dimanche 8 mai 2011

Steve Coleman and the Five Elements (Cité de la Musique - 5 Mai 2011)

En fait, les "5 Elements" ne sont pas un groupe fixe accompagnant Steve Coleman, mais représentent plus une démarche musicale (basée sur des combinatoires mathématiques). Au cours des années, la structure a fortement changée, et d'un groupe rythmiquement assez agressif, on en est arrivé à une formule sans paire rythmique. A quoi servent une batterie et une contrebasse, quand toute la musique respire si profondément les polyrythmies ? Leur disparition allège l'ensemble, et permet d'y superposer un travail de contrepoint stupéfiant.
Comme pour les précédents spectacles que j'ai vu avec Steve Coleman, il y a un sens de la retenue, un refus du laisser-aller, une concentration des musiciens autour de la conception musicale voulue par le leader, qui peut crisper, ou désarçonner. Mais le public ce soir semble très réceptif, et le groupe est chaleureusement ovationné.
Pas de contrebasse, soit, mais l'habituel guitariste Miles Okazaki en fait office la plupart du temps, restant assez discret. A ses cotés, David Virelles au piano, le seul nouveau venu. Les autres compagnons sont d'autres habitués, Jonathan Finlayson à la trompette, et Jen Shyu à la voix.
Les morceaux forts longs déroulent leurs mélodies en pleins et en déliés, selon le nombre des instruments jouant simultanément, les départs et les arrêts, ainsi que les "solos" si on peut les appeler ainsi, semblant se décider à l'instinct et à l'écoute les uns des autres, exercice de funambulie collective assez prodigieux d'inventivité et de cohésion. En particulier, la voix de Jen Shyu, qui à la longue m'énervait souvent, est ce soir particulièrement bien fondue dans la trame sonore, après les réglages un peu difficiles du début du concert.
Les interventions ne sont pas vraiment des "solos" parce qu'elles ne cherchent pas le coup d'éclat, la flamboyance, la performance personnelle, mais plutôt l'enrichissement de la trame collective, par une couleur ou une ligne mélodique adéquate. Et c'est un tissage fluide, changeant, d'une souplesse remarquable, qui se déploie. Un passage en claquements de mains permet d'apprécier encore mieux la subtilité et la complexité des rythmes mis en jeux, tant l'exercice semble naturel pour les musiciens et impossible à reproduire pour nous auditeurs. Steve Coleman passera aussi à la voix vers la fin du concert.

Le bis ne sera pas la partie la moins surprenante ! Les musiciens reviennent mais sans Steve Coleman (qui pour toute parole dans cette soirée aura présenté, en annonces longuement séparées, les musiciens l'accompagnant), et se lâchent dans un morceau très éloigné du M-Base, le pianiste et la chanteuse en particulier se lançant dans une expressivité immédiate qu'ils avaient jusques-là du réprimer, et c'est aussi splendide !

Ailleurs: On peut encore profiter de la performance Lingua Franca, disponible en vidéo sur ArteLiveWeb, que chroniquait Alex Dutihl et en commentaire Laurent Coq. JazzMag commentait un concert du même ensemble il y a quelques mois.
Spotify: Un classique, Steve Coleman – On the Rising of the 64 Paths ; cette même année 2002, Jen Shyu sur "For Now" interprétait des standards ! ; le guitariste Miles Okazaki sur "Mirror" reste lui plus près de Coleman.

3 commentaires:

ptilou a dit…

Ah sympa cette chronique ! je n'ai pas pu y aller ! on ne peut pas tout voir... Un concert de Coleman, c'est toujours la fête et un peu d'imprévu. Quelle classe Monsieur Steve Coleman !

Amusant, cet aprem, j'écoutais le live au Hot Brass "curves of life" (c'est au Hot brass que j'avais découvert SC il y a moultes années)

bladsurb a dit…

Le concert sera diffusé sur France Musique le jeudi 18/05.
http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/concert-soir/emission.php?e_id=80000056&d_id=425001767

ptilou a dit…

thanks, mais je ne lâche pas Malher à la telloche ce soir 18/05 ! peut être après !