Marc Ducret Trio (Les Disquaires - 12 Avril 2008)
Première visite dans le nouveau repère du Laboratoire de la création, après la fermeture de La Fontaine l'an dernier. Adieu le charme des miroirs et des boiseries, bonjour le béton brut tagué et les piliers encombrants. Voici un lieu où on n'entre pas juste pour passer un bout de temps, mais pour écouter de la musique. Dommage que les horaires aient la même imprécision que dans les clubs de Jazz ordinaires, 20h ici voulant dire 20h45, et la fin obligatoire à 22h15 pour cause de seconde partie électro, aboutit à ne bénéficier que d'un seul set (mais les prix particulièrement modiques et à la carte prennent cela en compte). Il y a une certaine vibration dans l'air, une attention particulière du public, qui fait rudement plaisir. Les musiciens de ce soir y sont surement aussi pour quelque-chose, qui ont attirés plus de monde que les habituels résidents, semblent dire les discussions alentour.
J'avais vu Marc Ducret dans un contexte plutôt expérimental, en partenariat avec Drouet. Ici, la formation "batterie-contrebasse-guitare électrique" tire plus vers l'énergie rock. De fait, l'énergie est bien là. Pulsée par le batteur Eric Echampard, aux étranges techniques, une base très rock, brutale et lourde, mais avec une complexité à la Stéphane Galland, rythmes presque tout le temps impairs, avec des décrochages, des chausse-trappes, des roulements acrobatiques, le tout avec une gestuelle très peu économe et donc fort peu orthodoxe. Le contrebassiste Bruno Chevillon possède de nombreuses cordes à son arc, complète parfois le mur rythmique avec une telle énergie qu'il semble y avoir deux batteurs sur scène, parfois juste donnant le tempo avec une obstination minimaliste, parfois usant de l'archet ou de baguettes piquées à son voisin, parfois enfin amplifiant électriquement son instrument à l'aide d'effets, pour des sonorités hybrides, entre grondements d'un océan et passage d'un train, sirène d'alarme et ambiance de scierie.
Mais l'essentiel du boulot revient au guitariste, Marc Ducret, sur une seule guitare, le plus souvent sauvage et furieux, cavalcades rageuses et saturées, mais qui sait aussi être soudain tendre, rêveur, son nu presque imperceptible.
Les morceaux sont longs (tous frôlent ou dépassent allègrement le quart d'heure), complexes, divisés en sections parfois très dissemblables, avec des ruptures de rythme étonnantes, de longs passages en solo ou duo, une organisation interne peu captable à première écoute. Ce pourrait être un seul et très long morceau, ou plein de courtes pièces enchainées, ça ferait pareil. Les musiciens parfois se livrent à des démonstrations de virtuosité un peu vaines, mais l'ensemble de la prestation, discours de Ducret inclus, dégage une puissance et des enjeux musicaux mais aussi politiques, une musique de résistance, contre les uniformisations et les scléroses banales.
Un CD "Live", vendu à la caisse, auto-produit, fabriqué à la main (chaque pochette est unique, un collage de dessin sur plaque de métal où le CD, sans aucune inscription, s'accroche par un tampon de caoutchouc), complète la démarche, et le bonheur de la soirée.
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