lundi 25 juin 2007

Pina Bausch - Vollmond (Théâtre de la Ville - 24 Juin 2007)

Entre les deux spectacles proposés cette année par le Tanztheater Wuppertal, il s'agissait de ne pas se tromper. Pour faire simple : radicale ou carte postale ? Ceux qui espèrent les mêmes frissons qu'il y a 25 ans sortent de Vollmond déçus, comme d'habitude. Mais ceux qui sont allés voir Bandonéon en y attendant leur Bausch annuel habituel, ont été suffisament décontenancés pour huer ! Daniel Conrod dans le dernier Télérama voit dans cette bronca inattendue le signe d'une guerre qui s'ouvrirait entre "l'artiste en majesté et le moi-je consommateur tyrannique", membre d'un "public de plus en plus éclaté, velléitaire, qui voudrait choisir, à l'intérieur d'une oeuvre d'art, ce qui lui convient, en retrancher ce qui lui échappe ou l'ennuie, accélérer le cours du programme." L'analyse me semble biaisée par la nature très singulière du lien entre les spectateurs du Théâtre de la Ville et la chorégraphe rhénane : les fidèles se sentent trahis quand leur chef de culte n'opère pas la cérémonie auxquels ils croyaient avoir droit.

Entre les deux, j'avais choisi (prendre les deux dans l'abonnement était interdit) la carte postale, et ce fut, comme d'habitude, magnifique par moments, superficiel à d'autres, redondant certes par rapport aux années précédentes, mais revigorant avant quelques mois de disette.

La partie théâtre était vraiment faible. Les femmes jouent, ordonnent, cherchent, paradent ; les hommes font des efforts ou font semblant, font parfois illusion et souvent un peu pitié. Mais les uns et les autres semblent peu concernés, passent, débitent quelques phrases, repartent en passant le relais aux suivants. La plus forte scène (une femme presse des citrons sur ses bras en disant "je me sens un peu amère ce soir" puis en vient à hurler "j'attends, j'attends, ..., et puis je pleure, je pleure, ..., et puis j'attends, j'attends") me semble forcée ; à tout prendre, je préfère les compétitions ludiques du début de la pièce, deux hommes esquivant des lancers de cailloux, ou deux femmes essayant diverses manières de s'asseoir. La plus forte présence est celle de Dominique Mercy, ange blond vieillissant, toujours un peu ailleurs, flottant, ou titubant, poids de souvenirs et de sensations.

La danse est plus que jamais concentrée sur les solos. Les mouvements de groupe sont d'autant précieux, parfois en duos superposés, l'un tout devant l'autre tout au fond, et l'espace du plateau qui vibre entre les deux, parfois en figures plus complexes, deux ou trois femmes dansant, et les hommes les encerclant qui sautent sur des bâtons, il y a même un moment de danse synchrone par toute la troupe, mais ça dure peu et c'en est basique à un point quasi parodique.
Des solos, donc, en ondulations, en flexions et extensions de tout le corps, en glissements et roulés au sol, où chaque interprète immisce ses propres techniques, émotions, énergies, envies particulières. Le langage chorégraphique est toujours aussi riche et généreux, mais ne change guère d'une année à l'autre. La "technique Bausch" est un peu trop au point ; elle en finit par se glacer, le rythme annuel de création, la structure toujours identique des spectacles, le travail toujours un peu semblable des interprètes, conduit à une sensation de déjà-vu, de gratuité dans le propos, d'absence de prise de risque. Qu'avaient-ils à dire cette année qu'ils n'aient pas dit dans les 10 dernières années de création ?

L'attrait principal cette année aura été le décor, et l'eau. Pina Bausch aime l'eau, et sait la mettre en valeur. Sa dernière apparition sur scène était devant un aquarium géant. Les plus beaux moments de Néfés était déjà aquatiques. Sa troupe souvent se déshabille pour prendre des bains collectifs. Cette année, l'eau courra sur scène sous la forme d'une rivière que surplombe un gros rocher, et dégringolera sous forme d'averse, de rideau de pluie, de mousson, tendre ou torrentielle, force de la nature, symbole de la vie inexorable, ni triste ni joyeuse, élément là et puis c'est tout. La première partie s'achève sur une chaise abandonnée sous une pluie battante comme une grosse mousson. La seconde partie se lance dans une exploitation tous azimuts de l'eau : seaux d'eau lancés sur le rocher où elle se brise en éclaboussures spectaculaires, arrosages ludiques les uns des autres comme des enfants qui ont chaud, trempage des tenues qui deviennent plus sensuelles, lavage des cheveux, etc. Ronde folle d'énergie, exubérante, mais qui s'achève de nouveau par des solos successifs ou simultanés, comme s'ils ne savaient plus danser ensemble autrement que juste côte à côte.

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