vendredi 21 mars 2008

Pierre Henry - Expériences intérieures (Cité de la Musique - 20 Mars 2008)

La salle, que j'aurais pensé plus pleine pour un concert de Pierre Henry, est envahie de fumée, et la scène plongée dans l'obscurité ; elle est encombrée de haut-parleurs, certains installés sur des piédestaux ayant des silhouettes vaguement anthropomorphes, et de projecteurs, qui tout le long du concert changeront lentement les ambiances lumineuses (splendides, et variées), permettant au public d'avoir quelque-chose à regarder. Au milieu du parterre, la table de mixage où s'installera le maestro, drapé d'une chemise rouge vif, qu'un faisceau lumineux gardera visible.

Pierre Henry - Grande Toccata

C'est une pièce presque courte (moins de 20 minutes !), avec des sons purs et pleins, presque abstraits, mais qui gardent des échos, évocations d'ambiances urbaines, de ports, d'activités machiniques. Une sorte de souffle de respiration anime la première partie. Des pleurs de bébé. Des bruits de paroles. Peut-être une visite de l'humanité à travers le cerveau d'un robot. La présence du son est formidable, et le travail des lumières magnifique ; un voyage dans des ambiances un brin convenues, mais bien prenant.

Pierre Henry - La Noire à soixante + Granulométrie

C'est la superposition de deux pièces très différentes de nature. "La Noire à soixante" est une étude sur la perception du temps, où un métronome est de plus en plus perturbé par des manipulations sonores ; pièce théorique, abstraite, en un sens, froide. "Granulométrie" s'attaque à la voix, ou plutôt aux sons émis par la bouche, la langue, la gorge, raclements, claquements, cris, sifflements, borborygmes ; tout cela est filtré, amplifié, dispersé, etc ; pièce organique, et en un sens, violente.
La superposition des deux semble naturelle, tant les deux parties diffèrent : elles se complètent parfaitement, permettent à l'audition de passer d'une couche à l'autre. Cela date des années 60, ça s'entend ; aussi bien dans les intentions (le minimalisme de "la Noire à soixante" fait penser aux "variations pour une porte et un soupir" ; le travail sur la voix fait penser à Berio, avec ici François Dufrêne dans le rôle de Cathy Berberian), que dans les sonorités, admirablement conservées mais néanmoins un peu mâtes, qui manquent de claquant et de brillant. Une pièce d'archive.

Pierre henry - Pleins jeux

C'est une création, commande de la Cité de la Musique. Oeuvre longue cette fois - plus de trois quart d'heure, en quatre parties dont les noms ("Pressentiment", "Expérience", "Croissance", "Plénitude") sont tout un programme ! Mais que je ne ressentirai pas, malheureusement. La majorité des sons utilisés vient de pianos, pincement des cordes, frappe de la caisse, accords joués et malaxés par la suite, le son global est extrêmement dense, en couches de rythmes multiples, qui charrie une énorme énergie. La marche est implacable, mais m'apparaît trop monolithique. Les différences entre les mouvements me semblent anecdotiques, on passe d'un son de surface en corde pincée à celui de cloches, mais le fond reste la même accumulation insondable. Impressionnant plus que passionnant.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un vrai et grand plaisir à l'écoute de "Pleins Jeux", cette dernière pièce qui a permis au public de dire sa reconnaissance au travail et au talent du créateur. Un Pierre Henry qui ne finit pas d'enrichir la musique.
Merci d'avoir écrit ce billet à chaud, même si je n'en partage pas toutes les conclusions.
Guy