Le Livre du Graal : écho d'un combat
Ceux qui reçurent la loi de Jésus-Christ furent très nombreux. Quant à ceux qui se refusaient au baptème, à leur départ ils tombaient morts sur le seuil de la porte ; certains parmi eux perdaient la raison ; d'autres se courbaient sans savoir, bien sûr, d'où cela venait. Il y avait tant de morts et d'estropiés que le bruit en parvint jusqu'à Josephé tandis qu'il baptisait le peuple mécréant. Quand il en eut vent, il accourut à cet endroit, pour voir le diable sur les dépouilles des morts, le diable en personne qu'il avait laissé partir. Ce spectacle consterna Josephé. Le diable se mit à le héler : "Regarde donc, Josephé, comment je fais justice des ennemis de ton Dieu !" Josephé lui demanda au nom de qui il faisait ce prodige et qui le lui avait commandé. Le diable lui dit qu'il agissait sur l'ordre de Jésus-Christ. Josephé répliqua : "Pour sûr, esclave, je ne vous l'avais pas commandé !" Il lui dit de venir ; devant son refus, il courut vers lui dans l'intention de le ligoter. Pendant cette course, il remarqua devant lui un ange au visage tout aussi ardent que la foudre. Josephé, stupéfait, se demanda, plein de perpléxité, ce que cela pouvait signifier. Pendant qu'il réfléchissait, l'ange le dépassa et d'une lance lui transperça la cuisse jusqu'à l'os. Laissant la lance et s'abstenant de la retirer, il dit : "Tu t'en souviendras : tu as cessé de baptiser les gens pour délivrer les contempteurs de ma loi ; tu garderas cette marque jusqu'à la fin de tes jours."
L'ange ôta la lance de la cuisse de Josephé. Et si le fer néanmoins y resta, il ne lui fit absolument aucun mal. Mais alors Josephé se rendit bien compte que l'ange avait dit vrai ; depuis lors il ne fut pas un jour, jusqu'à la fin de sa vie, qu'il ne boitât. Jamais non plus, depuis lors, la plaie ne cessa de saigner tant que le fer fut dedans. D'ailleurs il devait encore le payer plus cher en un autre lieu, comme l'ange le lui avait dit - ce qu'exposera le conte plus loin en temps et en heure. Mais ici même le conte se tait à propos de Josephé et de la lance. Il n'en reparlera que le moment venu. Auparavant, le conte va nous exposer comment il fut rempli d'épouvante pour sa plaie, à cause de son Seigneur et des gens qui ne manquèrent pas de l'apprendre.Joseph d'Arimathie, §150-151
Fréquenter les anges rend boiteux (et autres leçons cruelles).
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