Julien Copeaux - Dans les pierres
Ce duo alto-violoncelle peut être écouté comme un seul instrument à 8 cordes, explique le livret. De fait, les attaques, effets, silences, y sont le plus souvent parfaitement synchrones (Strauch - Desjardins : une longue habitude leur permet d'être prodigieusement bien calés, aidés de quelques gestes et frappes du pied). Les sonorités agressives au début deviennent peu à peu rêveuses. Il y a peut-être dans cette oeuvre un univers musical inédit en gestation, mais la mort prématurée du compositeur, en 2003, à 31 ans, ne permettra pas d'en profiter.
Gérard Pesson - Fureur contre informe
Depuis
ma découverte peu enthousiaste de ce compositeur, j'ai acheté le disque
aeon, qui m'a permis d'apprécier un peu plus son langage musical. Inspiré par des bribes de poème que Mallarmé écrivit à la mort de son fils Anatole, cette pièce pour trio à cordes est difficile d'accès, sons fuyants, mélodies presque imperceptibles, la surface de cette musique s'approche du silence ; et les traces survivantes évoquent toute une culture classique, par allusion. Musique infinitésimale, mais loin de toute anecdotique. Aux frontières du pays aride, ce qui correspond aussi au sujet, ce questionnement douloureux de pouvoir ou non, pour un artiste, faire oeuvre avec la mort d'un enfant.
Gustav Friedrichsohn - bis an das Ende
Pour cette pièce pour alto seul, ce jeune compositeur (né en 1976) d'origine lettone se lance gaillardement dans une course, une "fuite en avant" dit-il, pour accrocher l'auditeur le long des 16 minutes. De forts nombreux effets y passent, des positions de mains parfois acrobatiques, des mélodies au lyrisme extraverti, des pizzicati rythmiques en accélérando, tout ça n'est guère subtil, mais ne cherche pas à l'être. C'est écrit comme une pièce pour concours, flamboyante, variée, fonçant tête baissée pour ne surtout pas ennuyer l'auditeur. Et en ce sens, le projet est réussi.
Gérard Passon - Messe noire
Pesson étudie Scriabine depuis des années. Ici, il transpose pour quatuor à cordes la 9ème sonate de Scriabine. Une mauvaise nuit, où le dormeur passe de cauchemars en visions démoniaques. Belle écriture pour quatuor, où l'origine pianistique ne s'entend plus. Matière plus franche, parfois même rêche, que dans son trio. Atmosphère lugubre, titubante, hébétée, livide, avant un réveil qui n'apporte qu'à peine un peu de réconfort.
George Crumb - Black angels
Après un solo, un duo, un trio, et un quatuor, on passe au quatuor augmenté, par de l'électricité (mais l'amplification restera remarquablement discrète, à se demander si les haut-parleurs étaient bien en marche), et par des instruments divers (gongs, maracas, verres accordés ...). C'est cette oeuvre qui a poussé David Harrington à
fonder le Kronos Quartet. Ecrite pendant la guerre du Vietnam, elle explose en sonorités grinçantes, en chants de requiem, entre douleur et révolte, cri et apaisement. Enfin, en théorie. Ou alors le temps l'a bien assagie, ou alors l'interprétation EIC essaie trop d'en faire de la belle musique. Il y a bien de la violence, des surprises, des éclats, mais tout ça reste bien comme il faut, beaucoup plus propre et sage que ce à quoi je m'attendais. Trop "école américaine" à mon gout (pour vraiment dynamiter le langage musical, il faut le connaitre à fond ; s'imaginer faire oeuvre révolutionnaire en plaçant un accord bizarre dans une gamme de Do, ça me crispe ; pour une vraie musique de révolte et de douleur, je préfère Xenakis).
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