jaune sourd ; reprise des mécanismes initiaux, dans un élan qui semble vidé de toute force vitale. La rage habite la première partie, qui ne peut que bloquer sur ces coups assénés, woodblocks et clusters, comme on boxe un mur. Et après la pause aux couleurs magnifiques de la partie centrale, c'est de nouveau la rage, mais comme vidée de sa force et plus désespérée, qui reprend les rènes, pour nous ramener pratiquement au point de départ.Gérard Grisey - Vortex Temporum
Hurel dit avoir utilisé, pour Tombeau, le solo de piano de Vortex Temporum. De fait, quand je pense à cette pièce, je la perçois d'abord comme un concerto pour piano. Ce qu'elle n'est pas ! Le premier mouvement met en place trois formes d'ondes de temps : flûte et clarinette tourbillonnent en sinusoïdale, puis violon alto et violoncelle se figent dans les états duaux d'une onde carrée, et enfin le piano s'impose dans un solo en dents de scie. Le matériel est ainsi fourni, dans une élégance de structure et une beauté d'écriture qui émerveillent. Le deuxième mouvement est plus difficile, un exercice de lenteur, auquel je ne suis pas sensible ; un problème avec le rythme, je crois, dont la pulsation lente, trop régulière et trop marquée, me bloque l'accès aux autres couches de transformations sonores. La troisième partie (dédiée à Lachenmann !), mélange les matériaux initiaux dans des confrontations impossibles, où les six musiciens doivent briller dans de nombreux passages de haute voltige, fulgurances, quasi-silences, dérives, soudaines confluences rythmiques, se succèdent rapidement. Je retiendrais particulièrement le piano incisif et impérial de Dimitri Vassilakis, la flûte énergique jusqu'au bruit d'Emmanuelle Ophèle, et la pose narquoise de Christophe Desjardins qui maintient le silence en bout de pièce, dans une tension remarquable.Mise à jour : Dans le Pot-Pourri, j'ajoute "La Barque Mystique" et "Tombeau", ainsi que le premier mouvement de "Vortex Temporum". Le passage du solo de piano de Grisey aux variations de Bach est assez surprenant...
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