Terry Riley - Nuit indienne (Cité de la Musique - 11 Février 2006)
Terry Riley - In C
Je n'aime pas la musique minimaliste. John Adams est insupportable, Steve Reich est très surfait, le peu que je connais de Philip Glass m'ennuie profondément. C'est dire si je n'attendais pas grand-chose de cette partie du concert !"In C", c'est quoi ? Une partition minimale : 53 bouts de phrase en Do majeur, qu'il faut interpréter dans l'ordre, par un nombre quelconque de musiciens, en répétant autant que chacun veut chaque section. Une oeuvre tout ce qu'il y a d'ouverte, qui peut donner des résultats fort différents. Ce soir, c'est l'ensemble Ictus qui s'y colle, suite au récent enregistrement sur disque. Les musiciens indiquent :
C’est donc une sorte de "Ligeti-Remix" d’In C que nous avons recherché, en renonçant à la candide clarté californienne au profit d’une texture quasi-symphonique plus chargée dramatiquement, et riche en effets instrumentaux.
Ca donne quoi ? D'abord, une pulsation, tempo imperturbé, obstination obsessionnelle, rythme à un temps, au-dessus de laquelle se succèdent diverses textures en mille-feuilles, réveuses ou trépidantes, fougueuses ou fluctuantes. Sur scène, il y a 17 musiciens Ictus (dont certains passent d'un instrument à un autre, les percussions sont ainsi très partagées), et Terry Riley himself, au clavier et par moment à la voix. Cela fait 18, ce qui, avec la forte présence des vibraphones/xylophones/marimbas (pas bien vu), évoque irrésistiblement Steve Reich.
D'un bout à l'autre des 75 minutes, l'émotion, la tension, la force et l'élan, sont conservées, à travers les paysages et les courses.
"In C", c'est un substrat nourricier, duquel toutes sortes d'organismes peuvent surgir ; forcez la basse et vous obtenez de la techno ; ajoutez des ornements et c'est du jazz expérimental ; travaillez par l'écriture tous les déphasages et les passages d'un climat à un autre, et c'est un prototype de musique spectrale. L'interpétation Ictus est en cela remarquable qu'elle incorpore Reich, Ligeti, des aspects technos, qui se sont nourris de cette musique, et qui en relève les potentialités utilisées, et en révèle de nouvelles.
Schoenberg disait "Il reste encore beaucoup de bonnes musiques à écrire en do majeur". Il reste beaucoup de musique à extraire de "In C".
Chants d'extase du désert du Thar
C'est de la musique du Rajasthan, Inde du Nord, composée au XVIème siècle. Un drone au tandurah, une pulsion (parfois maintenue bancale !) au manjira, une percussion qui reste sobre, et des voix, dans un schéma couplets refrains, presque sans ornement. De la musique minimale, là encore, dans son expression originelle. C'est quand même rapidement lassant ; la seule ornementation qu'ils s'autorisent est un doublement du tempo au milieu de certaines chansons.Musique aux bols de porcelaine
Voilà du plus spectaculaire ! Ganesan Anayampatti Subbier est un des rares joueurs de jalatharangam encore vivant. Il commence par remplir ses 18 bols de porcelaine d'eau, puis les frappe avec diverses baguettes, pour un son cristallin ou percussif. Sa virtuosité extraordinaire est démontrée dans des joutes typiques de la musique carnatique, en défi et réponse avec le violoniste Venkatasubramanian Anayampatti Ganesan (même famille ?). Ils sont accompagnés de deux percussionnistes, et d'un joueur de guimbarde (morsing), qui auront eux aussi droit à leur quart d'heure d'improvisation. Comme les bols se désaccordent avec les éclaboussures, les ragas sont assez courts, séparés par des réaccordages assez "truite de Schubert à la Raymond Devos". Concert très agréable, donc !Après quoi, direction dodo, je zappe le "chant dévotionnel carnatique", qui aurait fait louper le dernier métro.
Mise à jour : Dans le Pot-Pourri, j'ai mis le morceau de Ligeti où il se cite en compagnie de Reich et Riley (et Chopin), puis un extrait de la "Musique pour 18 musiciens" de Reich, et un morceau de techno lointainement semblable aux effets produits par "In C" (un héritage par dérivations successives) ; ensuite, du Riley, issu d'un disque très étrange, "Atlantis Nath", où se croisent entre autres des influences indiennes, des vocaux mystiques, et des bidouillages électroniques - en l'occurence, une des reprises les plus bizarres du thème "Caravan", qui en a vu pourtant bien d'autres ; enfin, pour la partie indienne, du Nusrat Fateh Ali Khan, qui est qawwal et pakistanais, mais ça ressemble quand même assez aux chants d'extase du désert du Thar, les ornementations virtuoses en plus ; et un duo sarangi / tabla.
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