mercredi 26 mars 2008

Compositeurs d'aujourd'hui : Philippe Hurel

C'est l'un des premiers CDs de cette collection qui m'ait vraiment frappé, les précédents ayant été achetés plus tard.

Six miniatures en trompe-l'oeil

Il y a deux façons possibles d'écouter ces miniatures : soit dans l'ordre du CD (1,2,3,4,5,6), auxquelles cas elles apparaissent assez autonomes les unes des autres, avec des échos qui les unissent néanmoins ; soit dans l'ordre "1,4,2,5,3,6", qui donne alors une longue plage continue. Passer d'un ordre à l'autre est passionnant, car cela permet de comprendre comment cette musique est fabriquée, d'entrer plus profondément dans ses rouages. Chaque miniature part d'une situation donnée (caractérisée par une figure rythmique, ou une ambiance sonore, ou un mouvement harmonique, etc), par arriver à une autre, en suivant un chemin utilisant des processus de transformation du matériau musical (à la façon de la musique spectrale, donc). L'ordre "1" insiste sur les parcours particuliers à chaque miniature, l'ordre "2" permet de constater que les situations sont répétées d'une miniature à l'autre, l'arrivée de l'une étant le départ d'une autre. Mais c'est plus subtil que ça : dans ces situations, l'oreille n'est pas attentive aux mêmes éléments, en fonction du contexte, un rythme ici primordial devient là secondaire, une strate de violon presque inaperçue ici sera prépondérante là parce que continuation d'une nappe de cordes précédente, etc. C'est à la fois ludique et pédagogique, sans oublier d'être musical (vivacité des rythmes et des couleurs, fignolages des détails d'écriture, cette musique respire de bonheur).
Je mets en extrait trois miniatures, que vous pouvez écouter de manière autonome, ou dans l'ordre continu "5,3,6".



Leçon de choses

Ici, il y a de l'électronique, et de la spatialisation. D'où problème, en CD. La structure de l'oeuvre, bien expliquée par le livret, est simple. En première partie, des éléments musicaux très hétérogènes sont présentés par l'orchestre et par l'électronique, qui peu à peu érodent leurs caractéristiques trop différenciées. En deuxième partie, une vaste redistribution des instruments a lieu, par l'électronique, qui transforme et déplace la clarinette dans la flûte, la flûte dans le violon, etc. En troisième partie, les éléments retrouvent peu à peu leurs sonorités de départ. Il me semble que beaucoup des paramètres permettant de suivre ces transformations et ces mouvements sont mal perceptibles sur CD, l'écoute en concert doit être une expérience radicalement différente. La partie centrale est ainsi beaucoup moins spectaculaire qu'elle devrait l'être, et certains signaux (le double coup promp-promp) deviennent envahissants, masquant nombre de détails. C'est juste joli, et un peu anecdotique.

Opcit

Pour changer radicalement d'ambiance, un solo de clarinette ! Le fait que ce soit une transcription d'une pièce pour saxophone, qui citait déjà une pièce précédente pour flûte, on s'en fout un peu, sauf peut-être à connaître les dites pièces (ce qui n'est pas mon cas). Il y a quatre parties, de plus en plus complexes, en termes de polyphonie notamment (la première est une mélodie au mouvement général ascendant assez simple, les dernières incrustent plusieurs lignes en une seule par des techniques inspirées des suites pour violoncelle de Bach). Le climat, mesuré, sereinement lumineux, rapide mais sans excès, ne ressemble ni à Berio, ni à Boulez ...

Pour l'image

C'est une pièce pour ensemble, où la fusion entre les instruments est telle qu'on pense à de l'électronique. Mais non! Tout est naturel ! Magnifique pâte sonore, où brillent les cordes graves puis les vents, et d'où se détachent des lignes de plus en plus distinctes (à la flûte, hautbois, clarinette, saxophone, liste gentiment le livret ; mais le violon aussi devient de plus en plus distinctif). La trame devient comme de plus en plus transparente, comme une guirlande rythmique élancée. Dommage qu'un signal sonore (un tutti aigu) soit trop présent vers la fin, agaçant sans qu'on en voit l'intérêt.

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