Jean Claude Vannier - Melody Nelson (Cité de la Musique - 23 Octobre 2008)
Les Bis
Comment Vannier ressent-il le fait que son plus grand succès, l'album "Melody Nelson", soit essentiellement attribué à Serge Gainsbourg, et que le reste de son oeuvre continue d'être aussi peu connu et reconnu ? Pas très bien, sans doute. Et il tente de profiter de cette soirée placée encore une fois sous le patronage du grand Serge pour donner une nouvelle chance à ses morceaux, "saucissons secs, rejetés de tous, les pestiférés, mes préférés", précise-t-il, avant de jouer une succession de chansons (au mieux du sous-William Scheller, la voix en moins ; au pire de la guimauve complaisante) et de pièces instrumentales (au mieux, du générique de série télé des années 70 ; au pire, de la parodie ratée de générique de série télé des années 70). Disons donc que l'essai n'est pas particulièrement convaincant ...L'enfant assassin des mouches
Voici une oeuvre beaucoup plus curieuse, étrange même, très intéressante. Il y a des morceaux "normaux", joués par l'orchestre des Concerts Lamoureux et le Jeune Choeur de Paris. Ca sent bon les années 70, mais dans un intermédiaire entre univers Pop et musique sérieuse, proche dans cet esprit cross-over de la "Messe pour un temps présent" de Henry et Colombier. Et entre, il y a des interludes, où brille le bruitiste Michel Musseau, extraordinaire en pince-sans-rire, qui commence à officier sur d'habituelles enclumes et sirènes, pour se tourner ensuite vers de plus loufoques robots ménagers et poêles à frire, ou jouer de la guitare avec ses pieds ou ses fesses, dans un second degré destructeur et assez jouissif. Difficile de savoir comment prendre tout ça, les classifications fonctionnent mal. Par exemple, pourquoi prendre un quatuor à cordes de jeunes adolescents, forcément un peu vert ? Bref, ce n'est pas forcément un impérissable chef-d'oeuvre, mais c'est assez étrange et inclassable pour devenir culte.Melody Nelson
Enfin nous y voilà, débutant à l'heure où, dixit le livret, le concert aurait du se terminer ... Et dès que la basse de Herbie Flowers résonne, le charme envoute le public. Toute la section "rock" de la scène (Claude Engel et Thomas Coeuriot à la guitare, Pierre-Alain Dahan à la batterie) se réveille et ils sont clairement à leur affaire, énergie moelleuse et rageuse, tempi élastiques et tendus, splendide.Au chant, c'est un défilé de stars ou de sommités. Pour "Melody", Mathieu Amalric, peut-être pas assez rêveur et lointain, mais qui redevient acteur quand il accueille Martina Topley Bird (une inconnue ? pas vraiment pour qui connait Tricky). Pour " Ballade de Melody Nelson", la même Martina est accompagnée de Brian Molko (chanteur de Placebo), qui balance la chanson avec une force peu commune, un naturel et un charisme irrésistibles. C'est ensuite Brigitte Fontaine qui vient chanter "La Valse de Melody" ; c'est peut-être son état normal, d'avoir l'air aussi stone, le public l'acclame, on salue plus sa légende que sa prestation. Ca ne s'arrange pas avec Daniel Darc, pour "Ah ! Melody", qui fait une belle imitation du Gainsbarre limite incompréhensible pour cause d'éthylisme avancé. Les choses redeviennent plus normales avec "L'hôtel particulier", chanté par Alain Chamfort, toujours aussi élégant et distingué, tant dans la voix que dans les vêtements. Pour les petits bruits vocaux de "En Melody", c'est Seaming To qui s'y colle (elle, oui, y a pas grand-monde qui la connait ; le livret explique qu'elle joue "de la clarinette, du glockenspiel amplifié, du synthétiseur analogique, du kaos pad, du kazoo et du pistolet laser". genre). Enfin, pour "Cargo culte", arrive Clotilde Hesme (que j'ai réussi pour l'instant à ne jamais voir au cinéma, elle semble exceller dans un certain type de cinéma français que je loupe plus ou moins volontairement à chaque fois ! Mais elle jouait la mère dans "Getting Attention"), qui se balance voluptueusement en traversant l'orchestre pour rejoindre Amalric à qui appartiendra les phrases conclusives.
Entendre en concert les sublimes morceaux "Melody", "L'Hôtel Particulier" ou "Cargo Culte", avec le bassiste d'origine, des rockeurs excellents, et les magnifiques orchestrations interprétées par un vrai orchestre à cordes et un vrai choeur, c'est vraiment un grand moment. Et le défilé permet, finalement, de ne laisser personne prendre la place de Gainsbourg, chacun des intervenants ne faisant que passer et se mettre au service de la chanson jouée. Les difficilement supportables "bis" initiaux, et le curieux "assassin des mouches", valaient la peine d'être subis, pour gouter pareil bonheur musical.
Ailleurs : 7 And 7 Is (pour le concert de la veille ; je pense que Amalric était meilleur Jeudi que Mercredi ; un ami présent Mercredi me faisait état d'une certaine crispation générale des intervenants, qui ne m'est pas apparue flagrante le Jeudi)
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