The Elephant Vanishes (MC 93 Bobigny - 5 Octobre 2004)
D'abord, un mot sur le restaurant de la MC93, et son service spectaculairement inefficace. Assis à 19h30, servi (raviolis, basiques mais à prix correct) à 19h50, fini à 20h05, et à 20h20 toujours personne pour encaisser, alors qu'une bonne vingtaine de personnes attend de pouvoir s'installer à son tour. Le manque de personnel a créé le Slow-food...
Mais on est là pour du théâtre. Alors que les gens finissent de s'installer dans la grande salle, sans âme mais confortable, une femme entre en scène, s'excuse du retard que va prendre le spectacle, à cause d'un problème de compatibilité entre les projecteurs japonais et le système électrique français, puis dérive sur la consommation en lumière de Tokyo la nuit, sur la vitesse de la lumière (Tokyo-Paris en deux battements d'aile d'oiseau-mouche, "amazing" ; "étonnant" traduit avec retard une interprète peu utile), l'irreversibilité du temps (expérience à l'appui : on ne peut inverser le mélange eau-encre), et sujets annexes... Prélude décalé, vif, drolatique, très réussi.
Puis la pièce commence vraiment. Etrange pièce ! Basée sur trois nouvelles de Haruki Murakami, jouée en japonais (surtitré), mise en scène par Simon McBurney, et produite par l'équipe Complicité, elle déconcerte, étonne, peut rebuter certains par une certaine superficialité, et ses maniérismes de mise en scène, ou au contraire fasciner par la magie des transformations du plateau, et par l'originalité des thèmes abordés.
De quoi s'agit-il ? D'un éléphant, mascotte d'un quartier de banlieue, qui a disparu soudain, au grand désarroi d'un vendeur d'électroménager qui lui rendait visite chaque semaine ; d'un couple qui, pour se défaire du mauvais sort acquis par le mari lors du cambriolage raté d'une boulangerie, décide d'attaquer un McDo ; d'une femme qui n'ayant plus sommeil passe 17 nuits à revoir sa vie et s'aperçoit qu'elle en déteste l'essentiel.
Des ruptures, et de leurs conséquences. Comment réagir quand la vie déraille, quand des béances se font jour ? Y résister ou s'y engouffrer ? En profiter pour devenir autre, malgré le danger de ne plus savoir qui on sera ?
La mise en scène de Simon McBurney (aidée par la scénographie de Michael Levine) est extraordinaire. A l'aide de quelques éléments de mobilier, et de beaucoup de vidéos, il crée des moments magiques, évoquant le rythme de la ville, ou plutôt cette juxtaposition de rythmes disjoints et simultanés ; invoquant des souvenirs, comme ce boulanger qui vient pétrir un oreiller ; invitant par une télé montrant son oeil et poussant son cri, un éléphant à traverser d'une énigmatique mais forte présence la scène de part en part ; créant pour la femme insomniaques des doubles inquiétants, des clones en pyjama qui transforment sa veille en long cauchemar peut-être pas si éveillé que ça.
"Le plus important pour une kitchen, c'est l'unité", répète à loisir le vendeur admirateur de l'éléphant, déboussolé par sa disparition. C'est ce qu'il y a sans doute de plus dur de trouver dans ce spectacle. En combinant ces trois nouvelles, il propose un univers, sans doute celui de Murakami, où transparaissent des thèmes communs, mais sans plus. L'invention de la mise en scène, le talent des comédiens, l'humour présent dans les situations et dans les dialogues, la complicité qui se crée malgré tout entre ces personnages peu normaux et nous, font de ce spectacle incongru une excellente soirée, divertissante et enrichissante.
Si des lecteurs peuvent me conseiller certains livres de Murakami, je suis intéressé.
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