jeudi 26 mai 2011

La Voix est libre - Rhizomes (Bouffes du Nord - 24 Mai 2011)

Comme le dit le présentateur en introduction, les Bouffes du Nord ça peut être la rue, ou un temple. La première partie sera "la rue", avec croisements de personnalités hétéroclites et interactions improvisées, la seconde partie sera "le temple", avec un spectacle très écrit.

Débordanses

Des représentants d'univers musicaux et chorégraphiques très divers sont invités à se croiser et à interagir, en une suite de rencontres enchaînées. Le tout est mis sous le parrainage d'Edouard Glissant (la créolisation du monde en modèle de ces improvisations pluridisciplinaires) dont on commence par entendre un court discours. C'est aussi en parrainage que vient jouer en solo uniquement Jacques Coursil, qui lance comme un doux appel à la trompette, aux esprits ou à l'harmonie, avant de disparaitre. Les choses sérieuses commencent avec Mossim Hussain Kawa aux tablas, bientôt rejoint par le saxophoniste Raphaël Quenehen et le tap dancer Tamango (magistral et élégant, dans la musique comme dans la danse, interventions pleines d'humour et de joie, et de force aussi, quand un petit système d'écho renforce la puissance de son piétinement d'une profondeur plus grave), puis par l'excellent batteur Sonny Troupé (dont les origines guadeloupéennes peuvent s'entendre dans des échos gwo-ka, je le verrais bien jouer avec David Murray !). Forte présence rythmique, donc, avec Troupé, Kawa, Tamango. Cela se renforcera par le beatboxeur et bruiteur L.S.O, et même par Dgiz, à la contrebasse et au slam, très charismatique performeur. L'autre aspect marquant, c'est la danse, avec déjà Tamango, un peu L.S.O et Dgiz, et spécifiquement la danseuse Antoinette Gomis, ondoiements sensuels issus de l'Afrique, et le danseur Mathieu Desseigne, acrobaties issues du cirque (via Alain Platel). Lorsque Bernard Lubat, après un passage "poétique" assez plat, s'installe au piano, le quatuor Lubat - Troupé - Dgiz - Quenehen fonctionne beaucoup moins bien (parce que Dgiz est meilleur en showman qu'en contrebassiste de jazz, et qu'un véritable trio de jazz batterie-contrebasse-piano ... ça ne s'improvise pas). Mais Lubat réussit à perturber un peu le cours de la soirée en exigeant du public qu'il réagisse en scattant, de manière collective, et, plus difficile, de manière individuelle.

la voix est libre - rhizomes - débordanses

Ivresses : Le sacre de Khayyam

Et maintenant quelque-chose de totalement différent. Le chanteur perse iranien Alireza Ghorbani et la chanteuse arabe tunisienne Dorsaf Hamdani unissent leur voix autour des poèmes d'Omar Khayyam sur l'ivresse (et hantées par la mort, la tonalité est souvent funèbre), entourés de musiciens arabes et perses, Sofiane Negra à l'oud, Ali Ghamsary au tar (mais des problèmes de larsen le forcent à passer au "divan", et ça tombe bien, il abandonne au passage un coté guitar-hero peu convaincant, pour jouer avec plus de beauté naturelle), un remplaçant dont je n'ai pas retenu le nom au kamantché, et les percussionnistes Keyvan Chemirani et Hussein Zahawy (étrangement, c'est Zahawy qui semble diriger les échanges, mais c'est Chemirani qui prendra la parole à la fin pour remercier tout le monde).
Les deux voix sont splendides. Comme je ne connais pas grand-chose à la musique classique arabe, je trouve la voix de Dorsaf Hamdani proche de celle de Natacha Atlas ... Celle d'Alireza Ghorbani est souvent proche du chant harmonique (voyelles vibrées du chant soufi), et d'un velouté extraordinaire. Tous ces musiciens restent sagement assis, mais ce sont nos âmes qui voyagent. Merveilleux.

la voix est libre - rhizomes - ivresses : le sacre de khayyam

Ailleurs: La première partie a été enregistrée par ArteLive Web, et la seconde l'avait également été lors d'un festival précédent. Les deux sont disponibles pour encore plusieurs mois : Débordanses, Ivresses.
Spotify: Dgiz – Dgiz-Hors, AliTarighat – Primal Chalice (Jam-e-Alast), Alireza Ghorbani – Kif-e-Engelisi(The English Bag)

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