dimanche 19 novembre 2006

SWR par Cambreling (Salle Pleyel - 18 Novembre 2006)

En entame, Philippe Albéra, musicologue de son état, tient dans le foyer une petite conférence présentation des oeuvres du concert, où passent le rapport à la tradition, la fin d'un langage musical commun, la constitution des orchestres modernes et contemporains, l'exploration du son pour lui-même ou comme point de départ de l'élaboration d'une oeuvre, l'expression pas toujours évidente à détecter au sein des contraintes formelles, et sur ce les sirènes retentissent qu'il est temps de prendre place. Comme pour Dusapin, le non-remplissage de la salle, malgré la fermeture de certains espaces comme l'arrière-scène, permet dans une certaine mesure de choisir sa place. Je me retrouverai du coup au même rang que Pascal et Artefact (Zvezdo préférant prendre de la hauteur ?).

Olivier Messiaen - Chronochromie

Voilà une première oeuvre qui sonne bien différement en concert que sur disque ! La complexité théorique des combinatoires s'efface devant la beauté sonore des claviers et percussions vibrantes, et la monumentalité de séquences d'accord jouées à plein orchestre, et qui doivent donner les fameuses couleurs (Messiaen donnait des couleurs fort précises et merveilleusement poétiques à certains accords et certaines gammes, comme cet exemple cité par le livret : "chrysoprase, vert bleuté mat - sardonyx noir, blanc et brun rougeâtre - avec du jaune pâle"). Comme souvent chez Messiaen, les pages sont jouées presque de manière indépendantes, séparées par des silences, sans que la structure qui les lierait en un tout ne soit clairement visible ni indispensable à notre plaisir.
Les cordes, quelque peu dissipées, démarrant parfois avec un peu d'avance, se reprennent heureusement pour l'épode, qui commence dans un déploiement rapidement progressif extraordinaire, comme un feu qui part d'un violon seul et se communique rapidement à toutes les cordes, par contagion.

Brian Ferneyhough - Plötzlichkeit

La structure en pages successives liées par des principes théoriques obscures de la Chronochromie permettait de bien se préparer à ce gros morceau. Comment ce compositeur surtout connu pour des musiques solistes, destinées à des techniciens surdoués, ou à de petits ensembles, allait-il traiter un grand orchestre ? Il renonce à des jeux trop experts, chaque pupitre reçoit une partition à peu prés "normale" (pour de la musique contemporaine d'avant-garde, quand même ; mais on n'est pas chez Lachenmann, et la majeure partie des sons émis sont des notes tout à fait habituelles !). Mais il place quand même dans l'orchestre quelques instruments au diapason différent (dixit Albera, car le livret n'en mentionne rien - edit: ah si, dans le texte si limpide du compositeur, il parle d'une harpe désaccordée d'un quart de ton), et trois femmes, qui sont utilisées comme des instruments vocaux, émettant des sons et non des paroles (et c'est très beau comme ça !). L'impression générale est une suite de courts moments musicaux, interrompus par des revirements soudains, des ruptures parfois brutales et des retours d'éléments déjà entendus, au sein d'un système de contraintes, comme clos, qu'on explore en passant d'un bloc à un autre par de grands sauts. Tout en préservant une sensation de flux, parfois chaotique, toujours prenant. Il y a des moments beaux dès la première écoute (fanfare de cuivres, dialogues cordes et percus ...), et d'autres qui me donnent envie de ré-écouter. De manière générale, Ferneyhough bien souvent me fascine, et cette musique, bien plus assimilable que par exemple les "Carceri d'invenzione", ne fera pas exception.

Claude Debussy - Cinq Préludes orchestrés par Hans Zender

C'est l'oeuvre inutile de la soirée, ils auraient pu mettre du Stravinski à la place... La transposition triviale ou maladroite de Zender alourdit les préludes rapides, affadit les lents, et les rend tous sirupeux ou prosaïques. Seul "Voiles" garde quelque charme.

Edgard Varèse - Arcana

Comme Chronochromie, le concert transforme cette oeuvre, qui devient un incroyable magma de sons et de rythmes, qui jaillit en torrents d'incandescences, comme des vagues successives d'énergies telluriques, des tournoiements en dérive sous de froides étoiles, avec des morceaux du "Sacre" broyés dedans comme des épices explosives, des marches militaires acides, des piétinements orchestraux furieux, du primitif et des éclats du futur, malaxés par un orchestre du SWR (edit : SWR de Baden-Baden et Freiburg ; ne pas confondre avec l'orchestre voisin de Stuttgart !) qui se donne à fond comme il faut, dirigés par un Sylvain Cambreling dansant comme un boxeur et pointant des doigts comme une abeille.

Radios

Du Messiaen, mais plutôt que la Chronochromie, une pièce plus courte, sur le même CD, et avec des percus sonorement semblables, "La Ville d'en Haut". Et du Varèse, mais plutôt que Arcana, qui ne donne pas forcément grand-chose en compression radioblog, une oeuvre à l'effectif plus modeste, "Intégrales".

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Cette fois-ci, ce sera à moi de me plaindre de n'avoir trouvé personne à la sortie, malgré la forte présence blogosphérique...

Dommage.