Alain Platel - vsprs (Théâtre de la Ville - 19 Février 2006)
Musique passionnante, danse virtuose, propos obscur.
Ne rien lire en avance d'un programme, permet parfois de jolies surprises. Par exemple celle de retrouver sur scène Aka Moon (youpi !), au milieu de l'ensemble baroque Oltremontano, accompagnés d'une soprano et de deux musiciens manouches. Le titre signifie "vêpres", en l'occurence celles de Monteverdi, pour la Vierge ; Fabrizio Cassol les a légèrement revues, en dosages variés, parfois laissées pures, ou aux rythmes juste soulignés par Stéphane Galland, parfois gardées à l'état de vague écho dans des périodes de jazz puissant et roboratif. Ces différents éléments, musique monteverdienne, jazz m-base, violon manouche, se coulent dans un creuset en produisant bien des étincelles, pour un alliage incertain, malléable, parfois splendide, parfois intriguant, passionnant presque tout du long. Ils sont sur scène, donc, une petite estrade au bas d'un iceberg fait de lambeaux de vêtements blancs. Ils s'avancent parfois, Galland pour un numéro de claquette, Michel Hatzigeorgiou pour un air de bouzouki, la cantatrice pour danser à son tour. A la fin ne restera que le violoniste, en une note tenue jusqu'à la douleur.
Pour équilibrer les 10 musiciens, 10 danseurs et danseuses. Un homme seul, au départ, qui se déplace comme en accéléré, se déshabille à moitié, en gestes affolés ; la salle rit, est-ce nécessaire. Une ex-acrobate contorsionniste naîtra difficilement d'un sac de jute, sur un pied, sur une main, puis tentera d'escalader l'iceberg, chutant et reprenant, telle Sisyphe. Il y aura des imprécations de noms de super-héros, des chants très doux venant des danseurs montés se perdre parmi les spectateurs, de l'humour, de la tendresse, de la sensualité, bref l'ordinaire. Mais surtout, beaucoup de tremblements, hystériques, incontrôlés, des corps dépossédés, aliénés, détraqués. Contraints ou exacerbés. Les performances sont admirables, les solos dévastateurs, les séances d'ensemble quelque peu éprouvantes.
Mais tout ça pour quoi ? On ne convoque pas de telles images et de telles puissances sur scène juste pour faire spectacle. Transe et extase (bon moment, juste après le cycle de la Cité !), folie, religion, sexualité, tant d'éléments en présence, mais pour quel discours ? J'y suis resté sourd. Car la musique de Monteverdi, "une des oeuvres de dévotion les plus abouties" dixit Platel, doit avoir son mot à dire par rapport à l'état de ces corps que l'âme ne commande plus ; mais déclencheur, ou inhibiteur ? Musique aliénante, ou calmante ? Même cela n'est pas dit, et le spectacle finit par tourner en rond. Dans le final presque silencieux, quelques corps enfin apaisés en trimbalent d'autres, morts. Une écriture trop ouverte, ou trop faible, et qui finit par être illisible.
Point de vue plus synthétique (et jolie citation de Stravinsky) sur Panopticon.
Mise à jour : Vous ne pouviez y échapper, j'ai ajouté du Aka Moon dans le Pot-Pourri... Un extrait de "Invisible Moon", où le violon n'est pas manouche, mais carnatique, et multiplié par 3 ; bel album, remplies de collaborations variées, guitare de David Gilmore, voix de David Linx, piano préparé de Benoît Delbecq... Puis un extrait du peut-être un peu trop ambitieux "Invisible Mother", en compagnie de l'Ensemble Ictus (les parties purement "musique contemporaine" fonctionnent moyen moyen, mais les parties jazz sont excellentes).
Mise à jour (bis) : JD commente cette pièce et en illumine le propos.
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