Simon McBurney - Shun-kin (Théâtre de la Ville - 20 Novembre 2010)
De Simon McBurney et de sa troupe Complicité, j'avais déjà vu il y a quelques années The Elephant Vanishes, autour de nouvelles de Murakami. Cette fois, c'est une nouvelle de Tanizaki qui sert de matériel.
L'histoire est simple : la relation sado-masochiste entre une joueuse de Shamisen aveugle et son serviteur plus âgé de quelques années, lui la vénérant, elle le battant et l'humiliant à tous prétextes. Lorsqu'une nouvelle attaque criminelle la laisse défigurée, il se crève les yeux pour l'assurer ne jamais regarder son visage ravagé.
Simon McBurney aime les mises en scène spectaculaires. Ici, sur un plateau rempli d'ombres, il crée les lieux à l'aide de quelques planches et manches de bois, qui en constantes reconfigurations évoquent des portes, des arbres, des jardins. Des projections aident à l'envol des alouettes. Les diverses formes classiques de l'art théâtral japonais sont convoquées, du bunraku pour la marionnette figurant Shun-Kin enfant, du kabuki dans certaines modulations vocalisées, etc. Un joueur de Shamisen joue en arrière-plan. Certains moments sont absolument magiques, comme le passage de Shun-kin à l'age adulte, où simplement l'une des marionnettistes, dans une scène de colère contre son amant-serviteur Sasuke, se lève soudain, jette la poupée au loin, et voilà, c'est elle maintenant qu'il habille d'un magnifique kimono, et qui devient Shun-kin.
Simon McBurney entoure ce récit cruel et profond d'autres points de vue qui l'enrichissent. L'auteur Tanizaki est là, qui écrit ce texte après une blessure amoureuse et suit de près l'évolution de ses personnages ; Sasuke vieux les regarde aussi, attendri par l'évocation de cet amour qui aura été toute sa vie ; une actrice radio, invitée à réciter le texte pour la NHK, fournit la voix-off, ainsi que des pauses plus comiques, et un écho actuel à cette histoire, en téléphonant à son amant, qu'on comprend plus jeune qu'elle.
Le sous-titrage est excellent, doublé au-dessus de la scène et à hauteur du sol. Certaines particularités du spectacle ne sont clairement accessibles qu'au plus japonisants du public, comme cet affichage du texte à certains moments pour permettre de goûter aux subtilités des niveaux de langage utilisés. Ca tombe bien, il y a beaucoup d'asiatiques dans l'assistance !
Le seul bémol à ce spectacle magnifique est dans le choix de Yoshi Oida pour jouer le rôle de Sasuke vieux, qui est si emblématique de Peter Brook, que je ne peux m'empêcher d'essayer d'imaginer ce que lui aurait fait de cette pièce. Cela aurait sans doute été moins spectaculaire, mais peut-être encore plus profond ...
Ailleurs : Allégro Théâtre, Rue du Théâtre, Armelle Héliot, Palpatine ...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire