Gérard Pesson - Pastorale (Théâtre du Châtelet - 20 Juin 2009)
La musique de Gérard Pesson demande un peu d'acclimatation, je suppose. Après un premier rejet, puis un CD, un autre concert plus enthousiaste, et un autre et récent CD (mais quand Aeon mettra-t-il enfin son site Web à jour ?!), je suis désormais bien plus à même d'apprécier cette esthétique, fondée sur des modèles classiques plus ou moins profondément concassés à la mode bruitiste, puis apurés et décantés à la sauce minimaliste, comme du Ravel traduit par Lachenmann puis transcris par Webern, mais tout en gardant "l'esprit français" ...
Cette fois-ci donc, c'est un opéra, basé sur une idée assez amusante : et si l'émission de télé-réalité "L'Ile de la Tentation", c'était une transposition des épreuves d'Astrée et Célidon du roman d'Honoré d'Urfé ?
Comme je n'ai même pas vu le film de Rohmer, l'histoire mouvementée de ces amants m'est tout à fait inconnue ; mais ce n'est pas bien grave pour suivre l'action.
La musique est donc aussi ténue que d'habitude chez "Gérard Peu-d'sons", mais du coup légère et souple à loisir, le plus souvent aérienne et scintillante, fraiche, inventive, pleine de surprises, au niveau des instruments (tuyaux harmoniques, harmonica, cornemuse ...), ou des effets (les oiseaux, les machines ; souvent ils ne sont qu'indiqués, et non pleinement joués, toujours ce refus du trop démonstratif ou du trop marqué, Pesson préfère ne donner qu'un indice de ce qu'il veut faire entendre, au lieu de réellement le faire entendre ...).
Les chants sont par contre beaucoup plus présents et intelligibles que dans nombre d'opéras modernes. Non seulement ils échappent au traitement de soustraction qui frappe l'orchestre, mais viennent s'y rajouter deux chanteuses non lyriques, Hoda Sanz et Raphaëlle Dess, qui ont même à leur actif de petits passages très "comédie musicale", avec chanson tonale, et mise en scène adaptée.
Ces demoiselles empruntées à la Star'Ac et à la Nouvelle Star permettent le rapprochement entre le roman courtois initiatique et l'univers de la télé-réalité la plus prosaïque. Ce rapprochement se fait aussi par les interventions de la troupe de danse dirigée par Kamel Ouali. Comme je suis beaucoup plus Nouvelle Star que Star Académy, je ne le connaissais pas du tout. La vivacité de sa troupe, les mouvements issus du Hip-Hop et des sports de combat, liés aux vidéos omniprésentes, m'ont beaucoup fait penser à Montalva / Hervieu qui procédaient au même genre de mélange, mais avec plus d'inventivité et de folie, et il y a plus de 10 ans, dans Paradis ... Cependant, cela met beaucoup d'animation et de joie sur le plateau !
Et de la vidéo, il y en a ! Fabriqués en direct in-situ sur la scène avec des aquariums, de petits panneaux peints, des maquettes et des marionnettes, les bricolages de Pierrick Sorin sont diffusés sur des écrans de diverses tailles, et forment l'essentiel des décors. C'est généralement très joli, surtout toutes les évocations pastorales, prairies, forêts, saisons, et souvent légèrement décalé et drôle. Comme d'habitude avec ce vidéaste ici également transformé en metteur en scène, il est difficile de prendre tout ça vraiment au sérieux.
Ce qui convient parfaitement au spectacle dans son ensemble, qui dès le projet initial, est assez loufoque, ou alors profondément cynique (une dénonciation second degré du "tout vaut tout dans la culture", puisqu'ici sont mis sur le même plateau artistes lyriques et seconds rôles de radio-crochets, le "roman des romans" et la télé-réalité la plus sordide et la plus fausse, etc.). Mais le résultat en tous cas me plait beaucoup, je reste à peu près attentif tout du long, et je passe une excellente soirée !
Ailleurs : Zvezdo, Palpatine, Papageno, Corley.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire