Richard Wagner - Götterdämmerung (Théâtre du Châtelet - 12 Février 2006)
Dernière étape ... Heureusement, car placé de plus en plus haut, dans des places de plus en plus étroites, pour des spectacles de plus en plus longs, la suite eut été pénible !
Prologue des Nornes : superbes costumes, mais les voix se marient mal. Rapidement, retour au rocher de Brünnhilde. Et là, surprise ! Passer une nuit avec cette guerrière, ça vous change un homme : vous vous endormez Jon Fredric West, vous vous réveillez Nikolai Schukoff ! Faut dire, la nuit fut sans doute agitée, ils ont fait table rase, totalement détruit toute trace de décor ! Enfin, il part, à cheval, sur le Rhin (un hippocampe, peut-être). Jolie idée de mise en scène, pour tous les changements de scène où les héros se déplacent : deux toiles tendues descendent en avant-plan former un couloir, ici éclairé par un beau néon vertical.
J'ai toujours du mal, avec les Gibichungen, cette dégradation du mythe divin en intrigue bourgeoise. Notons la lance déjà sanguinolente de Hagen, au masque impressionnant. La musique du retour vers le rocher fait-elle parallèle avec le Rheinfahrt ? Mais sur un mode musique de chambre, remplie d'ombres, trouée de presque silence ; plus rien de triomphant, ni de prometteur, dans ce voyage.
Pendant ce temps, Brünnhilde reçoit la visite de sa soeur (après plusieurs minutes pendant lesquelles sonne de plus en plus véhément l'air des Walkyries, son "Altgewohntes Geräusch raunt meinem Ohr die Ferne / un bruit anciennement familier résonne à mon oreille venant du lointain" est presque comique !) ; retour de Mihoko Fujimura, qui démontre qu'on peut chuchoter pendant le Ring ... Etrange parallèle encore : Alberich avait renoncé à l'amour pour l'or et l'anneau ; Brünnhilde refuse de se séparer de l'anneau car ce serait renoncer à l'amour ...
L'acte 2 s'emplit de suspense : comment Wilson va-t-il se débrouiller avec le choeur ? En fait, il le congédie dès que possible, tous ses gens encombrent son décor. Le "Schläfst du Hagen mein Sohn" m'impressionne moins que je ne l'espérais ; mais Kurt Rydl ameute le peuple avec une énergie impeccable. La dimension "sociologique" manque, pour ce gigantesque procès manipulé par Hagen, où Siegfried doit être condamné à mort, pris en pantin par des forces qui dépassent de loin sa compréhension des événements.
En introduction de l'acte 3, retour des filles du Rhin, très gracieuses au milieu de la brume aquatique. Elles taquinent et flattent Siegfried, qui accepte de leur rendre l'anneau ; mais idiotie de leur part ? incompréhension dramatique ? refus de perturber le destin qui leur promet l'anneau au milieu de morts pour le soir même ? elles en rajoutent une couche, en menaces et intimidations, qui le rebutent totalement. De même que Brünnhilde devant Waltraute, Siegfried refuse de donner l'anneau par refus de s'impliquer dans la marche du monde ; ils ne veulent pas se sentir concernés par tous ces drames.
Plus que la marche funèbre, je découvre avec stupeur le récit de Siegfried, qui résume tout l'opéra précédent en 10 minutes, avec un feu roulant de thèmes en-dessous ; et sa mort, en écho exact du réveil de Brünnhilde. Comment la même musique pouvait-elle être si lumineuse, et maintenant si lugubre ? Une fois le héros tombé, l'orchestre se déchaîne à plaisir ; pour occuper l'espace, un nouveau couloir, où le mort va et vient, peu convaincant.
Par contre, le même couloir, baigné d'un bleu profond magnifique, enclôt Gutrune dans une solitude pathétique. L'aurait-t-elle vraiment aimé ? Le décor final est splendide, deux places pour gisants, un balancier prêt à flamber, trois fois rien, mais une ambiance parfaite. Le geste de Siegfried pour stopper Hagen est plus que discret, et le départ de ce dernier avec les filles du Rhin bien trop pacifique pour que les néophytes comprennent ce qui est supposé se passer. Mais la scène finale est magnifique, avec la brume qui envahit le plateau, d'où monte un bac transparent rempli de flamme (de courte durée ; Wilson n'aime pas les flamboiements trop marqués) ; un ultime jeu de lumière crée un rayon d'espoir (?).
Et puis voilà. Rendez-vous dans ... ? Au Met, saison 2010-2011, mis en scène par Robert Lepage ?
Points de vues complémentaires : ici ici ici ici ici.
Mise à jour :Quelques extraits dans le Pot-Pourri : le voyage sur le Rhin, la visite de Waltraute, le demi-sommeil de Hagen et son appel au peuple, le récit de Siegfried (qui apprendra à ne pas faire de résumé trop exhaustif des épisodes précédents), et le grand final.
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